Courage, authenticité, modernité

Jean Glavany

 Contribution générale au congrès national du Mans présentée par Jean Glavany, député des Hautes-Pyrénées (juillet 2005).

 
Le congrès du Mans devra être pour nous socialistes, un congrès de débats, de rassemblement et d’ouverture. Nous voulons en ressortir collectivement fiers. Fiers d’être socialistes. Fiers d’avoir réussi à surmonter nos clivages. Fiers de proposer au pays un véritable projet d’alternance. Pour cela, nous ne devons pas avoir peur de débattre, dans le respect mutuel, mais de débattre au fond.

Nous, signataires de cette contribution, sommes membres de la majorité de notre Parti issue du congrès de Dijon, derrière notre Premier secrétaire national, François Hollande et nous déposons cette contribution avec la volonté qu’elle enrichisse la sienne dans une motion commune.

Dans un débat sans tabous, il faut revenir sur le 29 mai 2005 en essayant de le dépasser. Ce résultat du référendum, après celui du 21 avril 2002, nous interpelle brutalement. Nous vivons une crise de la démocratie représentative sans précédent. Regardons la sans faux fuyants, pour l’analyser et la surmonter.

Nos concitoyens vivent un rejet du libéralisme économique et un besoin de protection sans précédent. Trouvons les instruments pour le combattre.

Et puis au delà de cette contribution, et des sujets que nous abordons, nous devrons ensemble réformer notre parti en profondeur, dans ses pratiques, ses règles. Là aussi, n’ayons pas peur d’innovation. L’objet de cette contribution n’est pas de faire des propositions de modifications statutaires…Mais dans le débat du congrès, il ne faudra pas les éluder, sous peine de passer à coté d’une véritable rénovation.



I - AU-DELA DU 29 MAI

 
Appelé à se prononcer par référendum le 29 mai 2005, le peuple français a rejeté le projet de traité constitutionnel européen. Et cette vérité des urnes nous confère des deveoirs.

Le premier de ces devoirs, bien sûr, est de respecter ce vote : à quelle autre règle pourrions-nous nous conformer dans une démocratie digne de ce nom ? Mais respecter ce vote, ce n’est pas seulement en prendre acte : c’est aussi l’accepter en tant qu’expression de la souveraineté populaire, et s’interdire d’en dénigrer ou d’en minimiser les fondements.

Notre second devoir est de chercher à comprendre quels ont été les ressorts de ce rejet : car si nous avons la volonté de le dépasser, nous avons aussi l’obligation de saisir sa véritable nature qui, reconnaissons-le, est quelque peu complexe.

Il est vrai que ce « NON », qui a traduit de façon spectaculaire les peurs et la colère des Françaises et des Français, a été essentiellement motivé par la situation économique et sociale, le chômage, la précarité, le blocage du pouvoir d’achat. Mais il est tout aussi vrai que l’Europe, que nous avons contribué à construire, ne s’est pas imposée comme une bonne raison de calmer cette colère ou ces peurs.

Il est vrai aussi que Chirac - et ses 10 ans de pouvoir tramé de mensonges, de discrédit moral, de démagogie et de régression sociale -, en se risquant à soumettre le projet de traité constitutionnel européen à un plébiscite, a essuyé un contre-plébiscite mérité. Mais il est tout aussi vrai que le texte de ce traité, compromis laborieusement édifié, n’est pas parvenu à convaincre de ses vertus protectrices avec assez de force pour détourner les Français de leur profonde aspiration à sanctionner le pouvoir en France.

Il est vrai, enfin, qu’une grande partie des « NON » émanait de la Droite et était constituée, en France comme en Europe, de voix de souverainistes voire de xénophobes, de libéraux voire d’ultra-libéraux. Mais il est tout aussi vrai aussi qu’une non moins grande partie des « NON » venait de la Gauche, émanant notamment de couches sociales défavorisées qui forment notre base électorale, et qui se sont exprimées de bonne foi.

Nous avons voté OUI, un oui de raison, et nous ne le regrettons pas.

Mais, nous en appelons à tous les socialistes pour que le RESPECT des uns tout autant que des autres l’emporte sur la tentation de la division. Reconnaissons que tous les socialistes qui ont voté « NON » n’étaient pas tous des gauchistes irresponsables ou des xénophobes. Et que ceux qui ont voté « OUI » n’étaient pas non plus des suppôts du libéralisme ni des convertis à la cause de Chirac. Alors, respectons-nous !

Et d’ailleurs, à quoi bon, à présent, faire durer ce débat ? Le 29 mai est derrières nous, le vote est acquis : cela, nous ne le changerons pas. Alors allons plus loin ! Nous pouvons même nous entendre pour reconnaître que, après tout, ce « NON » a au moins une vertu : il démontre aux partisans aveugles de la fuite en avant européenne, à ces euro-béats pour lesquels tout ce qui vient d’Europe est bon en soi, qu’on ne peut pas construire l’Europe sans les peuples, ni a fortiori contre les peuples ; et que si l’Europe reste un grand et beau projet, son mode d’élaboration démocratique doit être complètement revu.

Continuer à mettre dos à dos le « OUI » et le « NON » de gauche serait suicidaire : ce qu’il faut désormais, c’est mettre en oeuvre les conditions de notre rassemblement, en nous appuyant sur les précieux atouts de ce que nous partageons : des valeurs, des convictions, des engagements, une histoire commune. Il nous faut rassembler le « OUI de Gauche » qui reste opposé au libéralisme économique et le « NON de Gauche » qui reste pro-européen. Après tout, nous avons le même objectif : l’Europe sociale et politique. Et nous n’avons divergé que sur la question du chemin à emprunter pour progresser vers cet objectif.

Voilà pourquoi nous voulons dire notre conviction de l’absolue nécessité de dépasser le 29 mai et de surmonter notre contradiction interne circonstancielle, pour refocaliser notre énergie sur le seul clivage Droite-Gauche.

Mais ceci, bien sûr, n’est jouable qu’à condition que l’on ne fasse pas comme si de rien n’était : il nous faut tout particulièrement admettre que ce vote a exprimé des choses extrêmement profondes dans l’électorat français, et en particulier dans l’électorat de Gauche.

C’est pourquoi il nous paraît indispensable à prendre en compte les grands messages du 29 mai, et de leur apporter des réponses concrètes susceptibles, ensuite, de crédibiliser notre projet politique.

Pour nous, l’enseignement majeur du vote du 29 mai s’apparente à celui qui nous a été prodigué le 21 avril 2002 et dont nous n’avons pas encore tiré toutes les leçons ni toutes les conséquences. Le message qu’il nous délivre à travers ce qu’exprime le vote des Français est double :
    1 - La crise de la démocratie représentative s’approfondit : crise française d’abord, mais crise aggravée par le vécu et la perception que nos concitoyens ont de l’Europe. Il s’agit d’une crise démocratique, d’une crise politique, d’une crise morale.

    2 - Face aux excès de libéralisme économique, nos concitoyens expriment un très fort besoin de protection ; et là encore, l’Europe est perçue et vécue comme un élément aggravant. Il y a crise économique et sociale.
C’est pourquoi nous voulons, sur ces deux points essentiels, dire nos analyses, nos convictions et nos propositions. Cela suppose que nous soyons capables, en responsabilité, de dresser un inventaire honnête de nos années au gouvernement et donc de dresser un bilan rigoureux de notre échec du 21 avril 2002. Cela nous impose :
     de dire ce que nous avons réussi ;
     de mettre en lumière de façon précise les questions où nous avons failli ;
     de souligner les faux débats qu’il nous faut éviter, les vieilles lanternes qu’il faut mettre au rancart ;
     de dire, enfin, clairement quels instruments utiles et concrets que nous voulons mettre en place pour répondre aux attentes et aux besoins de nos concitoyens.




II - SURMONTER LA CRISE
DE LA DÉMOCRATIE REPRÉSENTATIVE

 
On peut toujours voir dans l’épisode référendaire un grand moment démocratique. Le peuple français, informé, éclairé, se serait ainsi exprimé sur le texte du traité et l’aurait rejeté en connaissance de cause. Cette mobilisation aurait fait ainsi reculer la crise démocratique profonde que traverse notre pays et permis de retrouver les voies de la confiance dans la vie politique et les mécanismes démocratiques. C’est sûrement partiellement vrai. Mais partiellement seulement.

Pour ce qui nous concerne, nous y voyons, au contraire, le signe d’une confirmation de la longue dégradation de la démocratie française, une sorte de réplique du 21 avril 2002. On peut se raconter les choses comme on veut, chercher des responsabilités politiques particulières de tel ou tel, imaginer que les choses auraient pu se passer autrement si le Parti avait été soudé, mais il reste :
     que ce n’est pas la première fois, loin de là, depuis 10 ou 20 ans, que les partis, dits de gouvernement - dont le nôtre ! - ne sont pas majoritairement suivis par les électeurs

     que la coupure entre le peuple et ce que certains appellent « les élites » déjà apparue pour Maastricht, est réapparue sous une forme à peine différente (même si nous nous méfions de cette opposition qui ne peut être entretenue que par l’extrême-droite, la Gauche n’ayant jamais intérêt à les opposer)

     que dans la volonté des électeurs de sanctionner « ceux qui les gouvernent », nous nous sommes peut-être illusionnés un peu vite sur le sens des votes de 2004 (cantonales, régionales et européennes).Malgré de belles campagnes électorales, une réelle dynamique, de bons programmes, n’avons-nous pas également été quelque part « instrumentalisés » pour sanctionner la Droite.
    Soyons lucides : dans la sanction du 29 mai, il y avait sans doute aussi une part qui s’adressait à nous.
Bref, la méfiance, la défiance à l’égard des politiques n’est pas sortie guérie de l’épisode référendaire. Mais il importe de regarder plus loin en arrière pour juger, en responsabilité, comment nous avons abordé la crise de la démocratie quand nous étions au pouvoir :

1) Nos réussites au gouvernement

La législature pendant laquelle le gouvernement de Lionel Jospin a été aux responsabilités restera dans l’histoire de la Vème République comme celle où la gauche aura le plus durablement agi et réformé la société. Citons notamment : le quinquennat, la parité engagée, le mode de gouvernement (« dire ce que l’on va faire, faire ce que l’on a dit »), la délibération collective du gouvernement, l’efficacité des politiques publiques (notamment en termes d’emploi et d’inégalités), un certain respect du Parlement (ni ordonnances ni 49-3 en 5 ans !), les avis du CSM et l’indépendance de la Justice scrupuleusement respectés, la lutte contre les discriminations poursuivie avec le PACS ou la loi Besson, le Secret Défense réglementé…Et il y en a beaucoup d’autres…

2) Nos échecs

Les conséquences mal maîtrisées du quinquennat et de l’inversion du calendrier, la parité inachevée, une incapacité à faire progresser la démocratie sociale, à gouverner par le contrat social et, peut-être surtout, une sous-estimation de la crise de la démocratie représentative (la croyance qu’au fond, en traitant le problème n°1 des français, le chômage, on allait automatiquement rétablir la confiance dans la politique…). L’idée que l’efficacité des politiques publiques allait guérir la crise démocratique, a été démentie par les faits.

3) Les faux-débats à éviter : le « tout ou rien » institutionnel

Nous ne devons ni croire qu’une réforme institutionnelle serait superflue - elle devient incontournable désormais tant la Vème République est à bout de souffle - ni imaginer qu’un « grand soir institutionnel » ne règlerait la crise démocratique comme par un coup de baguette magique. La réforme institutionnelle est nécessaire mais pas suffisante : elle est une condition à remplir pour la sortie de crise démocratique mais il faudra aller au-delà.

4) Les arbitrages à réaliser, les débats à trancher

D’abord, sommes-nous bien d’accord sur l’ampleur de cette crise et sur l’importance de la défiance des citoyens à l’égard des politiques ?

Ensuite, sommes-nous aussi d’accord sur l’analyse faite ci-dessus sur la problématique de la réforme institutionnelle ?

Dans l’affirmative, nous devons arbitrer sur l’objectif de la réforme constitutionnelle : régime parlementaire avec un président-arbitre ou régime présidentiel abouti ?

Nous nous situons, ici, délibérément dans l’optique d’un régime parlementaire avec un président-arbitre.

Cela signifie des choses concrètes et simples, à la fois pour « responsabiliser » le Président de la République et dépouiller son statut de ses excès « a-démocratiques », pour renforcer les droits du Parlement avec, qu’on le veuille ou non, une décision majeure : renforcer les droits de l’opposition, notamment en lui accordant de vrais pouvoirs d’enquête et d’initiative parlementaire.

Mais la réforme institutionnelle ne peut pas s’arrêter là ! Il y a au moins deux points pour lesquels elle devra proposer concrètement un achèvement des processus engagés :
     la parité (d’où, qu’on le veuille ou non également, des propositions sur les modes de scrutin pour élargir le champ d’application de la proportionnelle qui, seule, peut nous permettre de franchir une nouvelle étape)

     la limitation du cumul des mandats qui doit être élargi au cumul des fonctions et accompagné - enfin ! - d’un vrai statut de l’élu.

     Et puis, il faut aller au-delà ! Evoquer et proposer des mesures concrètes pour l’avènement de la démocratie participative, pour la démocratie territoriale en prenant soin de ne pas tomber dans le piège de l’opposition entre urbain et rural, mais en veillant aussi à la lutte contre les inégalités territoriales… Le pseudo acte 3 de la décentralisation, l’évolution des relations financières entre l’Etat et des collectivités locales aux budgets de plus en plus problématiques, rendent urgents une nouvelle conception de la démocratie territoriale. Péréquation, égalité des territoires, réforme de la fiscalité locale, autonomie financière, sont les premiers éléments d’une réflexion à mener pour remettre les territoires au coeur de notre société.
Evoquer et proposer des mesures concrètes pour la démocratie sociale : par exemple, comment fait-on, concrètement, pour améliorer considérablement la représentativité syndicale et le taux de syndicalisation ?

Enfin, reste la méthode : imagine-t-on qu’une réforme institutionnelle de cette ampleur suffira à elle seule à rétablir la confiance des citoyens à l’égard du politique ou bien faut-il aller au-delà et envisager une refondation, c'est-à-dire un acte collectif et solennel ? Nous plaidons dans ce sens et proposons qu’après notre retour au pouvoir, un immense débat public, décentralisé, durant 6 mois sur ces enjeux et ces propositions soit ponctué par l’adoption d’une grande loi de refondation démocratique. Faut-il que cette loi soit adoptée par un référendum afin que le peuple français s’approprie la démarche ?

C’est vrai que quelles que soient les réserves que certains d’entre nous peuvent émettre à l’égard de la procédure référendaire, l’enjeu démocratique peut mériter cette méthode et cette refondation.

Mais le référendum sur le traité constitutionnel européen nous montre tout ce qu’il faut faire, et ne pas faire, pour réussir...

5) Le Parti dans la crise

Le Parti est au cœur de la crise de la démocratie française. Il en est à la fois la victime et l’acteur.

Il en est la victime car il est touché par le discrédit qui touche l’ensemble des organisations de la démocratie représentative, au plan politique comme au plan social.

Mais il en est l’acteur aussi, ne serait-ce que parce que nous n’avions pas, collectivement, pris conscience de l’importance de cette crise démocratique et, encore moins, tiré les leçons.

Il en est l’acteur aussi, malgré lui, quand certains d’entre nous se sont affranchis du vote des militants et ont bafoué la règle démocratique de la majorité d’entre nous. Il n’est pas question ici de ressasser cet épisode afin d’en culpabiliser les responsables mais de tenter de la dépasser : comment faire comprendre à nos concitoyens que cette entorse à la règle majoritaire ne doit pas porter atteinte à notre engagement démocratique ? Comment remettre de l’ordre dans notre action collective afin de redonner confiance ? Quelle autre règle pouvons-nous adopter entre nous que celle de la majorité ? Comment y revenir d’une façon convaincante ?

Au-delà, notre Parti est aussi l’acteur de la crise par nos pratiques et nos comportements. Le Parti va mal, convenons-en. Les risques de sa « SFIOisation » sont plus que jamais présents et nous devons bien en prendre conscience. Il nous semble que nous devrions profiter de l’occasion de ce Congrès pour procéder à une profonde refondation démocratique du Parti, une refondation des idées, une refondation des comportements, des pratiques, une refondation de notre unité aussi. Rien ne doit plus être comme avant et cela suppose sans doute que l’on porte un regard lucide sur l’ensemble de nos réformes statutaires depuis 10 ou 20 ans.



III - LE REJET DU LIBERALISME ECONOMIQUE ET LE BESOIN DE PROTECTION ET D’EGALITE

 

1) Le constat

Le vote du 29 mai, comme celui du 21 avril 2002, a exprimé un vrai rejet du libéralisme économique, une vraie colère contre ses excès et un vrai besoin de protection contre ses effets.

Même si nous avons divergé sur l’appréciation que nous portions sur le traité dans ce débat, nous pouvons, nous devons nous rejoindre sur ce constat : nos concitoyens veulent une Europe moins libérale, une Europe plus politique et plus sociale.

2) Nos réussites au gouvernement

 Le recul considérable du chômage qui doit nous amener à réfuter la thèse selon laquelle « tous les gouvernements auraient échoué contre le chômage » !... N’oublions pas qu’en 2000-2001, les débats prospectifs portaient sur le retour du plein-emploi !
 La baisse du nombre des Rmistes...
 Le recul des inégalités, de grandes conquêtes sociales : A.P.A., C.M.U., 35 heures, la validité des acquis de l’expérience….
 N’oublions pas, non plus, qu’avec les décisions macro-économiques de l’été 97 rétablissant la confiance et la croissance, nous avons permis à la France d’entrer dans l’Euro et, ainsi, de se mettre à l’abri des dévaluations compétitives…

3) Nos échecs

 Une politique fiscale aux antipodes de nos convictions. Fallait-il baisser l’impôt sur le revenu, impôt progressif, impôt redistributif, impôt citoyen et aller jusqu’à déclarer que c’était la condition à remplir pour gagner 2002 ? Nous l’avons fait, et nous avons perdu… Nous l’avons fait, et c’est une des causes de notre défaite du 21 avril 2002 car nous avons cédé devant l’offensive permanente du libéralisme économique contre la fiscalité. A l’idéologie du « toujours moins d’impôts et de charges », nous n’avons pas su opposer l’idéologie citoyenne : « pour avoir droit à des services publics et un système social de qualité, on a le devoir de payer des impôts et des charges justes ».

 Même remarque quant à nos décisions sur la fiscalité sur les stock-options comme si aider les plus favorisés, les très favorisés était dans notre mission... Comment, enfin, vanter la suppression de la vignette comme une mesure de justice fiscale et ne pas toucher à la taxe d’habitation qui est l’impôt le plus injuste et discriminatoire ?

 Une politique des services publics illisible :
    Ça a commencé par l’ouverture du Capital de France Télécom… Nous avions dit, dans la campagne électorale de 97 que nous ne le ferions pas ! En outre, nous l’avons fait en affirmant que ça ne changerait rien … ça a changé beaucoup de choses puisque nous n’avons pas défini et protégé par la loi les missions de service public de l’opérateur.

    Ça s’est poursuivi par l’incohérence des encouragements donnés à E.D.F., à poursuivre une politique d’expansion échevelée - et risquée ! - à l’international, sans dotation aucune en capital, de sorte qu’on préparait sans le dire le moment où cette entreprise s’est retournée vers les pouvoirs publics en affichant une insuffisance de fonds propres … nécessitant implicitement une ouverture de capital.

    Ça a continué avec d’autres encouragements donnés à d’autres entreprises publiques -on pense à la RATP ou à la SNCF - pour aller candidater à tous les appels d’offres en Europe pendant qu’on se recroquevillait sur leurs monopoles : prédateurs à l’extérieur, protecteurs chez nous, nous avons réussi à exaspérer tous nos partenaires européens avec nos fameux « services publics à la française ».

    Si l’on ajoute à cela le lien impossible à établir entre impôts et services publics (cf l’équation citoyenne citée plus haut), notre incapacité à poser sereinement et positivement au plan européen le dossier d’une directive-cadre sur les services d’intérêt général et notre « frénésie privatisatrice » (était-il indispensable d’annoncer la privatisation d’une grande société d’autoroutes en pleine campagne électorale de 2002 ?), on peut dire que nos années de gouvernement ont abouti à une certaine illisibilité de notre politique en matière de services publics.

    Ce fut d’autant plus dommageable que, parallèlement, nous tenions de beaux discours sur les services publics, facteurs de cohésion sociale et d’égalité des chances et que le « besoin de services publics » n’a jamais été aussi fort face aux excès de libéralisme.
 En matière de droit social et de droit du travail, nous n’avons pas trouvé nos marques non plus, oscillant entre des grandes avancées « octroyées » par la loi (C.M.U., A.P.A., 35 heures…) mais sans mobilisation sociale et avec des difficultés concrètes d’application, et une position « à la remorque » du P.C. sur la protection contre les licenciements abusifs (Il est vrai que certains d’entre nous combattaient cette disposition qu’ils présentaient comme un archaïsme concédé à un parti déclinant…).

4) Le faux-débat à éviter

Il nous semble, quand on regarde ce bilan, que la question ne saurait se résumer à ce que certains, à l’extrême gauche, ont voulu nous imposer lors du débat référendaire européen : Non, notre combat contre le libéralisme économique ne peut pas se résumer à un combat contre « la concurrence libre et non faussée ». Même si nous aurions préféré que le traité constitutionnel soit moins imprégné de ce concept - mais on ne va pas refaire l’histoire de la construction européenne ! - il nous semble que le libéralisme économique présente des dangers bien plus menaçants...

La question n’est pas non plus dans la nouvelle dénonciation à la mode de « la Gauche gestionnaire ». Car nous le clamons haut et fort : Oui, nous sommes la Gauche gestionnaire ! A l’inverse de la gauche protestataire, notre mission est de nous retrousser les manches, de mettre les mains dans le cambouis de gérer dans nos mairies, nos départements, nos régions, au gouvernement lorsque nous y sommes... C’est-à-dire promouvoir le progrès social.

5) Les vrais arbitrages et les vrais éclaircissements à opérer

Nous devons avoir - enfin - un vrai débat sur l’économie de marché.

Avons-nous, oui ou non, considéré en 1983 que l’économie de marché, l’économie ouverte était le cadre économique et les règles dans lesquelles nous nous situions ?

Si NON, il faut le dire ! Et dire, alors, quelles autres règles nous proposons.

Si OUI, alors il faut répondre concrètement et utilement à d’autres questions : si nous acceptons le cadre de l’économie de marché et refusons - comme l’avait si bien dit Lionel Jospin - la « société de marché », cela veut dire que nous devons réfléchir et proposer concrètement les instruments qui nous permettront de maîtriser, réguler, encadrer cette économie de marché et la mettre au service de l’intérêt général.

« Etre un peu moins révolutionnaire quand on est dans l’opposition et l’être un peu plus quand on est au gouvernement », c’est refuser les beaux discours des grands soirs contre l’ultra-libéralisme et proposer des mesures concrètes et utiles pour dominer les effets de celui-ci.

Ces instruments ont des noms. Ils s’appellent « fiscalité redistributrice », « droit social, droit du travail, droit écologique » et « services publics ».

Ce sont ces instruments qu’il faut reconquérir, redéfinir, et resituer dans une démarche politique en précisant quels objectifs - quantifiés - on leur fixe et quels moyens juridiques ou financiers on leur donne…
     en ayant un autre débat utile entre nous et en procédant aux éclaircissements nécessaires le concernant : si nous sommes des défenseurs des services publics, nous ne saurions être des conservateurs des services publics.

    Les services publics ne doivent pas seulement être défendus, ils doivent être adaptés, modernisés, promus pour mieux répondre aux besoins des usagers. Se contenter de les défendre, c’est les condamner au déclin.

    Soyons courageux et affirmons que les services publics ne peuvent pas être rendus aujourd’hui comme il y a vingt ans, mais qu’en même temps, il faut être capable de stopper leur lente érosion, et la désertification de nos territoires.

    Pour que ce débat soit utile nous devrons avoir :

      a) une approche exhaustive de l’éventail de tous les services publics (nationaux, régionaux, départementaux et locaux…) car il n’y a pas des « petits » services publics et des nobles…

      b) une redéfinition précise des services publics nécessitant la détention du capital par les collectivités publiques pour des raisons d’indépendance et de sécurité et ceux qui peuvent être gérés par des délégations de services publics à des entreprises privées. Mais, dans ce cas, nous devons préciser concrètement comment nous protégerons les missions de service public, au besoin par la loi.

      c) Une définition claire et transparente du périmètre des services publics, celui sur lequel on s’engage politiquement y compris en termes de moyens. Cette réflexion peut nous amener à définir de nouveaux services publics pour répondre à des besoins nouveaux.

      d) Enfin des objectifs clairs, précis et rédigés sur ce que nous voulons obtenir concrètement dans une directive-cadre sur les services d’intérêt général en liaison avec nos camarades du Parti Socialiste européen, une directive-cadre qui devra avoir comme objectif concret de permettre aux services publics d’échapper aux seules lois de la concurrence dans des conditions très précises.

     L’exigence de réponse à ces deux crises, la crise démocratique et morale d’une part, la crise sociale d’autre part, doit nous amener, évidemment, à éclaircir et à arbitrer nos positions et notre projet quant à l’évolution de l’environnement dans lequel nous vivons :

       l’Europe

      On a dit, dans un premier temps, qu’il nous faut dépasser le vote du 29 mai en retenant une leçon méthodologique. « Il n’est plus possible de construire l’Europe sans associer les peuples ».

      On a dit la nécessité de nous rassembler sur nos objectifs : une Europe moins libérale, une Europe plus politique et sociale. Il reste à arbitrer le chemin de la sortie de crise. Nous le disons tout net : nous ne voulons pas attendre 2007 et une éventuelle alternance pour entamer la renégociation. Nous proposons, concrètement, que notre Congrès adopte une « adresse » à nos camarades du Parti socialiste européen pour leur faire des propositions concrètes de sortie de la crise actuelle. Nous faisons le pari que ce qui nous rassemble sur l’Europe est plus important que ce qui nous divise et que notre devoir est de construire un chemin pour l’Europe sur ces bases. Des bases concrètes, utiles aux citoyens, démocratiques et sociales. En restant réalistes, c’est-à-dire en refusant l’arrogance et en ayant le souci du compromis, c’est possible.

       La mondialisation

      Là encore, évitons les faux-débats. Par exemple, les slogans du genre « NON à l’OMC » ou, non à la mondialisation. Le monde a besoin d’une organisation mondiale forte, rigoureuse, transparente et juste. La mondialisation est un fait inéluctable et, à certains égards un bienfait. Ce qui est en cause, c’est la mondialisation libérale et ses effets détestables sur l’organisation du monde. On pense encore à la tentation de la « croissance zéro » qui ne peut pas être la seule voie d’un développement durable. A l’approche confuse du difficile dossier des O.G.M. pour lequel le refus légitime des visées des multinationales ne saurait aller jusqu’à remettre en cause la nécessité pour la recherche scientifique de faire progresser la connaissance en ce domaine.

    Sur des sujets aussi importants que l’Europe et la mondialisation, nos concitoyens n’ont pas besoin de réponses toutes faites. Ils savent très bien que la France ne dicte pas sa loi à l’Europe et au monde. C’est pourquoi il est fondamental que nos développions la pédagogie du compromis. Mais ils ont besoin de repères, de comprendre où ils vont, de sentir l’avenir qui se prépare, de partager les valeurs qui ordonneront le monde. Donner des repères est une des grandes missions oubliées de la politique.


Signataires :

 Maxime Bono, député de Charente-Maritime  Daniel Boisserie, député de Haute-Vienne  Jean-Paul Chanteguet, député de l'Indre  Pierre Cohen, député de Haute-Garonne  Yvon Deschamps, conseiller régional Rhône-Alpes  François Dosé, député de la Meuse  Roland Garrigues, ancien député du Tarn-et-Garonne  Nathalie Gautier, députée du Rhône  Jean-Paul Giraud, Isère  Jean Glavany, membre du Bureau national, député des Hautes-Pyrénées  Didier Guillaume, membre du Conseil national, président du Conseil général de la Drôme  Patrick Lemasle, député de Haute-Garonne  Hélène Mignon, députée de Haute-Garonne  Michel Liebgott, député de Moselle  Jean-Claude Peyronnet, sénateur de Haute-Vienne  Martine Roure, membre du Conseil national, députée européenne  Daniel Vachez, maire de Noisiel (Seine-et-Marne)  Laurent Perrin, Paris





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