Vivre en France
à égalité de droits

Adeline Hazan
Adeline
Hazan

 Contribution thématique au congrès national de Dijon.
18 janvier 2003

 
La France est forte de sa population d'origine immigrée et sa construction future, son dynamisme social sont fortement liés aux jeunes qui en sont issus : il faut savoir que 15 % des jeunes de 19 - 25 ans vivant en France ont au moins un de leurs parents immigré ou étranger, vivant, et que plus de 60 % d'entre eux sont français.

Pendant des décennies, la France a trouvé son dynamisme dans sa capacité à intégrer toutes celles et tous ceux qui se sont installés sur son sol et qui ont été amenés à y construire leur destin personnel. Si cette histoire ne s’est pas faite sans heurts et difficultés et a souvent été conflictuelle, le constat est là : l’apport des populations étrangères ou d’origine étrangère est un élément constitutif de l’identité nationale. Sans les apports de l’immigration sur un siècle, la France serait moins forte de 11 à 12 millions d’habitants. N’oublions pas non plus qu’une personne sur quatre vivant actuellement en France a, au moins, un grand parent étranger. Le paradoxe est que c’est la crise des années 70/80 qui a fait prendre conscience de cette situation structurelle mais d’une manière négative, compte tenu du contexte de récession économique dans lequel entrait la France. Notre regard sur l’immigration en est encore marqué.

Le récent rapport du commissariat général du Plan nous rappelle, qu’aujourd’hui encore, de nombreux secteurs d’activité ne pourraient fonctionner sans la contribution des immigrés. Compte tenu des retraites et de retours au pays, la part des immigrés sur le marché du travail est restée stable depuis 25 ans, proche de 7,5 %. En effet, la France n’a été que peu concernée par les conséquences migratoires de la chute du Mur de Berlin, les guerres de l’ex-Yougoslavie, ou les mouvements concernant les pays du sud de l’Europe, devenus attracteurs de main-d’œuvre. La France reçoit un courant de migrants provenant, pour l’essentiel de ses anciennes colonies même si leurs origines se diversifient rapidement depuis 5 ans.

Rompant avec une période marquée par de très fortes tensions (lois Pasqua - Debré, sans-papiers de Saint-Bernard…), la gauche a mis en oeuvre une politique globale qui a permis de dépassionner le débat. Opération de régularisation exceptionnelle de 1997/98, loi RESEDA sur l’accueil et le séjour des étrangers, loi sur la nationalité rétablissant le droit du sol, mise en place d’une politique de lutte contre les discriminations (GELD, CODAC, 114…) dont pour la première fois, un gouvernement reconnaît l’existence : le gouvernement de Lionel Jospin n’est pas resté inactif. Pourtant, ces réponses se sont montrées insuffisantes ou parcellaires à nombre de militants de gauche.

Ainsi, force est de constater que de nombreux électeurs de gauche nous ont montré par leur vote en avril 2002 qu'ils jugeaient insuffisante la politique de la gauche en ces domaines. Ils ont estimé que le peu d'empressement ou le renoncement des socialistes à mettre en oeuvre un certain nombre d'engagements (abrogation de la double peine, droit de vote des étrangers aux élections locales, etc...) devait être sanctionné. Comme il nous a été également beaucoup reproché l'absence de personnes issues de l'immigration dans la représentation politique, aussi bien dans les instances internes du Parti que parmi les élus.

Enfin, il faut avoir présent à l’esprit que les jeunes de banlieue issus de l’immigration (ou identifiés comme tels) ne se sentent pas représentés par une gauche qui participe au tintamarre de la droite et amalgame jeune - banlieue - insécurité, désigne l’immigré comme source de désordre. Ils reprochent à la gauche d’avoir, pour l’essentiel, combattu racisme et discrimination dans les discours, sans s’être donné les moyens d’action suffisants. De ne pas avoir suffisamment réfléchi aux échecs des politiques publiques (politique de la ville) lorsqu’il s’agissait de lutter contre les inégalités sociales et l’exclusion urbaine.

Car on ne peut perdre de vue l’insuffisance, malgré de bonnes intentions, d’une politique de la citoyenneté un peu audacieuse qui devait être lancée par les « assises de la citoyenneté » de mars 2000. L’état réel des discriminations mis en avant alors a, depuis, été confirmé par nombre de rapports, notamment celui du Haut Conseil à l’Intégration :
     dans l’emploi, y compris l’emploi public,
     dans l’école,
     dans la vie quotidienne,
     dans le logement, secteur privé comme secteur public,
     dans l’accès aux images
     etc…
Mais il s’agit de ne pas confondre les problèmes qui se posent aux migrants et ceux qui se posent aux Français, de différencier la question des migrations des problématiques sociales. Et ne parlons plus d’intégration aux jeunes (et moins jeunes) nés en France mais de lutte contre les discriminations.

A l'heure d'une clarification politique nécessaire, nous devons accepter que ces constats et ces reproches sont fondés et en tirer les conséquences pour l'avenir ; sans complaisance mais avec réalisme et avec une véritable volonté de tenir les engagements pris. Ce n'est qu'à ce prix que nous regagnerons la confiance de cet électorat.

Nous aborderons donc dans quatre chapitres différents :

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I/ Les flux migratoires

 
La souveraineté d’un pays l’autorise, en fonction des objectifs d’intérêt général ou national qu’il s’assigne, à mettre en œuvre des dispositifs de régulation de l’immigration. L’Etat est par ailleurs tenu de respecter les libertés fondamentales : liberté d’aller et de venir, liberté d’opinions et de croyances, liberté du mariage, droit de mener une vie familiale normale, droit de changer de pays en cas de persécution…

a) Mieux respecter les libertés fondamentales : améliorer la loi RESEDA et revoir son application

     par une mise en conformité de son application avec son esprit. Les circulaires éditées depuis son entrée en vigueur l’ont déformée sur plusieurs points, et les pratiques de certaines préfectures sont parfois en régression par rapport à l’état des pratiques antérieures.
     par l'amélioration des dispositions sur le respect de la vie privée et familiale, dont l’application est actuellement aléatoire.
     en inscrivant dans la loi que toute personne non expulsable doit se voir, de droit, délivrer un titre de séjour - les situations d’irrégularité administrativement maintenues étant, d’une part, un facteur de précarité touchant l’ensemble de la cellule familiale concernée, et d’autre part source importante de désordre social.

b) Poser la problématique de l’immigration de travail

    Une partie importante des personnes immigrées ayant un emploi est constituée par les nouveaux arrivants résultant, notamment, des regroupements familiaux et des mariages. Ces emplois sont le plus souvent non qualifiés. L’immigration proprement dite de travail est extrêmement réduite. Il entre chaque année, de manière légale sous ce titre, moins de 10 000 travailleurs étrangers par an, essentiellement des travailleurs hautement qualifiés. Pourtant, c’est quasiment sur cette seule partie de l’immigration que l’État peut intervenir en toute souveraineté.

    Des organismes internationaux ont réouvert le débat sur l’opportunité de relancer cette immigration de travail (Rapport de l’OCDE, édition 1998 et rapport de l’ONU, direction de la démographie, sorti en février 2000, rapport des Nations unies sur les migrations de remplacement, publié en mars 2001), et évoqué l’intérêt pour la France d’avoir une politique active afin, notamment, d’atténuer le choc démographique qui déséquilibrera le système des retraites à partir de 2006.
    Le récent rapport du Commissariat général du Plan (nov. 2002) s’inscrit en contre, et assure qu’il faudrait à la France simplement accueillir quelque 20.000 migrants supplémentaires chaque année.

    Il faut avoir le débat au sein de notre Parti. Et en poser les termes économiques et sociaux de façon claire et objective.
       Quels impacts produit l’immigration sur le niveau de chômage et le niveau de salaire des régions d’accueil ? Les études économiques récentes sont contradictoires, certaines concluant sur le peu d’effets, d’autres faisant valoir que l’afflux d’immigrés non qualifiés peut induire une baisse de salaire pour les travailleurs nationaux non qualifiés dans certaines zones.
       Des difficultés de recrutement existent dans nombre de métiers non qualifiés, trouvés non valorisants par les nationaux et boudés par les jeunes générations.
       Ouvrir les frontières à l’immigration de travail sans aucun préalable nous paraît pourtant économiquement et socialement inenvisageable en raison du chômage structurel. Il faut avant toute chose éviter tout dumping social.
       Des questions économiques et sociales fondamentales se posent alors : ne faut-il pas rendre des conditions d’emploi plus attractives (problème de la pénibilité du travail, des horaires, de l’image socialement dégradée…) ? Ne faut-il par faire porter un effort national d’envergure sur la formation et l’insertion des personnes non qualifiées au chômage ?
       Par ailleurs, comment prendre en compte de façon réaliste la mobilité des travailleurs dans le cadre intra-européen ?

    Le débat sur l’appel à l’immigration de travail étrangère (immigration de main d’oeuvre, mais aussi immigration à composante plus technique et scientifique) est fort complexe et doit être ouverte sans tabous. La législation actuelle d’opposabilité de la situation de l’emploi est-elle suffisante, faut-il avoir une politique d’entrée de travailleurs par quotas, que penser de la « green card », quelle publicité possible pour les entreprises, quels types de contrat vaudrait-il mieux privilégier... ? Quelle analyse pouvons-nous avoir des politiques mises en place aux Etats-Unis ou au Canada, en Grande-Bretagne ou en Allemagne ?

    Aujourd’hui, l’administration fonde son accord ou son refus d’autorisation de travailler sur les états statistiques trimestriels des offres et demandes d’emploi par catégories professionnelles en raison de la “ situation de l’emploi, présente et à venir dans la profession demandée par le travailleur étranger et dans la zone géographique où il compte exercer cette profession ”. Indépendamment de la production éventuelle par l’intéressé d’un contrat de travail. Mais nous pouvons d’ores et déjà améliorer la souplesse de notre dispositif afin de répondre plus rapidement aux besoins aujourd’hui plus nombreux des entreprises :
       en se donnant les moyens de conduire une analyse plus fine et plus souple des demandes des entreprises, de manière à ne pas entraver celles-ci dans leur recherche de travailleurs qualifiés (affinement à faire des catégories professionnelles).
       en assouplissant les contraintes administratives (les démarches actuelles conduisent encore à 4 mois d’attente pour l’embauche d’un informaticien étranger extra communautaire malgré les mesures prises, ce qui est un délai beaucoup trop long).
       en prenant des initiatives d’ouverture vers les étudiants étrangers en France.

c) Le droit d’asile

    De nombreuses lacunes existent dans la gestion des différentes demandes d’asile en France, tout au long de la chaîne. De fortes critiques ont été émises quant aux restrictions apportées au droit d’asile et aux conditions difficiles d’accueil des demandeurs (HCR, CNCDH, Cour des Comptes...). De plus, les délais de procédure, extrêmement longs, sont préjudiciables à tous.

    Institué par la loi RESEDA en complémentarité de l’asile politique classique, convention de Genève, le statut d’asile territorial concerne les personnes victimes de persécutions n’émanant pas d’un agent étatique. Ce statut a une pertinence pour les personnes qui désirent une protection temporaire car il leur permet de faire face à une situation de détresse passagère sans les couper de leur pays d’origine, le retour étant l’objectif. Cependant, le traitement des dossiers d’asile territorial, du seul ressort du ministère de l’Intérieur, est totalement opaque et discrétionnaire. Le nombre de statuts accordé dérisoire (moins de 4 %). Par ailleurs, les demandeurs d’asile territorial ne bénéficient d’aucun droit social.

    Pour une politique d’ensemble cohérente, qui prenne en considération tant les intérêts du pays d’accueil que le respect du droit des personnes et des textes internationaux que la France a signé, nous proposons :
       un « guichet unique » qui traite de l’ensemble des demandes (asile conventionnel et asile territorial, et l’harmonisation des droits sociaux ;
       une interprétation moins restrictive des critères de la Convention de Genève, ce qui suppose une élaboration transparente et interministérielle d’un texte sur l’interprétation de ces critères ;
       le renforcement des moyens à toutes les étapes de procédure : augmenter les effectifs de l’OFPRA, afin que les délais de procédure soient réduits à 6 mois, des places d’hébergement ;
       le plein respect des droits de chaque demandeur d’asile, à chaque étape de la procédure (il doit être systématiquement entendu, la demande d’asile dûment enregistrée, être averti de ses droits, disposer d’un conseil et d’un interprète dans sa langue, pouvoir bénéficier de l’aide juridictionnelle...) ;
       le droit de travailler si la procédure dépasse 6 mois ;
       reconnaître aux associations leur rôle ;
       Faire primer la protection de l’enfance pour les mineurs demandeurs d’asile, car un mineur isolé est, avant tout, par définition, un mineur en danger et n’est pas juridiquement capable : le juge des Enfants doit être saisi dès la demande d’asile du mineur et la prise en charge de celui-ci définie.

d) L’harmonisation européenne

    Les Quinze avaient décidé à Amsterdam en 1997 de gérer de manière coordonnée la question de l’immigration, non seulement dans l’intérêt de l’Union européenne, devenue espace de libre circulation, mais aussi dans celui des migrants eux-mêmes, par une lutte efficace contre les trafiquants d’êtres humains, et en partenariat avec les pays d’origine.
    Au sommet européen de Tampere (octobre 1999) les États membres avaient concrétisé cette volonté, avec un calendrier précis, et une approche transparente. L'approche européenne de ce sujet avait constitué à l'époque un grand pas en avant, en faisant du sommet de Tampere le point de départ d’une véritable harmonisation des politiques d’immigration et d’intégration.

    Mais depuis fin 2001, on assiste à une harmonisation au rabais, due à plusieurs facteurs, au nombre desquels on peut citer le changement de couleur politique de plusieurs pays (Italie, Autriche, Danemark), une certaine lassitude de la Commission européenne qui ne réussit pas à faire entendre sa voix, et la règle paralysante de l’unanimité au Conseil bien timide à avancer sur ce sujet.

    Aujourd’hui l’urgence est immense. On ne peut plus se contenter des bonnes intentions et de voeux pieux proclamés lors des sommets successifs, pendant qu’au même moment certains Etats comme le Danemark, et l'Autriche hier encore, adoptent de nouvelles législations, hostiles aux étrangers, sans tenir compte de la nécessité d’un véritable projet commun.
    Il nous faut absolument apporter une réponse européenne à la question des demandeurs d’asile, ceux qui fuient des situations de violence généralisée et qui viennent chercher refuge en Europe. On ne peut se contenter de prôner la tolérance zéro lorsque ces derniers sont souvent les premières victimes des trafiquants d'êtres humains et autres réseaux mafieux. Enfin, la volonté légitime d’améliorer le contrôle aux frontières extérieures de l’Union européenne ne doit pas masquer la nécessité d'une harmonisation des voies légales de l’immigration.

e) L’aide au développement et une politique de codéveloppement

    Avoir une politique de développement en direction des pays du Sud est une question d’éthique, de respect de l’autre, de solidarité humaine. C’est aussi une question économique, ces pays représentant un marché potentiel à développer. C’est enfin une questions stratégique, l’accentuation de l’appauvrissement et des écarts richesse/pauvreté créant un phénomène d’attirance, de déplacements de populations du Sud vers le Nord (mais aussi de migrations Sud/Sud qui sont d’ailleurs largement plus importantes).
    La réduction des inégalités dans le monde est un impératif global, pris en compte dans les propositions faites d’une politique internationale des socialistes, avec notamment l’annulation de la dette des “ pays pauvres ” du Sud et une augmentation de notre aide publique au développement (0,7 % du PIB).

    Dans ce cadre, ce qui nous intéresse plus particulièrement ici est la politique de codéveloppement que nous pouvons mener en faisant appel à la dynamique impulsée par les migrants qui sont en France. L’implication de ceux-ci dans des projets intéressant leur région d’origine doit être encouragée de manière à avoir des effets stabilisateurs sur les populations partenaires et permettre à celles-ci d’accéder à certains droits fondamentaux (santé, éducation…). La mise en place d'un visa de circulation spécifique pour les acteurs impliqués dans les projets de codéveloppement ou de coopération décentralisée permettrait de lever l'un des principaux blocages qui entravent leur épanouissement.

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II/ L'accueil des étrangers nouvellement arrivants

 
L’Etat a le devoir de favoriser l’intégration des nouveaux arrivants à la communauté nationale. La faciliter ou la rendre possible suppose que tous connaissent et respectent les valeurs fondamentales de notre société, comme la liberté individuelle, le principe de laïcité ou l'égalité des droits. La réussite d'un tel processus suppose que soient mis à disposition de chacun les outils nécessaires. Et de donner à chacun l'envie de s'intégrer en ayant la certitude qu'il a bien sa place dans la société française.
Les moyens donnés à cette politique doivent en conséquence soit être renforcés soit être mis en place.

a) Les outils développés par les plates-formes départementales d'accueil

    Les plates-formes départementales d’accueil ont prouvé qu’elles étaient un instrument essentiel d’une politique d’accueil. Les généraliser et les renforcer en leur donnant plus de moyens et en élargissant leurs missions est indispensable :
       Généraliser l’accueil à tous les nouveaux arrivants, proposer systématiquement des cours de français et des cours d’alphabétisation en fonction des bilans linguistiques, systématiser le suivi du travailleur social dans le champ plus large des actes de la vie quotidienne (logement, scolarisation, démarches administratives...).
       Généraliser les rencontres collectives avec le service public d’accueil pour les personnes déjà présentes en France et se faisant rejoindre par leur famille.
       Favoriser la formation et l’insertion professionnelle, notamment des femmes.

    Ceci implique de procéder à un maillage plus serré du territoire avec de meilleures conditions d'accès aux dispositifs d'accueil en un lieu institutionnel unique. Il faut instaurer un service public de l'accueil, présent sur l'ensemble du territoire et touchant l'ensemble des étrangers nouvellement arrivants et désirant s’installer sur le territoire. Par ailleurs, afin de ne pas créer d'inégalité et pour que tous les publics soient concernés, il serait nécessaire que ce service public soit plus ouvert et constitue un service public de l'accueil, de l'intégration et de l'insertion.

b) L’Éducation nationale doit être mobilisée dans son ensemble

       Une réponse doit être apportée aux familles en recherche d’écoute et d’information au niveau privilégié de contact avec la société d’accueil qu’est la scolarisation des jeunes enfants. Nous proposons que dans chaque école maternelle et primaire qui accueille un certain nombre d’enfants issus de l’immigration, il soit affecté une assistante sociale plus spécialisée sur ces questions d’intégration – mais qui pourra, bien entendu, être à la disposition également des familles en difficulté. Il y a là un rôle d’écoute, d’information, de médiation à développer qui répond également à une politique de prévention - prévention des échecs scolaires, prévention de la délinquance, de l’exclusion sociale.

       Accroître le nombre de classes d’initiation (CLIN) et de classes d’accueil (CLA) pour rééquilibrer l’offre et les conditions de scolarisation et de formation, et que chaque enfant de migrant puisse accéder à une telle classe dans un établissement proche de son domicile ; améliorer la formation des enseignants appelés à travailler avec ce public.

       Créer des classes d’accueil au lycée pour les adolescents de 15 à 18 ans afin de leur donner une meilleure chance de s’intégrer socialement et professionnellement - ce qui implique de définir les modalités de prise en charge des jeunes de plus de 16 ans par le système scolaire.

    Ces deux derniers points sont d’autant plus cruciaux que l’âge moyen des enfants qui arrivent sur le sol français sans maîtriser la langue française ni les apprentissages fondamentaux ne cesse de s’élever. Il faut combattre le processus d’exclusion scolaire qui se met alors en place.

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III/ La promotion d'une politique d'égalité des droits entre résidents étrangers et français

 
Le statut de la population régulièrement immigrée en France a largement évolué ces dernières décennies, le point de départ en étant le droit d’association créé en 1981. L’enjeu aujourd’hui n’est plus de parler d’intégration mais est de donner aux immigrés des pays tiers durablement installés en France (cela ne peut intéresser les nationaux des pays membres de l’U.E.) les moyens d’être pleinement reconnus acteurs de la vie de la cité. Comme les autres habitants, ils paient des cotisations sociales, des impôts ; ils participent aussi à la vie de leur entreprise où ils désignent les délégués du personnel ou les membres du comité d’entreprise, ou encore à la vie de l’institution scolaire, des clubs sportifs... Ils contribuent ainsi à la vie de la cité et à la vie de la nation. De cette communauté d’intérêts entre résidents, découle une exigence démocratique et nous devons poser ces enjeux en termes d’égalité des droits.

Une évolution se fait en ce sens, de manière désordonnée (ex. des conseils de résidents). Il faut la consolider et construire cette citoyenneté de résidence, pleinement intégratrice, dans ses combats pour l’égalité de traitement. Car la citoyenneté ne doit pas être confondue avec l’identité ni la nationalité : elle traduit l’appartenance à une communauté de vie sur un territoire, quelque soit son identité (mémoire, racines), quelle que soit sa nationalité (reliée au pays d’origine).

a) Droit de vote

    C’est là la première exigence démocratique : le droit pour chacun de participer à l’élaboration des décisions qui le concernent. Cela signifie concrètement que soient reconnus aux étrangers non communautaires, comme aux autres résidents, le droit de vote et l’éligibilité aux élections locales. Le fait que les citoyens de l'Union européenne qui résident en France aient voté aux élections municipales de 2001 marque une discrimination évidente. Il s’agit d’une mesure forte qui favorisera l’intégration sur le sol français en renforçant la citoyenneté de tous.
    En l’absence de ce droit de vote, les conseils de résidents représentent un véritable défi ; ils constituent un élément fort de la politique de lutte contre les discriminations et pour l’égalité des droits qu’il faut fortement encourager.

b) Les emplois fermés

    Nombre de professions libérales, ainsi que les emplois de titulaire dans les trois fonctions publiques, dans les entreprises sous statut gérant des services publics (telles que La Poste, EDF-GDF) et les établissements publics industriels et commerciaux sont fermés aux étrangers non communautaires.

    La Constitution française, de nombreuses conventions internationales, de nombreux textes législatifs condamnent les discriminations à l’emploi. Tout en protégeant les fonctions régaliennes, des mesures fortes et significatives peuvent être rapidement prises, dont :
       l’extension à tous les étrangers des règles appliquées aux ressortissants de l’Espace Economique Européen pour l’accès à l’emploi,
       la suppression de la condition de nationalité française pour les professions libérales,
       la révision du système d’équivalence entre diplômes français et étrangers.

    De premiers pas ont été faits en ce sens : circulaire Guigou d’octobre 2001 concernant les emplois dans les caisses de sécurité sociale, dernièrement par la RATP. Mais plus de six millions d’emplois sont encore aujourd’hui fermés aux étrangers non communautaires.

c) La double peine

    La double peine est discriminatoire : dans la même affaire, deux complices qui ont commis le même délit peuvent ne pas subir la même sanction, l’étranger pouvant être frappé de surcroît d’une peine d’interdiction du territoire ou être expulsé. Elle pose des problèmes de respect des droits de l’homme dès lors que la personne qui n’a pas la citoyenneté française a sa vie en France : soit qu’elle soit entrée depuis de longues années sur le territoire français, conjoint de Français, ou parent d’enfant(s) né(s) en France, etc. A ce moment-là, chacun des membres de la famille subi la peine infligée de l’exil. La Commission Chanet, mise en place par Elisabeth Guigou en 1998 à la suite des grèves de la faim de Lyon, parle de véritables bannissements pour certaines peines d’interdiction du territoire. La double peine est un facteur négatif pour la cohésion sociale et l’ordre public.
    Nous proposons sa suppression dans la plupart des cas (terrorisme excepté).

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IV/ La problématique des discriminations

 
La lutte contre les discriminations est un combat difficile à mener sur le plan juridique et social alors que celles-ci touchent l’ensemble des champs de la vie quotidienne : emploi, logement, enseignement, loisirs… Les discriminations à l’emploi touchent paradoxalement les personnes les plus qualifiées ainsi que le note le Haut Conseil à l’Intégration ( L’étude commandée au CREDOC montre que les entreprises qui recrutent leurs cadres sur le seul critère de la compétence et quelle que soit leur origine constituent « une exception notable ». Ni les Français d’origine maghrébine, ni ceux venus des DOM ne sont présents aujourd’hui parmi les cadres supérieurs de l’Etat.).

Car si l’inégalité de traitement à raison de la race ou des origines comprend des comportements ouvertement racistes, elle englobe également des variantes à caractère insidieux dans le langage comme dans le comportement. Et puis il y a aussi les comportements indirects, qui sont censés protéger l’intéressé contre les discriminations d’autrui, et participent malgré eux de ces discriminations…

La reconnaissance de la diversité culturelle, l’apport de cette diversité à l’enrichissement de la culture française, la valorisation du rôle de leurs parents ou de leurs grands-parents dans la Libération et la construction de la Nation, le plein accès à la liberté d’exercice du culte musulman, telle que garantie par la Constitution, mais aussi l’ouverture d’un débat sur la colonisation et les conditions de la décolonisation sont au coeur de la démarche citoyenne de beaucoup. Ce sont aussi là des lignes d’action sur lesquelles nous devons faire vivre notre propre engagement de socialistes afin que chacun se sente reconnu dans ses valeurs et ses démarches.
A cette fin, il faut agir dans différentes directions :

a) Le respect de l’autre, l’ouverture sur les différentes facettes de notre société

    et sur le monde doivent être promus à tous les niveaux. Des actions volontaristes sont possibles dans différentes sphères de la vie.
       Au niveau collectif :
         C’est reconnaître la contribution fondamentale de l’immigration à l’édification de la France moderne qui pourrait se traduire par un centre national de l’histoire et des cultures de l’immigration.
         C’est permettre à l’islam, 2ème religion de France, d’occuper son espace dans le cadre institutionnel dans le cadre de la laïcité qui garantit à tout citoyen le libre exercice du culte de son choix. L’insertion réussie de l’islam dans la vie politique, administrative, culturelle et sociale de notre pays, à l’instar des autres grandes communautés religieuses, est un impératif de cohésion sociale. C’est pour cela qu’il convient de poursuivre la structuration des instances représentatives des musulmans de France en favorisant une conception ouverte et moderne de l’islam. Ce qui permettra d’aborder les questions fondamentales qui se posent aux musulmans pour pratiquer leur culte dans des conditions normales de dignité (notamment la question des lieux de culte).

       Au niveau de l’Education nationale des efforts doivent être portés sur :
         l’offre de cours d’arabe dans le cursus scolaire - celle-ci est totalement insuffisante dans les collèges et lycées à taux important d’élèves issus de l’immigration (de plus, cette offre permettrait d’éviter les cours privés diffusés souvent dans une ambiance peu propice à l’épanouissement personnel…)
         une meilleure prise en compte dans l’enseignement de l’histoire des religions et de la diversité des civilisations est indispensable
         la sensibilisation des enseignants (problème des orientations scolaires par exemple).

    Car le service public de l’éducation doit continuer, comme à ses origines, d’être le vecteur d’une société ouverte aux différences et soucieuse de l’éducation de tous. Le premier chantier en matière de lutte contre les discriminations est celui de l’école. Pour assurer le lien entre ses objectifs proclamés et les réalités de l’éducation dans chaque établissement scolaire, il faut avoir recours à une vraie politique de discrimination positive afin de garantir l’ensemble des apprentissages fondamentaux à tous les élèves et donner les moyens adéquats.

b) Lutter contre les discriminations en améliorant les instruments mis en place par le gouvernement de Lionel Jospin et en les dotant de véritables moyens

    Le GELD s’inscrit dans la dynamique européenne qui porte la lutte contre les discriminations au 1er rang de ses priorités. Mais contrairement aux prescriptions de l’article 13 de la Directive européenne 2000/43/CE du 29 juin 2000, le GELD n’est pas habilité à assister directement les victimes de discrimination dans le cadre de procédure judiciaire. Ce premier champ est à ouvrir Mais d’autres missions doivent apparaître, nécessitant une réforme de la structure : un pouvoir d’enquête, la possibilité de se porter directement partie civile. Nous avons besoin d’une instance indépendante, notamment à l’égard de l’Etat.

    Quant aux CODAC, il faut les repenser, dans leur composition comme dans leur fonctionnement. Leur mission doit être mieux cadrée, tant dans leur partenariat avec les acteurs associatifs et institutionnels, que dans leurs objectifs de lutte contre les discriminations dans l’accès à l’emploi, au logement, aux loisirs...

c) Assurer une représentation politique aux personnes issues de l’immigration ou de l’Outre-Mer

    Cette représentation devrait être exemplaire d’une lutte contre les discriminations prioritairement au sein des instances de notre Parti. Le militantisme reconnu sur le terrain devrait l’être pour la désignation des candidats lors des différentes élections. Ce sont des priorités politiques. Comme des responsabilités publiques dans la vie administrative et économique de notre pays participeraient directement de la lutte contre les discriminations.

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Conclusion

 
 Nous devons éviter de répéter certaines erreurs du passé liées à l'option « immigration zéro » dont les contradictions entre des lois restrictives qui n'ont pas freiné les flux migratoires clandestins et les conséquentes opérations de régularisation d'immigrants illégaux, sont une preuve manifeste.

 Il nous faut être fidèle aux traditions humanistes qui sont à la base de l'histoire européenne et garantir le respect des droits des demandeurs d'asile et des réfugiés. Cela doit aller de pair avec une position ferme et déterminée dans la lutte contre toutes les formes de criminalité directement ou indirectement associées aux flux migratoires clandestins. Elle doit enfin tenir compte des équilibres économiques justifiant l'insertion des immigrés légaux qui, à terme, devraient avoir des droits et obligations identiques à ceux des citoyens européens.

 Nous ne devons pas négliger l'importance des politiques d'insertion. Nous devons bâtir une politique sur l'acceptation des différences, qui sont aussi sources de richesse culturelle, et le respect de valeurs communes (respect des droits humains, des règles du système démocratique, de l'égalité entre hommes et femmes, de la laïcité, du pluralisme...).

En ces domaines plus qu'en tout autre, le Parti socialiste doit faire preuve de courage politique. Osons le reconnaître, nous n'avons pas voulu mettre en place certaines mesures par crainte d'augmenter la tendance au repli sur soi et d'alimenter un vote extrémiste. On en connaît le résultat. Ce qui prouve une fois de plus que ce n'est pas en renonçant à nos valeurs que nous ferons reculer la droite et l'extrême-droite, mais au contraire en les assumant.

La France est plurielle. Assumons le clairement. A nous, socialistes, de montrer l’exemple dans notre représentation politique et de savoir donner, dans nos propres instances et dans celles nous sont proches, toute leur place aux personnes issues de l’immigration ou perçues comme telles. Donnons une visibilité immédiate à nos valeurs et nos engagements et sachons proposer des modèles d’identification positive à nos jeunes qui sont l’avenir de notre société.



Signataires de la contribution

Adeline HAZAN  Charlotte BRUN présidente du M.J.S.  Marie-Arlette CARLOTTI  Harlem DESIR  Faycal DOUHANE  Anne de HAUTECLOCQUE  Bariza KHIARI  Marylise LEBRANCHU, Jean LE GARREC  Lucie MARINIER  Laurence ROSSIGNOL  Yvette ROUDY  Martine ROURE  Lucile SCHMID  Hubert VALADE

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