« S'attaquer au noyau dur du chômage »

Elisabeth Guigou
Elisabeth Guigou, ministre de l'Emploi et de la Solidarité, présente aujourd'hui en Conseil des ministres le nouveau programme de prévention et de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Un plan qui participe à la réactualisation de la loi de lutte contre les exclusions.

 Interview accordée à Libération, parue le mercredi 18 juillet 2001.
 Propos recueillis par Hervé Nathan et Tonino Serafini

 

Votre plan est très axé sur l'insertion par l'emploi. Justement, samedi, le président Chirac a attaqué la politique du gouvernement. Le ralentissement de la baisse du chômage n'ouvre-t-il pas un espace à la critique ?

M. Chirac s'est bien gardé de critiquer notre politique économique qui a amorcé un virage complet par rapport aux gouvernements Balladur ou Juppé. En revanche, il a contesté la baisse du chômage en citant des chiffres faux. La diminution du nombre de demandeurs d'emplois a été plus rapide chez nous que chez nos voisins européens. Le chômage a baissé de plus de 1 068 000 personnes en quatre ans, malgré une démographie dynamique qui s'est traduite par l'arrivée de 700 000 personnes sur le marché de l'emploi. Certes, la croissance nous a aidés, mais les 35 heures et les emplois-jeunes l'ont bonifiée.

Avec une croissance de 2 % à 2,3 % l'an prochain, le chômage ne va-t-il pas repartir ?

Je ne le crois pas. Nous maintenons notre prévision de poursuite de la baisse du chômage. Le taux de chômage devrait être à 8,5 % en fin d'année contre 8,7 % aujourd'hui. L'an prochain, nous pourrons compter sur l'effet 35 heures, qui ne sont pas encore entrées en application dans les entreprises de moins de 20 salariés, la prolongation des emplois-jeunes et le nouveau plan national de lutte contre les exclusions (PNLE) que je présente aujourd'hui. Ces nouvelles mesures visent à s'attaquer au noyau dur du chômage, c'est-à-dire aux populations les plus éloignées du marché du travail: notamment les jeunes sans diplôme ni formation ou les bénéficiaires du RMI. D'autant que le ralentissement de la croissance et donc des embauches risque en premier lieu de toucher ces personnes-là.

Le nombre de contrats emploi-solidarité (CES) à été réduit de moitié en quatre ans, passant de 500 000 à 250 000...

Je me suis effectivement rendu compte que l'on avait ralenti trop vite. Or nous avons besoin de ces dispositifs pour rapprocher les personnes en difficulté du monde du travail. D'ailleurs les demandes émanent du terrain: des missions locales pour l'emploi, des associations d'insertion, des élus. Nous allons donc augmenter de 50 000 le nombre de CES dès cette année pour atteindre 300 000.

N'est-ce pas un moyen d'afficher un bon chiffre en matière d'emploi ?

Cela correspond à des besoins avérés. En aucun cas on ne peut dire que cela sert à manipuler les chiffres du chômage.

Près d'un million de personnes sont toujours au RMI. N'est-ce pas un échec ?

Leur nombre a tout de même baissé de 5 % depuis un an. C'est la première fois. Le nouveau plan national de lutte contre les exclusions prévoit précisément un accompagnement renforcé, notamment pour les bénéficiaires du RMI, les chômeurs de longue durée ou en fin de droits qui perçoivent l'ASS (allocation spécifique de solidarité). 600 000 allocataires du RMI vont bénéficier du programme «nouveau départ», qui accompagne de très près la personne dans ses démarches d'insertion professionnelle. Depuis 1998, 200 000 allocataires du RMI sont passés par ce dispositif et la moitié d'entre eux a retrouvé un emploi.

Le gouvernement a-t-il renoncé à l'instauration d'une allocation d'autonomie pour les jeunes ?

Le coût de cette proposition est de 40 à 60 milliards de francs par an (6,1 à 9,15 milliards d'euros). Ce sera donc au gouvernement issu des élections de 2002 de décider. Mais je tiens à dire que je suis contre un RMI-jeunes que l'on pourrait assimiler à de l'assistanat. Favorisons l'insertion par l'emploi, à commencer par les jeunes les plus en difficulté. Nous posons un premier jalon l'an prochain avec la création d'une bourse d'accès à l'emploi pour les 16 à 25 ans qui s'engagent dans un projet professionnel dans le cadre du programme Trace (trajet d'accès à l'emploi). Le nombre de jeunes concernés va passer de 65 000 à 120 000. Pour les jeunes les plus éloignés du monde du travail, ces programmes seront d'une durée de deux ans contre dix-huit mois pour les autres. Le montant de la bourse sera d'environ 2000 F par mois (305 €), pour garantir aux jeunes une continuité de ressources pendant toutes les phases du parcours.

Selon diverses études, la pauvreté recule moins que le chômage...

La lutte contre la pauvreté et l'exclusion est un travail au long cours. Elle passe par l'insertion professionnelle. Mais, en attendant, il est indispensable d'améliorer le quotidien des populations touchées. Ainsi nous avons pris des mesures pour rendre insaisissable le RMI, car il s'agit là d'un revenu vital. De même nous avons décidé de prolonger automatiquement la CMU (couverture maladie universelle) jusqu'à la fin de l'année pour tous les anciens bénéficiaires de l'AMG (aide médicale gratuite). Enfin, 400 millions de francs (61 millions d'euros) seront consacrés aux personnes qui ont des revenus à peine supérieurs au plafond de la CMU, pour leur permettre de bénéficier malgré tout de cette couverture.
Au niveau du logement, 500 places nouvelles seront créées dans les CHRS (centres d'hébergement et de réinsertion sociale) qui accueillent des personnes en difficulté le temps de leur trouver un logement pérenne. Un plan de lutte contre l'habitat insalubre et le saturnisme sera aussi engagé en mettant l'accent sur les onze départements les plus concernés, notamment dans les grandes agglomérations.
Reproduit avec l'aimable autorisation du quotidien
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