A Paris,
la décentralisation en actes


Point de vue de Bertrand Delanoë, maire de Paris, paru dans les pages " Horizons " du quotidien Le Monde daté du 26 octobre 2002

 

Décentralisation : le mot, plus que jamais, est au cœur de l'actualité nationale, même s'il désigne une réforme encore au stade de " l'expérimentation ".

Dans la capitale pourtant, l'heure est au passage à l'acte, dix-huit mois après l'ouverture d'un chantier qui a déjà produit ses premiers résultats. La séance du Conseil de Paris du 28 octobre devrait marquer une étape très importante dans l'évolution des institutions parisiennes : les élus seront invités à approuver le principe de nouvelles compétences confiées aux vingt maires d'arrondissement, ainsi que le transfert des moyens permettant de les exercer.

L'objectif est clair : rendre la démocratie parisienne plus proche des habitants, plus performante aussi, et dépasser un centralisme qui est source à la fois de lenteur, d'inefficacité et de frein aux aspirations citoyennes.

L'histoire de Paris le confirme d'ailleurs à double titre : non seulement si l'on considère la relation que l'Etat a entretenue avec la capitale au fil des siècles, mais aussi si l'on observe le déséquilibre chronique des rapports entre la mairie centrale et les arrondissements.

En 1982, sous l'impulsion de Gaston Defferre, le gouvernement de l'époque a, certes, tenté de faire évoluer les choses. Mais, dans les faits, la loi Paris-Lyon-Marseille (PLM) confiait des pouvoirs essentiellement consultatifs aux arrondissements, privés en outre de réelles compétences financières. Résultat : ce cadre législatif renouvelé n'a jamais pu remettre en cause la pratique très jacobine des responsables municipaux parisiens à l'égard des vingt maires d'arrondissement.

En mars 2001, la nouvelle municipalité parisienne a donc souhaité ouvrir le temps de la décentralisation à Paris. Dès juin de cette même année, le changement s'est traduit par des actes inédits qui y modifient la pratique et le climat démocratiques.

Et d'abord, des moyens financiers nouveaux pour les maires d'arrondissement, afin qu'ils puissent lancer des travaux d'urgence, par exemple dans les écoles ou dans les crèches, soutenir des manifestations culturelles de proximité, ou financer un bulletin d'information locale. La création de nouveaux instruments démocratiques a également contribué à raviver l'expression d'une société parisienne très diverse : cent vingt et un conseils de quartier, des maisons des associations, les conseils de la jeunesse ou encore les conseils des résidents étrangers, illustrent ce réveil.

Pour aller plus loin encore, il restait à franchir une étape supplémentaire : inscrire dans la loi les principes d'une adaptation moderne et opérationnelle du statut de Paris. Amendée par les parlementaires socialistes, la loi " démocratie de proximité " répond précisément à cette préoccupation. Promulguée en février, elle définit un cadre ambitieux qui vise un double objectif. D'abord, mettre fin à certains anachronismes : ainsi, revenant sur une loi en date de... Messidor An VIII, ce texte confie – enfin ! – au maire de Paris une part très importante des pouvoirs de circulation et de stationnement dans la capitale, en coopération avec le préfet de police.

Autre objectif : organiser dans la clarté une nouvelle répartition des prérogatives entre le maire de Paris et chacun des maires d'arrondissement. Le 28 octobre, donc, passage à l'acte : le Conseil de Paris approuvera, je l'espère, le transfert de plus de mille équipements de proximité (écoles maternelles et élémentaires, bibliothèques et piscines de quartier, conservatoires...) qui seront désormais confiés à la gestion des maires d'arrondissement.

Parallèlement, l'assemblée parisienne examinera les autres aspects de cette réforme d'envergure : un transfert de ressources qui conduira à fixer pour chaque arrondissement une enveloppe budgétaire réellement adaptée, des règles claires dans les modalités de répartition, et, pour la première fois, le droit offert aux maires d'arrondissement de négocier des marchés, dans la limite d'un seuil de 90 000 euros. Jusqu'à présent, l'élu devait s'adresser aux directions de la Ville et patienter parfois plusieurs mois avant d'obtenir un résultat... On perçoit donc mieux le sens de cette petite - et néanmoins très pragmatique - révolution institutionnelle : le rôle de l'arrondissement est désormais reconnu dans des secteurs aussi décisifs que l'éducation, l'accueil de la petite enfance, l'environnement, la gestion des équipements sportifs, l'animation culturelle ou la vie associative. Sur tous ces sujets qui concernent directement le quotidien, la " réponse " politique se veut au plus près des besoins de chacun.

Loin d'être considérés comme de simples " collaborateurs " (le terme fut employé jadis par l'un de mes prédécesseurs), les maires d'arrondissement, quelle que soit leur appartenance partisane, s'imposent par conséquent comme les acteurs légitimes d'une réalité qui nécessite pertinence du diagnostic, réactivité, et réelle marge d'autonomie. C'est pourquoi je les remercie d'avoir participé à ce changement.

Si les évolutions proposées garantissent une absolue égalité de traitement dans le service rendu aux citoyens (l'unité de Paris est intacte), elles contribuent aussi à oxygéner la vie démocratique, parce qu'il fallait absolument la rendre plus fluide, plus directe, plus concrète.

C'est l'objet du grand débat auxquels les élus parisiens sont conviés : chacun y exprimera utilement ses convictions (et même ses " conversions " dans certains cas...). L'essentiel est d'avancer. De démontrer aux habitants que la politique n'est pas plus un vain assemblage de mots qu'une machine à manipuler. Nous l'avions dit, nous tentons de le faire, convaincus que cette réforme aux aspects un peu techniques modifiera en profondeur le paysage démocratique parisien et, par là même, le rapport des habitants à leur cité.


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