Insécurité :
La droite est incapable
de traiter les causes du mal


 Julien Dray, porte-parole thématique de Lionel Jospin chargé des questions de sécurité, réagit à la visite contestée de Jacques Chirac à Mantes-la-Jolie.
 le lundi 4 mars 2002


 

Garges-lès-Gonesse il y a deux semaines, Mantes-la-Jolie aujourd'hui, c'est le deuxième déplacement de Jacques Chirac sur le thème de la sécurité. Est-il crédible quand il cherche à s'approprier ce thème ?
Non. Il semble découvrir le caractère insupportable de l'insécurité. Les Français et surtout les victimes directes de ces actes n'ont pas attendu que le candidat Chirac se rende à Mantes-la-Jolie pour s'en rendre compte ! La montée de la violence est un sujet sérieux. Nos concitoyens attendent donc de leurs responsables politiques qu'ils y apportent des solutions et pas seulement qu'ils surfent sur des peurs et des angoisses, au demeurant légitimes.

Une montée de l'insécurité s'est installée dans notre pays. Mais, elle ne date pas d'hier et ceux qui prennent pour référence permanente l'action de Jean-Louis Debré ou de Charles Pasqua au ministère de l'Intérieur n'ont pas de leçon à donner.

Que vous inspirent les promesses du président-candidat faites en la matière, déclinées à partir du fil conducteur du concept " d'impunité zéro " ?
L'essentiel de ce qu'il propose de nouveau revient à une politique axée sur le tout-carcéral. D'ailleurs, Nicolas Sarkozy revendique tout haut le modèle américain de la tolérance zéro. C'est un modèle de société dont la France ne veut pas. Il y aurait là une véritable régression et un danger pour notre modèle républicain. Cette politique serait surtout totalement inefficace sur le terrain. Les juges et les policiers le disent : nous avons besoin de mettre fin aux agissements de noyaux durs délinquants en renforçant la justice et la police, mais nous devons aussi faire en sorte que, demain, il n'y ait pas d'autres jeunes qui basculent dans la délinquance.

A Mantes la-Jolie, il a dénoncé "un système d'impunité" "depuis le fameux "il est interdit d'interdire" jusqu'à la formule "c'est la société qui est violence". Qu'en pensez-vous ?
Pour le candidat de la droite, il est toujours plus facile de s'en prendre à mai 68 plutôt qu'au triomphe de l'argent roi et au chômage de masse. Ces milliers de familles décimées par la crise, ces milliers de jeunes parqués dans les ghettos urbains ont davantage à voir avec le triomphe d'un capitalisme dur qu'avec le romantisme des grèves de mai 68. S'il y a bien une impunité zéro à avoir, c'est à l'égard d'un tel système !

Certains observateurs notent peu de différences entre les propositions de Chirac et de Lionel Jospin pour lutter contre l'insécurité. Ce thème peut-il réellement cliver ?
Ce n'est pas le constat qui intéresse les Français, ce sont les solutions. En la matière, il y a des différences très nettes lorsque l'on s'attache au fond des projets. Il est indispensable d'affirmer le respect des règles et de sanctionner fermement les comportements délinquants. Ce point ne fait sans doute pas débat, bien qu'il y ait des différences évidentes sur la façon dont chacun entend respecter réellement cet engagement et obtenir des résultats, en particulier dans la lutte contre la délinquance des mineurs.

Le clivage le plus important tient au fait que pour notre part, nous voulons nous attaquer au mal, mais aussi aux causes du mal. Le candidat Chirac est incapable de proposer quoi que ce soit dans ce domaine. La droite est très forte pour faire des mises à l'index hâtives, mais elle est tout à fait incapable de traiter durablement la montée de la violence et encore moins ses causes. C'est un gigantesque aveu d'impuissance !

Lionel Jospin a expliqué hier soir qu'il avait pêché par naïveté au début de la législature avant de décliner les actions entreprises par son gouvernement. Comment jugez-vous cette partie de son intervention ?
Je l'ai trouvé sincère. Il a tenu un langage de vérité. Un retard a été pris à agir dans certains domaines parce que nous pensions qu'en réduisant le chômage, il y aurait un effet automatique sur l'insécurité. Or, cela n'a pas été le cas. Cela renvoie certes à la nature d'une croissance économique qui ne réduit pas mécaniquement les inégalités. Mais, il faut aussi se rendre compte que les années de crise ont amplifié les bouleversements intervenus dans les cellules familiales, avec des conséquences durables en terme de repères d'autorité, d'éducation des enfants. De la même façon que nous avons commencé à faire reculer le chômage, il faut à présent mener une action spécifique très forte pour parvenir à faire reculer la violence. Il s'agit d'un véritable défi que notre pays doit relever en engageant une mobilisation générale pour transmettre à nos enfants le respect des règles et prévenir toutes les dérives dès le plus jeune âge. Adossés à la croissance, nous devrons en faire une priorité d'action avec des moyens nouveaux et massifs.



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