Une crise culturelle bouleverse profondément notre société
Congrès du Mans - 19 novembre 2005

Discours d'Anne Hidalgo, première adjointe au maire de Paris
Tribune du Congrès du Mans


 
Mes chers camarades, notre pays traverse une crise profonde, c'est une crise sociale, c'est une crise économique, une crise démocratique, mais c'est aussi à l'évidence une crise culturelle qui bouleverse profondément notre société. La mondialisation libérale ne se contente pas uniquement de dominer les échanges et l'économie. Mais nous savons aussi qu'elle tend aussi à conquérir les esprits et les cœurs car elle se croit le seul modèle de référence.

C'est pourquoi la culture en est un des enjeux majeurs. Notre société a perdu ses repères, a perdu ses valeurs, ses certitudes et dans ce gigantesque basculement du monde, où les mutations économiques, où les mutations technologiques coïncident aussi avec un changement de la géopolitique, nous devons être capables, nous socialistes, de proposer un modèle alternatif. Il y va de notre devenir.

Face à la civilisation uniformisée proposée par le libéralisme, qui transforme notre planète en vaste espace marchand entièrement voué à la concurrence et au productivisme, n'y aurait-il d'autre échappatoire que ce que je considère être un leurre ? D'un côté, le nationalisme, le repli, orchestré pour l'essentiel par l'extrême droite et de l'autre les intégrismes sous l'égide essentiellement des extrémismes religieux.

La gauche, mes camarades, et notre Parti, à l'occasion de ce congrès, est devant une tâche d'ampleur historique. Il s'agit de construire une nouvelle voix qui permette à chacune et à chacun de se réapproprier de son avenir et de redonner un sens au destin individuel et collectif, de reconquérir de la citoyenneté sur les marchés et, en ce sens, mes camarades, le projet de socialistes ne pourra être lui-même aussi que culturel.

Le constat sur la politique de la droite est sans appel, il a été fait et il poursuivra, il sera encore fait pendant tout ce congrès. Il est sans appel dans les domaines économiques, sociaux, mais il l'est aussi dans le domaine de la culture. L'accélération des concentrations, la marchandisation des biens culturels, la précarité des artistes et des créateurs, le maintien de toutes les inégalités d'accès. Bref, nous assistons sous ce gouvernement à un abandon rampant de l'ambition culturelle.

Dans ce contexte très déprimant, je tiens néanmoins à saluer le travail formidable, considérable, que font les élus locaux dans nos villes, dans nos départements, dans nos régions, pour maintenir justement une création et une vitalité indispensables à notre pays et à notre démocratie.

Je reconnais aussi, et soyons honnêtes en la matière, que l'Europe a joué un rôle considérable pour maintenir cette création, pour essayer aussi de faire partager des valeurs communes. La confrontation sur la question culturelle, notamment, avec les autres partis socialistes européens, est un élément très important qui permet de maintenir cette vitalité et qui permet aux pays d'Europe, qui permet à l'Europe de tenir face à cette déferlante qui nous vient d'Outre-Atlantique.

Dans le même sens, nous avons joué, nous la gauche, nous le Parti socialiste, un rôle considérable pour que la convention de l'UNESCO sur la diversité culturelle puisse être adoptée.

Mais dans ce contexte d'affrontement, de fragmentation de la société, la culture et les arts ont un rôle majeur pour reconstruire des repères, pour reconstruire des projets fédérateurs, des passerelles entre les personnes et pour redonner tout simplement de l'espoir. Nous, les socialistes, devons être porteurs de cet espoir.

Rappelons-nous, mes chers camarades, puisque nous fêtons notre centenaire, que cette pensée, que ce que je dis là était totalement présent dans les rendez-vous historiques que nous avons relevés, en 1936 ou en 1981. Notre Parti était le parti de la liberté, de la liberté de création, de pluralisme dans les médias. Nous devons retrouver ce qui est, de mon point de vue, au cœur de notre identité socialiste et qui fait que nous sommes au service de la liberté et de l'émancipation des personnes.

D'autant que, dans notre pays, la culture, les arts sont un atout considérable. Malgré ce constat très difficile, la vie artistique et culturelle connaît en France une richesse considérable. Nous devons l'accompagner, c'est cette vitalité, cette capacité de rebond qu'il est du devoir de la gauche et de notre Parti d'écouter pour la relayer et la traduire en une politique nouvelle.

Ce sont ces énergies créatrices qui doivent trouver un débouché politique, c'est aussi cela notre rendez-vous du Mans, ce n'est pas uniquement de savoir s'il y aura une synthèse, synthèse d'appareil, mais sur un rassemblement sur un projet, sur des idées fortes qui amèneront les Français à enfin entendre la voix du Parti socialiste.

Je voudrais aussi dire un mot sur un sujet qui est très lié à la question des médias. Mes chers camarades, nous devons plus que jamais, compte tenu des dangers qui menacent notre démocratie, non seulement lutter contre les concentrations dans le domaine de la culture, mais aussi dans le domaine des médias. Nous devrons prendre des mesures volontaristes courageuses pour limiter ces concentrations qui portent atteinte au pluralisme et qui portent atteinte à la démocratie. La situation est très grave, nous avons tous été marqués par cette présidentielle de 2002 et les questions qui se sont posées sur le terrain de l'information de nos concitoyens. Depuis 2002, beaucoup d'autres événements nous ont à nouveau interpellés. Nous avons dénoncé en tant que Parti socialiste les concentrations dans la presse écrite. Que dire quand un groupe de presse présidé par un membre de l'UMP devient acquéreur de plus de 70 titres de la presse locale ou régionale ?

Est-ce qu'on est encore dans quelque chose qui facilite le jeu démocratique ou est-ce qu'on est passé dans le champ de quelque chose qui limite la liberté d'expression et la liberté d'opinion dans notre pays ?

Je vais conclure, mais toujours sur ce point. À l'approche de 2007, mes chers camarades, nous aborderons l'échéance essentielle de la présidentielle et des législatives avec un CSA qui sera entièrement composé de membres désignés par la droite. Est-ce que les conditions pour que le débat démocratique qui passe par les médias sont réunies dans notre pays ? Si l'on part de ce constat, je crois que non.

Nous devons porter ce constat, ce combat. Bien sûr que la liberté d'opinion, le pluralisme de la presse, le pluralisme de l'audiovisuel, tout cela doit servir la démocratie. Et pour que cela serve la démocratie, il faut que chacun ait le sens des responsabilités, les politiques en premier lieu, notre parti bien sûr, mais j'en appelle aussi aux médias sur la responsabilité citoyenne qui est la leur.

Mes chers camarades, pour que ce congrès ne soit pas un congrès d'appareil ou d'arrangements, ce qui serait désastreux, je vous propose de travailler et de nous réunir, de nous rassemble sur le projet, les sujets ne manquent pas, les défis à relever pour faire de notre démocratie une démocratie vivante, dynamique et qui donne envie à nos concitoyens de participer sont là, relevons ce défi.

Merci.


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