Un observatoire du logement pour faire cesser la polémique sur les chiffres



Entretien avec Bertrand Delanoë, maire de Paris, paru dans le quotidien 20 Minutes daté du 20 mars 2006.
Propos recueillis par rédéric Filloux, Mickaël Bosredon et Magali Gruet


 

Une part des 4 000 logements sociaux que vous financez chaque année provient de l'acquisition d'immeubles occupés : cela répond-il aux besoins immédiats des 102 000 demandeurs ?
D'abord, acquérir des immeubles partiellement occupés, c'est aussi préserver un parc locatif abordable en luttant contre les ventes à la découpe. Concrètement, entre 2001 et 2004, nous avons acquis 6 650 logements dans des immeubles occupés [sur 14 600 logements financés sur la même période]. 2 326, c'est-à-dire 35 % d'entre eux, ont déjà été attribués en logements sociaux. Nous n'aurions pas pu en construire et en attribuer autant sur la même période.

Vos détracteurs vous reprochent de maquiller la réalité des chiffres...
Je veux mettre un terme à cette polémique. C'est pourquoi dès la fin de ce mois, nous allons présenter, sur le site Internet de la Ville, la liste exhaustive des opérations immobilières financées depuis 2001, année par année. Nous indiquerons les adresses, le nombre de logements, leur catégorie, et nous préciserons même le type d'opération : construction, réhabilitation ou acquisition. Je proposerai aussi au Conseil de Paris de mai, la création d'un Observatoire pluraliste du logement parisien. Il sera ouvert à des élus de la majorité et de l'opposition, à des représentants de l'Etat, de la région, du monde associatif, des bailleurs sociaux, des services de la Ville et même des promoteurs privés. Il établira les faits deux fois par an. Je souhaite qu'il puisse se réunir avant l'été, et que sa première publication intervienne avant la fin de l'année.

Il y a polémique aussi sur le logement insalubre. Vous dites traiter 1 000 immeubles quand l'opposition vous en attribue dix-sept...
En 2001, nous avons recensé 1000 immeubles insalubres, alors que nos prédécesseurs n'en avaient identifié que 136 ! En 2006, nous consacrons 54 millions d'euros à cet enjeu. Nos sociétés d'économie mixte acquièrent les 333 immeubles les plus dégradés, car il s'agit d'un traitement très lourd. Pour les autres, la Ville et l'Anah (Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat) proposent aux propriétaires ou copropriétaires une aide couvrant jusqu'à 70 % du coût des réhabilitations. A ce jour, 200 immeubles sont déjà totalement sortis de l'insalubrité et 13 000 personnes ont été relogées par la Ville. Mais il faut encore accélérer les procédures.

Sur le dossier de la circulation, vous souhaitez revenir sur les aménagements du boulevard Saint-Marcel (13e) et faire quelques autres ajustements. Quelles modifications concrètes allez-vous entreprendre ?
Toutes les études confirment l'adhésion des usagers de Paris à notre objectif : favoriser les transports collectifs. Mais quand la mise en œuvre de cette politique est imparfaite, nous devons y remédier. Boulevard Saint-Marcel, certains aménagements sont trop compliqués et l'information est insuffisante. Dans les prochains mois, nous effectuerons des améliorations, notamment sur la signalisation et sur les feux, dont certains doivent être supprimés. Boulevard Magenta, les pistes cyclables doivent également être mieux identifiées.

Avec les outils dont vous disposez, il paraît aberrant que vous puissiez vous tromper à ce point !
Sur la centaine de kilomètres que nous aménageons,assumons qu'à un endroit, il faille corriger en profondeur !

Quelle est votre position sur le projet de prolongement du tramway ?
Pour le tronçon situé entre la porte d'Ivry et la porte de la Chapelle, tous les élus concernés sont favorables. Et il y a des variantes : par exemple, les élus du 18e arrondissement proposent qu'il aille au-delà de la porte de la Chapelle. Concernant le prolongement du pont du Garigliano à la porte d'Auteuil, j'ai cru comprendre que les élus de l'Ouest parisien y étaient opposés.A mon avis ils ont tort, mais le débat est ouvert.

Vous comptez financer ces travaux à 70 %,contrairement à la première tranche où vous participiez à 30 %. Est-ce parce que vous estimez que ce tramway a trop pesé sur les finances franciliennes ?
Non, ce n'est pas la raison. La commission d'évaluation du CIO souhaitait que ce prolongement soit effectif et non optionnel dans notre dossier de candidature aux JO. Or, le ministre des Sports, Jean-François Lamour, m’a précisé que l'Etat ne participerait pas à son financement. Seul Jean-Paul Huchon, président de la région,a accepté d'y prendre part, à hauteur de 30 %.

Comprenez-vous l'énervement de l'usager du RER D qui connaît de nombreux problèmes et ne voit rien changer sur sa ligne,pendant qu'un tramway émerge à Paris ?
Je le comprends et je l'approuve,car notre priorité au sein du nouveau Stif [Syndicat des transports d'Ile-de-France] sera précisément le transport de banlieue à banlieue. Paris contribue par exemple au financement du tramway d'Issy-les-Moulineaux et s'est engagé pour celui d'Aubervilliers-Saint-Denis. Et notre tramway,sur le boulevard des Maréchaux, permettra aussi de nombreuses liaisons avec d'autres lignes de l'agglomération.

La nécessité de réduire la place de la voiture n'est pas contestée. Mais n'avez-vous pas le sentiment d'être allé trop vite,sans attendre que les transports en commun offrent une alternative adaptée ?
En 2001, j'ai totalement conçu ma politique de déplacements avec le président de la RATP de l'époque, Jean-Paul Bailly. Je m'attendais, c'est vrai, à une dynamique plus forte de la RATP. Même si son offre a augmenté, les usagers attendent un effort accru. C'est aussi mon cas...

Vous souhaitez favoriser les véhicules les moins polluants. Qu’en est-il de la flotte de la Ville ?
La flotte municipale possède 50 % de véhicules propres. En 2001, c'était seulement 20 %. Et à chaque renouvellement nous en acquérons de nouveaux.

Vos relations avec la préfecture de police restent tendues.Vous lui reprochez notamment de ne pas suffisamment verbaliser les infractions au Code de la route...
Mes relations avec le préfet de police sont bonnes. Mais je n'accepte pas l'absence de civisme, quand des voitures ne respectent pas les passages piétons ou les feux rouges, quand des deux-roues motorisés circulent sur les trottoirs, le tout sous le nez des agents. La Ville de Paris a augmenté sa contribution au budget de la préfecture de police de plus de 33 % depuis 2001. Nous payons à 100 % le personnel dédié à la circulation et au stationnement, que nous avons renforcé de 400 agents supplémentaires. Et moi, contrairement à la droite, je n'ai pas cherché à créer une police municipale qui aurait déstabilisé la préfecture. En contrepartie, j'attends qu'elle mette un terme au désordre et fasse appliquer les règles.

Les Verts sont vos alliés, mais ils se montrent très exigeants. Craignez-vous qu'ils ne fassent monter les enchères en vue des municipales de 2008 ?
Les Verts expriment parfois des options plus excessives que mes convictions.Quand c'est le cas, leurs propositions sont repoussées au Conseil de Paris. Mais l’essentiel, c’est surtout ce que nous réalisons ensemble.

Ils vous ont poussé dans vos retranchements en matière de transports.Appréhendez-vous qu'ils revendiquent un certain nombre des réalisations dans ce domaine ?
Ils y ont leur part,et dans la conception et dans la mise en œuvre. Mais je n'ai pas le sentiment que notre politique de transports soit principalement inspirée par les Verts. Pour ma part, je réfute tout dogmatisme, toute stigmatisation des automobilistes. L'objectif est au contraire de développer une politique qui prenne en compte les usages des Parisiens, y compris les 25 % qui utilisent régulièrement leur voiture.

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