Un traité commercial plus qu'une Constitution



Entretien avec Henri Emmanuelli, député des Landes, paru dans le quotidien 20 Minutes daté du 9 mars 2005
Propos recueillis par A. Sagnard


 

Pourquoi êtes-vous entré en campagne pour le « non » ?
Voter « non » dans mon coin m’aurait suffi si la donne n’avait pas changé. Aujourd’hui, l’enthousiasme du PS pour la Constitution européenne me pose problème. D’autant plus que certains éléments, directive Bolkestein, encouragement aux délocalisations, directive permettant d’augmenter le temps de travail en Europe renforcent la tonalité libérale du texte. Cela fait beaucoup, cela fait trop.

A qui s’adresse cette campagne ?
Ma responsabilité est de dire aux électeurs de gauche qui sont pour l’Europe qu’ils ont droit de dire « non » à ce texte. On essaye de les culpabiliser en leur faisant croire que voter contre, c’est voter contre l’Europe : c’est faux. Il suffit de réécrire ce texte aux 484 articles qui ressemble plus à un traité de commerce qu’à une Constitution. Je vais m’adresser à l’opinion publique avec mes moyens. J e vais faire une tournée des entreprises qui souffrent des délocalisations.

Vous venez de refuser un appel du pied du parti communiste…
Il me semble que Marie­ George Buffet doit continuer, de son côté, à convaincre les communistes. Je crois devoir, pour ma part, m’adresser d’abord à l’électorat de sensibilité socialiste.

De nombreux électeurs semblent se désintéresser du débat européen...
Il ne faut pas qu’un clivage se développe entre les gens du haut de la pyramide sociale, qui voteraient « oui » et ceux du bas qui voteraient « non » . Ce chantage-là n’est pas acceptable. Aujourd’hui, 60 % de la législation française qui régit leur vie quotidienne est d’origine européenne.

Affaiblissez- vous le PS ?
J’espère que non. Je ne fais campagne ni contre le parti, ni contre les socialistes, dont près de la moitié se sont prononcés pour le « non » . Je ne souhaite pas non plus organiser une scission. Un parti est un moyen, pas une fin. Je suis militant depuis plus de trente ans, il m’est difficile de choisir entre ma conviction et ma fidélité au parti. Je suis persuadé que ce référendum constitue l’une des dernières chances pour donner un coup d’arrêt à la dérive libérale en Europe qui génère chômage, précarité et régression sociale.

J’essaie de faire en sorte que ceux qui pensent cela puissent l’exprimer au cours des futures élections. Je travaille au rassemblement de la gauche.

Vous pensez que la distance grandit entre la base électorale et la direction du PS ?
Il y a plus de socialistes hors du parti qu’à l’intérieur. Cette situation ne doit pas perdurer sinon le PS et la gauche en mourront. Une des raisons d’être du PS est de parler à sa base. Il ne faut pas se tromper de discours ni d’auditoire.

Les dirigeants ne reflètent pas toujours la base électorale du parti. Depuis des années, les militants sont partis. Si on perd le contact avec eux, c’est le FN qui les récupère. Parfois, il faut remettre la gauche sur ses jambes : l’emploi, le logement, les situations d’urgence.

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