Un autre avenir est possible
Investiture présidentielle du PS

Profession de foi de Laurent Fabius, député de Seine-Maritime, parue dans l'Hebdo des socialistes daté du 9 novembre 2006


 
Chère camarade, cher camarade,

Si la mondialisation continue au rythme actuel, dans dix ans, le monde sera encore plus libéral, donc encore plus inégalitaire, et l’environnement encore plus dégradé. Les conflits se multiplieront : pour la puissance, pour l’énergie, pour l’eau, pour l’accès aux médicaments, pour fuir les cataclysmes liés au réchauffement climatique. Le monde libéral est un monde violent.

Ma conviction, c’est que cette perspective n’est pas une fatalité. Sur tous les continents, des femmes et des hommes aspirent à construire un monde plus humain et plus solidaire. Si la France se range clairement à leurs côtés, prolongeant la bataille pour l’Europe sociale et la lutte contre le CPE, alors nous aiderons à faire pencher la balance ! À l’inverse, une victoire de la droite et de Sarkozy ferait basculer l’équilibre en ancrant notre pays dans le système libéral dominant. Voilà pourquoi l’élection de 2007 est décisive et pas seulement pour les Français. Il reviendra au prochain Président de la République et à la nouvelle majorité de remettre la France à la tête du camp du progrès.

Cela suppose des choix volontaristes pour une Europe sociale, une mondialisation solidaire et une écologie active. Et non une gauche blairiste qui, à force d’intérioriser les contraintes du libéralisme, s’en fait le défenseur.

On me dit parfois que j’ai changé. Évidemment ! Certes, mes valeurs sont restées les mêmes – l’égalité, la laïcité, la liberté, l’internationalisme, en un mot, le socialisme –, mais j’ai adapté un certain nombre de mes positions aux bouleversements du monde. Ceux qui ne le font pas vivent sur une autre planète. Si on veut construire l’avenir – et pas simplement le « désirer » – l’heure n’est pas aux à peu près. Le capitalisme financier transnational ne fait pas dans la demi-mesure. Sans détermination farouche de notre part, il ne connaîtra pas de limites.

1) En Europe, nous tiendrons bon sur notre objectif : l’Europe sociale.

Nos partenaires, prenant acte du « non » français, ont décidé qu’il reviendrait à la France de présider l’UE au moment de conclure la renégociation du Traité constitutionnel. Ce Traité devra être court, se recentrer sur les institutions et les valeurs et faciliter notamment les coopérations renforcées pour permettre l’Europe des « trois cercles ». Je m’engage à soumettre aux Français par référendum ce nouveau texte.

Pour réorienter et relancer l’Europe, outre la construction d’une armée européenne par la mise en commun de nos équipements et de nos industries – et d’abord à l’échelon franco-allemand –, nous devrons attaquer plusieurs grands défis, bien définis dans notre projet socialiste.
     La politique monétaire qui suppose une révision des orientations de la BCE.
     Les délocalisations intra et extra-européennes : il y a urgence à adopter un traité d’harmonisation sociale et fiscale.
     La préparation de l’avenir : elle passe par un budget renforcé pour investir dans la recherche, la politique énergétique commune, les réseaux de transport, etc.
     La défense des services publics qu’il faut protéger, en particulier par une directive. Pour donner plus de force à nos demandes, je subordonnerai tout nouvel élargissement à ces avancées.

2) Pour une mondialisation solidaire, nous fixerons comme objectif le juste échange au lieu du libre échange.

Je proposerai à nos partenaires européens une utilisation stratégique du tarif extérieur commun. La France ne ratifiera aucun accord commercial qui ne comprendra pas de garanties sociales et environnementales.

Nous ferons du « partenariat pour le développement » une priorité, et d’abord en direction de nos frères et soeurs d’Afrique. Nous devrons prévoir des financements innovants. Pourquoi pas, au-delà de l’augmentation de l’aide et de l’annulation des dettes, une taxe sur les ventes d’armes, comme je l’ai déjà évoqué ?

Les organisations internationales (ONU, FMI, OMC, Banque mondiale) devront prendre en compte pleinement cette mondialisation.

3) Nous mettrons l’écologie et le développement durable au cœur de nos politiques publiques, du local au global.

Nous proposerons la création d’une Organisation mondiale de l’environnement. Je proposerai à l’UE l’adoption d’une véritable fiscalité écologique fondée sur le principe pollueur-payeur. En France, nous créerons un service public de l’environnement doté de pouvoirs étendus, placé sous l’autorité d’un ministre du Développement durable qui sera le numéro 2 du gouvernement. Les économies d’énergie, l’habitat écologique, la diversification énergétique, le ferroutage et les transports collectifs, en lien avec les collectivités locales, seront des priorités budgétaires. La mise en concurrence du marché de l’énergie sera suspendue. EDF et GDF repasseront sous contrôle public.

Stop ou encore au libéralisme, voilà le sens de l’élection de 2007 et du vote militant les 16 et 23 novembre prochains. Des millions de femmes et d’hommes, en France, en Europe et dans le monde, subissent la précarité. Ils veulent trouver une issue pacifique et efficace. Cette issue s’appelle le socialisme. C’est pour le faire triompher face à la mondialisation et à la marchandisation que je suis candidat.

Laurent Fabius



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