Poursuivre la réforme

Contribution au Congrès de Grenoble de novembre 2000,
présentée par Gwenegan Bui, Maxime Bono, Christophe Caresche, Michel Destot, Marc Dolez, Robert Gaïa, Catherine Genisson, Adeline Hazan, François Lamy et Jean-Pierre Sueur.


 
Socialistes en ce début de 21ème siècle, nous n'ignorons pas les contraintes d'une économie mondiale en pleine mutation, mais cela ne nous résout pas à accepter la fatalité d'un ordre nouveau qui soumettrait les consciences et les comportements.

Depuis trois ans, derrière Lionel JOSPIN, nous avons retrouvé le sens de la politique, c'est à dire la capacité à transformer la société à partir de valeurs communes.

Auparavant, l'usage du mot fatal s'est à ce point répandu dans le discours politique depuis une vingtaine d'années, qu'il paraissait légitime de penser que le politique était impuissant à ouvrir des perspectives de changement. Rien n'échappait plus à la sanction de la fatalité : le chômage, l'exclusion, le déficit de la sécurité sociale, les inégalités et les discriminations, l'absence de réformes de la société. Ainsi, dans un pays en panne, crispé et replié sur lui-même, la résignation avait fini par dominer les esprits. Il n'existait pas d'alternative : il fallait plier l'échine.

L'arrivée de la gauche au pouvoir a eu lieu en 1997 sur l'air d'un double défi. Il fallait convaincre à tout prix que nos engagements électoraux en faveur de la solidarité, de l'emploi et de la justice sociale n'étaient pas condamnés à être très vite remisés au rayon des promesses vaines. Il fallait cette fois ci que la gauche réussisse, car l'échec eût été irrémédiablement sanctionné par une nouvelle montée en puissance de l'extrême droite en France.

Trois ans après, les changements sont là, palpables par les français dans leur vie quotidienne. A cela, il y a une origine principale. Le retour du volontarisme en politique a permis une articulation étroite et originale de l'économique et du social. Jamais aucun de nos choix économiques n'a été déconnecté de ses conséquences sociales. Notre raisonnement est global : nous pensons qu'une société plus solidaire, qu'une société dans laquelle le progrès social est partagé par tous, est une société qui multiplie ses chances d'asseoir son développement sur une économie plus performante. Et c'est ainsi que confiance, croissance et emploi sont venues se combiner dans un cercle vertueux qui a profondément modifié le regard des français sur l'avenir. L'espoir, qui hier les avait abandonnés, est aujourd'hui partagé par la plupart de nos concitoyens.

Il faut poursuivre
la politique engagée
en faveur de l'emploi
et de la lutte contre l'exclusion.

Mais, ces changements ne nous font pas oublier la permanence d'une réalité plus sombre. Si cela va mieux pour la majorité, certains de nos concitoyens ont le sentiment légitime de ne pas bénéficier de l'embellie tandis que partout se dit et se clame que la France a retrouvé le chemin de la prospérité.

Chez ceux là l'impatience grandit. Elle grandit, car ils ont été les premières victimes de la crise et se trouvent reclus, pour certains depuis des années, dans des dispositifs d'assistance restés pour eux jusqu'ici sans issue. Ceux là veulent retrouver une place dans la société et rune dignité dont l'exclusion les prive. Ils sont souvent abîmés, usés et meurtris par tant d'années, relégués sur le bord du chemin et demandent aujourd'hui de bénéficier de leur part des fruits de la croissance.

S'y joue la reconnaissance d'un principe essentiel : l'accès effectif de tous aux droits fondamentaux. Cette tâche n'est pas terminée. Malgré tout le chemin parcouru, il reste encore à faire. Même si nous avons engagé les français, grâce à la réduction du temps de travail, à ne pas vivre seulement pour leur travail, celui ci reste un facteur incomparable de reconnaissance sociale et d'accomplissement personnel. Le plein emploi doit rester l'objectif prioritaire de notre action politique.

Nous devons continuer à lutter contre toutes les formes d'exclusion comme sur l'accès aux soins avec la mise en œuvre de la CMU, l'accès au logement, aux loisirs ou à la culture.

Nous avons engagé des réformes majeures de société, dans le domaine de la justice, en faveur de la parité ou en instaurant le PACS. Nous devons continuer à moderniser, tant nos institutions que le fonctionnement de notre société.

Mobilisés sur ces impératifs du présent, nous devons aussi nous consacrer à bien préparer l'avenir.

L'avenir c'est l'accès pour tous nos concitoyens et tout au long de leur vie à une formation de qualité.

L'éducation pour tous et l'égalité des chances doivent demeurer une priorité pour la gauche. Nous devons conjointement consolider les missions de l'éducation nationale et de la formation permanente dans un environnement en pleine mutation.

Le monde bouge à toute vitesse et l'école doit s'y adapter en respectant ses principes fondateurs, l'égalité républicaine, l'accès au savoir pour tous. S'adapter est vital pour l'école républicaine car sa mission est de former des femmes et des hommes en leur donnant les moyens de comprendre le monde de faire des choix, d'user de leur libre arbitre. Une école sanctuarisée, fermée au monde extérieur, serait gravement menacée. En effet, elle cesserait de former des individus au sens critique et au libre arbitre pour façonner l'esprit des élèves selon un modèle imperméable aux mutations et au mouvement du monde. Il s'agirait d'une rupture fondamentale avec le sens de sa mission dont l'issue la condamnerait à l'avance à l'échec.

Nous n'avons pas à craindre de l'école qu'elle s'ouvre à la cité, notamment en utilisant des pédagogies nouvelles, en préparant les jeunes à l'usage des nouvelles technologies et en leur offrant la polyvalence nécessaire à un parcours professionnel qui sera forcément jalonné de tournants. Même doué grâce à l'école, de cette capacité d'adaptation à un environnement économique et social en mouvement, il ne faut pas abandonner notre effort en faveur de la formation continue. En effet nous savons qu'une vie professionnelle est désormais rarement linéaire. Les salariés enchaîneront de plus en plus des activités et des métiers différents, pour lesquels ils auront un besoin permanent de se former. La formation permanente, c'est aussi la capacité de rebondir quand on perd un emploi. C'est enfin un enrichissement personnel qui doit permettre à chacun de progresser professionnellement. C'est ce défi de la formation permanente tout au long de la vie et de l'égalité continue de chances que la gauche doit relever.

Préparer l'avenir c'est aussi laisser aux générations futures des marges de manœuvre pour agir et régler maintenant les problèmes qui risquent de les pénaliser.

Nous devons poursuivre le désendettement de notre pays pour que les marges de manœuvre soient entières pour les générations futures comme nous devons investir dans les secteurs majeurs pour l'avenir : la recherche, les nouvelles technologies…

Préparer l'avenir de nos enfants, c'est assurer la pérennisation de notre système de retraite par répartition pierre angulaire de la solidarité entre les générations et ciment de notre cohésion sociale.

Les français vivent de plus en plus longtemps et c'est heureux, de plus en plus nombreux et de mieux en mieux. Cela entraîne des déficits importants pour les régimes de retraite à l'horizon de 2020.Nous devons agir sans précipitation et avec détermination.

Nous n'esquivons pas nos responsabilités. Et notre responsabilité, c'est justement d'assurer la pérennité d'un système de retraite garant de la justice sociale et auquel les français sont très attachés.

Une telle réforme prend du temps : le temps du diagnostic et du dialogue pour préparer les décisions. Un temps qui nous a permis de créer un fond de réserve destiné demain à compenser les éventuels déficits et donc à garantir la pérennité du système par répartition.

Ce temps consacré à mûrir nos choix n'est pas un temps perdu. Bien au contraire ! C'était un temps indispensable qui en a fait gagner à tous les français. En effet, en consolidant la répartition nous leur garantissons qu'ils n'auront pas demain à travailler plus dur et plus longtemps pour se constituer leur retraite.

Observons que ceux qui critiquent le temps consacré par le gouvernement à préparer l'avenir en consolidant notre système de retraite, sont ceux qui préparent la substitution à notre système par répartition d'un système par capitalisation.

Préparer l'avenir c'est maîtriser la mondialisation en nous appuyant sur une Europe plus sociale et plus démocratique, une Europe en fait plus politique.

Il faut redonner du sens à la construction européenne. L'idée européenne a perdu de sa force. On comparait hier les partisans de l'Europe à des bâtisseurs. Aujourd'hui l'opinion les compare de plus en plus à des gestionnaires tatillons. Quel recul ! Plus l'Europe avance plus les critiques assaillent ceux qui ont fait de la construction européenne une pierre angulaire de leur engagement politique. L'esprit de conquérants qui animaient les militants européens s'est progressivement effacé derrière la complexité de la machine communautaire.

Après demain, l'Europe comptera presque deux fois plus d'Etats membres. L'élargissement est une nécessité, et nous devons nous réjouir à l'idée que les nouvelles démocraties de l'Est nous rejoignent. Il faut élargir l'Europe et e même temps en consolider le cœur. N'avoir ni peur de nos voisins qui frappent à la porte de l'Europe et donc du progrès mais pas davantage peur d'aller plus loin à quelques-uns dans la construction d'un destin commun.

Il faut donc continuer à renforcer une Europe sociale que ne bloqueraient les tenants de l'ultra-libéralisme, une Europe de la Justice que n'entraveraient pas les crispations nationalistes, une Europe politique capable d'agir de façon indépendante sur la scène mondiale pour les droits de l'homme et la démocratie.

Nous avons déjà fait beaucoup pour que l'Europe aille davantage à la rencontre des citoyens. Nous devons faire encore plus, par exemple concernant la santé et la protection des consommateurs, la défense de l'environnement, la politique d'asile et d'immigration, l'espace judiciaire européen, l'adoption d'une charte européenne des droits fondamentaux. Nous devons aussi faire plus en matière de coopération avec le sud. L'ouverture à l'Est ne doit pas nous faire oublier les inégalités insupportables entre le Nord et le Sud et notamment entre l'Europe et l'Afrique avec laquelle nous entretenons des liens culturels, géographiques, économiques et humains très forts.

Il est indispensable que les citoyens comprennent mieux l'Europe, et c'est à nous, socialistes, d'être aujourd'hui plus que jamais porteurs d'un projet pour l'Europe qui renforce un modèle de développement fondé d'abord sur la justice sociale.

Au-delà, cette exigence de réforme pour préparer l'avenir est aussi une exigence de responsabilité. L'action politique ne peut pas se contenter de régler les difficultés du présent en fondant ses choix sur la satisfaction immédiate des aspirations des français. Nous devons en effet proposer une vision de l'avenir. Dans un monde en mutation, les besoins évoluent, on distingue de nouvelles aspirations. Mais ce mouvement est aussi accompagné de l'émergence de nouveaux risques, de nouvelles insécurités et de nouvelles inégalités.

Il faut ouvrir de nouveaux droits
et construire de nouvelles sécurités.

Parce que notre société va mieux, parce que le chômage et l'exclusion commencent à desserrer leur étreinte, de nouvelles demandes sociales s'affirment. Depuis trois ans, nous action a contribué à restaurer les conditions d'une " sécurité sociale ", au sens large du terme et d'une sécurité physique pour tous.

Tout en poursuivant cette action, il nous faut aussi désormais apporter de nouvelles sécurités et de nouvelles garanties aux Français : nos concitoyens ont envie de mieux concilier vie privée et vie professionnelle, de vivre dans un environnement préservé et un cadre de vie de qualité, d'avoir accès à une alimentation saine, de voir leurs droits de consommateurs ou de malades mieux respectés.

Le droit à la santé a notamment fait un pas considérable en avant avec la mise en œuvre de la CMU. Il a été renforcé par le retour à l'équilibre de la sécurité sociale. Mais il doit aussi déboucher sur des droits nouveaux pour les malades, des droits qui transforment le patient objet en patient sujet.

Nous devons profiter de la croissance retrouvée pour construire une société plus agréable, en faisant de l'amélioration de la vie quotidienne des Français notre priorité. C'est aussi en permettant à chacun de vivre mieux que nous pourrons tous mieux vivre ensemble.

Il faut combiner l'intervention de l'Etat,
la mobilisation des acteurs sociaux
et celle des français eux-mêmes.

Maintenir le cap d'une lutte acharnée contre l'exclusion et d'un engagement prioritaire pour l'emploi, prépare l'avenir de nos enfants en engagement les grandes réformes nécessaires et construire de nouveaux droits pour faire face aux inégalités nouvelles exige la mobilisation de moyens puissants. Notre méthode doit reposer sur une articulation étroite et intelligente entre l'Etat qu'il faut réformer et dont il faut consolider le rôle, l'ensemble des acteurs sociaux et les français eux-mêmes.

Il faut engager la réforme de l'Etat. Nous croyons en l'Etat et aux services publics. Nous pensons qu'ils sont indispensables pour porter le changement social et assurer au sein de notre société l'égalité des droits. Parce que l'intervention de l'Etat est socialement nécessaire et économiquement utile, nous devons encore en améliorer l'efficacité. C'est pourquoi la réforme de l'Etat et des services publics est indispensable. Seuls ceux qui croient en son rôle peuvent conduire cette réforme. Le statu quo ne profiterait qu'aux partisans du moins d'Etat. Réformer l'Etat, c'est améliorer l'efficacité de la décision publique, le rendre plus proche des citoyens et renforcer son exemplarité.

Agir pour mieux d'Etat ne peut se faire que dans la transparence et la concertation. Il faut cesser de stigmatiser sans cesse les fonctionnaires. Dans des conditions parfois difficiles, les enseignants, le personnel hospitalier, les policiers, exercent leur fonction avec un grand professionnalisme.

Réformer l'Etat passe aussi par le diagnostic clair de ses insuffisances. Avouons-le : les dysfonctionnements sont trop nombreux. Parfois, la lourdeur des processus de décision, l'enchevêtrement des compétences et des structures, une gestion imparfaite des ressources humaines, entravent l'efficacité de l'Etat.

La décentralisation est un acquis incontestable : elle a notamment permis de rapprocher la décision publique du terrain et d'agir dans la proximité. Mais elle a aussi multiplié les compétences et les niveaux de décision. Cette diversification des responsabilités nuit parfois à l'intérêt général. Ainsi, par exemple, la Prestation Spécifique Dépendance, qui relève de la responsabilité des départements, n'est pas équitablement attribuée sur tout le territoire. Son montant varie de un à trois selon les départements, et aboutit à des inégalités injustifiables. Il faut incontestablement une clarification, peut-être même une simplification, des compétences et des niveaux de décision au sein de l'Etat central et des collectivités publiques.

Améliorer l'efficacité de la décision publique, c'est ensuite " débureaucratiser " l'Etat. Les processus de décision sont aujourd'hui trop lourds et trop complexes. Il faut les simplifier pour donner à l'Etat plus de réactivité.

L'amélioration des relations avec les citoyens est le second grand enjeu. Si les Français souhaitent l'intervention de l'Etat, ils le perçoivent parfois comme froid et lointain. Il faut rendre l'Etat plus accessible, plus transparent, plus simple, plus accueillant, aussi. La réduction du temps de travail doit être l'occasion pour chaque administration de réfléchir à la nature de ses missions, à la manière d'améliorer son efficacité et le service rendu au public. Qu'il s'agisse de l'amplitude des horaires d'ouvertures, de la simplification des démarches administratives, de l'accueil des usagers, il faut mettre à profit les discussions sur la réduction du temps de travail pour repenser l'organisation des activités et des services dans chaque administration.

Troisième enjeu : l'Etat se doit d'être exemplaire. Exemplaire dans le respect de l'égalité des droits. C'est une condition absolue de la confiance des citoyens dans les institutions publiques. Toute pratique discriminatoire est inadmissible : elle l'est encore plus quand elle provient des services de l'Etat, garant des valeurs de la République. Il faut former les personnels et ne tolérer aucun dérapage.

Exemplaire aussi dans sa gestion du personnel, et notamment dans son engagement contre la précarité. La mobilité professionnelle est insuffisante au sein de l'Etat. Nous devons donner aux personnels plus de possibilités d'évolution, nous devons aussi trouver les moyens de mieux les impliquer dans leur travail. L'Etat fonctionnera d'autant mieux que ses agents seront réactifs et mobilisés. Cela suppose de résorber l'emploi précaire, sur lequel l'Etat a trop longtemps vécu. Le gouvernement de Lionel Jospin s'y emploie : il faut poursuivre.

Exemplaire enfin dans sa gestion des finances publiques. Nous devons rendre notre fiscalité plus efficace et plus juste. L'efficacité c'est d'abord de répondre aux besoins de nos concitoyens, mais l'efficacité c'est aussi être capable de justifier que chaque franc prélevé est un franc bien utilisé. Cet impératif est rendu d'autant plus nécessaire par le fait que l'Etat retrouve aujourd'hui des marges de manœuvre. Cela signifie que nous devons trouver les moyens de rendre notre fiscalité plus simple et plus lisible.

Plus juste ensuite. La fiscalité est un outil essentiel à la justice sociale. Elle permet d'abord de financer des services publics et de garantir à tous l'accès aux droits fondamentaux : santé, éducation…la fiscalité doit nous servir à améliorer le fonctionnement des grands services publics nationaux et des services publics de proximité au cœur des quartiers, c'est-à-dire au plus près de ceux qui en ont le plus besoin. C'est une ambition que nous devons encore renforcer et améliorer.

Elle permet en outre de redistribuer les fruits de la croissance, notamment en faveur des plus modestes, et d'organiser une solidarité entre les différentes catégories de la population. C'est un des fondements du vivre ensemble républicain. Il est donc normal, aujourd'hui que la croissance est revenue, de baisser les impôts.

Il faut mobiliser tous les acteurs sociaux. Si nous sommes convaincus que l'Etat est nécessaire pour impulser le changement, porter la transformation, nous pensons aussi qu'il faut laisser la société respirer, proposer, agir. L'Etat, seul, ne peut pas tout.

Son action sera d'autant plus efficace qu'il trouve des relais au sein de la société et sait nouer des partenariats novateurs, avec les élus, les responsables syndicaux ou associatifs, pour agir au plus près du terrain.

C'est la logique qui a par exemple prévalu à la mise en œuvre de la loi de lutte contre les exclusions. Plutôt que de créer de nouveaux dispositifs, nous avons d'abord voulu mettre en cohérence les dispositifs de droits communs existants et mobiliser l'ensemble des intervenants. L'enjeu tenait ainsi à la façon nouvelle de faire travailler ensemble différents acteurs. Le programme TRACE, par exemple, permet de coordonner l'intervention de tous les acteurs pour construire un parcours sur mesure de retour vers l'emploi pour les jeunes en grande difficulté. Deux ans après, nous recueillons les premiers fruits de cette mobilisation, avec la baisse du chômage de longue et de très longue durée.

Mettre en mouvement la société, c'est également trouver de nouvelles articulations entre la loi et le contrat. La réduction de la durée du travail en est la meilleure illustration. La première loi a insufflé le changement mais a laissé à la négociation le soin, branche par branche, entreprise par entreprise, de déterminer les modalités concrètes de mise en œuvre. Cette articulation entre loi et contrat a permis de trouver des solutions innovantes et adaptées à chaque situation. En retour, le contrat est venu nourrir la loi : la seconde loi doit ainsi l'essentiel de son contenu aux accords de la première. Si, conformément à son rôle, elle fixe des règles générales et des garanties indispensables pour les salariés, elle laisse également une grande latitude aux acteurs de la négociation. Si la RTT a aujourd'hui si bien pénétré le corps social, c'est bien parce que l'articulation nouvelle entre la loi et le contrat a permis à aux syndicats, aux salariés, aux chefs d'entreprise être les acteurs de leur propre changement.

Par ailleurs il est nécessaire d'engager très vite une nouvelle étape de la décentralisation afin d'offrir aux collectivités des responsabilités nouvelles et des moyens financiers adéquats notamment grâce à des péréquations entre les collectivités les plus riches et les moins riches. Cette nouvelle étape doit consolider le socle de l'égalité républicaine, tout en valorisant les différences qui enrichissent notre patrimoine commun, tout en rapprochant le pouvoir des citoyens et en créant de nouvelles dynamiques territoriales.

Transformer la société et préparer l'avenir, impliquent de s'appuyer sur la mobilisation de nos concitoyens eux-mêmes autour de valeurs et de projets. La confiance en l'avenir des français est un ressort inestimable pour réaliser ensemble un nouveau bond en avant. La gauche doit être le réceptacle des aspirations des français à changer notre société pour lui donner un débouché collectif qui garantisse l'intérêt général et serve la justice sociale. Nous devons mobiliser les Français pour faire progresser les valeurs de solidarité et de fraternité.

Notre pays souffre d'être encore trop cloisonné. La différence est trop souvent source de stigmatisation. Subsistent des frontières quasi étanches entre les groupes sociaux, les quartiers, les territoires. La conséquence de ces blessures, outre l'isolement des individus qu'elle provoque, conduit à un repli dangereux sur la communauté ou le territoire, achevant ainsi de cloisonner notre société.

Quelle est, par ailleurs, cette société si sûre d'elle, si prompte à dénoncer la barbarie en dehors de ses frontières et qui en son sein considère ses membres les plus âgés, inutiles quand ils cessent d'être actifs ? Tout juste sont-ils des consommateurs dont les habitudes intéressent les marchands, mais quant à leur savoir, leur expérience, ce patrimoine culturel que chaque individu emporte avec lui, cela n'intéresse plus quiconque. Il n'est qu'à juger des formidables résultats de toutes les expériences qui ont sollicité la générosité, le savoir et les compétences des aînés au service des plus jeunes pour mesurer le gâchis de cette situation. Il faut donc reconstruire des passerelles et des liens entre les générations, valoriser le rôle des personnes âgées dans notre pays et pour cela leur garantir qu'elles disposent de l'autonomie le plus tard possible. En effet, la place des personnes âgées dans la société, passe par les moyens que nous devons offrir à chacun pour prendre en charge la dépendance. C'est vraiment un enjeu d'aujourd'hui.

Quelle est cette société où les personnes handicapées continuent de subir la double blessure du regard qui se détourne et d'une société dont l'inadaptation des infrastructures et des équipements publics et privés, la non-insertion dans le monde économique et social, fait de leur vie quotidienne une épuisante course d'obstacle ?

Quelle est cette société ou des jeunes, à cause d'un visage, d'un nom, d'une adresse se voient refuser l'accès à l'emploi, au logement, aux loisirs ? La lutte contre les discriminations, qui a trouvé un nouveau souffle ces dernières années, doit continuer à être menée sur tous les fronts : formation, accès à l'emploi et au logement, accès à la culture et aux loisirs.

Il nous faut rompre avec ces logiques d'exclusion. Ces discriminations sont insupportables pour quiconque considère le modèle républicain français essentiel à la cohésion sociale en France. Nous devons donc démocratiser notre République. Il faut la moderniser, pour quelle sache mieux accepter les différences, qu'elle crée elle-même les espaces propices à l'expression de toutes les cultures, à leur rencontre et ainsi à l'épanouissement d'une diversité féconde. Aujourd'hui, hormis quelques rendez-vous collectifs, les français se croisent sans se voir, et souvent même se toisent. Mieux vivre ensemble, c'est apprendre évidemment à se connaître, à ne pas voir comme une menace, la différence des autres. La République doit offrir le terreau aux français pour qu'ils cultivent eux-mêmes cette valeur si précieuse qu'est la fraternité.

***

Depuis trois ans, grâce à l'action du gouvernement de Lionel Jospin, nous sommes parvenus à briser l'étau de fatalités.

Les socialistes doivent continuer de proposer aux français le projet d'une société fondée sur l'égalité, la solidarité et la justice sociale. Pour cela, il faut poursuivre la réforme.

Nous devons nous en réjouir : nous sommes revenus dans un temps de conquête.

– Contribution présentée par :

Gwenegan BUI : président du Mouvement des Jeunes Socialistes  Maxime BONO : conseil national, député-maire de la Rochelle  Christophe CARESCHE : conseil national, député de Paris  Michel DESTOT : conseil national, député-maire de Grenoble  Marc DOLEZ : bureau national, 1er secrétaire fédéral du Nord, député du Nord  Robert GAÏA : conseil national, député du Var  Catherine GENISSON : députée du Pas-de-Calais  Adeline HAZAN : secrétaire nationale, députée européenne  François LAMY : responsable national, député de l'Essonne  Jean Pierre SUEUR : secrétaire national, maire d'Orléans.



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