Réduire la fracture territoriale

Contribution au Congrès de Grenoble de novembre 2000
présentée par Alain Fauquet, Jean-Marie Krajewski, Jean-Marie François, Dominique Dupilet, , Vincent Lena, Gilles Cocquempot, André Capet, Odette Selosse-Delvainquiere, Roland Huguet, Odette Duriez, Didier Hiel, Nicolas Bays, Marcel Cabiddu, Danielle Darras, Jean-Pierre Kucheida, Jean-Gilbert Marzin, Pierre Darchicourt, Albert Facon, Pervenche Bérès, Géraud Guibert et Gilles Savary.


 
Qui aurait parié en 1997 que le gouvernement de Lionel JOSPIN pourrait se prévaloir, trois ans après, d'un tel bilan ? Qui aurait cru qu'en l'an 2000 la presse anglo-saxonne parlerait de miracle à la française ? Qui aurait espéré qu'après 25 ans de crise, l'objectif de 8 % de chômage puisse être atteint d'ici la fin de la législature, et le plein emploi dans la décennie ? Que les 35 heures auraient déjà créé ou sauvegardé plus de 200 000 emplois ? Que certaines entreprises commenceraient à manquer de main-d'œuvre ?

Ne boudons pas notre plaisir. Nous pouvons être fiers des réalisations de ce gouvernement et fiers d'être socialistes.

Mais cet optimisme ne doit pas nous aveugler. Car l'espoir qu'il suscite est à la mesure de l'impatience de ceux qui n'en profitent pas encore. Nos concitoyens les plus fragiles ont supporté avec courage une crise qui touchait tout le monde, mais il leur devient intolérable de voir redémarrer le train de la croissance sans eux. Et si la violence qui se manifeste dans certaines banlieues ou dans des conflits sociaux comme CELLATEX est dure, le désespoir qui les motive nous interpelle fortement, à l'heure où la télévision diffuse les images d'un bonheur publicitaire, les succès de la nouvelle économie et les communiqués victorieux sur le front de l'emploi.

Nous mesurons seulement maintenant la force dévastatrice de la crise économique et sociale que nous venons de traverser. Conjuguée à un urbanisme désuet, elle a créé des ghettos d'assignés à résidence dans nos quartiers populaires. Conjuguée à la mondialisation sans frein, elle a annihilé les efforts de reconversion de bassins industriels ou miniers. Elle a morcelé le pays, isolé les populations en souffrance sociale, renforcé les égoïsmes et les peurs. En bref, elle a ajouté à la désormais fameuse fracture sociale une véritable fracture territoriale.

La République peut-elle tolérer que certains morceaux du territoire national partent dans une dérive à l'américaine, résidences de riches d'un côté, ghettos de pauvres de l'autre ? Que des départements industriels ou miniers qui ont fait la force de la France soient comme à l'abandon ? Que leurs habitants n'aient pas le sentiment d'habiter le même pays ? La démocratie peut-elle vivre sans véritable communauté de destin ?

Nous voulons donner la parole aux habitants de ces territoires où les fruits de la croissance tardent à se manifester. En leur nom, nous en appelons à une solidarité nationale renforcée. Ils ne demandent plus d'assistance, comme lorsque la crise faisait rage et qu'il fallait apporter un filet de sécurité aux plus faibles. Ils veulent les moyens d'assurer leur avenir et de retrouver le ressort pour rejoindre la société du travail.

Cet effort de solidarité active a été largement engagé depuis trois ans.

Des moyens sans précédent ont été donnés à la politique de la ville, pour rendre leur attractivité aux quartiers populaires et aux logements HLM, que la loi de Solidarité et de Renouvellement Urbains permettra de mieux répartir dans les villes et les agglomérations. La rénovation de l'habitat minier va être accélérée pour se terminer d'ici 2006 et sa gestion sera modernisée. D'autres territoires en reconversion, par exemple dans le domaine maritime (pêche, trafic transmanche, etc...) ou militaire, bénéficieront de la nouvelle politique d'aménagement du territoire.

L'arsenal déployé par le gouvernement en direction des plus faibles pour les inviter à reprendre leur place dans la société n'est pas moins imposant : loi de lutte contre les exclusions et couverture maladie universelle, disparition progressive des trappes à pauvreté (revalorisation des bas salaires, possibilités de cumul de prestations sociales en période de reprise d'emploi, ...), emplois-jeunes, parcours TRACE pour les jeunes en insertion, approche individualisée de chaque chômeur pour lui proposer une solution insertion, formation ou emploi, lutte contre les discriminations raciales à l'embauche.

Aujourd'hui que la France va mieux, que la croissance s'installe, les marges de manœuvre dégagées par le gouvernement doivent être mobilisées pour amplifier cet effort de solidarité active envers les plus fragiles. Le message que nous entendons leur faire passer est le suivant : oui, vous avez souffert et la société vous doit réparation sociale. Oui, la société a besoin de vos talents et vous fera une place.

Mais pour que ce message soit entendu, pour redonner confiance dans l'action publique et dans notre avenir commun, il faut mieux faire connaître le bilan du gouvernement, en ce qu'il a pu améliorer concrètement la situation des habitants de ces territoires. Il faut de la même manière penser les réformes en cours ou à venir (baisse des impôts, lutte contre la précarité, assurance-chômage, épargne salariale, ...) pour que chacun en ressente les effets dans sa vie quotidienne et celle de ses proches. Car sinon, le temps de l'attente deviendra le temps de la désespérance.

Cela suppose aussi de moderniser la France dans son organisation, et de préparer sans délai une nouvelle étape forte de la décentralisation, qu'accompagnera une réforme puissante de l'Etat local et de nouveaux mécanismes de solidarité renforcée, au profit des collectivités locales les plus pauvres, qui n'ont pas les moyens d'offrir l'égalité d'accès au service public.

Cela nécessite aussi de casser les rigidités qui bloquent la société française, notamment pour que l'éducation et la formation tout au long de la vie permettent à chacun d'avoir les mêmes chances de réussite. L'accès à la culture, la diffusion et la maîtrise des nouvelles technologies de l'information ou du vivant, y contribueront également dans une société vieillissante. Telles sont les clés pour un développement partagé et durable.
Le 28 Août 2000


– Signataires –

Alain Fauquet, conseiller municipal d'Arras, conseiller régional (ARRAS)  Jean-Marie Krajewski, vice-président du conseil général (BERCK-SUR-MER)  Jean-Marie François, maire d'Outreau, conseiller régional (OUTREAU)  Dominique Dupilet, député du Pas-de-Calais, premier vice-président du conseil général (BOULOGNE-SUR-MER)  Vincent Lena (BOULOGNE-SUR-MER)  Gilles Cocquempot, maire d'Eperlecques (EPERLECQUES)  André Capet, député du Pas-de-Calais, conseiller régional (CALAIS)  Odette Selosse-Delvainquiere, conseillère municipale d'Aire-Sur-La-Lys, conseillère régionale (AIRE-SUR-LA-LYS)  Roland Huguet, sénateur du Pas-de-Calais, président du conseil général (ISBERGUES)  Odette Duriez, maire de Cambrin, présidente d'une association de développement local (CAMBRIN)  Didier Hiel, maire de Vendin-Le-Vieil, premier vice-président de la communauté d'agglomération de Lens-Liévin (VENDIN-LE-VIEIL)  Nicolas Bays, animateur fédéral du M.J.S. (WINGLES)  Marcel Cabiddu, député-maire de Wingles, vice-président du conseil général (WINGLES)  Danielle Darras, députée européenne, vice-présidente du conseil général (LIEVIN)  Jean-Pierre Kucheida, député-maire de Liévin, président de l'association des communes minières de France (LIEVIN)  Jean-Gilbert Marzin (LIEVIN)  Michel Vancaille, maire de Bully-Les-Mines, président d'un office public d'aménagement et de construction (BULLY-LES-MINES)  Pierre Darchicourt, maire d'Hénin-Beaumont, vice-président du conseil régional (HENIN-BEAUMONT)  Albert Facon, député-maire de Courrières, conseiller général (COURRIERES)  Pervenche Bérès, députée européenne (PARIS)  Géraud Guibert, secrétaire national (LE MANS) Gilles Savary, député européen, secrétaire national (BORDEAUX).

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