Vers une République | |
Il est une évidence qu'il est pourtant bon de rappeler: pour les socialistes, la démocratie politique ne peut se concevoir sans démocratie économique et sociale, sous peine de demeurer une illusion. C'est pourquoi l'action menée par le gouvernement de la gauche plurielle en faveur de l'emploi (emplois-jeunes, 35 heures) et de la justice sociale (loi contre les exclusions, réforme fiscale, éducation, logement...) doit rester prioritaire et s'approfondir durant toute la législature. Pour autant, le champ propre de l'action politique ne saurait être négligé. Non seulement parce que notre vie publique souffre d'une crise de légitimité et d'efficacité, mais aussi parce que la difficulté de conduire des réformes audacieuses et généreuses s'enracine dans les blocages et les déséquilibres de notre organisation des pouvoirs. Et de la même façon qu'il ne peut y avoir de démocratie politique sans démocratie économique et sociale, il ne pourra y avoir de démocratie économique et sociale sans rénovation en profondeur de notre vie démocratique. La discussion sur la limitation du cumul des mandats s'ouvre au Parlement. Ce projet n'est que la première pierre d'un édifice à construire dans la durée. Ses pierres angulaires en sont connues et déjà programmées: réforme de la justice, réforme des lois électorales (Sénat, Europe, régions). Ces textes doivent être l'occasion d'un débat de fond sans lequel ils seraient privés de leur signification réelle et de leur véritable portée. Parmi les arguments qui militent en faveur de la limitation, faut-il rappeler la disponibilité et le renouvellement des élus, mais aussi la fin du mal français qu'est le conflit des intérêts et - enfin et surtout - la revalorisation du rôle du Parlement. Dès lors que l'on considère que les parlementaires doivent être plus disponibles pour exercer leur mandat, on ne peut manquer de s'interroger sur le véritable contenu de leur pouvoir, donc sur le rôle du Parlement. Il n'est pas de démocratie sans débat et donc sans Parlement. On peut convenir sans passion inutile que la Ve République ne s'inspire que de loin de ce principe fondamental. Conçue pour permettre à l'exécutif d'être tout-puissant, elle ne laisse aux Assemblées qu'un statut mineur qui n'est pas sans rapport avec les institutions impériales. Une chambre vote mais ne débat pas (l'Assemblée nationale, soumise au fait majoritaire), l'autre débat mais ne vote pas (le Sénat, dont l'opposition ne peut faire obstacle à l'adoption des lois). Il est temps d'en venir à une vie parlementaire adaptée aux exigences de notre temps. C'est pourquoi la rénovation du Parlement est aujourd'hui une nécessité pour mettre un terme à l'omnipotence de l'exécutif et restituer à la souveraineté populaire sa prééminence légitime ; d'abord en restaurant la fonction délibérative du Parlement, en redonnant en particulier à l'Assemblée nationale sa fonction législative. Précisons et élargissons le champ de la compétence législative comme l'article 34 de la Constitution nous y invite, sans succès, depuis 40 ans. Rétablissons le droit d'initiative du Parlement, étouffé par l'article 40, et autorisons le principe de la compensation qui permettrait à un parlementaire de proposer une dépense ou une réduction des recettes à condition de ne pas mettre en cause l'équilibre des ressources et charges publiques fixé dans le cadre de la loi de finances. Ensuite, en renforçant notre fonction de contrôle. Bien des dysfonctionnements seraient évités si les membres des commissions parlementaires pouvaient exercer un contrôle effectif de l'action des services publics et parapublics et s'appuyer sur des moyens d'information et d'expertise renouvelés (appel au Conseil d'Etat, au Commissariat général au Plan, aux inspections générales...). Enfin, en confortant la fonction de médiation des parlementaires. Dégagés des responsabilités locales, les députés doivent disposer sur le terrain de moyens adaptés pour faire le lien entre les préoccupations des gens et l'action des pouvoirs publics. Par ces réformes, dont la limitation du cumul des mandats n'est que l'amorce, peut-être saurons-nous enfin trouver l'équilibre entre le régime d'assemblée, qui a condamné la IVe République, et l'insupportable «culture de l'exécutif» qui étouffe, sous la Ve, nos institutions comme la société. Sans remettre en cause la stabilité de l'exécutif, il est urgent de réveiller le Parlement où doit résonner à nouveau l'écho des grands débats qui commandent l'avenir de notre pays. Au moment où l'on prépare la commémoration du quarantième anniversaire de la Ve République, nous l'affirmons haut et clair : mauvaise au regard des principes républicains qui sont les nôtres, elle est, de surcroît, devenue inefficace. Elle est aujourd'hui à l'évidence ténuée. |
Reproduit avec l'aimable autorisation du quotidien © |
[Les documents] [Les élections] [Les dossiers] [Les entretiens] [Rechercher] [Contacter] [Liens] | ||