Parti Socialiste :
pour une véritable refondation

Jean Noël Guérini

 Contribution thématique au congrès national de Dijon présentée par Jean Noël Guérini, section 302, Bouches-du-Rhône.
18 janvier 2003



 
Le traumatisme du 21 avril 2002, le vote républicain du mois de mai ponctué par l'arrivée de Jean-Pierre Raffarin à Matignon et la défaite des législatives ont signifié la fin de la cohabitation et précipité le retour du parti socialiste dans l'opposition.

Ces événements majeurs ont des significations différentes qu'il convient d'analyser à leur juste mesure.

Lionel Jospin s’est retiré de la vie publique, signant une fin de cycle pour la gauche de gouvernement.

Ce geste a souvent été incompris par les militants. Pourtant, il nous invitait, au lendemain d’une cruelle désillusion, à nous interroger sur notre stratégie, notre organisation et notre projet.

Comment ne pas reconnaître franchement qu’en Europe, la gauche connaît un reflux dont les premières manifestations avaient été enregistrées et malheureusement négligées lors des élections européennes de 1999.

En France, la période ouverte avec Epinay, qui a permis l’alternance de 1981 est terminée. Durant deux décennies, la gauche a présidé ou gouverné et transformé la France.

Toutefois, ce travail patient, nécessaire et courageux, n’a pas été accompagné des explications susceptibles d’entraîner, sinon l’adhésion, du moins la compréhension, des électeurs et électrices qui croient au progrès

Ce funeste déficit de pédagogie a eu des effets désastreux.

Car dans le même temps, l’effondrement du système soviétique et l’accélération de la mondialisation ont ouvert des brèches dans lesquelles l’extrême-gauche a tissé sa pelote. Et nous avons parfaitement entendu les critiques de ceux qui nous accusent d’avoir, durant vingt ans, comblé les voies d’eau d’un système qui n’est pas le nôtre.

Face à une globalisation qui laisse croire que ce qui est bon pour l’économie est bon pour l’homme, face à des mouvements complexes et des mutations brutales, comment ne pas être sensible aux sirènes qui entonnent le discours de la rupture ?

Et le parti socialiste, piégé par les mirages et les nécessités du pouvoir, a privilégié l’intendance, sans remarquer qu’elle anesthésie le débat d’idées, freine les capacités de renouveau et éloigne de la réalité vécue chaque jour par ceux et celles que l’on pense servir.

Dijon est très certainement la chance qui s’offre à nous, laissant se déployer la parole de la gauche du possible, dont la radicalité est certainement plus exigeante que celle qui se paye de bons mots et, telle l’autruche, préfère l’opposition à la gestion.

Choisir le socialisme, c’est privilégier la construction d’une nouvelle alternance, crédible et intelligente, et non pas se réfugier derrière le paravent des bonnes intentions où se cachent les lointains héritiers de la quatrième internationale.

Mais ce travail nous oblige à faire de ce rendez-vous et de ceux qui suivront des exemples de démocratie, où le dialogue et l’écoute prennent le pas sur les egos et les querelles de personne.

Bien sûr, nous n’avons pas le choix, car au-delà du choc affectif provoqué par une cruelle défaite, l’heure est à la clarification car nous sommes dans l’obligation de réinventer une pensée politique affrontant courageusement le présent, au nom de l’avenir.

A nous de recomposer les chemins du possible, à nous de reprendre en compte l’ardent désir d’égalité et de justice de nos concitoyens, à nous de construire des modes de vie stables et sûrs dans un monde en mouvement.

Il nous appartient de montrer clairement quelles sont les lignes de fracture entre la droite et la gauche, en traçant sûrement et sereinement les frontières entre socialistes et libéraux.

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L'exemple de Vitrolles

 
Ce chantier de la re-fondation est en cours. Et même si l’on peut regretter que le temps du débat militant, vital et indispensable, laisse le champ libre aux idéologues empressés de louer le pouvoir en place, il doit être conduit sans la moindre concession.

Mais nous ne serons convaincants face à nos concitoyens qu’à la condition de changer radicalement nos modes de fonctionnement.

Tout comme nos idées, reconnaissons sans trembler que le parti a été, ces dernières années, moins socialiste que ministériel et moins militant que technocrate. Le ballet des Laguna, après celui des R. 25 a fait tourner bien des têtes et la course aux postes et aux titres honorifiques a trop souvent remplacé la présence sur le terrain. C’est pour cela que j’appelle de mes vœux à la re-fondation d’un parti tout simplement…socialiste.

Rien ne serait plus tragique pour nous, et pour la gauche dans son ensemble, que la libération de la parole que permet la préparation de Dijon, ne soit, une fois de plus, que l’occasion de constituer des écuries où les notables et les énarques se constituent des prés carrés au détriment des espérances de la base.

Car la révolution culturelle qui doit accoucher d’un projet fédérateur, susceptible de favoriser l’alternance, doit s’appuyer sur une évolution radicale de notre organisation et laisser place à de nouvelles pratiques militantes.

Aujourd’hui, un des clivages forts qui apparaît dans le foisonnement des textes réside dans la rénovation du parti. Je ne cache pas qu’il y a là un enjeu fondamental. Pour nous, pour l’ensemble de la gauche, et donc, pour tous ceux et toutes celles qui n’acceptent pas la domination et l’hégémonie de la droite.

Car si Jacques Chirac a cru bon de répondre à la présence de Le Pen au second tour des présidentielles en nommant Premier ministre un homme qui considère que le 21 avril est le fruit malheureux d’un « déficit de communication », les hommes et les femmes de gauche savent bien que le mal est plus profond.

Il tient, en partie, à notre molle indifférence face au délitement des liens qui nous unissent à la société, à notre repli satisfait sur nous-mêmes et à notre absence d’audace face aux nouvelles attentes des forces vives de notre région et de notre pays.

Cependant, et c’est un signe encourageant, quand le parti sait faire preuve d’audace, de dynamisme et de courage, il redonne sa chance à l’espérance, comme a su le faire notre fédération à Vitrolles.

Dans cette ville que notre aveuglement, nos divisions et les incompréhensions entre partis de gauche et la population avaient livrée au clan Mégret, la détermination a permis de tourner une page tout en donnant une leçon magistrale à la classe politico-médiatique. C’est en rompant délibérément avec ses mauvaises habitudes que le parti socialiste a renoué avec la victoire.

En chassant les Megret d’une ville et la marque brune qu’elle faisait sur la carte de nos communes, la victoire de Vitrolles a démontré que le temps de la reconstruction a bel et bien commencé.

Ce que nous avons réalisé dans cette ville, malgré les critiques et les hésitations de certains, a favorisé l’émergence d’une union sans faille et nous avons là une formidable jurisprudence que nous devons porter comme un étendard.

Dans une fédération socialiste qui a su, après des années de querelles intestines se rénover et se transformer, Vitrolles et sa victoire peuvent servir d’exemple pour retrouver la confiance des électeurs.

Confiance, car Vitrolles prouve qu’un PS citoyen, privilégiant la transparence et la concertation, peut recueillir les fruits de sa maturité et de ses choix.

Vitrolles, c’est le succès de la modestie, du renouveau et de l’alliance avec les associations, les syndicats, et plus généralement avec les citoyens soucieux du bien commun.

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Changer de pratiques,
changer de têtes,
changer le parti

 
Mais pour atteindre cet objectif, encore faut-il que le parti, ses instances dirigeantes, nationales et locales, acceptent de se remettre en question. Radicalement !

Tout responsable et tout militant politique, sans être naïf sur les sondages ne peut ignorer qu’aujourd’hui, les Français s’investissent davantage dans des associations que dans les organisations politiques.

Nous le reconnaissons toujours, comme dans un rituel, mais qu’avons nous fait, pratiquement pour y remédier ?

Pouvons-nous continuer d’accepter que des hommes et de femmes se mobilisent contre les spéculateurs immobiliers que les libéraux accueillent avec sympathie et reconnaître, contrits, que nous ne sommes pas capables de transformer leur protestation en adhésion politique à notre projet ?

Pouvons-nous laisser le champ libre aux défenseurs de l’environnement pour protéger des sites, lutter contre la pollution se mobiliser pour sauver la planète, alors que l’écologie doit être au cœur de notre politique ?

Pouvons-nous négliger le combat pour l’éducation et la formation, contre la misère, la pauvreté et l’exclusion et faire comme si le lieu de naissance devait déterminer chaque existence en laissant les enseignants, parents et bénévoles sans prise et sans soutien face à une crise sans précédents des valeurs qui fondent notre République ?

Évidemment non.

Et si nous devons réinventer un projet appuyant notre lutte contre la vision d’un monde dominé par une seule superpuissance qui fait de l’argent son dogme, nous devons aussi changer de têtes pour redonner la crédibilité nécessaire à nos propositions et changer les pratiques de notre organisation.

Oui il faut rénover, ouvrir, dialoguer, écouter et rassembler car c'est peut-être parce que nous avons reculé devant la France qui est en mouvement que nous avons été battus.

Oui, il faut réaffirmer notre présence dans les quartiers populaires, dans les cités, mais aussi dans les lycées et les universités, dans les entreprises, publiques et privées.

Oui, il faut favoriser l’ouverture à la France en mouvement, en facilitant l’adhésion directe pour être attentif aux aspirations des citoyens, quel que soit leur âge ou leur profession.

Cette re-fondation, qui est ainsi une vraie décentralisation, passe par le renouvellement de toutes les instances de décision du parti, au sein desquelles la parité ne doit pas devenir une aumône mais le simple reflet de la réalité de notre société.

Comment, dans ce parti du mouvement, peut-on ignorer l’échelon régional et départemental, ou demain, se livreront des combats capitaux ?

Il n’est plus question non plus que les élus, retranchés sur leur territoire, règnent sans partage et sans jamais rendre compte de leur mandat. Ces attitudes, on le sait trop bien dans notre département, n’ont qu’un seul objectif : consolider un pré carré en empêchant toute relève.

Il est urgent que l’on décide, ensemble, d’une limite d’âge, inscrite dans les statuts, interdisant que l’on se représente dans des territoires où la population change et aspire à un renouvellement de ses représentants.

Ainsi, ces mêmes statuts doivent sanctionner sans concession ceux qui acceptent les règles du parti quand elles servent leurs intérêts et les rejettent le jour où elles leur sont défavorables.

Il n’est plus question que nous soyons sourds et aveugles face à un mouvement associatif qui est le pouls de notre pays et si les liens avec les classes populaires se sont défaits, c'est sans doute parce que nous avons trop privilégié une vision technocratique de la société et de la politique, en nous coupant de la société.

La discipline, sans être une règle d’airain, fait partie du respect que les élus doivent aux militants et…à leurs électeurs ! Et le parti socialiste que je souhaite appartient aux militants, uniquement aux militants et pas à un quarteron de responsables politiques !

S’il n’est plus question de voir un conseil des ministres-bis régimenter la rue de Solférino, il n’est pas question non plus, au plan local, de voir des apparatchiks gérer le parti selon leurs soucis carriéristes et leurs ambitions électorales.

De la même manière, comment pourrait- accepter que ces instances favorisent la reconstitution d’amicales d’anciens élèves de grandes écoles ? Les grands corps de l’État doivent avoir leur juste place au sein du nouveau parti, qui doit aussi ouvrir ses rangs à la seconde génération issue de l’immigration, à tous ceux qui entrent par la petite porte dans le monde du travail, par le biais de contrats précaires, aux salariés travaillant dans la nouvelle économie, aux agriculteurs soucieux de développement durable, aux étudiants…En clair, à tous ceux qui font la France en mouvement !

Par ailleurs, peut-on accepter, qu’un ministre, qu’il ait brillé ou démérité, retrouve automatiquement un poste de responsabilité dans les instances nationales ?

Car il faut, enfin, faire émerger de nouvelles générations à des postes de responsabilité.

Car il faut, enfin, que les élus comprennent qu’ils ne sont pas propriétaires de leurs mandats et que cesse la mainmise de certains sur des communes, des cantons ou des circonscriptions ou sur des listes établies pour des scrutins proportionnels.

Car il faut enfin, tout mettre en oeuvre pour assurer les transitions et ne plus se retrouver sans relève quand de grands élus décident de se retirer, trop tard ou sans avoir su passer le relais ! en complément de cette « retraite » qui peut être glorieuse si elle est assumée, prévoir les dispositifs favorisant l’émergence d’une relève par la désignation concertée de ceux qui prendront le relais.

C’est en faisant respecter le non-cumul que nous pourrons atteindre ces objectifs. Car il faut aller jusqu’au bout de la démarche initiée par le gouvernement de Lionel Jospin. Et si un élu ne peut collectionner les fonctions, il ne doit pas non plus le faire en s’installant ad vitam æternam dans la fonction d’élu.

Au terme de deux mandats - conseiller municipal, conseiller général, conseiller régional, député, député européen, sénateur - il faut savoir changer.

Cette révolution, capitale, ne peut s’effectuer que si l’on propose réellement un statut de l’élu, favorisant la réinsertion professionnelle ou bien le passage d’un mandat à un autre mandat.

Ce statut passe donc par une juste rémunération, une politique active de formation et des liens toujours plus forts entre le parti, ses élus et le peuple qu’ils représentent.

Sans cela, les appels à l’ouverture vers le monde associatif, les militants travaillant dans des entreprises privées et la jeunesse resteront des vœux pieux.

Car la transparence, la rigueur, la discipline de parti doivent se retrouver dans tous nos mode de fonctionnement, dans toutes nos actions et elle doit inspirer, chaque jour, nos propositions actions.

Elles doivent constituer le fondement de notre méthode et le ciment de notre vie démocratique.

Le conseil fédéral, tout comme le conseil national et le bureau national doivent se régénérer à chaque congrès et ces changements doivent s’opérer dans le cadre d’une réelle décentralisation où les secrétaires de section devront obtenir le pouvoir de décider, en associant étroite avec les militants.

Peut-on un seul instant imaginer que des hommes et des femmes responsables, désireux d’agir dans notre société afin de la faire évoluer vers plus de justice et de démocratie soient classés et « pesés » au gré de tendances figées lors d’un congrès national ?

Chaque année, des conférences militantes fédérales suivies d’une conférence nationale, devront permettre de faire bouger notre organisation et la représentation au sein des instances, locales, régionales et nationales.

Elles devront être ouvertes aux associations et aux personnes travaillant sur le terrain auprès de ceux et celles pour lesquelles nous nous battons.

C’est avec ces appels d’air, avec la volonté permanente d’engager et de poursuivre le dialogue avec les classes populaires, sans jamais oublier que nous avons un impérieux besoin d’aller confronter nos idées et nos propositions avec le monde intellectuel, que nous redonnerons vie au parti socialiste.

Les sacrifices qu’impose cette mutation sont à la hauteur des désillusions que nous avons connues.

Pour avoir trop longtemps négligé ces contacts, ces confrontations et ces débats, nous avons été défaits.

Se rajeunir, changer nos pratiques, savoir parler simplement et clairement, en un mot, être proche des gens, ce n'est pas un rafistolage.

Réinventer le parti socialiste, c'est réinventer la politique. Et donner sa chance à une nouvelle citoyenneté.

En étant frileux et pusillanimes, nous resterons sans voix.

Si nous sommes audacieux et imaginatifs, nous mettrons en place les conditions nécessaires à de nouveaux succès.

C’est ainsi que ferons reculer l'abstention, qui est la preuve de la profonde crise politique que nous traversons.

C’est à ce prix que notre parti redeviendra un lieu de débat.

C’est à ce prix que notre parti sera une véritable force de proposition !

C’est à ce prix que notre parti retrouvera sa crédibilité et proposera une véritable alternance.

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