Vouloir réviser la loi de 1905 parce qu'elle est vieille est un argument de pure esbroufe

Jean Glavany
Entretien accordé par Jean Glavany, député des Hautes-Pyrénées, secrétaire national chargé de la laïcité, au quotidien Le Monde daté du 18 décembre 2004
Propos recueillis par Isabelle Mandraud


 

Pour la première fois, la direction du Parti socialiste compte dans ses rangs un secrétaire national chargé de la laïcité. Qu'est-ce qui a motivé cette décision ?
François Hollande avait dans l'idée de renforcer la direction. Et puis la laïcité prend de plus en plus de place dans le débat. Ce sera même, à mon avis, un enjeu politique majeur dans les prochaines années. Il sera en tout cas au cœur du projet socialiste pour les élections de 2007.

Le PS est-il favorable à une révision de la loi de 1905 qui sépare l'Etat des Eglises ?
A l'origine, il y a une vraie question, celle de la construction des lieux de culte, qui a pu être ressentie comme discriminatoire par les musulmans de France. Malgré tout, il y a une évolution positive. Nous avons fait le point avec nos élus : l'islam des caves disparaît progressivement.

Il faut donc relativiser ce problème, d'autant qu'il existe des solutions à la disposition des collectivités, comme les baux emphytéotiques ou la construction de centres culturels. Ce sont des mesures concrètes. Il n'y a donc pas lieu de réviser la loi.

S'il y a des difficultés, il faut plutôt voir avec les maires de droite qui s'opposent à la construction de mosquées. Mais ça, cela relève du débat politique.

Jacques Chirac a donc bien fait de s'opposer au projet de Nicolas Sarkozy de réviser la loi ?
Jacques Chirac a eu raison contre Nicolas Sarkozy. Il est hors de question de modifier la loi de 1905, qui fait partie du pacte républicain. Nicolas Sarkozy a un côté touche-à-tout. Il faut lui expliquer comme aux gosses que cela n'est pas possible. Dire, comme il le fait, qu'il faut réviser la loi parce qu'elle est vieille est un argument de pure esbroufe.

La Déclaration des droits de l'homme est encore plus ancienne mais elle me semble toujours nécessaire ! La loi de 1905 protège d'abord la liberté de conscience, celle de croire ou non. Elle s'applique à la religion musulmane comme aux autres.

Les socialistes sont-ils d'accord sur ce sujet ? Le député (PS) Laurent Cathala s'est dit favorable à la révision de la loi...
Il a fait une erreur, parce qu'il a un problème de bouclage financier pour une mosquée. Ne bousculons pas une loi pour des raisons pratiques. Là-dessus, le PS est clair.

Dominique de Villepin propose de créer une fondation pour aider au financement des lieux de culte musulmans. Qu'en pensez-vous ?
Sa position est meilleure que celle de Nicolas Sarkozy, mais il reste encore deux points où il doit faire des efforts. Nous sommes contre le principe d'une fondation qui accueillerait des représentants de l'Etat. Cela viole l'esprit de la loi de 1905, qui interdit au religieux d'influer sur le politique et au politique d'influer sur le religieux.

Tout comme la méthode employée pour le CFCM (Conseil français du culte musulman), la proposition de M. de Villepin viole ce principe de non-ingérence.

L'autre point, c'est la formation des imams envisagée par le ministre de l'intérieur. Je suis ahuri. La République a-t-elle jamais vérifié ou donné un certificat de capacité à un curé catholique ou à un pasteur protestant ? Villepin mélange tout ! S'il proposait d'apprendre la langue et les lois à tous les étrangers, d'accord, mais ce n'est pas le cas.

Pourquoi le PS donne-t-il le sentiment, sur ces questions, d'être plutôt passif ?
Nous ne sommes pas en retard. En 2003, lors de notre congrès à Dijon, plusieurs interventions ont été consacrées à la laïcité. Récemment, Michel Charzat, le maire du 20e arrondissement de Paris, a organisé toute une série d'initiatives sur ce thème. Mais, c'est vrai, nous avons toujours vécu avec la laïcité au fond de nos gênes. Notre devoir, maintenant, est de la faire vivre.

Que proposez-vous ?
Un : le respect de la loi de 1905, toute la loi et rien que la loi. Deux : que l'on indique les droits et devoirs à tous les maires de France. Trois : que soit mise en place une politique ambitieuse pour tous les étrangers.

Au début, vous étiez plutôt réservé sur la loi interdisant le port des signes religieux. Qu'est-ce qui vous a fait changer d'avis ?
J'étais réservé, car pour moi la laïcité ne peut pas se résumer à cette loi. L'interdit était nécessaire mais nous devons aller maintenant plus loin, bâtir une société de fraternité, lutter contre les inégalités. Jaurès disait : le cœur du projet laïque, c'est le social.

Comment réagissez-vous au voyage de Nicolas Sarkozy en Israël ?
Il est dans une logique communautariste. Il a d'abord fait son opération très bonapartiste sur les musulmans avec la création du CFCM ; il s'est adressé aux catholiques à travers son livre sur la République et les religions ; maintenant il s'adresse aux juifs, notamment à travers ce voyage. Il est communautariste sans le dire. C'est un vrai clivage entre lui et la gauche.

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