Inventaire, oui, braderie, non !



Entretien avec François Hollande, Premier secrétaire du Parti socialiste, paru dans Le Nouvel Observateur daté du 17 avril 2003
Propos recueillis par François Bazin


 

Que reste-t-il du 21 avril ?
D’abord, une douleur tenace qui tient aux circonstances et aux conséquences de l’échec. Le 21 avril n’était pas une fatalité. Avec plus de vigilance, de lucidité et de responsabilité collective, un autre scénario pouvait s’écrire. Il reste aussi un défi impérieux : redonner du sens à l’engagement et de la force à la citoyenneté. C’est la condition nécessaire pour briser le populisme de la peur et casser la pseudo-indifférenciation des projets. Un an après, qui peut encore prétendre que le projet de la droite est le même que celui de la gauche ?

Pour vous, la patience qui précède l’oubli n’est pas un remède ?
Absolument pas. Comme beaucoup, je me suis juré de ne jamais revivre un 21 avril. Dans les profondeurs de la gauche, je sens d’ailleurs monter un sentiment unitaire qui est l’expression d’un regret. D’où ce paradoxe : le PS a été la grande victime du séisme mais il sera demain le principal bénéficiaire de la recomposition s’il sait, bien sûr, être à la hauteur de sa tâche.

La colère à l’égard des dirigeants de la gauche reste vivace. Ne craignez-vous pas d’en être aussi victime ?
Nos électeurs se sont exprimés lors des législatives qui ont suivi la présidentielle. La gauche a été défaite. Mais le PS, lui, a retrouvé son score de 1997. En revanche, ceux qui, par leurs actes ou leurs discours, ont été jugés responsables de la division ont été durement sanctionnés.

Les militants du PS seront-ils aussi indulgents à votre égard que les électeurs ?
Je ne pense pas que les récents congrès des Verts ou du PC soient des références ou des exemples à suivre. Ils nous créent même une obligation: celle de réussir notre congrès de Dijon. Pour remettre la gauche en ordre de marche, il serait paradoxal de déstabiliser le parti qui lui sert de pivot.

Jospin est de retour mais sur l’analyse de la défaite, il ne vous est pas d’un grand secours !
Les socialistes doivent comprendre collectivement ce qui leur est arrivé. Ils exercent aujourd’hui leur droit d’inventaire sans le confondre avec l’exercice de la braderie. Le 21 avril, nous avons aussi été les victimes d’un profond mouvement de dépolitisation. Or quand la politique se retire, la gauche recule. C’est une loi de l’Histoire.

L’ambition de Jospin n’avait-elle pas été de réhabiliter l’action politique ?
Avec l’alternance, les grands rêves de rupture se sont évanouis. Ils ont trop souvent cédé la place aux désillusions ou aux rancœurs. Une impression d’impuissance s’est malignement installée. Avec Jospin, nous avons commencé à répondre à cette crise. Mais sans mesurer suffisamment que, pour rendre confiance aux citoyens, le respect de la parole donnée, une bonne gestion et une pratique honnête des affaires publiques ne suffisaient pas. Au fond, nous avons été trop optimistes.

Et pas assez opportunistes, comme Chirac !
On ne bâtit rien de solide sur le mensonge. Aujourd’hui, les illusions de la présidentielle se dissipent. Notre tâche n’est pas d’attendre passivement que vienne le temps de l’alternance. Nous devons redonner à nos propositions un horizon crédible : celui de l’Europe politique et sociale pour dominer la mondialisation libérale. Parce que au bout du compte c’est bien ce projet-là qui nous a collectivement manqué.

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