Oui, réhabiliter l'impôt !

Jean Glavany
par Jean Glavany, député PS des Hautes-Pyrénées
Point de vue paru dans le quotidien Le Monde daté du 6 août 2003


 
Lors de l'université d'été du Parti socialiste, à La Rochelle, au cours de la table ronde consacrée à la société solidaire, je me suis permis de poser la question : " N'est-il pas temps, pour les socialistes, de réhabiliter l'impôt comme devoir citoyen ? "

Si je n'ai pas été surpris de l'accueil très positif de la salle, je le fus plus de celui unanime des dirigeants socialistes pendant le week-end. Je m'en réjouis. Aussitôt, la presse s'empare de " la nouvelle doctrine du PS " et la porte jusqu'à la caricature - n'est-ce pas, Plantu ? - comme si les socialistes, désormais, prônaient la hausse des impôts. C'est pourquoi je veux expliquer pourquoi j'ai lancé cette formule.

Si j'ai dit " réhabiliter l'impôt comme devoir citoyen " (je prends l'impôt au sens large, charges sociales incluses), je n'ai nullement proposé la hausse des impôts ! Je suis un élu local et j'ai été longtemps maire. J'ai toujours pratiqué la modération fiscale car, notamment pour la fiscalité locale, je sais ceux qui en supportent le poids.

Dans mon département des Hautes-Pyrénées, je me suis toujours plu à comparer la fiscalité que j'ai pratiquée, concrètement, dans ma commune à celle, par exemple, que pratiquait le grand libéral Douste-Blazy dans sa commune voisine de Lourdes : je modérais, il matraquait ! Alors, les leçons de la droite sur les impôts...

Si je n'ai jamais proposé la hausse des impôts, je n'ai pas exclu, non plus, qu'on puisse parfois les baisser. A condition qu'on en ait les moyens, que ce soit efficace économiquement et juste socialement.

Or, aujourd'hui, la baisse de l'impôt sur le revenu est pratiquée par le gouvernement Raffarin alors qu'il n'en a pas les moyens, sans que la croissance en profite en quoi que ce soit, et est très injuste socialement parce que ce sont les Français les plus favorisés qui en profitent.

J'avais trois raisons de parler comme je l'ai fait, trois raisons dont je pense sincèrement que les socialistes doivent faire la pédagogie :
     Tous les Français qui gèrent le budget de leur ménage savent que, quand on gère un déficit, il est irresponsable de se priver de recettes. Aujourd'hui, la France affiche un déficit budgétaire équivalant à 4 % de son PIB, record d'Europe, et elle baisse ses recettes fiscales ? Sait-on que l'Europe entière s'en exaspère ? Elle a raison.

     Tous les Français savent que les services publics auxquels ils sont profondément attachés ont un coût et ils sont prêts à en payer le prix à condition que ce prix soit justement réparti. Quoi, la France vient de vivre un été meurtrier où les personnes âgées isolées manquaient d'assistance, où les maisons de retraite et les hôpitaux montraient la limite de leurs moyens, où la solidarité nationale a spectaculairement montré ses lacunes, où la Sécurité civile manque de Canadair... et on baisse les impôts ! Quand donc notre démocratie sera-t-elle suffisamment émancipée pour qu'à chaque fois qu'un démagogue s'avancera pour dire " je vais baisser les impôts ", les citoyens lui répondent : " Dites-nous, en même temps, quelles dépenses publiques vous allez diminuer et on jugera " ?

    Les Français comprennent très bien que, si on veut que nos aînés soient moins isolés, il ne faut pas baisser le budget de l'Aide personnalisée à l'autonomie comme vient de le faire le gouvernement. Donc, ne pas baisser les impôts.

     Enfin, tous les Français peuvent comprendre que l'impôt - et particulièrement l'impôt progressif sur le revenu - est un lien citoyen, ce lien indispensable qui fait que, si tous les citoyens ont des droits, ils ont aussi des devoirs : le devoir, entre autres, de payer des impôts justes pour avoir droit à des services publics de qualité. L'impôt, c'est le prix que paye chaque citoyen pour bénéficier de l'ensemble des grandes fonctions collectives.

    J'affirme que les libéraux qui n'ont que la rengaine " baisse des impôts et des charges " à la bouche ne font que démolir la citoyenneté.
Réhabiliter l'impôt, c'est dire cela dans le débat public. Et c'est lutter concrètement, par cette pédagogie active, contre le drame du 21 avril 2002 ou tant de millions de Français, par leurs abstentions, votes blancs ou nuls, ont oublié qu'ils avaient aussi des devoirs à accomplir vis-à-vis de la société dans laquelle ils vivent.

Payer des impôts, voter : tout est lié. La gauche, dans son projet, doit s'efforcer de reconstruire la citoyenneté de droits, mais aussi de devoirs.

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