Audiovisuel :
le gouvernement est tenté
par une reprise en main

François Hollande



Entretien avec François Hollande, premier secrétaire du Parti socialiste, paru dans le quotidien Le Monde daté du 13 février 2004
Propos recueillis par Patrick Roger
 

Vous êtes premier secrétaire du Parti socialiste. Quelle appréciation portez-vous sur le conflit à Radio France ?
La responsabilité du pouvoir est directement engagée. Il ne s'agit pas seulement d'un conflit entre salariés et direction. La question posée est celle de l'harmonisation salariale dans l'audiovisuel public. Or le gouvernement refuse d'apporter les moyens permettant d'ouvrir une négociation. Il joue le pourrissement, comme il l'a fait dans l'éducation nationale, avec les intermittents du spectacle, à la SNCF ou à EDF, en espérant que le fatalisme et la résignation l'emporteront. C'est le service radiophonique public qui est directement visé, et au moins sa remise en ordre qui est recherchée, si ce n'est, à terme, sa privatisation. Les noms des futurs dirigeants sont déjà connus. Ce qui dérange la droite, c'est le pluralisme, et ce n'est pas un hasard si le pouvoir laisse se prolonger ce conflit en période électorale. Radio France, c'est aussi des dizaines de radios d'information locale, qui parfois déplaisent. Le gouvernement se sentant en difficulté, le silence lui est parfois préférable à l'information.

Qu'est-ce qui a conduit France 2, selon vous, à la situation de crise qu'elle traverse ?
Là, c'est un problème de confiance entre la rédaction et sa direction, mais aussi de conception du service public. Le rôle d'une chaîne publique n'est pas seulement d'" avoir le scoop ", même si c'est naturel pour une rédaction de chercher à avoir des informations avant les autres. C'est aussi de traiter l'information de la façon la plus complète et la plus objective. Encore faut-il lui donner les moyens d'exercer cette mission. Si elle est fragilisée financièrement, elle est obligée d'avoir les mêmes règles que dans le privé. Il faut donc lui attribuer les moyens nécessaires et lui fixer des missions compatibles avec l'éthique de service public.

Le ministre de la culture, Jean-Jacques Aillagon, a estimé, quant à lui, qu'il y avait eu " faute ". Comment interprétez-vous ses propos ?
Le gouvernement est tenté de profiter de cette crise pour une reprise en main. N'oublions pas que nous sommes en période électorale. J'ai saisi dès aujourd'hui le Conseil supérieur de l'audiovisuel sur l'ensemble de cette situation et pour disposer des garanties de pluralisme dans le cadre de la campagne des régionales. En voyant le temps consacré à des opérations de promotion comme les " pièces jaunes ", qui ne sont pas dépourvues d'arrière-pensées politiques, ou l'opération médiatique engagée directement par l'Elysée suite au procès d'Alain Juppé, j'ai le sentiment que l'équilibre du temps d'expression n'est pas respecté. De plus, tout est fait pour que le traitement des élections régionales soit relégué à un niveau secondaire. Il ne faudrait pas qu'au nom de l'équité il y ait le silence.

© Copyright Le Monde


Page précédente Haut de page

PSinfo.net : retourner à l'accueil

[Les documents] [Les élections] [Les dossiers] [Les entretiens] [Rechercher] [Contacter] [Liens]