Quelle relance
pour l'économie européenne ?

Dominique Strauss-Kahn

 Intervention de Dominique Strauss-Kahn, ancien ministre de l'économie et des finances, ancien ministre de l'industrie, lors du Global Progressive Forum organisé les 9 et 10 septembre 2005 à Milan.

 
Le " non " français et le " ne " néerlandais au traité constitutionnel ont constitué un coup de tonnerre dans le paysage européen. Les deux peuples y ont rejeté l'Europe telle qu'elle se construit. Ils dénoncent avant tout une Europe trop libérale : ils ont le sentiment qu'elle les protège mal contre les risques du nouveau capitalisme mondialisé. Mais ils dénoncent aussi l'Europe inefficace : la construction de l'Europe s'est faite autour de l'économie, or l'Europe échoue au plan économique.

Le constat est sans appel : la croissance européenne est en panne. Depuis le début des années 1980, l'Europe est l'une des zones du monde où la croissance est la plus faible : sur la période 1980-2000, le taux de croissance annuel moyen de l'Union à Quinze a été de 2,4 %, contre 2,5 % pour l'Afrique, 3,4 % pour les Etats-Unis, et 9,7 % pour la Chine ; seule la Russie présente une croissance économique inférieure, puisque son PIB a diminué de 1,9 % en moyenne annuelle entre 1993 et 20011. La croissance par tête demeure également insuffisante : au cours de cette même période, elle n'atteint que 70 % environ de la croissance du PIB américain par tête2.

Ce déficit persistant de croissance menace la viabilité du modèle européen : le cercle vertueux qui lui servait de moteur s'est commué en cercle vicieux. La morosité économique a grippé le processus de redistribution sociale, ce qui a affaibli la consommation et donc la croissance. Mais elle pèse aussi sur la protection de l'environnement : un grand nombre d'entreprises sont incapables de financer les investissements destinés à rendre leur processus de production moins polluant. C'est pourquoi l'amélioration de la qualité de la croissance, c'est-à-dire le découplage de la croissance économique et de la dégradation écologique, a été rendue plus difficile. Le ralentissement de la croissance a donc mis à l'épreuve la cohésion sociale et les valeurs d'ouverture inhérentes au modèle européen. Le financement même de l'Etat providence est menacé, car les marges de manœuvre diminuent en même temps que les dépenses augmentent.

Cet échec économique s'explique d'abord au niveau microéconomique : l'Europe n'a pas encore achevé sa transition d'une stratégie d'imitation à une stratégie d'innovation.

Cette transition est rendue nécessaire par la fin du rattrapage quantitatif de l'après-guerre : les progrès dus à la reconstruction et à l'assimilation des technologies existantes, souvent américaines, ont été épuisés, et la croissance économique repose désormais sur le progrès technique et l'innovation.

Cette transition est également rendue nécessaire par les mutations du capitalisme contemporain. Le capitalisme industriel d'hier était fondé sur une production standardisée destinée à des classes moyennes accédant à la consommation, un investissement productif dans des technologies connues, une main-d'œuvre peu qualifiée et stable, un financement adossé aux banques. Or, le capitalisme " postfordiste " contemporain possède des caractéristiques opposées : produits différenciés, fortes innovations technologiques, personnel adaptable, mobile et à haute valeur ajoutée, financement de marché. Enfin, cette transition est contrainte par la mondialisation économique, dans laquelle les pays occidentaux ont dû affronter la concurrence croissante des pays émergents du Sud. Cette concurrence est devenue insoutenable dans le cas des productions à forte intensité de main-d'œuvre, où les coûts salariaux des pays développés ne sont pas compétitifs. Pour les pays occidentaux, il n'existe qu'une seule stratégie : une " sortie par le haut ", qui consiste en une spécialisation dans les produits et services les plus innovants.

Or, les pays européens ont largement conservé un mode de fonctionnement issu de la période d'après-guerre : grandes entreprises industrielles " fordistes ", investissement dans l'outil de production, concentration de l'effort éducatif sur l'enseignement primaire et secondaire ainsi que sur l'apprentissage professionnel, modèle particulier de lien capitalistique entre les entreprises et leurs banquiers (c'est le fameux " modèle rhénan " que l'on oppose traditionnellement au modèle anglo-saxon). Dans une économie fondée sur l'innovation, le principal facteur de succès est la recherche-développement (R&D) ; or, la part du PIB brut consacré à la R&D est très inférieure dans l'UE-15 (1,9% du PIB) par rapport aux Etats-Unis (2,7 %) ou au Japon (3 %). Un quart seulement de la population active de l'UE-15 a achevé un cursus d'études supérieures, contre plus d'un tiers (37 %) aux Etats-Unis. Plus inquiétant encore, les dépenses consacrées chaque année à l'enseignement supérieur aux Etats-Unis représentent plus du double des dépenses européennes - 3 % contre 1,4 % du PIB3. Pour encourager l'innovation, les nouveaux entrants sur un marché doivent être favorisés par rapport aux opérateurs installés, dont la taille constitue une barrière à l'entrée : ce n'est pas suffisamment le cas en Europe. Selon l'OCDE, la croissance de l'emploi dans les start-up est beaucoup plus rapide aux Etats-Unis qu'en Europe. 12 % des plus grandes entreprises américaines en termes de capitalisation boursière ont été fondées il y a moins de vingt ans, contre 4 % seulement en Europe4.

La construction communautaire elle-même s'est fondée sur cette optique traditionnelle. Le marché unique a été conçu principalement pour favoriser les économies d'échelle, non pour stimuler l'innovation en encourageant les nouvelles entreprises. Le droit de la concurrence est tourné vers la gestion des relations entre grandes entreprises et n'est pas destiné à favoriser les nouveaux entrants. Quant aux dépenses liées à l'innovation et à la connaissance, elles atteignent à peine 5 % du budget de l'Union.

Mais le déficit de croissance européen a également une explication macroéconomique.

Tandis que les Etats-Unis sont parvenus, après les déséquilibres des années 1970, à rétablir la stabilité des prix sans coût apparent en termes de croissance, l'Europe a mis en œuvre une politique de stabilité macroéconomique qui a pesé sur le rythme de sa croissance.

L'explication est triple. Elle tient d'abord au caractère procyclique des politiques budgétaires menées par les Etats membres : leur capacité de relance en période de ralentissement économique a été amenuisée par la limitation du déficit à 3 % du PIB, prévue par le pacte de stabilité. Ensuite, l'Europe ou au moins la zone euro semble disposer d'une politique monétaire moins réactive que celle mise en œuvre par la Réserve fédérale américaine. Enfin et surtout, l'inadéquation de la politique macroéconomique européenne vient de l'absence de policy mix à l'échelle de l'Union. Cette quasi-absence de coordination des politiques économiques des Etats membres de la zone euro tend à faire disparaître le bénéfice lié à l'existence de la monnaie unique européenne. De plus, cette situation rend impossible tout débat ordonné avec le Banque centrale européenne : ainsi, les détenteurs du pouvoir macroéconomique en Europe ne coordonnent-ils pas leurs efforts, alors qu'aux Etats-Unis, le Trésor et la Réserve fédérale déterminent ensemble une stratégie macroéconomique.

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Tel est l'enjeu prioritaire, désormais, pour l'Europe. Avant d'envisager de relancer l'Europe politique de demain, il nous faut réussir l'Europe économique d'aujourd'hui. Il nous faut bâtir une croissance durable et un développement solidaire en Europe.

Quelles sont les pistes d'avenir ?

Il y a une pise à bannir : la concurrence fiscale et sociale

L'Europe est mieux à même de réagir à la panne de sa croissance que ne l'est chacun des Etats membres pris séparément. Pourtant, les pays européens ont préféré réagir de manière dispersée, en entrant en compétition. Cette compétition pour attirer les flux économiques sur le territoire national se traduit par une course au " moins-disant " fiscal et social. La baisse du taux de l'impôt sur les sociétés relève de cette tactique : il est tombé de 50 à 33 % en France en l'espace de dix ans, il n'est plus que de 25% en Allemagne et 10% en Irlande, et il est nul en Estonie. Cette course folle érode les bases sur lesquelles repose le financement de la protection sociale et des politiques environnementales ; elle risquerait de conduire les pays européens à renoncer à leur modèle de justice en faveur d'un modèle plus libéral si elle était menée à son terme.

La compétition pour l'attractivité du territoire national a pris une tournure encore plus alarmante avec l'organisation au sein des pays européens de " paradis fiscaux " pour multinationales : pour attirer les sièges sociaux et les directions financières des grands groupes internationaux, certains Etats membres ont développé à leur intention des régimes fiscaux dérogeant à la fiscalité nationale et offrant des conditions plus avantageuses. Ce phénomène exclusivement européen provoque des délocalisations et des détournements d'investissements au sein même de l'Union à Quinze. Valables pour le seul " passager clandestin ", ces régimes provoquent une diminution de la ressource fiscale sans procurer d'avantage comparatif à l'Etat qui les met en œuvre puisque tous les pays membres font de même.

L'Europe doit concrétiser les ambitieux objectifs de la stratégie de Lisbonne en investissant massivement dans les dépenses d'avenir

Afin de réussir son passage vers l'économie de la connaissance, l'Europe doit investir dans la recherche, dans l'innovation et dans l'éducation. C'est là que se joue, pour l'essentiel, son avenir : face aux écarts de coûts entre les entreprises de l'Union et leurs concurrentes des pays émergents, aucune stratégie de compétitivité-prix ne peut réussir.

Les avantages comparatifs dont disposent les pays émergents en termes de coûts de production ne sont certes pas définitifs; ainsi le développement économique de l'Asie du Sud-Est se traduira-t-il par l'alignement progressif des coûts de production sur les standards occidentaux. Cependant, les structures économiques actuelles de l'Union ont déjà beaucoup souffert des transitions en voie d'achèvement. Elles ne sauraient résister à la pression infiniment plus forte de la concurrence de pays aussi peuplés que la Chine ou l'Inde. C'est pourquoi seule paraît viable une stratégie de l'innovation, reposant sur la connaissance et autorisant une réorientation de l'activité économique vers des produits et des services innovants. Seule cette stratégie peut permettre à l'Europe, comme elle le permet aux Etats- Unis, de franchir la frontière technologique qui la rend plus complémentaire que concurrente du Sud. Il y a urgence : le transfert de sites de production et de certains services (" call centers ", comptabilité) dans les pays émergents pourrait annoncer une prochaine délocalisation des activités de recherche-développement (R&D), favorisée par l'investissement dans le capital humain de pays comme la Chine.

Or, l'Europe accumule un retard préoccupant en matière de R&D. Pour y remédier, elle s'est donnée un objectif d'investissement annuel de 3 % du PIB dans la recherche, réparti entre 1 % pour la recherche publique et 2 % pour la recherche privée. Ce chiffre de 3 % fait référence aux meilleures pratiques occidentales. Il doit pourtant être considéré comme un plancher si nous voulons satisfaire les ambitions du programme de Lisbonne et devenir l'économie la plus dynamique du monde en 2010 ; actuellement, l'Europe - pays membres et Union confondus - ne consacre que 1,9% de son PIB à la recherche. Trois voies de réforme permettront à l'Union de combler son retard en matière de R&D.

Une première voie est de faire de la R&D la priorité budgétaire de l'Union européenne. L'Europe doit se donner un objectif clair : être la zone du monde qui investit le plus dans la R&D. Cela exige que l'Union joue un rôle beaucoup plus actif, et qu'elle consacre chaque année à la recherche un budget équivalent à 0,25 % du PIB communautaire. A terme, l'effort de recherche publique communautaire pourrait continuer à augmenter pour devenir, en volume, la première politique de l'Union. Ensuite, la recherche publique doit être rendue plus efficace, et les fonds correctement alloués. La création d'une agence européenne de la recherche permettrait d'accroître l'impact qualitatif de l'effort financier consenti en matière de recherche publique, en fondant l'attribution de fonds sur des critères scientifiques et non plus, comme c'est encore souvent le cas aujourd'hui, sur des considérations géographiques (logique du " juste retour " pour l'allocation des fonds du PCRD). Enfin, l'effort financier européen consacré à la recherche privée est insuffisant. L'Union pourrait encourager la mise en place du crédit d'impôt pour la R&D et pour les investissements innovants, qui est l'instrument le plus approprié à la stimulation de la recherche privée, à travers une résolution du Conseil européen, voire en fixant par une loi-cadre un plancher de défiscalisation commun à toute l'Europe.

L'économie de l'innovation nécessite en parallèle d'investir massivement dans l'enseignement supérieur. Si l'Union est parvenue à démocratiser l'enseignement secondaire, il lui faut maintenant s'attacher à une démocratisation de l'enseignement supérieur indispensable à la transition vers un modèle de la connaissance et de l'innovation. Sur ce point, l'écart avec les Etats-Unis est majeur : en proportion, les Etats-Unis comptent 50 % d'universitaires de plus que l'Union ; aucun Etat membre n'atteint le niveau américain. Cet écart trouve son origine dans la différence des efforts financiers respectivement consacrés à l'enseignement supérieur. Les Etats-Unis investissent 3% de leur richesse nationale dans leurs universités, contre 1,4 % en Europe. Même le financement public est supérieur aux Etats-Unis : 1,4 % contre 1,1 % du PIB. La généralisation massive et rapide de l'enseignement universitaire est un défi majeur pour l'Europe. Ce défi est d'abord posé aux Etats membres, car l'enseignement supérieur relève de leur compétence. Mais l'Union peut contribuer à accroître l'effort européen en la matière. D'abord en fixant, par une résolution du Conseil européen, l'objectif à atteindre : 50 % de la population devrait être diplômée de l'enseignement supérieur. Puis en investissant dans un réseau de centres universitaires d'excellence appelés à se hisser dans leur domaine au premier rang mondial. Il est raisonnable d'imaginer que l'Union consacre 0,15 % du PIB européen à un enseignement supérieur de qualité.

La relance de l'économie européenne passe aussi par une politique industrielle communautaire pour lutter contre la désindustrialisation et consolider l'attractivité du " site Europe "

La politique industrielle n'est pas à ce jour une compétence communautaire ; les seuls éléments de politique industrielle européenne relèvent du droit de la concurrence. L'Europe économique s'est construite en regardant vers l'intérieur : il s'agissait de faire tomber les barrières nationales pour constituer un espace économique européen unifié. La mondialisation et les risques de délocalisation obligent aujourd'hui à regarder vers l'extérieur : il faut assurer la compétitivité industrielle de l'Europe dans un environnement marqué par une concurrence internationale accrue. Car l'Europe ne peut se résigner à une désindustrialisation progressive : c'est dans l'industrie que réside le potentiel de croissance de demain. Même dans une économie dominée par les services, les gains de productivité proviennent de l'industrie.

La désindustrialisation ne se limite pas aux délocalisations, qui en constituent la manifestation la plus spectaculaire et la plus douloureuse socialement. Quand une entreprise (européenne ou extra-communautaire) préfère investir ailleurs qu'en Europe (même sans délocaliser un site de production), elle contribue à la désindustrialisation de l'Europe. La problématique est donc plus large : c'est celle de la capacité du " site Europe " à attirer les investissements internationaux. Dans la compétition pour attirer ces investissements, l'Europe a trois concurrents à l'égard desquels doivent être formulées trois réponses différentes. Face à concurrence des pays émergents, l'Europe doit investir dans la connaissance. Face à la concurrence des économies développées, et tout particulièrement des Etats-Unis, nous devons faire évoluer le droit communautaire de la concurrence pour permettre la constitution d'acteurs européens ayant la taille critique sur le marché mondial, et non plus seulement assurer le maintien d'une concurrence entre entreprises européennes sur chaque segment national. Face à la concurrence venant de l'Europe elle-même, il faut bannir juridiquement les régimes fiscaux déloyaux en étendant le principe d'égalité de traitement qui interdit les " discriminations négatives " aux " discriminations positives " que représentent ces régimes.

La transition vers l'économie de l'innovation appelle enfin une dynamisation du marché unique à l'aide de trois voies de réforme. D'abord, l'entrée des nouvelles entreprises doit être facilitée, car ce sont les nouveaux entrants - les " start-ups " - qui sont porteurs d'innovation. Cela passe par une réorientation des politiques européennes de régulation des marchés comme de la politique de la concurrence, qui n'ont pas été conçues pour répondre à un tel objectif. Ensuite, le marché unique doit se doter d'un marché du travail véritablement unifié. Enfin, l'unité physique du marché unique doit être renforcée. Les coûts liés à l'amélioration des réseaux de transport européens ont été évalués à 500 milliards d'euros sur dix ans, soit 50 milliards d'euros par an. L'Union européenne pourrait couvrir entre un quart et la moitié de ces besoins : la part du budget communautaire consacrée aux dépenses d'infrastructures représenterait ainsi entre 0,125 % et 0,25 % du PIB européen (contre moins de 0,01 % aujourd'hui).

La relance de l'économie européenne passe enfin par la réforme de notre cadre macroéconomique. L'objectif est la mise en place d'une gestion active de la politique économique

Dans le domaine macroéconomique, les dysfonctionnements de la gestion de la zone euro sont désormais patents : politique budgétaire pro-cyclique, relative inertie de la politique monétaire, absence de " policy mix ". La faiblesse de la réaction face à la hausse de l'euro en constitue une nouvelle illustration. Ces dysfonctionnements alimentent le désenchantement qu'éprouve un nombre croissant de citoyens européens à l'égard de la monnaie unique. Il ne suffira pas d'aménager les instruments de la politique économique dans la zone euro : c'est la philosophie même de la gestion macroéconomique européenne qui doit être renouvelée. La faible coordination qui l'a caractérisée jusqu'à ce jour vient de ce que l'Union s'est longtemps accommodée d'un " pilotage automatique " reposant sur une série de règles mécaniques, notamment en matière budgétaire. Nécessaire pendant la période de convergence des économies européennes, indispensable à la prévention des dérapages budgétaires, ce mode de gestion ne convient pas à la poursuite d'un objectif de rétablissement de la croissance et de développement de l'emploi. Aussi le renforcement de la coordination des politiques économiques est-il devenu incontournable. C'est pourquoi il est temps de réformer le cadre macroéconomique de l'Union : l'encadrement par les règles doit être complété par une gestion politique active.

C'est vrai pour la politique budgétaire. La faiblesse actuelle de la gouvernance économique de la zone euro tient largement au statut d'enceinte informelle de l'Eurogroupe - l'organe qui réunit les ministres des finances des pays ayant adopté l'euro : il ne lui est pas possible de prendre de décision ayant une portée juridique, de sorte que son rôle de coordination ne s'est jamais réellement développé. L'absence de pilotage économique de la zone euro en est le résultat : elle ne connaît ni stratégie budgétaire agrégée, ni dialogue efficace entre les autorités budgétaires et la BCE. Cette carence est à l'origine d'impuissances manifestes : un " policy mix " souvent inapproprié, une politique de change subie face au dollar, une fragmentation de la représentation externe de la zone euro privant la monnaie unique européenne d'une voix forte. La solution passe donc par l'institutionnalisation de l'Eurogroupe, auquel il faut donner les pleines compétences juridiques pour arrêter la politique économique de la zone euro: concertation budgétaire et politique de change, dialogue avec la BCE pour définir le " policy mix ", préparation des positions que la zone euro défendra sur la scène internationale. Il faut également y élire un président stable, qui sera le ministre des finances de l'Europe.

Une gestion plus active de la politique monétaire est également nécessaire. Du fait de son attention trop exclusive à la stabilité des prix, la politique monétaire de la Banque centrale européenne est aujourd'hui un frein à la croissance.

La prise en compte de l'objectif de croissance et d'emploi pourrait se faire à statuts inchangés, avec d'autres banquiers centraux.

Cependant, la révision des statuts de la BCE serait un signe politique fort. Elle ne consisterait pas à revenir sur l'indépendance de la banque centrale, systématique dans toutes les grandes démocraties. La révision proposée reviendrait à inscrire dans les statuts la prise en compte de l'objectif de croissance et d'emploi ; il s'agit donc d'un simple alignement sur les statuts qui existent dans les autres pays occidentaux, Banque d'Angleterre et Réserve fédérale américaine notamment, et qui ont fait la preuve de leur efficacité.


Conclusion : créer les conditions
d'un développement solidaire en Europe

 
Investir massivement dans les dépenses d'avenir ; mettre en place une politique industrielle européenne ; créer un gouvernement économique de la zone euro en institutionnalisant l'Eurogroupe ; assurer la prise en compte des objectifs de croissance et d'emploi par la Banque centrale européenne : telles sont aujourd'hui les principales pistes pour relancer l'économie européenne.

Une telle relance est essentielle, car la croissance conditionne le maintien du haut niveau de protection caractéristique du modèle européen. En permettant le passage à l'économie de la connaissance et en renouvelant la philosophie même de la gestion macroéconomique européenne, les réformes ici proposées constituent de solides fondements pour une croissance durable et un développement solidaire en Europe.


 


1 Données issues du World Economic Outlook publié par le FMI en 2002.
2  Selon les données de l'AMECO database de la Commission européenne.
3  Source : OCDE, Education at a glance
4  Source : An agenda for a growing Europe – Rapport du groupe d'experts indépendants créé à l'initiative du président Prodi et présidé par André Sapir, juillet 2003.


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