Les Français sont désenchantés

Laurent Fabius

Entretien avec Laurent Fabius, député de Seine-Maritime, paru dans Le Parisien daté du 21 mai 2004.
Propos recueillis par Philippe Martinat
 

Au PS, la compétition présidentielle semble avoir déjà démarré...
Un peu de calme et de jeu collectif serait le bienvenu. Il faut respecter les échéances. D'abord, les européennes. Puis, en 2005, l'élaboration de notre projet. Ensuite et seulement ensuite, la désignation de notre candidat. Avec, je le répète, une règle : que tous jouent collectif. Et que chacun, plutôt que de contempler son ego, soit attentif aux vrais problèmes des Français.

Sur la question du mariage gay dont ne veut pas Lionel Jospin, le PS n'a-t-il pas agi avec précipitation ?
J'espère que nous n'allons pas passer tout notre temps autour de cette seule question. Concentrons nos propositions sur l'emploi, la santé, l'environnement, le logement, la sécurité et l'Europe : c'est cela que nos concitoyens ressentent comme l'essentiel et attendent de nous

Le scrutin européen ne semble pas passionner...
Les Français sortent des élections régionales et départementales. Et pourtant l'Europe est fondamentale, et elle intéresse. Il nous faut expliquer que l'enjeu, c'est d'aller vers une Europe plus sociale et plus environnementale qu'aujourd'hui. Pour l'heure, c'est la droite, les amis de Chirac et de Berlusconi, qui domine. Pour une Europe vraiment sociale et environnementale, il faut une majorité parlementaire de gauche, donc socialiste

Peut-on assister à un nouveau vote-sanction contre le gouvernement ?
C'est probable. Quand on voit le peu de cas qu'il a fait des élections régionales et l'orientation qu'il a prise pour l'assurance maladie, beaucoup d'électeurs se diront : on ne nous a pas assez écoutés le 28 mars, enfonçons le clou le 13 juin. Mais le premier enjeu reste européen.

Que pensez-vous des propositions pour réformer la Sécurité sociale ?
Il aurait fallu une réforme de fond, or c'est le contraire qu'on nous présente : un replâtrage à la fois injuste et inquiétant. Injuste, car ce sont surtout les assurés sociaux qui vont payer ; en demandant un euro puis, dans l'avenir, sans doute deux ou trois euros à chaque acte médical, le gouvernement va pénaliser les plus modestes. Et les personnes âgées. Inquiétant aussi, parce que le paiement des déficits et des dettes est renvoyé sur les générations futures. En clair, cela veut dire que rien n'est résolu, que les questions de fond ne sont pas traitées et que ce gouvernement ampute l'avenir

Jean-Pierre Raffarin estime que la croissance repart...
Malgré les chiffres officiels, je reste prudent. L'activité économique en France reste faible, l'emploi stagne. Le gouvernement ne fait que repousser les problèmes. Du coup, les consommateurs, les entrepreneurs, tout le monde hésite à s'engager. Le ministre des Finances s'agite. Mais il manque un cap, un projet et des résultats.

Le Premier Ministre peut-il trouver un deuxième souffle ?
Ce n'est pas sa personne qui est en cause mais c'est vrai qu'il a perdu beaucoup d'autorité. Jacques Chirac avait toutes les cartes en main, en 2002. Il les a gâchées. D'où le désenchantement des Français.

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