Convention nationale de ratification du projet 2002

  Intervention de François Hollande, premier secrétaire, le samedi 26 janvier 2002

 

Chers camarades, j’ai conscience que nous nous situons à un moment important de notre marche vers 2002. Après le temps du bilan, qui a occupé le dernier trimestre de l’année 2001, nous achevons aujourd’hui le temps du Projet.

Lancé dès notre Congrès de Grenoble, il aura mobilisé pendant plus d’un an, autour de Martine Aubry, tout notre Parti. Avec trois Conseils nationaux, de nombreux colloques, l’Université d’Eté, de nombreux rendez-vous avec les experts, il a été enfin soumis au vote des militants et, désormais, il nous engage tous.

Je voudrais, à mon tour, saluer le travail collectif qui a été mené. C’est l’honneur même d’une formation politique comme la nôtre que de débattre de ses orientations, de ses choix et de ses propositions pour les années qui viennent. Ce n’est pas un exercice rituel, formel ou obligé. C’est une consécration d’une démarche militante. Ce n’est pas une contrainte ou une rigidité de plus qu’il faudrait accepter ; c’est une chance formidable pour la gauche, pour les socialistes et pour notre candidat que de savoir confronter les points de vue, d’admettre les arguments contradictoires, de se soumettre au vote des militants. La synthèse, le compromis, l’équilibre constituent, au-delà d’un exercice là aussi obligé, le fondement même de l’action politique.

Je voudrais donc remercier tous ceux qui ont contribué à ce résultat : l’équipe de Martine, les Commissions du Parti, les Fédérations dans leur ensemble, les porteurs d’amendements, mais aussi les sensibilités dites minoritaires (les motions 2 et 3) qui ont fait valoir leurs idées dans le souci d’aboutir à un texte commun. Il eut été facile pour les uns comme pour les autres de céder à la surenchère, dans un sens ou dans un autre, et de refaire - à travers la discussion du Projet - la répétition d’un Congrès précédent ou la préparation d’un autre. Chacun a préféré enrichir le texte à sa façon, texte maintenant approuvé par l’ensemble de notre Parti.

J’ai bien sûr noté, comme d’autres, que ces dernières semaines des contributions plus personnelles avaient fleuri. Je ne m’en plains pas et j’ai même plutôt accepté l’idée que ces textes, eux aussi, pouvaient enrichir notre démarche commune. C’est ma conception moderne de la politique que de considérer que toutes les initiatives sont bonnes à prendre et qu’il faut les regarder avec sérénité et parfois même avec indulgence.

Toutes les propositions sont les bienvenues. Notre diversité a été, est et sera toujours l’atout le plus précieux pour les socialistes, à condition que cette diversité reste unitaire. La démocratie militante est la voie électorale la plus sûre, car ce que pensent nos adhérents n’est généralement pas très différent de ce que pensent nos électeurs. Donc, écouter les uns, c’est finalement nous permettre d’être entendus par les autres. Soyons donc fiers du travail mené : ce Projet nous engage tous et nous n’avons à rendre des comptes que sur les seules propositions du Parti.

Je voudrais maintenant insister sur le caractère novateur de notre démarche. Notre projet est bien plus que le prolongement de notre action depuis 1997. Il ouvre de nouvelles perspectives, il définit de nouvelles ambitions, il porte de nouvelles espérances. Il s’inscrit dans une démarche de long terme, sur dix ans, à partir de trois questions simples :
     Quel modèle de société voulons-nous promouvoir pour la décennie qui vient ?
     Quelle Europe voulons-nous construire, maintenant que l’euro est passé ?
     Quel monde voulons-nous organiser ?

Ce Projet part de l’état même de notre société. Depuis 1997, il est vrai que la France a changé ; la confiance en l’avenir est revenue ; l’idée même du progrès s’est de nouveau installée. Une dynamique s’est engagée, permettant de croire que, oui, la croissance est là, durable, et qu’en même temps elle n’est possible que s’il y a des avancées sociales.

Mais nous n’avons pas éliminé les nouvelles inquiétudes qui surgissent à la fois par rapport à une mondialisation sans règles, à des violences sociales mais aussi individuelles, à un environnement souvent oublié ou saccagé, à la montée du corporatisme, de l’individualisme, à cette forme, la plus dangereuse pour nous, de dépolitisation ou d’indifférence civique. C’est là la menace la plus forte, non pas simplement pour la gauche, mais pour l’avenir même de la démocratie.

Le sens de notre Projet est, à partir de cette société, de notre ambition, de notre aspiration de long terme, de :
 Fixer l’équilibre entre l’accomplissement individuel - que nous devons continuer à promouvoir - et les garanties collectives que nous devons toujours veiller à installer,
 Réduire les inégalités, parce qu’il n’y a pas d’autre ambition pour la gauche et pour les socialistes que d’être toujours porteurs de l’idéal d’égalité,
 agir à la bonne dimension, aussi bien au plan mondial, qu’au plan européen, qu’au plan de l’Etat (qui doit garder sa place) qu’au plan local.

Nos priorités ont été rappelées par Martine et évoquées par d’autres tout au long du débat : c’est de faire :
     Une société qui serait celle du plein emploi (oui, du plein emploi, quand il y a encore plus de 2 millions de chômeurs dans notre pays) et, notamment, par une action vigoureuse sur le chômage de longue durée ;

     Une société qui serait celle du savoir, du savoir partagé à travers ce beau défi de l’éducation sur toute la vie,

     Une société solidaire pour sa jeunesse, entre familles, pour les retraites,

     Une société solidaire sur les territoires, avec sans doute des évolutions fiscales qu’il faudra mener,

     Une société solidaire à l’égard du reste du monde parce que nous ne pouvons plus tolérer, comme nous l’avons peut-être trop fait ces dernières années, le creusement des inégalités planétaires qui nous menacent tous,

     Une société sûre enfin, sûre au sens de la liberté de chacun, de la nécessité de sanctionner, de punir lorsque c’est nécessaire, mais aussi d’agir sur le cœur même des phénomènes d’exclusion, de discrimination et de violence.
    C’est ce "mieux punir", ce "mieux prévenir" qui a fait l’originalité de notre démarche et Julien a raison – d’autres l’ont indiqué avant lui – de dire que si nous voulons mener cette politique, il faut y mettre tous les moyens sur la prévention, tous les moyens sur l’éducation, tous les moyens sur le suivi social et que, si nous ne le faisons pas, s’il s’agit simplement de construire davantage de prisons, et même de centres de rééducation renforcée, alors ce seront d’autres qui se lèveront pour prendre la place des autres. Il nous faut dire cette vérité simple : cela coûtera sans doute cher. Il y faudra beaucoup de moyens. Il ne s’agit pas simplement là de slogans, mais d’une action globale sur l’ensemble des causes sociales.

     Une société citoyenne, ce qui nous conduira à prévoir des réformes institutionnelles profondes sur le statut du Chef de l’Etat, le Parlement, le droit de vote des étrangers aux élections locales… Bref, tout ce qui doit faire l’équilibre des pouvoirs dans une société.
Si nous avons ces objectifs, ces ambitions, il nous faut changer sans doute un certain nombre de moyens ou de méthodes d’action et c’est pourquoi nous devons faire de notre campagne pour les élections de 2002 une vraie campagne européenne. C’est là, maintenant qu’une partie de notre destin va se jouer, que les Européens attendent qu’en France une position soit prise, un cap soit fixé et une volonté s’exprime.

Il nous faudra aussi agir différemment avec les collectivités locales dans un pacte, un contrat, avec des responsabilités qui peuvent être confiées, mais aussi une répartition différente des moyens et des ressources.

Et enfin, il nous faudra agir avec une véritable conception de la démocratie sociale où chacun s’engage et où l’Etat reste garant des avancées sociales, même si le débat doit s’installer, en espérant que les partenaires sociaux soient au rendez-vous…

C’est donc un Projet ambitieux qui est proposé aujourd’hui, plus encore même que celui de 1997. D’abord, souvenons-nous, nous n’avions même pas achevé en 1997 notre démarche programmatique et nous avions été pris de court - mais pas pris de déplaisir – par la dissolution. Souvenons-nous aussi des commentaires qui avaient entouré nos Conventions et qui disaient : " Mais où sont les grandes propositions ?" Et lorsqu’on disait : " Emplois jeunes… 35 heures… et déjà Couverture Maladie Universelle ", beaucoup étaient sceptiques.

Il en est de même aujourd’hui, sauf que nous définissons davantage que des grandes orientations, déjà des propositions, mais que nous avons aussi plus d’ambition parce que, depuis 1997, nous avons gouverné, tiré les leçons et évalué aussi les contraintes.

Ce n’est pas toujours facile de gouverner avec un Président de droite… un Sénat de droite… un Conseil Constitutionnel… de droite ! L’idée générale que nous lançons aujourd’hui, c’est quand même de réduire un certain nombre de contraintes et, donc, de faire en sorte qu’il y en ait moins à droite. Pour le Conseil Constitutionnel, ce n’est peut-être pas le travail d’aujourd’hui… Pour le Sénat, ce sera plus long… Mais pour le Président, nous devrions normalement nous en occuper sérieusement !

Un Projet n’est rien par lui-même s’il n’est pas confronté à d’autres et, notamment, à celui de la droite.

La droite - et c’était ma crainte - s’était longtemps cachée, dissimulée, masquée, de peur de faire peur. Elle avait raison de s’inquiéter ! Car dès qu’elle se révèle, elle se montre sous ses jours les plus anciens ou les plus répugnants ! Le programme de la droite - du RPR -, c’est d’abord le retour de la politique de Juppé avec la reprise du programme du Medef ! C’est beaucoup.

On pourrait croire que nous sommes – cela peut arriver dans les campagnes électorales – dans la caricature. Mais, quand on regarde au plus près les propositions du RPR sur l’abrogation de la modernisation sociale, sur l’introduction de la capitalisation -avec avantages fiscaux pour les plus favorisés, sur la baisse de l’impôt sur les sociétés à moins de 30 %, sur la suppression des plus-values des entreprises, sur la suppression de la tranche supérieure de l’impôt sur la fortune ou sur la Fonction publique : il n’y a pas pire ennemi pour la droite que le fonctionnaire ; il faut qu’il disparaisse, sauf au plan local où les mêmes - qui n’ont pas de mots assez durs pour stigmatiser la Fonction publique - réclament davantage de fonctionnaires et demandent plus d’Etat ! On les connaît, ce sont toujours ceux qui nous demandent de faire moins de dépenses publiques, moins d’impôts, moins de charges, qui à chaque fois, osant toutes les contradictions, demandent davantage de paiements de l’Etat…

La sécurité en est l’illustration la plus claire. Quand on regarde toutes ces propositions qui sont faites par la droite, on voit que ce sont exactement les mêmes que celles qu’elle faisait hier, avec une obligation de résultat.

2002 sera donc d’abord et avant tout un débat d’idées, de Projet, un débat de société, qu’il faudra avoir avec dignité, sérieux et vérité.

Nous n’avons pas besoin – je veux ici rassurer un certain nombre qui ne sont pas là, notamment à droite – de manœuvres pour l’emporter ou de complots pour sortir des " affaires ". Il y a des spécialistes pour cela et, généralement, ils sont même rattrapés par leurs opérations.

Soyons tout simplement confiants. Confiants dans le travail accompli depuis 1997 - le respect de la parole donnée sera notre meilleur viatique. Confiants dans notre Projet (vie en mieux, vie ensemble). Confiants dans notre force militante (notre mobilisation d’aujourd’hui en est le meilleur signe). Confiants aussi dans notre candidat.

Nous le connaissons tous. Je ne parle pas simplement de son identité – le voile est depuis longtemps levé, notamment par lui-même – mais de ses qualités. Nous le désignerons prochainement à travers, là aussi, une procédure qui nous appartient en propre : le vote des militants sur celui ou celle qu’ils veulent choisir, en l’occurrence aujourd’hui plutôt un homme.

Je note bien sûr des impatiences. Nul besoin d’avoir un candidat désigné par des militants pour mener campagne ; vous pouvez le faire dès à présent, vous connaissez toutes les données du problème et vous avez la solution.

Je note aussi des inquiétudes, à droite notamment, et aujourd’hui des équipes sont même convoquées à la hâte. Ils sont, paraît-il, tous là au moment où nous parlons. J’aimerais bien, comme vous, être non pas à l’Elysée (évitons les prétentions inutiles, surtout en cette période !), mais être là, caché et regarder. Autour de Jacques Chirac, ils sont -paraît-il- tous là : Sarkozy (qui maintenant préfère Chirac !). Il y a aussi Juppé (qui préfère Juppé !).

Il y a Séguin (là, cela doit être terrible d’avoir Séguin, il semblerait qu’il ait fait un meeting hier pour dire tout le mal qu’il pensait du septennat qui vient de s’écouler !). Le seul qui manquerait (mais j’attends des informations complémentaires que je vous livrerai demain) c’est Edouard Balladur. Il est retenu, nous dit-on, par une réunion de famille… Sans doute considère-t-il qu’à l’Elysée, il n’est pas en famille !

Mais gardons-nous, chers camarades, des humeurs, des modes, des ambiances. Rien n’est plus dangereux que simplement le climat. C’est nous qui le construisons, le climat ; il ne s’impose pas à nous. Rien de plus terrible pour nous comme adversaire que l’indifférence civique, que la peur de l’abstention.

Rien n’est joué, tout est ouvert, tout dépend maintenant de nous (de nous collectivement), de notre capacité à donner de la force à nos idées, du sens à la politique et de l’espoir aux Français et un candidat pour la France alors allons-y.

Merci.


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