Le oui n'est ni un reniement ni un abandon



Entretien avec Julien Dray, porte-parole du Parti socialiste, paru dans le quotidien Libération daté du 4 avril 2005.
Propos recueillis par Paul Quinio


 

François Hollande ne se trompe-t-il pas de sujet en multipliant les sorties médiatiques avec Nicolas Sarkozy ?
Le truc à la mode, c'est d'expliquer qu'ils sont interchangeables. Ceux qui ont de tels doutes verront, outre qu'il y a bien deux manières de dire oui au traité, qu'il y a surtout deux projets politiques très opposés en train de se construire. L'affaire du soi-disant consensus est une vaste fumisterie au regard des engagements et du combat de l'un et de l'autre. Il n'y avait, en tout cas, aucune raison d'annuler ce débat.

Même après la polémique déclenchée par la une de Paris-Match ?
Parlons de cette photo ! Et qu'on m'explique en quoi, quand Paris Match met en une les dirigeants des deux principales formations politiques, amenés sans doute à jouer un rôle de plus en plus important dans les années à venir, il y aurait collusion ou complicité.

Ce n'est pas l'avis d'Attac...
Attac, au départ, est un mouvement d'éducation populaire qui se caractérisait par son sérieux et la qualité de son argumentation. Là, un comité local, suivi par d'autres, en change la nature en entrant dans la campagne de la plus mauvaise manière, en maniant l'anathème et la caricature. Bernard Cassen (président d'honneur d'Attac, ndlr) a légitimé ces affiches comme les boules de neige de Guéret. Il est du droit d'Attac d'être contre la Constitution. Mais il est de son devoir que cela donne lieu à un vrai débat, sans ressortir du placard les vieilles pratiques des années 50, quand Maurice Thorez et ses amis faisaient régner une sorte de terrorisme intellectuel sur toute la gauche.

Dans ce contexte, cette photo n'était-elle pas une erreur ?
La malveillance vient de tous ceux qui essaient de faire croire que le PS n'est plus le représentant de la gauche. Depuis quelques semaines, je constate qu'il existe un curieux front qui se rassemble autour d'un soi-disant étendard du non de gauche. Ses porte-parole sont souvent ceux qui, tout au long de ces dernières années, ont beaucoup combattu la social-démocratie. Ils n'ont d'ailleurs pas hésité, ces derniers mois, à engager de curieux alliés, comme si, tout d'un coup, c'était la bonne occasion de régler son compte au PS. Il est vrai que, pour beaucoup d'entre eux, le PS, qui, depuis trente ans, a permis de traduire électoralement les aspirations de la gauche, n'a été porteur que d'abandon et de trahison.

Ne contribuez-vous pas, en stigmatisant ainsi l'extrême gauche, à créer un schisme à gauche ?
Si je m'engage aussi fortement dans cette bagarre, c'est au contraire parce que je ne veux pas que se rétablisse la bonne vieille coupure entre, d'un côté, la gauche « pure et dure », qui trouve toutes les bonnes raisons de ne jamais exercer le pouvoir, et, de l'autre, la gauche réformiste qui, au prétexte qu'elle accepte de mettre les mains dans le cambouis, perd forcément son âme.

Mais, sur l'Europe, cette coupure est réelle...
Elle est réelle pour toute une partie de la gauche qui, sur le fond, n'a jamais accepté la construction européenne et les compromis qu'elle implique. Mais je suis sûr que, les jours passant, encore une fois, les « masses », comme on disait à l'époque, sauront qu'un pas en avant vaut mieux que mille programmes. Aujourd'hui, notre travail est de convaincre l'électorat de gauche qui doute légitimement qu'il s'agisse d'un bon compromis. Le vote pour le oui n'est ni un reniement ni un abandon et n'empêchera pas la gauche de changer la société.

Il n'y a pas que l'extrême gauche... Au PS aussi, le non a le vent en poupe...
Il n'est pas correct, et nous en reparlerons, que des dirigeants, et non des moindres, aient cru bon de s'exonérer du résultat de la consultation interne. Si c'était un cas de conscience, ils auraient dû dire dès le début qu'ils voteraient non, quel que soit le résultat. Ces dernières semaines, ils ont créé un trouble à la manière de Chevènement en 2002. La meilleure réponse à cette situation, c'est que le oui l'emporte et que ce soit la gauche qui l'ait fait gagner.

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