La circulation automobile a diminué de 13 %


Bertrand Delanoë, maire de Paris, répond aux questions de lecteurs du quotidien Le Parisien. Cet entretien - coordonné par Bernard Mazières, Jean-Louis Pierrat et Nathalie Segaunes - est paru dans le numéro daté du 20 mai 2005

 

Monsieur le maire, comment circulez-vous dans Paris ?
En voiture électrique à 99 % et un peu en transport en commun, mais en cachette de mes collaborateurs, que cela inquiète pour des raisons de sécurité...

En voiture, vous circulez dans les couloirs de bus ?
Jamais. Interdiction formelle, et mon chauffeur, que j'estime beaucoup, le sais parfaitement.

Votre politique antivoiture donne-t-elle des résultats ?
Nous n'avons pas mis en place une politique « antivoiture », mais une politique de santé publique. A Paris, un enfant sur deux souffre d'asthme. Et selon l'observatoire régional de la santé, il y a 125 morts prématurées chaque année liées à la pollution. Quant aux résultats, depuis mon élection, la circulation automobile a diminué de 13 % et le prix du stationnement résidentiel a baissé de 80 %. Il y a eu neuf pics de pollution en 2001, mais seulement deux en 2004. Et il y a moins d'embouteillages à Paris aujourd'hui qu'il y a dix ans, même si, bien sûr, certains secteurs en travaux créent ponctuellement des difficultés réelles.

Moi, j'habite la banlieue, travaille à Paris, laisse ma voiture à la périphérie et je prends presque tous les jours un PV à 11 € car le stationnement est limité à deux heures ! N'est-ce pas une politique pour les seuls Parisiens ?
D'entrée, nous avons fait preuve à la fois de concertation et de volontarisme. Concertation, par exemple, pour le tramway sur les boulevards des maréchaux, avec tous les maires des communes voisines. J'ai également accepté de cofinancer le tramway d'Issy-les-Moulineaux. Mais tant que des parkings de dissuasion ne seront pas en place aux portes de l'agglomération, connectés aux services de transports, on ne résoudra rien. Nous y travaillons. Et je souhaite même que le ticket de stationnement serve aussi de titre de transport.

Il y a beaucoup de Franciliens qui, comme moi pour leur travail, sont obligés d'utiliser leur véhicule et ils ont de moins en moins de places pour stationner dans Paris...
La plupart des parkings dans Paris ne sont pas pleins. Nous sommes même obligés, pour les rentabiliser, d'y intégrer des tarifs résidentiels ! J'assume de ne pas encourager les usagers à venir en voiture dans Paris, en revanche, je veux que les professionnels puissent trouver des places pour se garer. Et là aussi, nous sommes toujours en dialogue avec les organisations.

J'habite Créteil et il m'était beaucoup plus facile de venir à Paris il y a vingt ans...
Paris, ces trois dernières années, s'est particulièrement ouvert à tous les habitants de l'agglomération. Vraiment, je n'ai pas l'impression que notre cité soit égoïste. Mais je le répète : notre objectif, c'est que vous ayez davantage intérêt à y venir en transports en commun qu'en voiture.

En tant que conducteur de moto, j'ai l'impression d'être persécuté depuis votre élection : couloirs de bus interdits, PV, peu de parkings...
A l'origine, nous avions ouvert les couloirs de bus aux deux-roues. Mais le préfet de police de l'époque m'a vite convaincu que les vitesses pratiquées rendaient cela trop dangereux. Quant aux places de stationnement pour les deux-roues, nous sommes passés de 13 000 à 24 000. Comme persécuteur, on fait pire ! J'ajoute ceci : les deux-roues ont un format bien adapté à la ville. Mais pourquoi les exonérer d'un effort collectif contre la pollution ? C'est aux constructeurs de prendre conscience de cela.

J'ai vécu à Rome et à Londres, pourquoi ne pas instaurer, comme dans ces villes, une restriction de la circulation dans Paris ?
Nos trois villes ne se ressemblent pas. Il faut tenir compte de nos identités. D'ailleurs, si je mettais un péage aux portes de Paris, que diraient les communes voisines alors qu'au contraire nous avons restauré le dialogue entre la capitale et son agglomération ? Paris n'est pas la ville des seuls Parisiens, elle est aussi celle des Franciliens. Il n'a jamais été question d'interdire les voitures dans le centre. En revanche, nous voulons réduire la circulation de transit.

Avec la hausse du prix de l'immobilier, Paris ne va-t-il pas devenir une ville de nantis ?
Il y a eu une flambée générale de l'immobilier en 2004. Le foncier a augmenté en France de 15,5 %. C'est un phénomène qui concerne toutes les villes avec, par exemple, + 22,7% à Bordeaux et + 22,8 % à Toulouse. Bien sûr que je m'inquiète de la hausse de 13 % de l'immobilier parisien mais notre politique freine précisément ce mouvement. Nous avons racheté 7 000 logements depuis 2001, transformées en logements sociaux et qui échappent ainsi à la vente à la découpe. Mais le paradoxe, c'est que l'attractivité de Paris et l'embellissement de ses quartiers influent évidemment sur les prix.

Je travaille dans une université, et je me rends compte que les étudiants ont de plus en plus de mal à se loger...
Savez-vous combien de logements d'étudiants ont été créés entre 1977 et 1995 ? Zéro. De 1995 à 2001 : 60. Or, en cinq ans, l'actuelle municipalité a pour objectif d'en faire 3 000. Et près de 2 000 sont déjà financés.

Pourquoi avoir renoncé à vos projets de tours, cela aurait pu règler le problème ?
Je maintiens qu'il serait pertinent de pouvoir implanter, à la périphérie de Paris, Quelques immeubles de plus de 37 m - c'est impossible actuellement - dédiés à l'activité économique et avec une grande ambition architecturale. Sur cette idée, j'ai été battu par une coalition de conservateurs, de droite comme de gauche. Je ne suis pas un dictateur, donc j'en prends acte. Je suis minoritaire mais je ne m'y résignerai pas. Je veux tenter de convaincre : je continuerai donc à dire que c'est l'intérêt de Paris. Peut-être les citoyens finiront-ils par y adhérer ? Notre ville est petite (105 km2), la plus dense d'Europe (2 millions d'haitants) et cette démarche correspond à ses besoins et à une vraie ambition.

Que faites-vous pour créer des emplois dans Paris ?
D'abord, l'emploi n'est pas de notre responsabilité, mais de celle du gouvernement. Pourtant à l'inverse des mandatures précédentes, j'attache une importance majeure à cet enjeu. Des exemples ? Dans le PLU (plan local d'urbanisme), nous avons doublé les surfaces offertes à l'activité économique. Et « Paris pour l'emploi » a permis 4 400 embauches en 2004. D'ailleurs, pour la première fois depuis très longtemps, le chômage a baissé à Paris alors qu'il continuait de croître au niveau national. Paris ne sera pas heureux s'il est « muséifié ». Au contraire, nous voulons développer une vraie « qualité de ville » tout en stimulant l'activité économique.

L'abandon du projet culturel de François Pinault sur l'île Seguin n'est-il pas préjudiciable à Paris, ville candidate à l'organisation des JO de 2012 ?
Oui. Je regrette cet abandon à Boulogne. J'ai appelé François Pinault pour lui dire ma tristesse, même si je n'ai aucune responsabilité dans ce gâchis. Nous devons nous voir. C'est difficile, mais je travaille pour tenter de lui faire une proposition.

A propos des JO, sentez-vous une ferveur chez les Parisiens ?
L'engouement populaire est là, sinon il n'y aurait pas pratiquement 90 % des Français favorables à cette candidature. Les manifestations se multiplient dans toute la France et il y en aura une, très forte, à Paris, le 5 juin. Les Champs-Élysées seront alors transformés en piste d'athlétisme !

Paris est-il mieux placé qu'il y a quatre ans ?
Nous avons tenté d'apprendre de nos candidatures précédentes pour 1992 et 2008. Notre dossier et notre état d'esprit ont considérablement progressé. Notre ton n'a jamais été arrogant, nous n'avons jamais dit : « On va gagner. » Et la sélection est d'un niveau sans précédent. Quand vous mettez en compétition New York, Moscou, Londres, Madrid et Paris, la concurrence est incroyable. Comme le dit Jean-Claude Killy, ça se jouera au centième de seconde.

Combien les Jeux vont-ils coûter aux Français ?
Pour les contribuables parisiens, les Jeux seront neutres du point de vue fiscal. Cela représente pour Paris un peu plus d'un milliard d'euros d'investissement sur sept ans. Or le budget parisien est de 7 milliards d'euros annuels. La région Ile-de-France investit le même milliard et l'État, un peu moins d'un milliard d'euros. C'est donc très raisonnable.

On ne paiera rien ?
Mais vous payez déjà des impôts. Je vous ferai remarquer que, pour la première fois dans l'histoire de Paris, les taux de la fiscalité, directe et indirecte, resteront stables sur l'ensemble de cette mandature.

Ce projet produira des nuisances, des travaux, des embouteillages...
Il y en aura un peu, bien sûr, mais cette ville doit être dynamique ! Aux Batignolles, nous aménagerons 50 ha, avec 10 ha d'espaces verts, dont 4,5 qui seront livrés dès 2007. Tous ces « travaux » représentent une qualité de vie exceptionnelle pour demain. Je m'interdis, pour ne déranger personne, de renoncer à ce que cette ville vibre. Et je ferai tout pour que les nuisances soient aussi limitées que possible.

Vous représenterez-vous à un prochain mandat pour vivre les JO en première ligne ?
Je vais avoir 55 ans dans quelques jours, j'ai eu plusieurs vies et la plus passionnante d'entre elles est celle de maire de Paris. Je me régale même si j'en bave parfois. Candidat à nouveau ? On verra. Je fais le job. Mais je trouve qu'en France les mandats sont trop longs. J'ai proposé, dans tous les cas, de fixer leur durée à cinq ans, d'interdire le cumul et de limiter à deux, dans le temps, le nombre de mandats exécutifs possibles.

Si le non à la constitution l'emporte, est-ce préjudiciable à la candidature de Paris aux JO ?
Nous sommes en démocratie et chacun a le droit d'exprimer ses convictions. Mais je préfère que la France donne un signe d'ouverture aux autres, plutôt qu'un signe de repli sur elle-même.

Vous faites campagne pour le oui. Donnez-moi un exemple concret de ce qui changera si le traité est adopté...
A responsabilité égale, l'obligation d'une rémunération identique pour les femmes et pour les hommes. C'est dans la Constitution européenne, pas dans la Constitution française ! Vous savez, ce texte fixe des règles très positives et donne des instruments multiples qui dessinent enfin un vrai droit social communautaire, que la Cour européenne de justice pourra imposer. A nous de saisir cette opportunité et aux gouvernements de savoir les utiliser.

Jugez-vous acceptable que certains membres du PS fassent campagne pour le non ?
C'es ttrès regrettable. Il est contraire à l'esprit de la démocratie et à la nécessité de travailler collectivement que des dirigeants du PS fassent comme s'ils ignoraient que notre référendum interne a approuvé le oui à près de 60 %. Ils ne respectent pas les militants. Si le non l'emportait le 29 mai, ce serait aussi une défaite pour « leur » parti et pour la France. Car le PS n'est pas une fin en soi : il est un acteur de la démocratie, au service du progrès social et de la réforme. Pour les Français. Il ne peut y avoir de destin individuel hors de cette perspective collective.

Quel que soit le résultat du référendum, quel sera l'avenir du PS ?
Le PS a cent ans cette année. Il a connu des hauts et des bas. Il doit, et il le peut, surmonter ses difficultés actuelles. Mais à trois conditions : la première, qu'il ait des idées ; ensuite que ses idées se transforment en actes courageux utiles. Enfin, que tous ses dirigeants, qui sont mes amis, se rassemblent et pensent d'abord aux problèmes des citoyens. Toute autre démarche est vouée à l'échec.

On vous sent un peu en marge du parti...
Mais non ! Depuis plus de trente ans, j'ai exercé toutes les responsabilités au PS, participé à toutes les campagnes. Je suis investi à fond dans celle du référendum. Et profondément européen. Voter oui, c'est l'intérêt majeur de la France. J'ai sans doute plein de défauts, mais j'ai toujours joué collectif et je n'ai jamais manqué à mon parti. En revanche, je revendique ma liberté. Aujourd'hui, je suis maire de Paris et mon devoir est de répondre avant tout aux attentes de ceux qui m'ont élu.

Êtes-vous à l'aise dans ce milieu politique, n'êtes-vous pas tenté par autre chose ?
On dit parfois que je suis un peu atypique. En tout cas j'entends rester tel que je suis. Cela étant, je ne me décerne aucun brevet de vertu, je ne suis pas meilleur que les autres. Un autre métier ? Enfant, je voulais être journaliste ou diplomate. Je crains que ce ne soit trop tard...

Quelle est la rémunération du maire de Paris ?
8 199 € brut et mon revenu net est de 3 539 € après tous les prélèvements dont les impôts. Je ne me plains pas.

Avez-vous travaillé le lundi de Pentecôte ?
Puisque j'étais obligé d'appliquer la lois, les services de l'Hôtel de Ville ont fonctionné. Mais j'avais précisé : viendra travailler qui voudra. Je suis donc arrivé à mon bureau à 7 h 30, comme d'habitude. Je suis évidemment favorable à la solidarité. Mais sur cette question comme sur beaucoup d'autres, le gouvernement, c'est le moins qu'on puisse dire, s'y est pris aussi mal que possible. La solidarité et la justice auraient mérité mieux.

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