| Depuis 72 heures, la commission d’évaluation du CIO est à Paris. Dans quel état d’esprit se déroulent vos séances de travail ? L’expression « L’amour des Jeux », choisie pour cristalliser le sens de la candidature de Paris, et les références faites à des « Jeux populaires, solidaires, éthiques et écologiques » intéressent-elles vraiment ce comité d’évaluation ? Ses préoccupations ne sont-elles pas avant tout techniques et financières ?Comme vous le savez, la commission d’évaluation du CIO, présidée par Mme Nawal El Moutawakil, rend visite à chacune des cinq villes candidates afin de
recueillir le maximum d’informations sur tous les aspects de fond de leur projet. Ainsi, 17 thèmes distincts sont au programme, avec, à chaque fois, des questions très pointues et un souci de la précision qui traduisent la parfaite maîtrise des dossiers par les membres de cette commission. Dans le cadre de ces échanges, nous avons pu en effet développer dans le détail notre engagement d’organiser des Jeux « populaires, solidaires, écologiques et éthiques » en évoquant, par exemple, 10 % des places à 10 euros et 45 % à moins de 30 euros, ou encore l’accessibilité totale de notre réseau de transports de surface - bus et tramway - aux personnes handicapées. Légitimement, les enjeux économiques et financiers sont également abordés, notre dossier reposant sur un budget raisonnable et parfaitement maîtrisé, qui n’engendrera aucun « impôt olympique ». Pour autant, il serait faux de limiter les préoccupations de nos hôtes à des considérations strictement techniques. Notre concept, la manière d’appréhender « philosophiquement » ces Jeux, leur héritage, la célébration des valeurs de l’olympisme... retiennent aussi toute leur attention. Or, derrière notre signature, « L’amour des Jeux », selon la belle expression de Jean-Claude Killy, s’exprime la mobilisation de tout un peuple et le travail très professionnel d’une équipe diverse, rassemblée, et dont tous les actes sont dédiés au sport et aux athlètes.
« Paris a besoin des Jeux », avez-vous affirmé en évoquant des perspectives d’aménagements urbains. Ne prenez-vous pas ainsi le risque de renforcer l’idée que cette manifestation compterait plus pour ses retombées sonnantes et trébuchantes que pour les valeurs que porteraient la compétition sportive et la rencontre de milliers de jeunes femmes et de jeunes hommes du monde entier ?Bien sûr que non ! Évoquant ces Jeux, j’ai d’ailleurs parlé à plusieurs reprises de « formidables accélérateurs de progrès ». Prenons l’exemple des Batignolles et de leurs 45 hectares à aménager. Sur ce site, c’est un véritable « morceau de ville » qui verra le jour, avec des logements sociaux et étudiants, des activités génératrices d’emplois, des équipements publics et un parc de 10 hectares. Ce quartier, nous voulons qu’il soit emblématique de la ville du XXI e siècle. C’est pourquoi nous mettons l’accent sur des infrastructures labellisées « haute qualité environnementale » accessibles aux personnes à mobilité réduite, mais aussi sur le développement durable, ainsi que sur une architecture contemporaine mêlant confort, novation et esthétique. Voilà une illustration de l’héritage social et culturel d’un tel événement. Mais je pourrais y ajouter la création de 42 000 emplois pérennes, le tramway sur plus de 20 kilomètres, l’accessibilité des lieux qui contribue aussi à faire évoluer les mentalités, ainsi que des liens renforcés entre Paris et les autres collectivités de l’agglomération - la Seine-Saint-Denis en particulier - grâce à de nouvelles liaisons interurbaines et à des équipements nouveaux. Vous le voyez, les valeurs et les relations entre les citoyens sont bien au centre de notre projet. C’est même un aspect décisif de ce « legs olympique ».
Les promoteurs de la candidature parisienne - vous n’êtes pas le seul mais vous êtes au premier rang - se relèveraient-ils d’un espoir déçu ? Y a-t-il un « après le 6 juillet 2005 » sans les JO ?Nous savons tous que la défaite est possible. Cependant, comprenez que ce n’est pas l’hypothèse qui nous mobilise. La compétition est âpre et nous respectons les quatre autres villes candidates. Mais nous voulons gagner. Et nous travaillons dans ce sens.
Pensez-vous que la désignation de Paris comme ville hôte des Jeux en 2012 pourrait favoriser une mobilisation populaire propre à faire reculer les courants délétères qui minent notre société ?Pour nous, cette question est fondamentale. Souvenez-vous d’ailleurs qu’au moment d’annoncer officiellement notre candidature, nous évoquions déjà « des Jeux de toutes les couleurs ». Parce que Paris, ville cosmopolite, historiquement ouverte à chacun, rêve de Jeux fraternels auxquels la diversité du monde serait conviée. Oui, nous pensons que les valeurs de l’olympisme, quand ils irriguent une ville, une région, un pays, peuvent faire avancer les choses, favoriser le dialogue et la tolérance, éclairer les consciences. Incontestablement, le sport est plus que jamais un vecteur de civilisation au XXI e siècle. Et cet enjeu est présent dans notre approche, à l’heure où s’expriment malheureusement réflexes communautaristes ou comportements racistes et antisémites à travers le monde.
Il y a 48 heures, une forte mobilisation sociale a marqué le pays. En vain certains ont voulu instrumentaliser la présence de la commission du CIO pour faire pression sur les syndicats et les salariés. Vous avez rendu publics les courriers par lesquels la CFDT et la CGT vous ont chacune exprimé le soutien qu’elles apportent à la candidature de Paris. L’une et l’autre n’en ont pas moins exprimé de fortes attentes quant à la dimension sociale que devrait avoir le déroulement des Jeux.Cette dimension sociale constitue une composante très forte de notre candidature. Ce n’est d’ailleurs pas le fait du hasard si nous avons veillé à associer les organisations syndicales à l’élaboration même du dossier Paris 2012, afin, précisément, qu’il traduise une très grande exigence sur ce plan. J’observe en outre, et vous l’avez souligné, que dès l’origine les syndicats ont clairement affirmé leur soutien à ces Jeux. Les salariés s’expriment démocratiquement, dans le contexte économique et social actuel. Cette réalité n’est pas en contradiction avec leur désir sincère d’accueillir le plus grand événement sportif en 2012.
Permettez-moi d’ajouter ceci : parmi les idées qui influent sur le contenu de notre dossier, il y a aussi la contribution de Martin Hirsch, président
d’Emmaüs. Ainsi, par exemple, nous souhaitons que les chantiers futurs, si Paris est désigné, donnent lieu à des recrutements ouverts à tous, notamment à des personnes en situation de précarité. De plus, les matériaux et, équipements provisoires seront recyclés afin de contribuer aussi au développement de l’économie solidaire. Voilà je crois, quelques illustrations qui, là encore, confirment l’identité profonde de notre projet.
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