Nous voulons des changements sérieux au PS



Entretien avec Henri Emmanuelli, député des Landes, paru dans le quotidien Le Monde daté du 18 novembre 2005
Propos recueillis par Isabelle Mandraud


 

Premier secrétaire du PS en 1994, au congrès de Liévin, vous aviez appelé Jacques Delors, d'une sensibilité différente de la vôtre, " à faire son devoir ". Quel est celui des socialistes pour le congrès du Mans qui s'ouvre vendredi 18 novembre ?
Tous les socialistes ont conscience que nous vivons un moment difficile et que ce que l'on attend de nous, c'est le rassemblement plutôt que la division. En même temps, nous avons de vrais désaccords, et ils sont connus de l'opinion publique, sur l'Europe, les institutions, ce que l'on fait des lois de la droite... Nous ne pouvons pas faire comme si nos débats avaient disparu par enchantement.

Souhaitez-vous une synthèse entre le courant Nouveau Parti socialiste (NPS) dont vous faites partie et la majorité de François Hollande ?
Oui, mais pas à n'importe quel prix. Nous voulons des changements sérieux sur plusieurs points : le respect du non à la Constitution européenne, le 29 mai, l'installation d'un tarif extérieur commun dans l'Union européenne, sans lequel beaucoup d'entreprises ne tiendront pas, la réforme des institutions et l'abrogation des lois de la droite. Nous voulons aussi renouveler les pratiques du parti, avec une opposition résolue au gouvernement. La façon dont on s'y prend n'est pas toujours lisible. Le cheminement des socialistes pendant une semaine et demie, sur la loi d'exception et l'état d'urgence, par exemple, laisse à cet égard subsister quelques doutes.

Les conditions que vous posez sont-elles négociables ?
Sur le tarif extérieur commun, il peut toujours y avoir un amendement Jospin puisque j'ai lu dans son livre (Le Monde comme je le vois) qu'il en parlait ! La synthèse est souhaitable, elle n'est pas indispensable. A la veille de 1981, le parti avait une majorité, une minorité, cela ne l'a pas empêché de gagner l'élection présidentielle. Et quand nous étions tous dans la majorité, en 1995, nous avons perdu... J'aimerais surtout que ce congrès soit celui d'une prise de conscience : les Français rejettent le libéralisme.

Mais le PS est-il gouvernable s'il reste quasi coupé en deux, avec une majorité de 53 % ?
Si nous avons refusé une alliance avec Laurent Fabius, c'est bien parce qu'on ne veut pas d'une situation bloc contre bloc. Nous sommes des démocrates. La majorité est majoritaire, point. Dans la pratique, avec le temps, évidemment, c'est une majorité un peu étroite. Mais ce parti ne survit que grâce à la proportionnelle qui permet aux courants minoritaires d'être représentés. Sinon, vous poussez à l'explosion. En France, on n'a pas besoin de faire comme Oskar Lafontaine (ex-dirigeant du Parti social-démocrate, le SPD, qui a fondé un nouveau parti à gauche de la gauche en Allemagne).

NPS présentera-t-il un candidat contre François Hollande au poste de premier secrétaire ?
Nous n'avons pas encore décidé. Les avis sont partagés.

En Allemagne, le SPD a traversé des moments difficiles mais affiche une unité, y compris avec son aile gauche...
Le SPD est au tout début de ses difficultés. L'élection avec 99,4 % des voix de son nouveau président, Matthias Platzeck, croyez-moi, n'est pas un bon signe. En 1994, au congrès de Liévin, j'avais dépassé 92 % comme premier secrétaire et je n'en garde pas un très bon souvenir... En général, ces scores ne sont pas annonciateurs d'une mer calme. Son aile gauche est restée à l'abri, mais ça ne va pas durer. Le SPD serre les rangs parce qu'il n'est pas dans l'opposition.

En Italie, Romano Prodi, qui est invité au Mans, a gagné des primaires organisées par la gauche dans tout le pays pour affronter Silvio Berlusconi. Est-ce envisageable en France ?
J'ai fait cette proposition dès le 29 mai, avant même qu'elles aient eu lieu en Italie. A ce moment-là, j'ai essuyé des réactions, disons, variées... Ce sera difficile, mais à titre personnel j'aimerais beaucoup que l'on explore cette voie.

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