Un socialisme pour notre temps | |
Contribution thématique au congrès national de Dijon présentée par Laurent Fabius. 18 janvier 2003 |
Notre congrès de Dijon approche. Nous devons reconstruire ensemble une espérance
pour la gauche afin de préparer l’alternance pour la France. Dijon doit marquer une
étape forte en ce sens. La présente contribution thématique vient en appui de la
démarche générale engagée par François Hollande. Elle est volontairement courte et dans
un esprit d’unité, n’aborde que trois aspects importants d’un projet socialiste pour notre
temps : l’internationalisme, l’écologie, la formation. Un socialisme clairement réformiste dans sa méthode et ambitieux dans ses objectifs, qui tient compte à la fois de notre expérience passée et du contexte du nouveau siècle. Ces trois aspects, ces trois notions répondent à un même besoin, à un même objectif et, au fond, à une même urgence. Un même besoin : sur ces enjeux, nous n’avons pas toujours été suffisamment offensifs. Un même objectif : à partir de ces enjeux, nous pouvons dégager de vrais clivages avec la droite. Une même urgence : à travers ces enjeux, nous pouvons redonner de la force à la volonté politique, en France, en Europe et dans le monde. Il y a un avenir pour l’action politique face à la résignation et au scepticisme. |
I/ Un Nouvel Internationalisme | |
On ne peut pas combattre pour plus de justice, d’égalité, de civilisation en France comme en
Europe, et se résigner à plus de barbarie à l’extérieur. Le socialisme n’a de sens et de crédibilité
que si son projet s’inscrit dans un mouvement et une dynamique internationale. Ceci est
encore plus vrai quand la globalisation accroît l’interdépendance des peuples, quand ce qui se
passe en Afghanistan atteint les tours jumelles de New-York, quand ce qui advient en Asie
déclenche une crise en Amérique du Sud et que le krach boursier de Wall Street fragilise
l’économie mondiale. L’internationalisme du mouvement ouvrier, ce fut longtemps la lutte pour la paix et contre le colonialisme. Le Nouvel Internationalisme que nous devons incarner conserve évidemment ces objectifs, mais son centre de gravité s’est déplacé. L’internationalisme du XXIème siècle, c’est principalement, en même temps que la paix, la lutte pour une globalisation maîtrisée et solidaire, contre la tendance à la marchandisation du monde à l’oeuvre depuis vingt ans. Naturellement, l’Etat ne peut pas tout, mais vingt ans d’hégémonie de l’ultra-libéralisme ont débouché sur de profonds désordres : crises financières et économiques à répétition - 6 en 12 ans ! -, aggravation des inégalités déclenchant chez des millions d’hommes et de femmes un ressentiment massif contre l’Occident, atteintes graves portées à l’environnement et à l’éco-système. Le monde sait les bénéfices possibles de l’internationalisation, mais il voit aussi les dégâts de la globalisation sauvage actuelle et il en souffre. Il a soif désormais d’organisation, de maîtrise de nos destins, de solidarité et de justice. Nous devons mettre à profit ce nouveau contexte idéologique et politique pour réaliser des avancées significatives dans notre combat pour une autre mondialisation. Historiquement, le socialisme, la social-démocratie, se sont définis par la recherche d’un triple compromis. Compromis entre le capital et le travail, afin que le travail reçoive sa juste rémunération. Compromis entre l’Etat et le marché, afin que soit assuré l’intérêt général garanti par l’Etat. Compromis entre la solidarité et la compétition, afin que chaque citoyen, chaque travailleur, obtienne sa part. Or la globalisation libérale actuelle pèse négativement sur chacun de ces compromis. Elle joue en faveur du capital, devenu extrêmement mobile, au détriment du travail dont la force de négociation se trouve réduite. Elle favorise le marché, de plus en plus international, alors que l’Etat, la puissance publique, reste surtout national, rarement européen ou mondial. Enfin, si la compétition est transnationale, la solidarité le demeure trop peu. Il est essentiel que des initiatives puissantes soient proposées par les socialistes afin que la globalisation non seulement ne détruise pas nos conquêtes précédentes mais qu’elle puisse, compte tenu des données nouvelles, servir l’humanité. En cela, nous nous différencions de la droite qui pense que l’équilibre se réalisera spontanément ; nous nous différencions aussi du populisme des extrêmes qui plaide pour un refus, irréaliste, de toute mondialisation. Dans cet esprit, nous, socialistes, devons agir pour davantage de reconnaissance du travail (et pour une intégration dans le travail des jeunes, des immigrés, des non-qualifiés). Nous devons empêcher que ne se reproduisent des Metaleurop, à la fois tragédie sociale pour les salariés auxquels rien n’est proposé, catastrophe économique pour un territoire déjà fortement frappé par le chômage et drame écologique pour un site durablement pollué. Nous devons plaider -et convaincre- pour davantage de place à la puissance publique et à la solidarité internationale par une redistribution mondiale. Nous devons montrer que l’Europe, une autre Europe beaucoup plus sociale, environnementale et démocratique qu’aujourd’hui, constitue le premier cadre pour notre combat. Plusieurs initiatives, élaborées avec les syndicats, les associations, les ONG, les intellectuels, les créateurs, exprimeront concrètement ce combat pour la maîtrise de la globalisation.
Au plan international, nous devons proposer au sein de l’ONU la création d’un Conseil de Sécurité Economique et Social et une vaste réforme des institutions mondiales (FMI, Banque mondiale, OMC, OIT) reposant sur leur démocratisation, sur une place plus grande
pour le Tiers monde et sur une représentation unitaire de l’Europe. Les normes sociales ou
environnementales doivent être placées sur le même rang que les normes économiques ou commerciales. Nous devons nous engager vers l’annulation totale des dettes des pays les plus pauvres, le respect de l’objectif d’aide aux PVD de 0,7 % du PIB, la mise en cause du système euro-américain de subventions aux exportations agricoles qui nuisent aux économies du Tiers-Monde et la définition d’une politique européenne de l’immigration. La mise en place d’une taxation internationale doit nous permettre de dégager de nouvelles ressources pour le développement : il nous faut en déterminer les modalités pratiques, entre socialistes français et avec nos camarades européens. Nous devons retenir comme objectifs concrets la fin des paradis fiscaux, des centres off shores et des autres trous noirs de la finance, ainsi que la suppression du secret bancaire et nous devons prendre les mesures nécessaires en ce sens. L’Internationale Socialiste et le Parti des Socialistes Européens doivent militer pour des priorités environnementales fortes : réduction des émissions de gaz carbonique, diversification énergétique, préservation des biens publics mondiaux comme l’eau ou la santé ou la diversité culturelle. Nous devons exiger en Europe la possibilité pour chacun d’accéder aux services publics, possibilité qui doit être garantie par la constitution et le droit européen. Les Etats-Unis sont notre allié, ils le resteront ; mais leur Président conservateur ne doit pas
pouvoir - en Irak comme ailleurs - décider seul du bien et du mal, de la paix et de la guerre, et
finalement de l’avenir du monde. Notre volonté multilatéraliste doit faire de l’Europe un trait
d’union entre Occident et Orient, une passerelle entre les pays du Nord et ceux du Sud. Ses
valeurs, son histoire et sa géographie doivent faire de l’Europe le continent carrefour du 21ème siècle. C’est dans cette perspective que nous devons nous réapproprier le projet européen : comme facteur de paix et de prospérité sur notre continent bien sûr, mais aussi comme vecteur de solidarité entre les nations et au sein même de nos sociétés. « La France est notre patrie, l’Europe est notre avenir » : plus que jamais, nous faisons nôtre le message de François
Mitterrand. Ces choix devront faire partie de notre plate-forme socialiste, en particulier européenne, contre la globalisation sauvage. Ils devront être clairement affirmés lors des élections européennes de 2004. Sinon le risque est grand que nos peuples, lorsqu’ils seront consultés, refusent purement et simplement les nouvelles étapes de l’Europe. Nous ne réaliserons évidemment pas cela tout seuls. Dès maintenant, nous devons intensifier le travail en commun avec les autres socialistes européens. En unissant nos forces à l’échelle du continent, nous pourrons, le moment venu, changer l’Europe. |
Contribution thématique présentée par Laurent Fabius et par 50 premiers signataires, secrétaires nationaux, membres du Bureau national et présidents de région : |
Yves Ackermann (90) M. Aksil (81) Sylvie Andrieux-Bacquet (13) Alain Anziani (33) Claude Bartolone (93) Pervenche Berès (92) Guy Bono (13) Jean-Michel Boucheron (35) Didier Boulaud (58)
Christophe Bouillon (76)
François Brottes (38)
Vincent Burroni (13)
Alain Calmette (15)
Odette Casanova (83)
Pierre Castagnou (75)
Laurent Cathala (94)
Bernard Cazeau (24)
Bernard Cazeneuve (50)
Marcel Charmant (58)
Jean-Marc Ciabrini (201)
Alain Claeys (86)
A. Combaret (201)
Laurent Croce (202)
Danielle Darras (62)
Fayçal Douhane (75)
Josette Durrieu (65)
Philippe Duron (14)
I. Félix (18)
Charles Gautier (44)
Jean-Noël Guerini (13)
Géraud Guibert (72)
Robert Hermann (67)
Vianney Huguenot (88)
Marc-Antoine Jamet (27)
P. Joachim (64)
Bariza Khiari (75)
Ali Kismoune (38)
Jack Lang (62)
Jean-Yves Le Déaut (54)
Alain Le Vern (76)
Francis Lec (80)
François Loncle (27)
Philippe Madrelle (33)
Martin Malvy (46)
Didier Manier (59)
Philippe Martin (32)
Xavier Matharan (91)
Didier Mathus (71)
J. Métayer (SBN MJS 79)
Didier Migaud (38)
Florence Parly (89)
François Patriat (21)
Jean-Claude Perez (11)
Christian Pierret (88)
Pascal Popelin (93)
Danièle Pourtaud (75)
G. Quercy (SBN MJS 77)
Paul Quilès (81)
Michel Ranger (27)
Roland Ries (67)
Bernard Rivalta (69)
Claude Roiron (37)
Gilles Savary (33)
Robert Savy (87)
O Serre (SBN MJS 38)
René Souchon (15)
Manuel Valls (91)
André Vantomme (60)
Michel Vauzelle (13)
Alain Veyret (47)
Henri Weber (76)
Kofi Yamgnane (29) |
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