Qui sont les vrais électeurs parisiens ?

Michel Charzat
Les mouvements de population expliquent en partie les décalages entre cartes d'électeurs et domiciles réels.
par Michel Charzat, député socialiste
maire du XXe arrondissement de Paris


Point de vue paru dans les pages " Débats " de Libération daté du lundi 12 juin 2000

Peut-être sera-t-il nécessaire de croiser les fichiers des contributions locales avec les listes électorales.

La révélation de la présence de plusieurs milliers de faux électeurs, particulièrement dans certains arrondissements de Paris centre, a créé un émoi légitime dans la population parisienne. Ce nouvel épisode judiciaire plonge chaque jour un peu plus Paris dans une crise dont la majorité municipale est responsable. La loi de diversion de Philippe Séguin ne masquera pas bien longtemps cette situation. Ce bidouillage des listes électorales relève de pratiques d'un autre temps dont les Parisiens pensaient pouvoir définitivement se débarrasser. Pourtant il faudra bien revenir avant le prochain scrutin municipal de mars 2001 à une liste électorale apurée. Pour ce faire il est indispensable de privilégier des mesures à la fois respectueuses des libertés publiques et réalistes. Cela passe par l'adoption rapide de mesures réglementaires ou d'une nouvelle loi permettant aux autorités administratives et judiciaires ainsi qu'aux partis politiques d'opposition de se saisir plus directement de la vérification des listes électorales. Peut être sera-t-il également nécessaire, pour rétablir la confiance entre les pouvoirs publics et les Parisiens, de croiser les fichiers des contributions locales avec les listes électorales, dès lors que cette mesure n'apparaît pas attentatoire aux libertés individuelles. Car gardons-nous, pour guérir un mal, d'en produire un autre.

Toutefois, ce débat sur les faux électeurs doit mettre en évidence que, bien des fois, l'apparent décalage entre domicile réel et lieu de vote traduit en fait l'extraordinaire mobilité de nombreux Parisiens. La capitale n'est pas à un paradoxe démographique près.

Alors que la population française vieillit depuis 1975, Paris est l'une des rares villes à se rajeunir, l'âge moyen y a baissé de 0,9 an tandis que celui des départements français augmente de 2 ans: Paris est devenue la capitale des 20-39 ans. Cette tendance, comme beaucoup d'autres, est accentuée par les fluctuations fortes du marché de l'immobilier, qui, plus qu'ailleurs, déterminent l'ampleur et la fréquence du nomadisme géographique.

Alors que la population française croît régulièrement, la population parisienne n'a cessé de décliner. Entre 1974 et 1994, elle est passée de 2,3 à 2,1 millions d'habitants. Ce dépeuplement n'est pas dû à un manque de dynamisme démographique mais au déficit migratoire. Depuis plusieurs décennies, les Parisiens quittant la capitale ont été plus nombreux que ceux qui se sont installés. Aujourd'hui, à peine un sur trois est natif de Paris.

On observe également des mouvements importants de population au sein même de l'agglomération, de telle sorte que le rapport entre les populations parisiennes « intra muros » et « extra muros » s'est inversé: désormais les Parisiens représentent seulement 2 habitants sur 9 dans la région parisienne, alors qu'ils étaient 3 sur 5 dans les années 30. Enfin, à l'intérieur de Paris, d'importantes évolutions se sont produites. En trente ans la population du Ier arrondissement est passée de 36 000 à 18 500 habitants alors que celle du XXe a progressé de 12 000 habitants lors de la seule précédente décennie.

Dans ce Paris dont la population bouge, ce qui explique une partie importante des décalages entre cartes d'électeurs et domiciles réels, des mutations sociales accompagnent les récentes modifications de modes de vie: progression de l'influence des classes moyennes ascendantes. Facteur de déstabilisation des équilibres qui faisaient la spécificité de certains quartiers comme le Marais, elles sont également les vecteurs de l'effervescence qui éveille ce nouveau Paris au centre des préoccupations électorales. Tandis que persiste la plus traditionnelle césure entre un Paris de l'Ouest aisé et conservateur et un Paris de l'Est plus laborieux et populaire.

Le paysage démographique, spatial et social éclaté offert par la capitale impose à la gauche de plus faire vivre la nouvelle alliance prônée par Lionel Jospin pour réaliser la nécessaire alternative pour Paris. Les socialistes devront dans cette campagne être plus que jamais au cœur d'une majorité plurielle rassemblée autour d'eux, seule capable de répondre aux aspirations parfois contradictoires des Parisiens dans leur grande diversité.

Reproduit avec l'aimable autorisation du quotidien
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