Des droits renforcés pour de nouvelles sécurités, des services publics rénovés pour plus de solidarités

Contribution au Congrès de Grenoble de novembre 2000,
présentée par Elisabeth Guigou, Michel Sapin, Eric Besson, Jean-Pierre Blazy, Dinah Derycke, Jean-Noël Guerini, Gérard Gouzes, Cécile Helle, Bruno Le Roux, André Vallini.


 
Plus de 800 000 personnes qui ont retrouvé du travail, une grande loi contre les exclusions, la couverture maladie universelle, l'équilibre retrouvé de la sécurité sociale, la restriction du cumul des mandats, la parité inscrite dans la Constitution et mise en œuvre aux élections, la réforme de la justice, le PACS... Nous pouvons être fiers de l'action gouvernementale de la gauche plurielle depuis 1997.

Grâce aux 35 heures et aux emplois-jeunes, une mobilisation sans précédent a été lancée contre les inégalités et le chômage de masse. Par des réformes qui modernisent notre démocratie, la réhabilitation de l'action politique est engagée. Nous avons collectivement contribué à redonner espoir à nos concitoyens et à rejeter l'image d'une société repliée sur ses peurs, tentée par un individualisme forcené, et tenaillée par le rejet et la haine de l'autre.

En écho à notre action, la nouvelle vigueur des mobilisations citoyennes et syndicales démontre une capacité collective à se projeter dans un futur que l'on exige à nouveau meilleur. La perspective d'un retour au plein emploi, la possibilité pour un grand nombre de jeunes de construire leur avenir, les nouvelles réalités économiques, culturelles et politiques font naître des espoirs et nous imposent de nouvelles réponses à cette nouvelle donne, comme Lionel JOSPIN l'a annoncé.

Ces aspirations doivent être entendues et encouragées, tout autant que les appels de ceux qui sont pour le moment restés sur le bord du chemin et qui ne bénéficient pas encore de ces améliorations dans leur vie quotidienne. Ceux qui, encore trop nombreux, n'ont pas retrouvé d'emploi, ne connaissent que la précarité du marché du travail ou les minima sociaux. Ceux qui, relégués dans des territoires ghettos et victimes de discriminations quotidiennes, constatent que les progrès tant attendus se sont arrêtés aux frontières de leurs lieux de vie. Au nom de leur dignité et par fidélité à notre projet, nous devons leur démontrer que les transformations profondes de notre société les concernent de plein droit.

C'est dans cet objectif que les signataires de cette contribution sur les nouvelles aspirations au renforcement des droits entendent participer concrètement à la réflexion collective des socialistes autour de leur projet politique pour les années à venir, dans l'esprit de rassemblement et d'unité incarné par François Hollande.

Mieux protéger les droits fondamentaux

Aujourd'hui la confiance est retrouvée. Grâce à une baisse continue et historique du chômage, le plein emploi redevient une perspective crédible et à portée de main. Cependant, malgré une diminution notable du nombre de chômeurs de longue durée ces derniers mois, nombre de français restent au bord du chemin et la précarisation du statut des travailleurs est désormais une caractéristique commune à tous les pays industrialisés, notamment ceux qui se sont approchés en apparence du plein emploi.Face à un nouveau capitalisme qui exige toujours plus de flexibilité et dans une économie globalisée ultra-libérale peu soucieuse des réalités sociales, notre combat contre le chômage doit se poursuivre avec le même objectif : permettre à tous de sortir d'une situation d'assistance en retrouvant une véritable autonomie par le travail. Plus que jamais, nous devons donner corps et consistance au " droit au travail ", qui reste l'une des aspirations profondes de nos concitoyens et l'une des grandes conquêtes sociales à concrétiser définitivement. Car nos concitoyens sont à présent en demande légitime de droits. Ils réclament avant tout que l'on respecte un peu mieux leurs droits élémentaires et refusent l'accroissement des inégalités face à la sécurité, à la santé, au logement, à la formation... qui le plus souvent découlent de l'inégalité devant l'emploi. Réaffirmer et protéger les droits est à nos yeux une condition majeure pour assurer l'égalité de tous dans notre société.

La sécurité, une condition vitale du pacte républicain

L'insécurité est dans notre pays une des premières inégalités car elle frappe d'abord les plus modestes, les plus fragiles de nos concitoyens. Souvent d'ailleurs, les auteurs des actes délinquants sont issus des mêmes territoires, des mêmes catégories sociales que leurs victimes. Rompant avec la démagogie répressive de la droite parlementaire, l'action du Gouvernement a démontré que le droit à la sécurité est avant tout porteur d'une exigence de justice sociale et d'égalité territoriale. C'est dans la prise en compte de l'ensemble des dimensions qui expliquent l'insécurité que cette action a été conduite, grâce à la mobilisation de tous les acteurs qui sont au contact de cette réalité. Les contrats locaux de sécurité ont concrétisé cet esprit de coopération autour de diagnostics précis, d'évaluations du sentiment d'insécurité, puis de définition d'actions communes entre tous les acteurs directs ou indirects de la sécurité.

Nous avons réaffirmé la nécessité d'une politique de sécurité se fondant sur le triptyque : prévention, sanction proportionnée, réinsertion. Des moyens sans précédents ont été accordés à la Justice, dont la territorialisation a été une priorité majeure, notamment par la multiplication des Maisons de la Justice et du Droit, et la généralisation des Centres Départementaux d'Accès au Droit (CDAD). Le renforcement des moyens de la Protection Judiciaire de la Jeunesse, la mise en place des classes-relais avec l'Education Nationale, la création de structures d'accueil diversifiées et adaptées (centres éducatifs renforcés, centres de placement immédiat)... sont venus concrétiser notre conviction que la prison ne peut être la solution pour un mineur. Notre objectif est clair : parvenir à terme au traitement non pénitentiaire de tous les mineurs dans ces structures.

Avec le lancement de la police de proximité, la Police nationale a contribué de façon déterminante à la mise en œuvre de cette politique de décloisonnement et de présence sur le terrain. Il nous faudra poursuivre cette adaptation aux réalités locales, tout en confortant l'exercice des fonctions régaliennes de l'Etat. Il est par ailleurs important de renforcer les missions de police judiciaire indispensables à l'élucidation des crimes et des délits et à la décision de sanctions judiciaires. Les polices municipales, dont les fonctions sont enfin encadrées par la loi, pourront contribuer sereinement à cet objectif. Ce contrat de confiance reposera nécessairement sur la capacité de l'Etat à jouer le partenariat et la transparence. Les élus locaux devront donc être mieux associés à la définition, à la mise en œuvre, et à l'évaluation des actions de sécurité publique, comme les contrats locaux de sécurité leur en donne le droit et la responsabilité.

Nos concitoyens devront également jouer un rôle essentiel dans la prévention des incivilités et des violences quotidiennes. Si toutes ne relèvent pas d'un traitement judiciaire, toutes impliquent un respect et un rappel à la loi que chacun doit assumer personnellement, que ce soit en matière de violences scolaires, de conduite routière, de non respect de la législation sur les chiens dangereux... S'il est aujourd'hui nécessaire que l'Etat s'engage plus fortement dans le contrôle de la détention d'armes et la limitation de l'utilisation d'outils de violence, c'est la responsabilité de chacun que d'y contribuer.

La famille, un espace structurant pour le droit des personnes

La famille est le lieu symbolique où se construisent les rapports sociaux. Dans la famille, l'individu s'inscrit dans des liens qui n'ont pas commencé avec lui et qui ne cesseront pas avec lui. En son sein se construisent les rapports entre les générations, les rapports entre les sexes, mais aussi les rapports entre l'autorité et la liberté. La société politique ne peut donc se désintéresser de la famille, du droit qui cherche l'équilibre entre le choix des personnes et les repères nécessaires, et des politiques publiques qui la soutiennent et lui assurent de pouvoir assumer ses fonctions permanentes. Le droit et les politiques publiques doivent indiquer les choix sociaux qu'une collectivité fait librement à un moment donné de son histoire.

Les réformes à venir devront être engagées autour de deux axes. Il faudra d'abord s'intéresser aux relations entre les personnes, sans poser des obstacles juridiques inutiles, et simplifier en premier lieu les procédures de divorce afin que, dans la protection des deux protagonistes, la séparation ne soit pas l'occasion d'entretenir un conflit au delà du constat d'échec de la relation. Il faudra ensuite que, par exigence d'égalité, l'enfant ait toujours les mêmes droits à l'égard de son père et de sa mère : disparition des discriminations par la naissance (pas de distinction entre enfant naturel et légitime), stabilisation de la filiation et autorité parentale partagée.

Notre société est par ailleurs marquée depuis plusieurs années par la fragilité des couples. Il n'appartient à personne de porter un jugement de valeur sur cette réalité. Au contraire, c'est la liberté de chacun dans sa vie de couple que nous voulons renforcer. Le droit doit aussi s'adapter aux personnes pour lesquelles il est fait. Déjà, l'instauration du PACS a engagé cette adaptation en reconnaissant cette liberté des couples dans notre société. Ainsi, il n'y a pas ou plus de modèle unique d'organisation du couple ou de la vie familiale. Les différentes formes de famille fonctionnent d'ailleurs plus comme des formes successives que comme des modèles alternatifs. Au cours de son existence, un individu peut connaître le concubinage ou le PACS, le mariage, la séparation, le divorce, la famille recomposée. Toute tentative d'uniformisation des modes de vie familiaux est donc vouée à l'échec et serait en tout état de cause en opposition à notre idéal de liberté et d'autonomie individuelle, d'égalité et de droit à la dignité. C'est en conjuguant le droit à plus de libertés et le renforcement des responsabilités, en harmonisant le mouvement d'une société qui change et la norme qui fixe les repères, que la gauche défendra le mieux sa conception de la famille, au service de toutes et de tous.

Les discriminations, une plaie dans le contrat social

Plus de repères impliquent avant tout que les règles de la vie en société permettent à chacun de trouver sa place. Quand l'égalité est bafouée, c'est un fondement de la société qui vacille. Nous ne pouvons plus tolérer les discriminations qui se manifestent dans notre pays. Discriminations raciales à l'embauche et dans l'accès aux loisirs, insuffisante intégration des personnes handicapées et des personnes âgées, inégalités professionnelles entre les hommes et les femmes, sexisme et homophobie minent le contrat social. Nous avons le devoir de lutter par tous les moyens contre ces atteintes aux valeurs de la République. Il n'est pas question ici d'une lutte pour de nouveaux droits mais d'assurer l'effectivité de droits formels qu'il faut sans cesse réaffirmer.

Les jeunes Français issus de l'immigration victimes de racisme ne se battent par pour une intégration qu'ils estiment à juste titre acquise, mais avant tout pour l'égalité des droits. Les femmes, victimes de sexisme, veulent voir garantie l'égalité, à tous les niveaux de notre société. Ceux qui ont la liberté de leur sexualité, victimes d'homophobie, exigent l'assurance que l'égalité et le respect de l'autre restent des valeurs de la République contre les préjugés moraux. Dans une société avancée comme la nôtre, les droits fondamentaux ne peuvent être simplement proclamés : ils doivent être réels.

Le Gouvernement a permis une prise de conscience publique indispensable pour parvenir à cette réalité. Des mesures fortes ont été décidées, un plan national d'action a été engagé (numéro vert 114, CODAC, Groupe d'Etude des Discriminations...), de nombreux outils ont été créés avec la mobilisation d'un grand nombre d'acteurs. Face à des réalités de négation des droits qui ont été trop longtemps ignorées, la vigilance s'impose à tous, notamment aux services de police et à la Justice, qui doivent s'opposer à ce qui constitue une forme de délinquance en tant que telle. Comme tout manquement à la loi, comme pour tout acte de délinquance, les discriminations doivent être prévenues et réprimées.

L'égalité entre les territoires, un enjeu de cohésion sociale pour les services publics, un rôle renouvelé pour l'Etat

Face aux différences de statut, de condition et de ressources, l'Etat doit être le garant de l'égalité des droits. Cette approche est tout autant valable pour les individus que pour les territoires. Son principal outil réside dans les services publics, dont l'implantation sur le territoire contribue à assurer l'égalité républicaine, tout autant que la qualité du cadre de vie appréciée de nos concitoyens, voire des investisseurs étrangers. Ils ont donc un rôle fondamental, tant pour la richesse du lien social qu'ils préservent que pour la compétitivité de notre économie. Le temps n'est pas à l'affadissement ou à l'affaiblissement de l'Etat, ni même à son recroquevillement sur des problématiques " fonctions essentielles ". Nous devons contribuer à l'actualisation de principes qui régissent le service public : unité et égalité, mais pas uniformité ; continuité, mais adaptabilité ; impartialité et laïcité, mais prise en compte de situations particulières.

Bien sûr, pour préserver la qualité de ces services publics, pour faire face à une évolution du monde et des technologies qui peuvent les fragiliser, leur évolution est indispensable. La réforme de l'Etat est nécessairement liée à la réforme de la société. Il s'agit d'abord et toujours de " servir le public " : comme l'Education Nationale est faite pour les élèves, la Justice est faite pour les justiciables. Ensuite, il faudra profiter du grand nombre de départs en retraite dans la prochaine décennie pour revoir profondément la répartition des fonctionnaires selon les administrations et les territoires, ainsi que le déroulement de leur carrière. L'Etat doit donner aux fonctionnaires des perspectives d'avenir en proposant des carrières plus ouvertes, valorisant la formation et la mobilité, en diversifiant beaucoup plus qu'aujourd'hui l'accès à la haute fonction publique.Enfin, l'Etat devra résolument revoir ses modes de gestion, que ce soit dans l'application pluriannuelle de ses missions, dans l'exercice concret du dialogue social qui ne peut être à la traîne du secteur privé, ou dans l'utilisation des nouvelles technologies. Dès lors, une gestion prévisionnelle des besoins et des emplois devra être mise en place dans toutes les administrations, de même que la réforme des procédures budgétaires devra être lancée, faisant passer les services publics d'une logique de moyens et de contrôle à priori à une logique de fonctionnement par objectif et par résultat.

C'est un maillage intelligent et complémentaire des services publics sur le territoire que nous recherchons. La carte des équipements publics devra bouger dans le même esprit que les réformes déjà engagées par le Gouvernement. Pour les hôpitaux comme pour les tribunaux, nous ne recherchons pas la rentabilité à court terme mais l'efficacité sociale. Nous ne devons plus raisonner à partir de cartes institutionnelles, mais en définissant des " zones de solidarité " qui tiennent compte de l'évolution des moyens de communication et des espaces vécus. C'est en partant des bassins de vie ou des bassins d'emploi, en accompagnant la recomposition des territoires en agglomérations et en " pays " que nous réussirons la modernisation des services publics, au service de tous et sur tout le territoire.

Créer de nouveaux droits,
définir de nouvelles responsabilités

Au delà des droits de chacun qu'il faut renforcer et réinventer, des libertés qui doivent progresser, la nouvelle donne créée par l'évolution du monde et de nos sociétés impose à l'Etat de réévaluer ses modes d'actions, d'inventer de nouvelles solidarités et de lutter contre les nouvelles inégalités en devenir. Dans une société où les craintes subsistent, le besoin de nouveaux repères s'exprime fortement. Il revient à la loi d'indiquer ou de rappeler les règles qui organisent la société, de dire le contenu de la norme. A travers le droit, la société énonce ses choix, pose des valeurs et donne un sens politique et juridique à ses convictions. Ainsi, l'importance prise par l'Europe dans notre vie quotidienne va conduire à renforcer la protection des citoyens en consolidant un espace européen de sécurité et de libertés.

Le droit à la sécurité sanitaire

Les questions de sécurité sanitaire constituent légitimement un réel sujet de préoccupation pour les Français. Les crises récentes de la dioxine, de la vache folle et des OGM nous rappellent que la diffusion des risques ne connaît pas de frontières. Réglementation, surveillance épidémiologique, coordination des contrôles et de l'expertise sont désormais des compétences que l'Union Européenne doit assumer en soutien aux veilles existantes dans les Etats. En France, la mise en place d'autorités sanitaires renforce nos protections collectives et devra permettre la transparence des décisions dans la gestion des risques. C'est un réel droit au principe de précaution que nous devons mettre en œuvre. Ce principe ne doit pas être perçu comme un frein au progrès mais au contraire comme un encouragement déterminé à la recherche. Prévention, éducation à la santé, information doivent accompagner notre politique.

La recherche de la sécurité sanitaire est également liée à une prise en compte globale des questions d'environnement, notamment en matière agricole mais aussi dans les politiques urbaines. Le droit à un environnement sain, garant d'un développement durable et des conditions de vie des générations futures, doit bien sûr devenir un droit international appliqué comme tel. Il doit surtout exiger que des politiques publiques soient menées avec efficacité en France, ce qui suppose souvent une inversion des priorités. Les lois sur l'air, sur l'eau, sur le bruit, la mise en place des plans de déplacements urbains dans les agglomérations, exigent une application très volontariste, tant de la part des décideurs que des acteurs (publics comme privés) qui doivent impérativement s'y conformer. C'est une nouvelle conception de l'action publique qui se dessine sur la base du principe de précaution, intégrant toutes les dimensions de la qualité de la vie.

Une responsabilité éthique dans les découvertes scientifiques

Dans un environnement marqué par une mondialisation des échanges commerciaux, les mécanismes de régulation sont d'autant plus nécessaires lorsqu'ils concernent des activités humaines. A ce titre, la législation dite de " bioéthique " représente un condensé des problèmes contemporains que le droit et la régulation sont appelés à arbitrer au nom de la société et de ses valeurs. Les principes que nous défendons sont clairs : s'il ne faut jamais oublier qu'on ne peut pas et qu'on ne doit pas entraver la progression de la recherche ni de la science qui constituent une des plus hautes aspirations de l'humanité, il revient cependant à une société, à travers le droit qu'elle édicte, de dire ce qui ne doit pas être en rappelant que tout ce qui est techniquement possible n'est pas pour autant admissible. Il n'est donc pas question d'accepter le clonage du corps humain, ni la privatisation des connaissances fondamentales sur le génome.

Les textes législatifs de 1994 ont permis de tenir compte des progrès de la science tout en intégrant des considérations éthiques et philosophiques : la primauté de la personne, l'interdiction de toute atteinte à sa dignité et la non commercialisation du corps humain, sont des principes qui ont profondément inspiré les textes internationaux sur le génome humain (UNESCO) et la biomédecine (convention du Conseil de l'Europe). Sous l'égide de ces principes, le travail législatif devra cependant être bientôt repris sur certaines questions : prélèvements sur le corps humain, nouvelles techniques d'assistance médicale à la procréation, clonage humain, statut et utilisation de l'embryon, commercialisation des résultats de la recherche. En rappelant le principe de précaution dans ces domaines comme dans d'autres, les responsables politiques devront engager leur responsabilité et décider, tout en mettant en place des procédures de délibération collective qui permettront aux citoyens de dire ce qui est acceptable au regard des risques encourus et des avantages attendus.

Le droit de communiquer et d'échanger librement et en toute sécurité

Internet et les réseaux numériques représentent un espace d'expression doté de potentialités inconnues jusqu'à aujourd'hui. Espace virtuel qu'aucune frontière ne délimite, qu'aucun fleuve ne borne, qu'aucun pouvoir central ne régente, les nouvelles technologies sont une formidable chance pour nos sociétés : moteur des échanges et des liens entre les activités humaines, facteur de croissance économique, outil de développement au service des territoires... En lançant son grand plan de rattrapage, le Gouvernement est devenu partie prenante du développement des réseaux sur notre territoire. Mais il a également rappelé que la " société de l'information " doit respecter des règles, à l'instar de toute activité humaine, compte tenu des risques créés à l'encontre de la liberté de chacun.

Cette liberté fondamentale qui est celle de communiquer sera donc d'autant mieux préservée qu'elle fera l'objet d'une régulation d'une type radicalement nouveau, reposant sur des principes clairs : vigilance face à toute apparition d'un " fossé numérique " comme nouvelle forme d'exclusion ; protection des données personnelles et de la vie privée sur les réseaux ; lutte contre la criminalité et les comportements illicites ; protection de la propriété intellectuelle ; sécurité des échanges. Au-delà des premières décisions qui ont déjà été prises (validation de la signature électronique, renforcement du cryptage), la prochaine loi sur la société de l'information devra démocratiser, sécuriser, et responsabiliser, dans la lignée de la loi de 1978, dont elle renouvellera les instruments de régulation au travers de la CNIL, avant d'ouvrir la voie à une harmonisation des législations et des réglementations d'abord au niveau européen et ensuite au niveau mondial.

Le droit à un espace européen de sécurité et de liberté

Libre-circulation des personnes, des biens et des capitaux dans un espace européen sans frontières: ces objectifs centraux de la construction européenne ont été poursuivis avec persévérance depuis quarante ans, mais sans qu'il ait été pris en compte que ces libertés pouvaient aussi générer des conflits entre personnes (par exemple les conflits familiaux entre binationaux), des litiges commerciaux ou encore des fraudes pour lesquelles les réponses concrètes faisaient défaut. C'est d'abord par la reconnaissance mutuelle des décisions de justice que l'on doit consolider l'espace judiciaire européen : pour les conflits familiaux qui sont exacerbés par la question des droits de garde et de visite des enfants, il ne s'agit pas d'unifier le droit du divorce, qui est dans chaque pays d'Europe pétri de tradition séculaire, mais avant tout de rendre compatibles, par les règles de procédures, des système juridiques nationaux qui s'ignorent encore largement. Cette confiance mutuelle nous permettra aussi de résoudre les litiges sur des créances commerciales, ce qui intéresse particulièrement nos PME. C'est par cette acceptation réciproque que l'on peut parvenir à une entraide judiciaire efficace contre la criminalité organisée et à des règles d'extradition modernes.

Car il faut éviter que les frontières ne subsistent que comme des entraves à l'action des policiers et des magistrats ou comme des protections accordées aux criminels. Parce que les citoyens européens sont aussi victimes de phénomènes de délinquance qui ne connaissent plus de frontières, parce nous assistons à une expansion continue de la criminalité organisée appuyée sur le blanchiment de capitaux, l'Europe, si elle a pour ambition d'être au service des citoyens, se doit d'apporter des réponses nouvelles et efficaces aux enjeux de l'espace judiciaire. Parce que cela concerne justement les citoyens au quotidien, la constitution de cet espace de sécurité et de liberté constitue le grand chantier européen des vingt-cinq prochaines années.

Nous devons avoir pour objectif un niveau élevé de protection juridique et judiciaire pour tous les Européens. Dans des domaines importants comme la lutte contre la criminalité organisée, contre le blanchiment d'argent sale ou pour les crimes graves, c'est une harmonisation des législations qui sera nécessaire. Il faudra également des règles communes de droit et des institutions chargées de les appliquer. L'élaboration de règles, des politiques pénales européennes contre la criminalité organisée par exemple, devra ainsi être accompagnée d'un développement des capacités opérationnelles d'Europol, office européen de police qui doit passer d'un statut de banque de données à celui d'une véritable force d'investigation. Dans la même logique, la création d'Eurojust doit permettre de renforcer la cohérence des stratégies judiciaires nationales dans la lutte contre les grandes délinquances transnationales (trafic d'êtres humains, d'armes et de drogue, argent sale). Cette exigence est rendue encore plus forte par l'élargissement de l'Union Européenne à de nouveaux pays membres.C'est cette volonté politique claire qui peut seule demain, dès la présidence française de l'Union, permettre à l'Europe d'offrir une réelle protection que ses citoyens attendent.

– Signataires :

Elisabeth Guigou : conseil national, minstre de la Justice  Michel Sapin : conseil national, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat  Eric Besson : député de la Drôme  Jean-Pierre Blazy : député du Val d'Oise  Dinah Derycke : sénatrice du Nord  Jean-Noël Guerini : président du Conseil général des Bouches du Rhône  Gérard Gouzes : conseil national, député du Lot-et-Garonne  Cécile Helle : 1er secrétaire fédérale du Vaucluse, secrétaire nationale  Bruno Le Roux : conseil national, député de Seine-Saint-Denis  André Vallini : 1er secrétaire fédéral de l'Isère, député.



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