Nous sommes
les porte-parole du long terme


 Extrait de l'intervention de François Hollande, premier secrétaire du Parti socialiste,
 lors du Conseil national thématique du 17 novembre 2001 : Pour de nouveaux choix de société

 

La campagne politique est engagée. La droite, pour des raisons qui continuent à m’échapper, sauf si l’on songe à ses peurs d’hier, à son impatience d’aujourd’hui et à sa fringale de toujours, fait comme si elle avait déjà gagné un scrutin alors même que la bataille n’est pas engagée. Elle se partage les postes et je n’ironiserai pas ici plus avant, ce n’est plus le poste de Premier ministre qui les intéresse maintenant ; ils en sont aux rôles de secrétaires d’État ! Tant mieux, cela fait plus de satisfaits et pendant qu’ils font cela, ils ne font rien d’autre.

Jacques Chirac, à ce jeu, est passé expert. Il ne décourage personne et, à ma grande surprise, il finit même par en convaincre. Curieuse conception, tout de même, de la démocratie, du suffrage universel et subsidiairement, du rapport de force, celui que nous avons fait valoir depuis 1997 dans toutes les compétitions électorales.

Cette façon de faire ne doit pas nous impressionner. C’était déjà leur stratégie avec la dissolution de 1997. Nous savons comment les Français l’ont reçue. Il y a des leçons qui, visiblement à droite, ne sont jamais apprises.

La droite néanmoins, pour l’essentiel, a fait ses choix. Le choix de son thème, ce sera la sécurité. Elle a aussi choisi son candidat, ce sera Jacques Chirac. Elle a donc pris deux risques !

Le premier, c’est de réveiller l’extrême droite avec le mauvais usage du thème sécuritaire. Elle avait d’ailleurs fait son lit, celui de l’extrême droite, en 1982 et 1983 sur le même thème ajouté à celui de l’immigration qui n’est jamais bien loin.

Eh bien aujourd’hui, elle risque de lui fournir les draps !

Elle a également, en choisissant son candidat, levé le malentendu de 1995. Pour la première fois (et là, saluons la performance), Jacques Chirac est le candidat de tous les conservateurs. Jusqu’à présent, il n’était le candidat que d’une partie d’entre eux. Il y avait toujours deux candidats majeurs de la droite depuis 1965. Aujourd’hui, c’est Jacques Chirac qui a le monopole. Il a l’atout du sortant, si tant est que ce soit un atout, et il a une faiblesse que l’on connaît bien, c’est lui-même, c’est-à-dire l’inconstance de son caractère et l’inconsistance de son bilan.

Ses amis le définissent toujours excellemment. Alain Juppé, que l’on peut proposer aujourd’hui à la promotion du personnage, a eu, il y a peu, des mots malheureux quand il a expliqué que le bilan de Jacques Chirac n’était " pas tout à fait négatif ! " Nous connaissions depuis longtemps, nous à gauche, les thèmes du bilan globalement positif, mais là, avouons qu’il y a une évolution sémantique intéressante, c’est " le bilan pas tout à fait négatif " ! Tout est dans le " pas tout à fait " !

Un autre candidat, paraît-il à une fonction de Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, bien connu d’Alain Claeys, fait dans la caricature. Il a eu, à Poitiers, cette phrase que je crois excellente : " Notre pays a besoin de Jacques Chirac. Il connaît la Corrèze. Il connaît le Japon, il est local, il est mondial ". Eh bien, c’est très encourageant pour tous les élus de la Corrèze !

Néanmoins, la droite sait bien que sur ses idées, elle n’est pas et elle ne sera pas majoritaire.

C’est pourquoi elle veillera dans les prochaines semaines à brouiller les pistes, à maquiller ses intentions, à camoufler ses objectifs réels, si bien qu’il nous faut faire ce travail de dévoiler le programme caché de la droite. Nous ne chercherons pas bien loin car, à bien des égards, le programme caché de la droite est celui du Medef qui, précisément, veut entrer en politique.

Quand on songe, non seulement, à ce que dit le Medef mais à ce que fait le Medef à l’occasion du conflit Moulinex, quand on songe que l’État, qui n’a rien à voir tout de même avec un conflit de cette nature, est obligé -par un acte de solidarité- de rechercher comment verser des primes pour que des salariés quittent leur emploi, souvent après trente ans de présence dans l’entreprise, quand le patronat qui gère la structure financière qui permettrait de verser les primes dit : " nous avons déjà donné, passez votre chemin ", je vois là comme une illustration de ce qui doit nous opposer dans les prochaines semaines.

Alors, nous devons être au travail. Notre action se découpera en trois temps, même si nous aurons vocation quelquefois à confondre les temps.

D’abord, le temps du bilan.

C’est un exercice sain dans une démocratie que de rendre compte du mandat qui nous a été confié et nous l’avons fait avec cet esprit-là. Nous travaillons depuis maintenant près de cinq ans, nous avons réalisé l’immense majorité de ce que nous avions dit. La moindre des courtoisies républicaines, c’est, au terme de l’action, de livrer pour appréciation l’essentiel de ce que nous avons fait ensemble.

J’attends toujours, puisque la droite s’est étonnée de cet acte civique, avec impatience et même avec gourmandise, le bilan qui sera présenté par Jacques Chirac au bout de sept ans, parce que soit, il nous présentera tout le travail considérable d’Alain Juppé pour déréguler, démanteler la protection sociale, soit, il nous présentera la seule réforme dont il est comptable et que nous avons d’ailleurs poursuivie, celle du service militaire, soit, il nous présentera des photos, beaucoup de photos, énormément de photos avec, finalement, le seul point sur lequel nous pouvons nous trouver d’accord avec lui, la seule décision positive qu’il ait prise dans son septennat, qu’il devrait d’ailleurs davantage valoriser, c’est la dissolution de l’Assemblée nationale !

C’est donc un exercice normal en démocratie que de présenter un bilan, c’est aussi un exercice de lucidité.

Nous avons fait beaucoup et, en même temps, nous le savons bien, nous n’avons pas tout fait, nous n’avons pas tout bien fait, il reste énormément à engager et à entreprendre. Mais c’est un exercice indispensable parce que c’est le socle de crédibilité. Martine Aubry l’a dit, cela nous permet de faire la différence par rapport aux résultats de nos prédécesseurs, cela permet de faire la différence aussi par rapport à la méthode qui est la nôtre, c’est-à-dire le respect de la parole donnée. Et enfin, cela permet de valoriser les acquis de la législature, parce qu’une nouvelle fois c’est la gauche qui fait avancer la société, comme en 1936, comme après la guerre, comme en 1981.

C’est encore nous qui avons engagé les 35 heures, fait les emplois jeunes, la couverture maladie universelle et l’allocation personnalisée à l’autonomie. Si nous ne retenions que ces seules actions, ce serait déjà considérable. Ce sont des réformes décisives qui ont changé la vie de beaucoup de nos concitoyens et chacun devra se déterminer par rapport à cet actif, à ce bilan.

Est-ce que la droite, si elle revient aux responsabilités mettra en pièces ce bilan, ces réformes, ces actes, ou tentera-t-elle de les récupérer comme elle le fait aujourd’hui avec l’allocation personnalisée à l’autonomie ?

Enfin, le bilan est un exercice militant. Nous allons distribuer 6 millions d’exemplaires de notre magazine, nous tiendrons des réunions, des meetings, beaucoup s’y sont inscrits, et le 6 décembre à Paris nous aurons un grand rassemblement du Parti socialiste qui à la fois valorisera notre action et ouvrira le débat sur le projet.

Autour de Martine Aubry, nous avons défini une méthode. Cela fait un an que nous travaillons sur le projet, si nous partons de notre Congrès, un an que nous réfléchissons au sens de notre action, pas simplement aux propositions mais à la philosophie, à l’environnement dans lequel nous aurons à travailler et, donc, à la portée des propositions qui, le moment venu, seront celles de nos candidats aux élections législatives et de celui que nous désignerons pour la présidentielle. C’est un travail collectif, nous l’avons voulu comme tel dans les fédérations, dans les sections, il y aura un vote et un certain nombre de propositions qui ont été faites ici seront soumises au vote des militants.

Et puis, ce sera aussi un exercice citoyen, le projet. Tout au long du mois de janvier, nous irons dialoguer avec les Français, les interroger sur nos propositions, nous confronter avec leurs aspirations.

C’est aussi un travail de contenu, bien sûr, qui ne se réduit pas à un seul slogan ou à trois propositions phares.

Nous avons à régler la question de l’identité de la France, de la construction européenne et de la régulation du monde.

Nous avons ensuite à conjuguer les protections collectives indispensables à l’épanouissement individuel et l’autonomie. Nous avons à affirmer toujours la priorité pour l’emploi, le plein-emploi.

Nous avons à garder le socle des socialistes, c’est-à-dire la lutte contre les inégalités. Et c’est aussi dans ce cadre-là que nous mettons le travail nécessaire contre l’insécurité.

Enfin, nous avons à être les porte-parole du long terme, les constructeurs du long terme. C’est nous qui devons donner la portée, au-delà même de l’élection de 2002. Nous devons regarder loin par rapport à l’éducation, par rapport aux investissements publics, par rapport au territoire, par rapport à la recherche. Nous ne devons pas simplement être dans l’immédiat, dans l’urgent, dans le pansement, mais véritablement dans l’action de long terme. Et quand Henri Weber disait : " il faut prendre garde à la proposition, faire en sorte qu’elle soit suffisamment mobilisatrice, donc utopique, et en même temps qu’elle soit traduisible dans la vie concrète ", oui, c’est le sens de ce que nous voulons faire à travers ce projet.

J’en termine, pour faire transition avec l’après-midi, avec les investitures pour les législatives.

Nous avons tous décidé de confirmer le bien-fondé de notre calendrier. C’est vrai que nous sommes la seule formation politique sans doute à investir aussi tôt ses candidats. Nous l’avions fait en 1996 par rapport à une élection prévue en 1998, parce que pour nous, ce qui est essentiel, c’est d’être prêts par rapport aux enjeux qui sont les nôtres : les enjeux programmatiques (projet), les enjeux aussi consistant à faire une étape vers la parité, être clairs par rapport à nos partenaires, parce que nous avons un calendrier que nous respecterons, donc nos partenaires connaissent aussi les termes du débat ; ils savent maintenant qu’au-delà du 14 décembre, c’est terminé pour savoir quelle circonscription nous accordons à tel ou tel ; nous aurons fait nos choix et ces choix seront irréversibles.

Enfin, il faut être cohérent par rapport à la présidentielle. Il faut que ceux qui feront campagne pour la présidentielle sachent dans quel cadre militant et électoral ils s’inscrivent et c’est pour cela qu’il était préférable de désigner nos candidates et nos candidats dès à présent. Nous permettons ainsi de faire vivre la stratégie de Gauche plurielle. Elle n’est pas facile en interne et, je veux saluer tous ceux qui y contribuent à travers ce qu’on appelle encore les sensibilités, qui regardent quand même ces questions quelquefois avec beaucoup de vigilance. Il y a eu une grande sérénité dans la préparation de ces investitures, même si je connais le sacrifice que cela peut représenter lorsqu’on dit à un militant, à une militante socialiste qui a travaillé depuis des années dans une circonscription, qu’il faudrait, parce qu’il y a un accord de Gauche plurielle, la laisser à un partenaire alors même qu’il ou elle pense qu’il ou elle aurait davantage de chances que le partenaire, ce qui est souvent la vérité.

Oui, nous avons fait aussi ce choix et quand nous faisons des propositions à nos partenaires, elles sont fondées sur la sincérité de notre démarche, nous ne jouons pas. À la présidentielle, je le dis notamment à la presse qui s’interroge : " les socialistes auront-ils un candidat le moment venu ? ". La réponse est : oui, nous aurons un candidat à l’élection présidentielle. Mais nous avons choisi de ne pas nous précipiter comme d’autres, nous avons choisi de ne pas avoir comme objectif le seul premier tour ! Au-delà, nous avons, parce que nous sommes en responsabilité, à terminer le travail engagé et, donc, nous ne voulons pas mélanger les genres. Mais, nous ne sommes pas hypocrites, chacun connaît aussi notre préférence et chacun comprend la logique qui est engagée depuis 1995 et 1997.

Nous ne sommes pas habités par le doute et nous sommes plutôt habités, nous aussi, par la passion.

Le rôle du Parti socialiste va être dans ces prochaines semaines décisif. C’est à nous et à nous seuls de porter le bilan dont nous sommes à la fois comptables et fiers. C’est à nous de préparer le projet, celui qui doit correspondre à nos valeurs et aux aspirations des Français. Nous faisons de la politique non pas pour assurer le destin d’un homme, fut-il l’un d’entre nous, non pas pour davantage de pouvoir, mais pour que le scrutin de 2002 contribue d’abord et essentiellement à changer le sort des Français.


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