L'alternance commence dès les élections régionales de 2004

François Hollande

François Hollande, premier secrétaire du Parti socialiste.


Entretien paru dans le quotidien Le Monde daté du 13 décembre 2003
Propos recueillis par Hervé Gattegno et Isabelle Mandraud
 

Vous avez présenté comme " historique " l'accord PS-Verts en Ile-de-France. En privilégiant ainsi un partenaire, ne compromettez-vous pas les chances d'un rassemblement de toute la gauche ?
La stratégie du Parti socialiste, c'est l'union de toute la gauche mais sous des formes et avec des méthodes différentes du passé. Nous proposons une nouvelle alliance, pas seulement pour les élections régionales mais pour les années qui viennent. Je ne veux plus partir d'accords électoraux, sans contenu, souvent rédigés bilatéralement, mais j'avance l'idée d'un partenariat fondé sur un projet avec un vrai partage des responsabilités. C'est en cela qu'après ce que nous avons connu le 21 avril 2002, cette démarche est historique.

Vous vous adressez plus aux militants qu'aux partis ?
Nous nous adressons d'abord aux électeurs qui aspirent à l'union et aux militants qui, en ce moment, en décident. C'est ce mouvement direct, d'adhésion délibérée vers le rassemblement, qui le rendra plus fort et plus irréversible. En Ile-de-France, l'accord s'est construit sur une offre globale, sans marchandage, et ce sont les militants Verts qui ont choisi de venir avec nous par un vote - en s'affranchissant des consignes de leur direction. C'est une différence fondamentale avec la gauche plurielle, où tout était négocié par les responsables de parti. Dans la plupart des régions, une démarche unitaire se met progressivement en place. C'est pourquoi ces élections vont changer le visage de la gauche.

Faute d'accord national, la gauche n'aura-t-elle pas, en fait, plusieurs visages, au risque de perdre sa cohérence ?
Cette question n'est pas posée aux socialistes mais à nos partenaires. J'aurais préféré un accord général dès le premier tour. Les Verts comme le Parti communiste ont préféré une formule à la carte. Cela ne rendra pas forcément lisible leur propre choix. Moi, je le dis, les socialistes ne ménageront aucun effort auprès de toutes les familles de gauche pour, jusqu'au bout, faire prévaloir l'union la plus large.

Pour quelles raisons le PCF n'est-il plus votre allié traditionnel ?
Il n'y a plus d'allié privilégié pas plus que de tête-à-tête exclusif. Simplement, il s'est trouvé que les Verts, dans plusieurs régions, ont fait le choix de l'union avant même que les communistes ne se prononcent. J'en prends acte.

Mais le Parti communiste, au-delà même de son influence électorale, est une composante importante de la gauche, parce qu'il représente une culture militante et une force sociale. Dans beaucoup de régions, nous serons d'ailleurs ensemble. Je ne me place pas dans une alternative où il nous faudrait choisir entre les Verts et les communistes. Ce qui doit être aujourd'hui le moteur de l'union, ce n'est pas l'histoire, ni même le poids électoral, c'est la capacité de bâtir ensemble un projet. Cette nouvelle construction de la gauche peut favoriser la désignation, le moment venu, de candidats communs. Y compris en 2007.

L'extrême gauche peut-elle y trouver sa place ?
Elle nous a déjà répondu. Son attitude n'est pas de tirer aujourd'hui le PS plus à gauche, mais de tirer sur le PS lui-même !

Quelle campagne allez-vous mener dans la perspective des régionales ?
Le Parti socialiste va engager une campagne nationale. En effet, ce scrutin, dans sa configuration, est inédit. C'est la seule élection intermédiaire qui intervient, deux ans après le 21 avril 2002 : elle aura donc forcément une portée nationale. Elle va largement décider de la durée de vie du gouvernement Raffarin. Elle déterminera ensuite un nouveau rapport de forces avec l'extrême droite. Enfin, elle peut accélérer la reconstruction de la gauche.

Mais l'enjeu, c'est d'abord la participation civique. C'est pourquoi cette consultation doit avant tout être utile aux Français. Nous leur proposerons donc un " contrat d'alternance territoriale ", suffisamment concret pour démontrer que l'alternance commence dès les élections régionales de 2004. Il n'y a pas besoin d'attendre 2007 pour changer immédiatement la vie quotidienne des Français dans les régions et les départements où la gauche sera victorieuse.

Quelles sont vos priorités ?
Il ne s'agit pas de faire un contre-programme gouvernemental, ni même de corriger seulement les erreurs de la majorité actuelle mais d'utiliser les compétences des régions dans trois domaines : l'emploi, l'éducation, les transports. Ainsi, nous voulons créer des emplois d'utilité sociale dans des activités aussi différentes que l'accompagnement scolaire, l'aide aux personnes âgées, l'accès aux nouvelles technologies ou l'environnement.

C'est le retour des emplois-jeunes ?
Oui, à l'échelle des régions, pour des contrats de cinq ans, mais les jeunes ne seront pas les seuls concernés. Toujours en matière d'emploi, il faut qu'une part des crédits de la formation professionnelle soit liée au reclassement et à la mobilité sociale, ce qui nous permettrait d'anticiper sur l'idée d'une sécurité sociale professionnelle. Pour l'éducation, nous voulons étendre la gratuité des livres et du matériel scolaire, notamment dans les nouvelles technologies. Enfin, nous donnerons priorité aux transports publics en abaissant les tarifs et en améliorant la qualité de service.

Face à l'extrême droite, quelle stratégie allez-vous adopter ?
L'erreur serait une nouvelle fois de l'ignorer. Cette faute nous a suffisamment coûté cher. Le silence de l'extrême droite est devenu son arme principale. Elle ne provoque plus, elle attend. Il faut faire campagne contre le Front national sans attendre le second tour et dévoiler la réalité de son programme. En plus de la xénophobie, il organise l'insécurité sociale des Français, notamment des plus modestes : départ à la retraite repoussé à 70 ans, abolition des 35 heures, suppression de l'impôt sur le revenu et des droits de succession, et même abrogation du Smic. Comment admettre qu'avec de telles propositions, les catégories populaires puissent céder au vote d'extrême droite ? Nous devons donc mener un travail de démystification, pas seulement de condamnation morale. Ce qui exige une démarche militante, multipliant tous les contacts, de la cage d'escalier à la réunion d'appartement.

Vous redoutez une nouvelle percée du FN ?
Par sa politique et son discours, la droite lui offre un terreau fertile. La menace, c'est d'avoir, dans la quasi-totalité des régions françaises, des triangulaires. Le péril, c'est de voir, dans certaines régions, le Front national arriver en tête. D'où la nécessité du rassemblement de la gauche dès le premier tour et de l'utilité du vote. Moins il y aura de triangulaires et mieux ce sera pour la démocratie.

Quel sera pour vous le critère de succès de ces élections ?
Garder nos régions - au nombre de huit aujourd'hui - serait une réelle performance car nous les avions gagnées en 1998 dans un contexte favorable, avec un mode de scrutin à un tour où il suffisait d'arriver en tête. Si nous pouvons en conquérir d'autres, alors ce sera un vrai succès qui ne restera pas sans lendemain.

Ce qui me rend confiant, ce n'est pas seulement l'impopularité du gouvernement Raffarin, c'est le fait que les Français voient chaque jour davantage les différences entre la gauche et la droite. Mais rien n'est acquis à ce jour, tout est ouvert. Pour ce qui me concerne, je vais mettre toutes mes forces dans cette campagne car c'est une confrontation décisive et je le dis à mes amis : il n'y a plus de place pour les états d'âme ou les sensibilités de toute nature.

On vous reproche souvent un manque d'autorité. Comment réagissez-vous ?
Ce reproche vient souvent des moins respectueux de la discipline collective. Comme premier secrétaire, j'ai à faire respecter les engagements pour lesquels j'ai été élu au congrès de Dijon - en mai 2003. Mon rôle est d'appeler chacun à la responsabilité, sans rejeter personne. Il y a trop besoin d'union à gauche pour que je ne sois pas soucieux d'unité dans mon parti. Si je n'avais pas eu cette conception, où en serait le PS depuis le 21 avril 2002 ?

Le choc du 21 avril 2002 justement : le PS en est-il sorti ?
Il en est sorti politiquement et psychologiquement. Mais tant qu'une élection ne sera pas parvenue à créer une nouvelle donne, le doute demeurera. A nous de savoir le lever.

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