C'est tout l'édifice de ma loi qui sera ébranlé

Claude Evin
Entretien avec Claude Evin, député de la Loire-Atlantique, ancien ministre de la santé, paru dans le quotidien Le Monde daté du 2 juin 2004
Propos recueillis par Elie Barth


 

Le sénat a-t-il dénaturé votre loi de 1991 en assouplissant la réglementation de la publicité sur le vin ?
Oui, car l'amendement adopté par les sénateurs va redonner la possibilité aux publicitaires de lancer des campagnes sur des éléments subjectifs, comme les caractéristiques sensorielles ou visuelles. Ma loi n'empêchait pas de communiquer, mais elle limitait le champ au produit. On ne peut pas à la fois promouvoir une consommation modérée de l'alcool et l'associer à la fête. Où est la cohérence ? Le Sénat ouvre une brèche dans laquelle les producteurs d'alcools forts et industriels vont s'engouffrer. Or ce secteur d'activité dispose de moyens financiers bien supérieurs aux viticulteurs. Ces derniers auront l'illusion qu'un espace s'ouvre à eux. En réalité, ils n'en bénéficieront qu'à la marge.

Que vous inspire l'argumentation des partisans d'une réforme de votre loi, qui font valoir que la consommation modérée de vin n'altère pas la santé ?
Je ne mène pas de croisade contre le vin et je ne mésestime pas les problèmes des professions vinicoles. Mais il ne faut pas se tromper de débat. La loi de 1991 concerne la santé publique avec un volet nécessaire autour de la réglementation publicitaire.

N'êtes-vous pas déçu que des élus socialistes aient aussi remis en cause votre loi ?
La démagogie est largement répartie sur tous les bancs parlementaires. Ce sont parfois ceux qui donnent des leçons en réunion de groupe qui cèdent à la facilité. Tout cela me désole, mais je ne peux pas être responsable des bêtises des autres. Au sein du PS, nous avons évoqué le sujet. Lors de la deuxième lecture du projet de loi sur le développement des territoires ruraux, notre groupe ne cautionnera pas l'amendement voté par le Sénat.

Serez-vous à la tête de la mobilisation ?
Je n'en fais pas une affaire personnelle. Je sais qu'un mouvement s'est créé autour de l'Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie - ANPAA -. La loi de 1991 permet aux associations de s'impliquer. J'ai d'ailleurs signé la pétition initiée par l'Anpaa.

Avez-vous le sentiment que le gouvernement va s'employer à revoir le texte adopté par le Sénat ?
Le secrétaire d'Etat à l'agriculture, Nicolas Forissier, s'est défendu mollement contre l'amendement voté par le Sénat. J'ai été déçu de ne pas entendre le ministre de l'agriculture - Hervé Gaymard - sur ce sujet. Je crois qu'il veut faire évoluer la portée de l'amendement, ce qui est un peu hypocrite. A partir du moment où le canevas de ma loi est retouché, c'est tout l'édifice qui sera ébranlé. Ces tentatives visant à revoir la publicité sur l'alcool coïncident avec des échéances électorales. Ce n'est pas fortuit.

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