Un système plus cohérent
et plus démocratique

Elisabeth Guigou
par Elisabeth Guigou,
Garde des Sceaux

 Interview accordée à L'Hebdo des socialistes, parue le 25 août 2000.
 Propos recueillis par Monique Grima


La cohabitation, si elle reparaît, ne se fera que de manière brève et exceptionnelle.
Sa disparition, j'insiste, n'est pas l'objet de la réforme

Vous avez défendu, à l'Assemblée nationale le 14 juin et au Sénat le 29 juin, le projet de révision constitutionnelle visant à instaurer le quinquennat.
Pourquoi cette réforme ?

Pour deux raisons claires et fortes. Tout d'abord parce qu'elle nous donnera un système plus démocratique. Ensuite parce qu'elle rendra notre système plus cohérent.
Élire le président plus souvent, c'est donner aux citoyens la possibilité d'exercer plus souvent l'un de leurs droits fondamentaux, celui du choix de leurs dirigeants. C'est donc rendre notre système plus démocratique.

Ce système plus démocratique sera aussi un système plus cohérent. Le quinquennat nous rapprochera des durées de mandat pratiquées par nos voisins et de l'harmonisation de la durée des différents mandats électifs. Avec lui, les relations entre les trois intitutions que sont le président de la République, le gouvernement et l'Assemblée nationale seront alors mieux ordonnées.

D'où vient le septennat ?

La durée de sept années pour le mandat présidentiel, fixée à l'aube de la IIIe République, ne résulte d'aucune logique ou réflexion constitutionnelle. Le « septennat » est un héritage des monarchistes que les Républicains ont accepté parce qu'il paraissait sans inconvénient. Il a ensuite été maintenu sous la IIIe et la IVe République, parce que les pouvoirs du chef de l'État étaient alors faibles.
La question aurait pu se poser en 1958, dès que la Constitution de la Ve République renforçait considérablement les pouvoirs du président de la République. Elle ne l'a pas été.

Mais avec l'élection du président de la république au suffrage universel direct en 1962, la légitimité de son titulaire a été renforcée et son pouvoir accru. c'est pourquoi la question du raccourcissement du mandat du président de la République est alors apparue dans le débat politique. C'est la gauche, le club Jean Moulin en particulier, puis Gaston Deferre lors de la campagne présidentielle qui engagera cette réflexion.

En quoi le fait de raccourcir de sept à cinq ans le mandat du président de la République est-il un progrès pour la démocratie ?

Par le rapprochement de la durée des différents mandats électifs, président de la République et députés seront renouvelés à la même période. Exécutif et législatif disposeront ainsi d'une durée raisonnablement longue, et dont on peut penser qu'elle sera plus stable, épargnat ainsi à notre vie politique le rythme parfois haché qu'elle a connu jusqu'à présent.

Certes, des accidents peuvent toujours survenir qui provoqueraient de nouveaux décalages. Un président peut démissionner ou décéder, une Assemblée être dissoute en cas de crise. Mais à regarder la chose de près, il apparaît que la proximité des deux scrutins sera très rapidement rétablie.

La cohabitation, si elle reparaît, ne se fera que de manière brève et exceptionnelle.
Sa disparition, j'insiste, n'est pas l'objet de la réforme. Sa raréfaction en sera un effet, secondaire, mais bienvenu.

Le système fonctionnera de manière plus ordonnée. Le président de la République, le gouvernement et la majorité parlementaire devront davantage travailler ensemble puisque leur renouvellement se fera de façon contemporaine. Le président, avec le quinquennat, sera plus attentif aux groupes parlementaires de sa majorité, puisque son mandat prendra fin en même temps que le leur, sera exposé au même verdict, favorable ou défavorable.

Ne risque-t-on pas de changer de type de régime constitutionnel ?

Certains redoutent un basculement vers un régime présidentiel, d'autres un retour vers un régime d'assemblée, d'autres encore craignent les deux ! Ces arguments sont difficilement compatibles entre eux.

Le quinquennat, ce n'est pas un glissement vers le régime présidentiel, qui supposerait la suppression du droit de dissolution et du poste de premier ministre. Or, rien de tel n'est envisagé.

Le quinquennat, ce n'est pas, non plus, un glissement vers un synonyme d'absence de majorité où plane, à tout moment, la menace d'un renversement du gouvernement.

Cette réforme est-elle suffisante ?

Je sais bien que certains voudraient plus, ou autre chose. Intellectuellement et politiquement, cette exigence est légitime. Les propositions seront utiles à la réflexion constitutionnelle d'ensemble qui se poursuivra au-delà du débat sur le quinquennat. Mais à vouloir trop faire, le risque serait grand de ne rien pouvoir faire. Un progrès à la fois, cela laisse ouvertes toutes les autres perspectives qui se dessineront à leur heure., mais cela permet de clore utilement ce débat.

Je rappelle qu'en trois ans plusieurs réformes institutionnelles très importantes ont été faites : limitations du cumul des mandats, parité, scrutin régional... Je ne doute pas que nous en réaliserons d'autres dans les prochains mois ou... années !

Plus démocratique, parce que donnant aux Françaises et aux Français la possibilités de s'exprimer plus fréquemment, plus cohérent, parce que garantissant l'unité et la solidarité réelles des institutions, le quinquennat est avant tout, ne l'oublions jamais, un pouvoir nouveau donné à nos concitoyens, le premier, en termes constitutionnels, qu'ils reçoivent depuis 1962. A cette date, il leur avait été donné d'élire eux-mêmes leur président. Aujourd'hui, il leur sera donné de le faire plus souvent.


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