Soyons fiers d'être réformistes

Elisabeth Guigou



Entretien avec Elisabeth Guigou, députée de Seine-Saint-Denis, paru dans le quotidien Le Figaro daté du 1er septembre 2003
Propos recueillis par Pascale Sauvage
 

Les conséquences dramatiques de la canicule fournissent au PS un excellent prétexte pour critiquer la politique sociale du gouvernement...
Il faut distinguer deux choses. Sur le plan médical, on ne peut pas reprocher au gouvernement cette canicule, qui est une véritable catastrophe naturelle. Cela dit, il a tardé à réagir, après avoir nié le problème des urgences. Si Bernard Kouchner avait encore été en charge du secteur, il aurait réagi beaucoup plus vite. Toujours sur l'aspect médical, on est forcément interpellé sur la mobilisation de la médecine de ville, qui a été défaillante. Nous savons pourquoi : dans les grandes villes, il n'existe pas de système de garde organisé des médecins. Et nous-mêmes n'avions pas résolu ce problème, même si nous avions commencé à le traiter. L'autre aspect de cette catastrophe est la prise en charge sociale des personnes âgées, et là la responsabilité politique du gouvernement est beaucoup plus forte. Il a délibérément remis en cause le plan de modernisation des maisons de retraite que nous avions engagé (180 millions d'euros par an sur cinq ans) en supprimant 100 millions d'euros cette année. Ces crédits ont manqué pour recruter du personnel supplémentaire. Il a aussi rogné l'APA (allocation prestation autonomie). Or celle-ci est l'assurance, pour chaque bénéficiaire, d'avoir chaque jour la visite à domicile d'une personne qualifiée.

Qui est responsable ?
Je suis sidérée par le silence de François Fillon. Le secrétariat d'Etat aux Personnes âgées est rattaché à son ministère. Un ministre n'est pas là pour se planquer, dans ce genre de circonstances. Il y avait du retard dans notre système de prise en charge des personnes âgées, mais au moins avions-nous entrepris de rattraper ce retard.

Le PS commence-t-il à être audible par l'opinion, comme principale force d'opposition ?
Notre rôle dans l'opposition est d'exercer une fonction critique avec objectivité, et surtout de présenter une alternative. Notre adversaire, c'est la droite et encore plus l'extrême droite. Pour ma part, je me réjouis de voir 200 000 personnes au Larzac, en plein été, pour réclamer une autre mondialisation. Il ne faut pas s'étonner que, dans une foule pareille, quelques excités irresponsables s'en prennent à nous. L'important, pour le PS, est de voir comment dépasser cette contestation, utile à la prise de conscience des dérives néfastes de la mondialisation. Il y a moyen de préserver les services publics des lois du marché au niveau européen. A nous de porter des propositions et de convaincre nos partenaires de la social-démocratie. Il faut être fier d'être réformiste. C'est le réformisme qui a réalisé les grands progrès de notre société.

Le gouvernement Raffarin affiche lui aussi la volonté de réformer la France. Le réformisme n'est-il pas déjà porté à son crédit ?
Tout dépend quelles réformes on entreprend. Les choix de ce gouvernement ne font qu'aggraver les choses au lieu d'apporter des solutions. La baisse des impôts a aggravé le chômage et la situation des plus fragiles en diminuant les budgets sociaux sans pour autant faire redémarrer la machine économique. Elle a gonflé l'épargne sans relancer la consommation. Par ailleurs, la réforme des retraites est extrêmement partielle, puisqu'elle n'est financée que pour un tiers. Ce gouvernement se dit réformiste, mais il fait des réformes à contresens, destinées uniquement à son électorat. Il améliore la situation de ceux qui ne sont pas à plaindre et fragilise les plus modestes. De plus, il a sacrifié des secteurs d'avenir comme l'éducation et la recherche. Je n'appelle pas cela des réformes. Derrière l'étiquette, il y a la réalité. Les Français commencent à s'en rendre compte.

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