Partir des sondages pour avancer des propositions n'est pas ma conception de la politique

Dominique Strauss-Kahn
Entretien avec Dominique Strauss-Kahn, député du Val-d'Oise, paru dans le quotidien Libération daté du 28 octobre 2006
Propos recueillis par Jean-Dominique Merchet


 

La réunion du PS, jeudi soir à Paris, a été agitée. Ségolène Royal, qui a été sifflée par vos partisans, demande « plus de respect ». Comment réagissez-vous ?
Ne nous divisons pas. Pour battre Sarkozy, qui ne ménagera personne, il faudra être rassemblés. La vie politique n'est pas faite que d'applaudissements. Il peut arriver à chacun d'entre nous de faire une mauvaise intervention. Ne transformons pas un mauvais discours en une crise des socialistes. Bref, gardons notre sang-froid. L'entourage de Ségolène Royal ne devrait pas surréagir. Il arrive que l'on traverse de mauvaises passes dues à de mauvais sondages ou à des formulations approximatives, mais un candidat à l'élection présidentielle doit savoir ne pas faire porter aux autres la responsabilité de ses propres erreurs.

Pensez-vous pouvoir battre Ségolène Royal ?
Je le pense depuis le début, sinon je ne me serais pas présenté à l'investiture socialiste. Il y a une dizaine de jours, je sentais un frémissement en ma faveur, aujourd'hui, c'est un mouvement. J'ai toujours pensé que, lorsqu'on connaîtrait vraiment les candidats, nous sortirions du virtuel. Nous y sommes et les choses sont très ouvertes.

Qualifieriez-vous Ségolène Royal de populiste ?
Je n'aime pas beaucoup ce mot. Ségolène Royal est socialiste, ce qui n'interdit pas de pointer dans ses propositions certains accents démagogiques. Partir des sondages pour avancer des propositions n'est pas ma conception de la politique. Je m'interroge sur la méthode qui consiste à lancer des idées, comme l'encadrement militaire des jeunes délinquants ou les jurys populaires pour surveiller les élus, avant que l'entourage de Ségolène Royal n'effectue à chaque fois une sorte de rétropédalage.

Ségolène Royal et Laurent Fabius semblent faire une priorité de la reconquête des classes populaires. Votre discours ne s'adresse-t-il pas plutôt aux classes moyennes ?
Je vous rappelle que je suis l'élu de Sarcelles... Mon discours vise autant les classes moyennes que les classes populaires, qu'il faut unir pour être majoritaire. Il s'agit de redonner confiance à l'ensemble des Français et de construire une nouvelle croissance qui nous permettra d'attaquer les inégalités et les injustices, comme le montrent mes propositions sur la sécurisation des parcours professionnels, la santé au travail ou le pouvoir d'achat. Prenons la question du Smic : il ne suffit pas de l'augmenter, mais surtout il ne faut pas que les salariés restent au Smic toute leur vie. D'où l'importance de revoir les évolutions de carrière, pour permettre, par exemple, à l'aide-soignante de l'hôpital de devenir infirmière.

Votre discours est souvent celui d'un ministre de l'Economie...
Je persiste et je signe. Entre une droite qui n'a à la bouche que l'adaptation au marché et une certaine gauche qui refuse de bouger, je crois que le rôle de la sociale-démocratie est de montrer qu'il y a un chemin audacieux et crédible face à la mondialisation. Je crois aussi que la crise que nous vivons en France est fondamentalement économique et sociale. Et que la crise de la démocratie en découle. Si nous ne retrouvons pas une croissance, forte, nous ne pourrons rien faire : l'éducation, la santé, tout cela demande de l'argent. L'impulsion sur les salaires, les retraites, la sécurité professionnelle, doit venir du président de la République. Voilà pourquoi je veux un pacte de l'Elysée.

Vous vous présentez comme social-démocrate. Qui ne l'est pas au PS ?
Certains le disent mais ne le sont pas. Certains le sont mais ne le disent pas. Je crois que le temps est venu d'acclimater des pratiques que l'on connaît en Europe du Nord. La social-démocratie, c'est par exemple accorder plus de place à la négociation. C'est aussi être conscient qu'il faut produire avant de distribuer. Il faut un nouvel équilibre entre le travail et le capital, mais rien ne sert de faire de la surenchère sur des promesses que nous ne serons pas capables de mettre en oeuvre.

Si vous êtes au second tour, vous aurez besoin de Fabius. Est-il redevenu fréquentable ?
Le débat sur le référendum est derrière nous. Qu'ils aient voté oui ou non, tous les socialistes voulaient une Europe plus sociale, plus politique. Les Français ont tranché. Entre nous, il n'y a pas de fossé infranchissable : je crois possible de rassembler les positions des uns et des autres.

Vous êtes donc plus proche de Fabius que de Ségolène Royal ?
Nous avons tous les trois beaucoup de points en commun. Je partage avec Ségolène l'idée qu'il faut bouger la gauche, rénover notre pays, s'attaquer à la crise démocratique. Laurent Fabius incarne une conception plus traditionnelle. En revanche, je partage avec lui le souci de l'union de la gauche, la priorité au social et l'idée que, pour gouverner l'Etat, il faut l'expérience de l'Etat.

Espérez-vous le soutien de Jospin ?
Je ne parlerai pas à sa place et il se déterminera comme il l'entend.

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