Être clairs dans nos orientations, nos équipes, notre stratégie

Dominique Strauss-Kahn

Point de vue signé par Dominique Strauss-Kahn, député du Val-d'Oise, paru dans le quotidien Le Figaro daté du 4 juin 2005. Propos recueillis par Nicolas Barotte et Myriam Lévy


 

La direction du PS souhaite constituer une « direction homogène », sans Laurent Fabius. Est-ce la bonne méthode ?
Pour aborder la crise que nous vivons, je m'en tiens à ce que nous avons défini avec François Hollande : la clarté dans les orientations, dans les équipes et dans la stratégie. L'homogénéité de la direction est une interprétation raisonnable de ce qu'il appelle la clarté dans les équipes.

N'y a-t-il pas un risque à repousser Laurent Fabius hors des instances, vers le clan des protestataires ?
Ne pensez-vous pas que Laurent Fabius s'est mis en contradiction avec ce que les socialistes avaient majoritairement décidé ? A Laurent Fabius de nous dire s'il veut persister sur une ligne purement protestataire ou revenir à notre orientation commune : le réformisme de gauche. C'est un choix qui lui appartient. Et d'ailleurs, ce n'est pas un homme à se laisser repousser quelque part !

Qu'est-ce qui vous sépare de Laurent Fabius ?
Une divergence de méthode sur ce que la gauche doit proposer au pays mais, aussi, un différend sur la manière de construire l'Europe.

Votre électorat ne vous a pas suivi...
Notre électorat s'est divisé. Une partie, majoritaire en effet, a préféré exprimer d'abord son rejet de la politique du gouvernement et du président de la République - comme ils l'avaient déjà fait en 2004 lors des élections régionales puis européennes en nous soutenant massivement. Nous n'avons pas été suffisamment convaincants pour dissocier les enjeux et expliquer que l'Europe construite jusqu'à maintenant, qui a semblé trop libérale, était pour la première fois infléchie dans l'autre sens par le contenu du traité. Par ailleurs, il a vraisemblablement manqué la définition d'une alternative de gauche pour la France.

Comment retrouver la confiance de votre électorat ?
Nous avions la confiance lors des dernières élections ! L'élément nouveau, c'est notre division. Ce que traduit le vote du 29 mai concerne l'Europe mais va beaucoup plus loin que le traité européen. Il y a là une crise de régime. Notre fonctionnement démocratique est à bout de souffle : les élections se traduisent soit par une abstention massive, soit par une participation punitive. La représentation politique est défaillante, puisqu'elle peine à trouver la voie entre une adaptation pure et simple à la mondialisation et un discours démagogique, incapable de tenir compte de cette mondialisation.

La Ve République est-elle morte ?
Le vote de dimanche met en lumière les faiblesses du système de la Ve République, c'est-à-dire un Parlement abaissé et un président irresponsable. Il nous faut donc une responsabilité présidentielle affirmée, des parlementaires à plein temps élus sur un mandat unique, une démocratie participative inventée et - car tout est lié - une démocratie sociale refondée.

Qu'est-ce qui ne fonctionne plus dans notre modèle social ?
Il faut réinventer une méthode qui repose sur un triptyque : la protection, la promotion, l'innovation. La protection dont ont besoin les salariés doit déboucher sur la mise en œuvre effective d'une Sécurité sociale professionnelle. La promotion, c'est l'éducation et la formation, qui doivent attaquer les inégalités à la racine, quand elles se forment, et pas simplement en compenser les effets après coup par la redistribution. L'innovation suppose de faire de la recherche une grande cause nationale. Ceci ne peut être obtenu qu'avec une rénovation de la démocratie sociale, c'est-à-dire un rôle plus grand des syndicats et des méthodes nouvelles de conclusion des accords. Finalement, le non nous dit : « Il faut écouter. » Le nouveau premier ministre nous dit : « Il faut parler. » Moi, je vous dis : «Il faut apporter des solutions

Que faut-il faire pour lutter contre les délocalisations ?
Il n'y a pas, et pour longtemps, de grande économie sans bases industrielles puissantes. Pour protéger les salariés, il faut la Sécurité sociale professionnelle. Il faut aussi des efforts localisés de réindustrialisation. Pour éviter les délocalisations, tout comme on fait intervenir des fonds publics pour le développement de jeunes entreprises de high-tech, il peut être nécessaire d'intervenir en capital, pour un temps, dans les entreprises jugées stratégiques. On a appelé cela des « nationalisations temporaires ». Le terme ne m'effraie pas.

Le nouveau premier ministre a fait de l'emploi sa priorité. Que lui suggéreriez-vous ?
Je note que le président de la République intervient le mardi, le premier ministre le mercredi, le ministre d'Etat le jeudi et, le vendredi, les Français ne savent pas quoi penser. A aucun moment il n'est indiqué quels moyens vont être mobilisés et de quelle marge de manœuvre la France dispose. Il n'y a, surtout, pas de chemin tracé. L'année 2005 est l'année de mise en œuvre du budget préparé par Nicolas Sarkozy. Les piètres résultats de l'économie française sont en partie le fruit de ses choix budgétaires.

Peut-on encore promettre l'Europe sociale, notamment en 2007 ?
Sa réalisation dépend du rapport de forces qui existera en Europe et de notre capacité de conviction. Mais cela ne change pas l'objectif de tous les socialistes - l'Europe politique et sociale - ni ma détermination à être l'un des acteurs de ce changement.

© Copyright Le Figaro

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