Traité constitutionnel européen
Débat : Strauss-Kahn / Villiers

Dominique Strauss-Kahn



Entretien croisé entre Dominique Strauss-Kahn, député du Val-d'Oise, et Philippe de Villiers, député européen, paru dans l'hebdomadaire L'Express daté du 16 mai 2005
Propos recueillis par Christophe Barbier
 

Cette Constitution protège-t-elle les Français contre la destruction de leur modèle social ?
Philippe de Villiers
La situation économique et sociale permet de mesurer l'écart entre les promesses faites au fil des traités et les résultats - chômage, délocalisations, déréglementation, perte du pouvoir d'achat. A chaque traité, on nous dit que c'est le bon. Celui-ci est-il vraiment le bon ? Rectifie-t-il le tir ? La réponse est non, d'abord parce qu'il sanctuarise - article III-314 - l'absence de protection commerciale de l'Europe, ensuite parce qu'il rend très difficile - article III-167 - toute intervention publique pour faire le TGV, l'Airbus ou l'Ariane de demain, puis parce qu'il communautarise les services publics - article III-122 - enfin parce que la politique budgétaire et monétaire érige en nec plus ultra la stabilité des prix, et non la croissance et l'emploi - article III-177. Tout cela mène à l'abîme.

Dominique Strauss-Kahn
Ce traité comporte une partie nouvelle pour fixer les règles de fonctionnement et les objectifs de l'Union, et une qui rassemble les traités anciens, que l'on gardera, que le oui ou le non l'emporte. Après des années de construction économique, la partie inédite fixe - article I-3 - des objectifs nouveaux: plein-emploi, protection sociale la plus haute possible, lutte contre les discriminations, égalité hommes-femmes, développement durable, etc. Ce texte nous fait donc sortir d'une construction considérée à juste titre comme trop économique, qui était peut-être le seul chemin après l'échec de la Communauté européenne de défense, en 1954. Il était temps de commencer à bâtir l'Europe économique et sociale, ce que fait ce texte. L'absence de protection commerciale extérieure de l'Europe, que vous déplorez, n'est pas causée par ce traité : voter non n'y changera rien. Vos autres critiques sont erronées. Les services publics ? Jusqu'alors, aucun texte ne les mentionnait, et ce fut le combat des représentants français, de droite comme de gauche, que de les faire reconnaître dans la Constitution : ils échappent dorénavant aux règles de la concurrence. Quant à la stabilité des prix, priorité de la Banque centrale européenne (BCE), je pense comme vous qu'il faut parvenir à un équilibre entre le pouvoir économique et le pouvoir monétaire, qui ne doit plus avoir ce seul objectif. Or cette mauvaise donne ne vient pas de la Constitution, mais du traité de Maastricht, que l'on gardera si le non gagne. Une éventuelle modification des statuts de la BCE relève donc d'un autre traité, pas de celui-ci.

L'article sur la Banque centrale est donc une faiblesse de ce traité ?
Dominique Strauss-Kahn
La stabilité des prix n'est pas un défaut en soi ! Je ne voudrais pas d'un gouverneur de Banque centrale qui la néglige : le pouvoir d'achat est à ce prix-là. Mais il faut en contrepoids un gouvernement économique qui vise le plein-emploi et la croissance. J'ai mené ce combat lors de la création de la monnaie unique, avec la mise en place du Conseil de l'euro, appelé aujourd'hui Eurogroupe. Mais le problème n'est pas constitutionnel: il relève d'une volonté politique. L'euro n'est pas terminé, il est à mi-chemin, avec un volet monétaire accompli et un volet politique à bâtir. Et le traité va dans le bon sens, qui renforce l'Eurogroupe, même s'il faut d'autres textes. Votre contradiction, c'est de vouloir changer les objectifs de la BCE tout en refusant de créer le pouvoir central qui pourra le faire.

Philippe de Villiers
Je m'en tiens aux faits. Les pêcheurs : l'Europe subventionne la casse de leurs bateaux. Les agriculteurs: hier semeurs de récoltes, aujourd'hui producteurs de formulaires et planteurs de primes. Les transports: la directive Bolkestein déjà en vigueur. Etc. Tous me disent avoir cru aux traités précédents, avec leurs multiplicateurs de prospérité, de liberté, de croissance. Et nous sommes dans la spirale du désespoir, tandis que la Suède, le Danemark, le Royaume-Uni ont de bons résultats.

Et que doit-on faire ?
Philippe de Villiers
Il faut une Europe libre à l'intérieur et protégée à l'extérieur. Or on fait le contraire. Cette Constitution prépare ce que souhaite Dominique Strauss-Kahn: l'article I-7, qui dote l'Union de la personnalité juridique, et l'article I-54, qui détermine ses ressources propres, mènent à l'impôt européen. Tout cela avec plus de centralisation bureaucratique, toujours plus coûteuse, alors que la France reçoit déjà 3 milliards d'euros de moins que ce qu'elle donne. Et avec le rôle accru de commissaires - article I-26 - toujours plus arrogants, dans une Commission promue gouvernement économique de l'Union. Mais sans la moindre protection pour l'Europe. Dominique Strauss-Kahn sait bien que l'union commerciale européenne est la moins protégée. Guillaume Sarkozy, qui veut présider le Medef, explique qu'un article textile français envoyé en Inde est taxé à 80 %, contre 6,75 % dans l'autre sens. Pendant ce temps, l'organisation des fonds structurels de l'Europe amène tout entrepreneur à dissocier le capital du travail: une simple secrétaire en France, une licence d'importation et l'embauche des salariés les moins chers et les moins protégés du continent, dans les pays qui ont aussi baissé leur impôt sur les sociétés pour attirer les entreprises. Mettons la monnaie au service de l'emploi et de la croissance, la Commission sous le contrôle du pouvoir politique et la protection commerciale au service de nos entreprises. L'affaire du textile chinois montre des gouvernements nationaux qui veulent protéger mais n'en ont plus le pouvoir, et un gouvernement européen qui peut le faire mais ne le veut pas. Je me refuse à donner le pouvoir à l'oligarchie des commissaires, des banquiers et des juges de la Cour européenne, qui nous détruira.

Dominique Strauss-Kahn
Vous mêlez des critiques, traditionnelles chez vous, sur le fonctionnement de l'Europe et d'autres sur le traité à adopter. Dans un gigantesque amalgame, vous proposez aux Français de dire non à la Constitution au motif de dysfonctionnements - dont certains sont bien vus - de l'Union actuelle, conduite par des gouvernements, un Parlement et une Commission majoritairement à droite. Il n'est donc pas surprenant qu'elle mène une politique de droite, que je suis heureux de vous voir critiquer. Encore un effort et vous allez rejoindre le Parti socialiste! Mais, quand vous dites que la politique agricole ne protège pas les agriculteurs européens, c'est faux. Sans elle, avec une Europe ouverte à tous vents, ils auraient disparu, à commencer par les Français. Mettre la monnaie au service de la croissance? D'accord. Imposer un contrôle politique à la Commission ? Oui. Et c'est ce que ce texte amorce, avec les pouvoirs accrus du Parlement européen, la mise en place d'un président de l'Union qui ne change pas tous les six mois, etc. Votre confusion continuelle est un mauvais service rendu aux Français, qui les conduit à rejeter l'Europe au moment où le traité proposé combat les défauts que vous décrivez. Si vous ne voulez pas que le pouvoir européen soit dans la main des banquiers, des juges et des commissaires, il faut un pouvoir politique: vous avancez donc dans la voie du fédéralisme - c'est nouveau chez vous - et vous voterez à deux mains ce traité ! Dans l'affaire du textile, aucun des Etats membres de l'Union n'est assez fort pour négocier seul un accord protecteur avec les Chinois : seule l'Europe nous donne la force nécessaire. Refuser de donner à l'Union le poids politique nécessaire, c'est se lier les mains, dire « Il faudrait » et s'en rendre incapable. Mais vous n'êtes pas naïf : vous dites cela, en fait, parce que vous ne souhaitez pas l'Europe politique. Si l'Europe était mauvaise, la Suède, le Royaume-Uni et le Danemark seraient dans la même mélasse que nous...

Philippe de Villiers
Ils n'ont pas l'euro !

Dominique Strauss-Kahn
Première évolution : l'euro, et non plus l'Europe. Donc vos critiques sur le commerce plombé par l'Union ne tiennent plus. Pour que l'euro apporte les résultats attendus, il faut plus de pouvoir politique et de gouvernement économique. Deux de ces pays ont une autre spécificité: Suède et Royaume-Uni ont un gouvernement de gauche. Le problème en Europe, c'est que la politique est menée par les conservateurs. Vous êtes gêné de les dénoncer, car c'est votre camp, alors vous mettez cela sur le compte de l'euro...

Philippe de Villiers
Voilà un point clef. Après vos propos sur la catastrophe économique qui suivrait un non des Français, j'ai lu les déclarations d'experts disant au contraire que cela pourrait être un électrochoc relançant la croissance en France. Ce que je lis dans cette Constitution, c'est un renforcement de Bruxelles, qui éloigne le pouvoir et le rend incontrôlable. La Commission voit son monopole d'initiative étendu - plus de sujets gérés à la majorité - et renforcé, avec une cinquantaine de domaines transférés dans ses compétences. Le traité comporte quatre basculements qui vont dans le sens de technocrates qui décident et de politiques qui exécutent. Le premier, c'est la personnalité juridique donnée à l'Union: elle pourra signer des traités, sans contrôle des Etats membres et des peuples. Je crains le pire.

Dominique Strauss-Kahn
Mais ce n'est pas la Commission qui signera ces traités, c'est le Conseil européen, avec un président élu.

Philippe de Villiers
Faux. Article III-315 sur la politique commerciale: les négociations sont menées par la Commission, en consultation avec un comité spécial désigné par le Conseil.

Dominique Strauss-Kahn
Puis le Conseil statue ! La Commission n'a qu'un mandat de négociation, elle ne peut engager l'Union. C'est le politique qui décide.

Philippe de Villiers
Deuxième basculement: la règle générale est la majorité qualifiée, et la France, privée de son droit de veto, devra trouver 14 Etats rassemblant 250 millions d'habitants pour bloquer un texte. Le jour où la Commission de Bruxelles voudra privatiser les centrales nucléaires et les vendre aux fonds de pension américains, nous ne pourrons pas dire non.

Dominique Strauss-Kahn
Faux, encore. D'abord, le nucléaire ne relève pas de l'Union: l'énergie est dans le domaine de compétence partagée - article I-14.

Philippe de Villiers
Mais l'article III-122 dit que la loi européenne fixe les principes et le fonctionnement des services publics : ça me fait peur.

Dominique Strauss-Kahn
C'est beaucoup mieux que la situation actuelle, où l'Europe ne reconnaît pas les services publics ! Revenons au nucléaire: rien dans le traité n'autorise la Commission à vendre le nucléaire à qui que ce soit.

Philippe de Villiers
L'article I-12 dit qu'une compétence partagée est celle que les Etats membres exercent quand l'Union n'a pas voulu s'en occuper. Ce n'est pas une codécision ! Si la Commission veut prendre une compétence, un ministre national doit s'en passer.

Dominique Strauss-Kahn
La compétence en question, c'est la politique de l'énergie: il est souhaitable qu'il y en ait une au niveau européen, pour développer, par exemple, les énergies douces. Mais elle n'implique en rien la propriété des moyens de production. Ce qui peut mettre en cause la propriété du nucléaire en France, c'est la politique du gouvernement Raffarin.

Philippe de Villiers
Troisième basculement, des pans entiers passent sous contrôle de Bruxelles : l'Union va gérer l'immigration, la politique étrangère, la défense, le droit des minorités, qui instaurera le communautarisme, et d'autres droits fondamentaux des Etats.

Dominique Strauss-Kahn
Vous dites « Bruxelles », je dis « Europe ». Je suis favorable à ce que des pans entiers soient gérés au niveau européen. Mais « Bruxelles » sous-entend « Commission » et « bureaucratie » : c'est erroné, puisqu'une quarantaine de domaines passent en codécision et demandent l'intervention du Parlement européen. Notamment le budget, dont le contrôle par les députés est le signe d'une Europe politique en marche, comme dans toute démocratie. Ce texte limite le pouvoir des technocrates bruxellois, que vous exagérez mais qui est, en effet, trop important. Quant au militaire, l'article I-41 dit qu'on va créer une défense européenne: êtes-vous contre ?

Philippe de Villiers
Je suis pour une coopération entre les Etats, sans défaire les défenses nationales et sans soumission aux Américains.

Dominique Strauss-Kahn
C'est exactement ce que dit le texte ! Des coopérations structurées forment une défense européenne, compatible avec l'Otan pour ceux qui y sont engagés. La Suède n'y est pas, la France, si mais pas comme les autres, etc. La défense européenne ne rendra pas caducs ces accords, mais la Constitution ne soumet pas notre défense aux Etats-Unis, elle permet simplement d'avancer sur une défense européenne.

Philippe de Villiers
L'article I-41 évoque une défense commune qui passe par l'Otan pour certains de ses membres. L'Europe ne se conçoit donc pas comme une puissance de contrepoids, mais comme une puissance additionnelle. L'Union est atlantiste, elle se pense comme la 51e étoile du drapeau américain. Pour la première fois de l'Histoire, une alliance militaire est consacrée par une Constitution.

Dominique Strauss-Kahn
Non ! On jette les bases de ce qu'on a essayé de faire dès 1954, et on respecte les accords passés: rien de neuf !

Philippe de Villiers
Enfin, quatrième basculement, l'article I-6 instaure la supériorité des lois européennes sur les lois nationales, ce qui n'est pas nouveau, mais aussi la primauté de cette Constitution sur celles des Etats. Demain, n'importe quel règlement de Bruxelles, appelé loi ou loi-cadre - triomphe sémantique de la Commission ! - sera supérieur à notre Constitution. Nous voilà donc avec un Etat fédéré, avec des lois supérieures votées à Bruxelles et des lois d'exécution au niveau des Etats. Je refuse cette abolition de la démocratie nationale.

Dominique Strauss-Kahn
De tout temps, les traités internationaux l'ont emporté sur les lois nationales: rien de neuf. Dans les domaines confiés au niveau européen, parce que c'est plus efficace, les décisions prises s'imposent à l'échelon national. C'est l'essence même de ce que j'approuve et que vous refusez: l'émergence d'un pouvoir européen. Mais il n'y a aucune supériorité de la Constitution européenne sur la nôtre et, si le Conseil constitutionnel le décide, un texte européen peut être rejeté.

Philippe de Villiers
Votre Europe politique, c'est une France affaiblie au Parlement européen.

Dominique Strauss-Kahn
Je crois le contraire. Avec le nouveau traité, sa part dans les droits de vote au Conseil augmente et celle du couple franco-allemand passe de 18 à 30 %.

Philippe de Villiers
Je réfute cette subtilité.

Dominique Strauss-Kahn
Ce n'est pas une subtilité, c'est une addition.

Philippe de Villiers
Avec Nice puis la Constitution, la France faiblit dans les trois sphères de décision. Au Parlement, on a perdu la parité avec l'Allemagne: 87 députés chacun avant, 72 pour nous contre 99 pour elle en 2009. Au Conseil, la majorité qualifiée nous oblige à trouver 14 Etats représentant 250 millions d'habitants, contre 230 millions pour l'Allemagne, qui en apporte 20 millions de plus toute seule: parité supprimée aussi. Dans la Commission, nous avions deux commissaires, il n'en reste qu'un ; après 2009, nous en aurons peut-être un à éclipses, sur 18. Dans une Commission plus forte, la France n'aura peut-être pas de représentant ! Quand Jacques Chirac ou vous-même affirmez que le poids de la France augmente grâce à la Constitution, c'est faux.

Dominique Strauss-Kahn
Veut-on rester au traité de Nice ou adopter le nouveau ? Si vous me prouvez que le traité de Nice est meilleur, je comprends le vote non. Mais, entre les deux textes, le poids de la France, du couple franco-allemand et des six pays fondateurs augmente. Le Conseil et le Parlement européens se renforcent. Qu'une source de droit, le Parlement, avance vers une Europe fédérale, ça me va.

Philippe de Villiers
Démocratie artificielle et lointaine !

Dominique Strauss-Kahn
Plus les parlementaires européens ont de pouvoir, moins la démocratie est factice.

Philippe de Villiers
On le voit avec la directive Bolkestein, discutée en 2000 et arrivée dans le débat en France cinq ans après !

Dominique Strauss-Kahn
Quand avez-vous écrit quelque chose pour la dénoncer ?

Philippe de Villiers
Le premier débat au Parlement sur ce sujet, ce fut le 13 février 2003, avec une résolution jetant les bases juridiques qui ont inspiré cette future directive. Seuls les députés du Mouvement pour la France n'ont pas signé. Ils m'ont alerté et, le soir même, j'ai fait une dépêche à l'AFP. Il a fallu deux ans encore pour que le débat éclate, à l'occasion de la récente montée du non. J'ai dénoncé la directive, et vous aussi. Ce n'est donc pas une découverte de campagne!

Dominique Strauss-Kahn
Mais ce que vous faisiez ne servait à rien ! Si on veut que le Parlement européen puisse bloquer ce genre de directives, il faut le renforcer, ce que prévoit la Constitution.

Philippe de Villiers
José Manuel Barroso racontait récemment dans les couloirs de sa Commission que le Parlement et le Conseil peuvent faire ce qu'ils veulent contre Bolkestein, la Commission a le dernier mot. Et Tony Blair, qui présidera l'Union à partir du 1er juillet, l'a répété. Voyez l'article III-395: il faut l'unanimité pour rejeter une proposition de la Commission, ce qui n'arrivera pas sur cette directive, laquelle passera. Elle est simplement au frigo; elle sera décongelée après la victoire du oui - si le oui gagne.

Dominique Strauss-Kahn
Si le non l'emporte, elle passera encore plus facilement, puisqu'on n'aura pas renforcé le Parlement !

Philippe de Villiers
Si le non gagne, c'est un coup d'arrêt politique à Bolkestein.

Dominique Strauss-Kahn
Qu'est-ce qui vous fait croire à cette illusion ? La France, première opposante à cette directive, sera affaiblie !

L'adhésion de la Turquie à l'Union est-elle concernée par ce texte ?
Dominique Strauss-Kahn
Philippe de Villiers est contre l'entrée de la Turquie, c'est son droit. Moi, je suis pour. Mais est-ce la question posée ? Non. La question turque sera à trancher d'ici à dix ou quinze ans, si ce pays remplit les conditions d'adhésion. Et les Français, comme les autres peuples, approuveront ou non cette entrée par référendum. Mais que l'on vote oui ou non à la Constitution ne change en rien cette question turque, qui existe depuis quarante ans. Cela n'a donc aucun rapport, c'est agité pour faire peur. Et, si l'on veut vraiment relier les deux, notons que la Constitution met la barre plus haut pour la Turquie, notamment en matière de droits de l'homme. Tous les adversaires de cette adhésion devraient donc voter oui!

Philippe de Villiers
Pas de lien entre la Constitution et la Turquie ? A la page 165 du document que tous les électeurs ont reçu pour le référendum, on voit la signature du Premier ministre turc en bas de l'acte final, partie intégrante de la Constitution !

Dominique Strauss-Kahn
Tous les candidats étaient invités à la Convention, comme observateurs !

Philippe de Villiers
La Croatie n'a pas signé ; la Turquie, si.

Dominique Strauss-Kahn
Quand vous vous mariez, il y a un témoin. Mais il ne participe pas à la nuit de noces.

Philippe de Villiers
Je poursuis. Quand les Français se prononceront-ils sur l'adhésion turque ? Dans quinze ans? Moi, je préfère « interrompre » la négociation avant qu'elle ne commence plutôt qu'après sa fin. Il serait indécent et intenable de laisser les Turcs négocier pendant quinze ans, puis de faire tomber le couperet. Il faut dire non à la Constitution, et les négociations avec la Turquie ne s'ouvriront pas le 3 octobre. Il est d'ailleurs curieux de ratifier une Constitution sans savoir à quel espace elle s'appliquera. Enfin, elle indexe le poids politique sur le poids démographique. Même Valéry Giscard d'Estaing a dit que l'adhésion de la Turquie rendrait alors sa Constitution caduque.

Dominique Strauss-Kahn
« Interrompre » une négociation avant qu'elle ne commence, c'est illogique : voyons si ce pays est capable de remplir les conditions. Encore une fois, le oui ou le non à la Constitution ne changera rien au calendrier prévu. Enfin, à quel espace s'applique ce texte ? Comme tous les traités européens jusqu'ici, à tous les Etats qui le signent ou le signeront. Je préfère avoir la Turquie dans l'Union plutôt qu'absorbée dans un espace moyen-oriental dominé par les Syriens, les Irakiens et les Iraniens, qui seraient à nos portes. Mieux vaut avoir la Turquie en tampon.

Philippe de Villiers
Fait-on l'Europe ou le marchepied de la mondialisation ? Dans le second cas, on peut faire entrer la Nouvelle-Zélande et le Canada !

Dominique Strauss-Kahn
On fait l'Europe, une construction politique, et tous ceux qui en rejoignent les objectifs doivent pouvoir adhérer. Pour résister dans cinquante ans aux pôles américain, chinois, indien, brésilien, il faudra que l'Europe se préoccupe du pourtour de la Méditerranée. Ne bâtissons pas une forteresse.

Philippe de Villiers
La puissance n'est pas une addition de la statistique, mais de la volonté et de la culture.

Dominique Strauss-Kahn
La volonté est dans le traité constitutionnel.

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