Il faut une réponse qui protège, une réponse qui promeut

Dominique Strauss-Kahn
Intervention de Dominique Strauss-Kahn, député du Val-d'Oise, lors du Conseil national du Parti socialiste du 7 octobre 2006.


 
Avant de commencer, je veux saluer devant vous le travail qui a été celui du maire de Cachan, Jean-Yves Le Bouillonnec qui, au cours de ces dernières semaines, a été véritablement l’honneur de la gauche dans une période où, en effet, comme Henri le rappelait tout à l’heure, les provocations commencent mais ne sont pas terminées, de la part du ministre de l’Intérieur.

Il y a eu Cachan, il y a eu Les Mureaux juste derrière, il y en aura d’autres, et je vois avec une certaine inquiétude arriver le moment de l’anniversaire des événements de novembre… Nicolas Sarkozy risque de jouer avec des allumettes pour que se ré-embrasent les banlieues, mécanique qu’il met chaque fois en œuvre pour essayer de lui attirer l’électorat et qui consiste à dire : regardez comme ça va mal, vous avez encore plus besoin de moi !

J’ai dit il y a plusieurs semaines, - je continuerai dans toute cette campagne, que je ne tolère pas l’idée que le ministre de l’Intérieur, qui est en charge d’une responsabilité majeure dans l’Etat, la mette au service de sa propre candidature. Donc nous devons réclamer, soit qu’il quitte le ministère de l’Intérieur, soit qu’il ne soit pas candidat, mais nous n’allons pas vivre sept mois où le pays va être embrasé à cause des ambitions de Nicolas Sarkozy.

Mes camarades, voilà venu un moment que nous avons tous beaucoup attendu, le moment où enfin, nous allons entrer dans le réel, quitter le virtuel, et où nous allons enfin avoir de véritables débats entre des camarades, hommes, femmes, qui souhaitent représenter les socialistes dans l’échéance qui est devant nous ; avec un seul objectif pour nous tous évidemment : battre la droite, la mettre hors du pouvoir, et faire en sorte qu’une politique de gauche se mette en œuvre dans notre pays. C’est nécessaire, parce que les enjeux, on le sait, on ne va pas les rappeler, chacun les connaît, c’est notre modèle social qui est en cause, c’est le modèle de société que nous voulons, c’est la place de la France en Europe, c’est aussi sa place dans le monde.

Donc je suis heureux, je vous le dis, que nous entrions dans cette période où enfin, on va pouvoir débattre avec respect, avec amitié, mais aussi avec fermeté, parce que chacun, maintenant, doit dire sa vérité, aux socialistes d’abord, à la gauche ensuite, et enfin aux Français.

Pour moi, il y a deux enjeux, deux conditions pour que notre objectif commun puisse être rempli. Le premier, c’est que l’offre politique, l’offre politique de la gauche et donc des socialistes, réponde à une situation nouvelle. Nouvelle, parce que c’est la fin de la période Chirac, la fin de son deuxième mandat, et le bilan de ces cinq ans, il va falloir le tirer rapidement, dès la fin de notre campagne interne, pendant notre campagne interne. Il n’y a pas de raison qu’elle ne serve pas non plus dans nos débats à nous, à mettre en évidence ce qui s’est passé pendant ces cinq ans.

Alors, une sorte de politique aujourd’hui consiste à essayer de nous dire que les choses vont un peu mieux parce que, dans des conditions que l’on sait, qui sont très comptables, le chômage baisse un peu parce que la croissance mondiale finit par avoir une influence sur la France. La réalité, c’est qu’il faut comparer les cinq ans qui viennent de s’écouler aux cinq ans de la mandature qui était celle de Lionel Jospin. Et sur aucun des points, ni le pouvoir d’achat, ni le chômage, ni la précarité, sur aucun de ces points, la situation ne s’est améliorée pendant les cinq ans que nous venons de vivre. Donc, ce combat-là contre le bilan de la droite qui crée des situations difficiles pour la gauche quand elle arrivera au pouvoir, ce combat-là, il faut qu’on le mène dès aujourd’hui, sans attendre la date du 16 ou du 23 novembre, qui désignera notre candidat.

À cause de ce bilan, dont les Français ressentent combien il est mauvais, la colère contre l’UMP existe dans notre pays, et pourtant, elle ne se traduit pas assez massivement dans le soutien des socialistes, parce que le désir d’abstention, l’apolitisme, le repli sur soi est encore quelque chose de présent, et je n’ai pas oublié la leçon de 2002 qui a conduit beaucoup d’électeurs de gauche finalement à jouer à leur corps défendant, mais à jouer contre leur camp.

Et comme nous n’avons pas beaucoup avancé, il faut bien le reconnaître, ce n’est pas seulement de notre fait, loin de là, mais pas beaucoup avancé pour lutter contre l’émiettement de la gauche, les conditions de la victoire sont possibles, mais ne sont pas encore totalement réunies.

Pour les réunir, il faut répondre. Il faut une réponse économique et socialiste aux problèmes de fond qui sont ceux des Français et qui, d’une manière ou d’une autre, relèvent des conséquences de la mondialisation. Il faut une réponse qui protège, une réponse qui promeut. Gagnera à l’arrivée le camp qui sera capable de vaincre le scepticisme, de balayer l’angoisse qui est celle de notre peuple et de montrer un chemin nouveau dans la mondialisation. Un chemin nouveau dans la mondialisation dont nous n’acceptons ni les conséquences libérales sur le plan économique et social ni les conséquences politiques quand elles poussent à l’individualisme et qu’elles poussent finalement à la montée de l’extrême droite, qui a été dénoncée tout à l’heure.

Si bien qu’il faut répondre à des problèmes traditionnels de la gauche : le pouvoir d’achat, le logement, la précarité, le chômage, mais aussi, bien sûr, la culture, la justice, ce qui fait partie de notre patrimoine presque génétique, mais il faut aussi répondre à des questions nouvelles de la France. Des questions qui tournent autour de l’avenir énergétique, dont la fin du pétrole, qui tournent autour du changement le plus important que notre société va vivre dans les dix ans qui viennent et qui sont liées au vieillissement de la population, qui tournent autour de la place des technologies nouvelles et notamment des technologies de la vie dans le modèle industriel qui sera le nôtre.

Le président de la République que nous allons élire en France et qui sera de gauche, il aura besoin à la fois de traiter ce qui est notre patrimoine dans la lutte contre les inégalités, dans la distribution du pouvoir d’achat, dans la lutte contre le chômage, mais de traiter aussi un ensemble de questions nouvelles qui n’existaient pas ou en filigrane seulement, il y a quatre ans, il y a cinq ans, encore moins il y a dix ans, et gagnera là aussi le camp qui saura répondre aux questions qui sont les questions de l’avenir.

Ma conviction, c’est qu’une autre politique est possible, et qu’il faut le montrer, dans notre campagne interne comme ensuite dans le combat contre le candidat de la droite, probablement Nicolas Sarkozy, et qu’il faut montrer qu’il y a des marges possibles, et que ces marges, nous pouvons les mettre au service de l’action publique parce que, ne nous y trompons pas, si on ne retrouve pas de la croissance, si on ne retrouve pas la possibilité d’avoir des ressources, tous les programmes politiques, celui de la droite aussi, celui de la droite nous importe peu, le nôtre, notre projet ne pourra évidemment pas être mis en œuvre si nous ne sommes pas capables de recréer les conditions de la croissance.

Tout ce que nous disons, Benoît tout à l’heure rappelait notre attachement au projet, oui, mais faire tout cela coûte de l’argent public, c’est bien normal. Et pour avoir cet argent public, dans la situation dans laquelle la droite laisse le pays, alors, il faut que nous soyons capables de retrouver de l’activité économique. C’est la condition de base, sans cela, il ne se passera rien, même si nous gagnons les élections.

Je veux me consacrer à expliquer cela dans les semaines qui viennent, comme je veux me consacrer à expliquer le second élément de notre victoire, pour moi. Ce second élément, c’est le renouveau, mais un renouveau qui ne sacrifie pas nos principes. Le renouveau est nécessaire, dans le respect des décisions qui ont été les nôtres, donc il faut prendre tout notre projet, évidemment pas le renier, mais même pas le rogner. Ce que nous avons décidé en commun, c’est notre vade-mecum. Mais bien sûr, le renouveau est inclus dans ce projet, par exemple dans l’efficacité, notre manière de lutter contre la droite. Quand on parle d’égalité réelle, quand on parle d’attaquer les inégalités à la racine, nous avons renouvelé ce qui fait notre corpus idéologique, et nous avons dépassé, englobé ce que nous faisions avant pour aller plus loin. Ce renouveau, il existe dans notre projet, mais il ne doit pas, ce renouveau qui est nécessaire, conduire à nous échapper vers toutes les demandes de l’opinion, comme il ne doit pas nous subordonner aux autres formations politiques.

Ne pas nous échapper vers les demandes de l’opinion, ce serait une tentation facile. Bien sûr qu’il faut écouter, bien sûr qu’il faut dialoguer, mais pas au détriment de la volonté politique. L’opinion aujourd’hui est en désarroi, c’est à nous, parti politique, et à notre candidat, de structurer la vision politique de l’avenir, pas de la recevoir.

C’est utile aussi, cette écoute, cette discussion, avec nos partenaires de la gauche, mais là aussi, c’est à partir de notre identité, de ce qu’est le Parti socialiste, que nous devons tracer les voies de l’avenir en évitant les surenchères auxquelles évidemment nos partenaires potentiels vont essayer de nous attirer. C’est pourquoi je ne crois pas, ni à une orientation qui reprendrait simplement la stratégie d’Epinay ou celle de la gauche plurielle, qui ont permis de gagner en leur temps, mais qui ne correspondent plus, me semble-t-il, exactement à la situation dans laquelle nous sommes, et je ne crois pas non plus à une autre stratégie qui innoverait certainement, mais en mêlant, comme on l’a entendu les uns et les autres, et cela mérite débat, le socialisme et le national. Bien sûr que nous sommes tous des patriotes, évidemment, mais le socialisme, pour moi, en tout cas, c’est d’abord un internationalisme.

Il nous faudra aussi être capables de choisir une orientation qui soit reconnue, dénommée, et pour moi, j’ai choisi celle de la social-démocratie, parce qu’elle est sociale, et parce qu’elle est démocratique, mais surtout parce qu’elle a apporté dans toute l’histoire de l’Europe des solutions et ce dont nous avons besoin, ce qu’il faut que nous puissions prouver aux Français, c’est que nous avons des solutions à apporter aux problèmes qui sont les leurs. Dans ces solutions, il y a la manière de présider à l’avenir, de présider différemment avec un régime plus parlementaire, comme cela a été dit, qui équilibre un président qui dirige véritablement. Je crois que la période est derrière nous d’un président qui serait un monarque, qui serait un arbitre. Il faut un président qui agit, comme dans les autres démocraties, qui dirige, qui porte une politique, pas qui est au-dessus de la politique, qui porte la politique qui est celle que nous voulons.

Vous êtes des dirigeants politiques, vous avez chacun vos inclinaisons, elles sont toutes respectables. Ne vous repliez pas sur des certitudes établies à l’avance, écoutons-nous les uns les autres, c’est les vertus de la confrontation, elles ne nous ont jamais porté tort, ces vertus-là.

Nous sommes trois candidats, tous les trois capables de conduire le pays, mais pas obligatoirement en mettant l’accent de la même manière sur les mêmes priorités. Nous sommes trois candidats tous les trois capables de battre la droite, mais pas obligatoirement d’avoir la même manière d’affronter le choc qui sera celui de la rencontre avec le candidat de la droite.

Moi j’y crois, ça fait 23 ans que j’appartiens à ce conseil national, je vous connais tous pour la plupart, et j’ai l’ambition, pendant les semaines qui sont devant nous, de vous convaincre et de vous rassembler, parce que le talisman de l’unité est pour les socialistes un talisman indispensable, de vous convaincre et de vous rassembler avec un seul objectif : que je l’emporte ou qu’un des autres camarades l’emporte, c’est au bout du compte de faire gagner la gauche et pour cela, de faire gagner le Parti socialiste

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