Un mouvement s’est amorcé en ce printemps 2004

François Hollande
Intervention de François Hollande, premier secrétaire, lors du Conseil national du Parti socialiste du 3 avril 2004.


 
Chers amis, chers camarades,

C’est une victoire considérable que nous avons remportée dimanche soir. Considérable, si l’on songe au chemin parcouru depuis le 21 avril 2002, même si ce souvenir-là a été paradoxalement pour une part dans la mobilisation civique du 28 mars.

Considérable encore, si l’on s’arrête à cette carte des régions, et même des départements, qui montre qu’une vague, une marée rose, a submergé le pays. Elle s’est, c’est vrai, arrêtée sur la ligne bleue des Vosges, a voulu aller jusqu’à la Méditerranée et ses mystères, mais a recouvert aussi l’ensemble des régions d’Outre-Mer. Et je veux saluer aussi les camarades de l’Outre-Mer qui ont été à l’unisson.

Victoire considérable aussi, si l’on songe que, la gauche est majoritaire en voix en France, et pour la première fois depuis 1988.

Avant de revenir sur les causes, mais aussi la portée d’un tel résultat, je veux ici devant vous reprendre le mot qui nous a été adressé, d’une manière ou d’une autre, dimanche dernier par beaucoup des anonymes qui se pressaient pour fêter le succès collectif. Ce mot était tout simple : merci. À mon tour, je veux dire merci aux électeurs qui ont fait le choix de la gauche pour faire entendre leur voix, merci aux militants du Parti socialiste qui se sont mobilisés comme rarement dans cette campagne, merci aux candidats qui nous ont fait honneur, merci à l’équipe de campagne, à François Rebsamen, Jack Lang, à la direction du Parti, à toutes les sensibilités. Nous avons donné la meilleure image de nous-mêmes, et démontré, s’il en était besoin, que le collectif est notre première force.

Mais, au-delà de l’énergie que nous avons dépensée et de la qualité de nos campagnes, nous devons comprendre la victoire, et surtout son ampleur. Elle s’explique, pour moi, par la conjonction d’une volonté irrépressible de sanction et d’une offre politique cohérente à gauche.

Le pouvoir, depuis deux ans, a suscité un rejet d’une rare intensité. Il trouve son origine dans :
     Le sentiment insupportable d’injustice dans tous les choix qui ont été faits par le gouvernement Raffarin : impôts, jours fériés, retraites… tout cela est apparu comme une règle qui n’était plus la même pour tous, comme une entorse répétée aux principes de la République.

     Le constat accablant d’un échec économique : chômage en hausse, croissance en berne, endettement en plongeon. Incompétence et imprévoyance sont apparues comme étant les traits caractéristiques de l’équipe au pouvoir depuis deux ans.

     Le refus du mensonge : communication mystificatrice du Premier ministre, bluff médiatique de l’ancien ministre de l’intérieur, annonces trompeuses du gouvernement, silences du Président de la République. Et là aussi, l’irresponsabilité s’est ajoutée à la culpabilisation : irresponsabilité de le part de ceux qui gouvernent et culpabilisation permanente des Français, considérés finalement comme les auteurs de leur propre situation.
Oui, tout cela a fait le rejet immense, parce que quand un peuple est méprisé, quand surgissent des revendications qui sont ignorées - au prétexte que ceux qui les portent ne sont pas les clientèles du pouvoir - alors, la somme de ces frustrations fabrique le vote sanction.

C’est aussi le prolongement du mouvement social du printemps dernier qui a trouvé, en définitive, son débouché politique à l’occasion des élections régionales et cantonales.

Mais, en face de ce rejet, en face de cette sanction qui voulait être prononcée, fallait-il encore que la gauche soit elle-même au rendez-vous.

Après un échec historique qui aurait pu la déstructurer pour longtemps, la première condition du redressement, c’était un Parti socialiste uni et fort. Notre congrès de Dijon y a contribué, mais aussi la volonté commune de résister aux modes et à l’air du temps. Et Dieu sait si l’air du temps, souvent, n’a pas été favorable à ce que nous sommes !

Mais, il y a eu aussi la ténacité collective pour incarner une opposition combative et crédible ; l’unité aussi, la nôtre, toujours délicate dans les périodes de désignation de candidats, mais qui a résisté, et permis en plus le renouvellement - encore incomplet - de nos candidats dans ces élections régionales et cantonales, mais qui nous permet aussi d’être aujourd’hui dans les régions, et même dans les départements, les plus représentatifs de la société française. Et c’est une fierté collective.

Mais, ce redressement, le nôtre, n’aurait pas suffi sans le rassemblement de toute la gauche. Il n’allait pas de soi. Le mode de scrutin n’y concourrait pas. Les tentations identitaires restaient fortes et les hésitations de nos partenaires, y compris au sein de chacune des directions, pouvaient aussi provoquer l’éclatement. Mais nous avons été le parti de l’union, et nous avons été capables, au premier tour déjà, dans la plupart des régions, de faire des listes de rassemblement. Et mécaniquement, nous avons pu faire partout l’union au second tour. C’est ce qui nous a permis d’arriver en tête dans la plupart des régions le 21 mars, et de créer la dynamique autour de nous le 28.

Je rends hommage aux militants verts, communistes, radicaux, socialistes aussi, de l’avoir compris. Et si je déplore que nous n’y soyons pas parvenus partout, les responsabilités sont sans doute partagées. Mais pour nous, l’objectif, c’est de faire l’union, partout et en toutes circonstances.

La leçon ne doit pas être perdue, parce que le PS ne peut pas et ne veut pas gagner seul pour les prochaines échéances. Mais nos alliés doivent savoir, doivent comprendre qu’il n’y a pas d’avenir possible avec un Parti socialiste amoindri. La crédibilité de la gauche repose sur son unité.

L’extrême gauche, pour s’en être écartée, s’est non seulement perdue, mais a perdu, et c’était justice, les élections régionales. Mais il n’y a pas de rassemblement possible sans un projet qui le structure. Et pour ces élections régionales et cantonales, nous avons su présenter des propositions simples, concrètes, respectueuses des compétences des régions et des départements : gratuité des livres, emplois tremplins, cartes de transport, établissements fonciers. Bref, nous avons décliné un programme dans les 22 régions en tenant compte de toutes les spécificités qui sont aujourd’hui reconnues dans chacune de nos régions.

Nous avons pris des engagements nationaux dans le cadre d’une élection territoriale. C’est le projet qui a permis d’ajouter la dimension de l’action et du changement au vote sanction, et c’est le projet qui a réduit finalement la place du vote protestataire. L’extrême droite a été contenue, même si elle reste à un niveau trop élevé. Et si le vote contestataire a pu être lui-même réduit ou limité, c’est parce que nous avions donné la perspective d’un changement possible.

L’explication est donc simple : une droite rejetée, une gauche rassemblée autour d’un projet. C’était les conditions nécessaires, impérieuses pour la réussite. Mais, convenons quand même que notre victoire à un tel niveau n’était pas prévue. Elle donne donc une force particulière au message des Français.

Les Français se sont en effet exprimés massivement, si l’on en juge par le taux de participation particulièrement élevé dans un scrutin dit local, taux de participation d’ailleurs plus fort encore que pour les élections législatives de 2002. Chacun doit s’en souvenir. Ils se sont exprimés massivement mais clairement, si l’on en juge par la faible dispersion des voix au premier tour et les majorités absolues que nous avons réussi à rassembler le soir du second tour. Il y a eu des triangulaires, mais jamais le Front national n’a été capable de peser sur les choix des électeurs.

Ce message est simple : ils n’acceptent pas la politique menée par la droite depuis deux ans. Et, ils confient à la gauche, non seulement l’animation maintenant des régions, des départements à travers les moyens, les compétences dont nous pouvons disposer, mais ils nous demandent de préparer d’ores et déjà un projet alternatif.

La portée politique d’un tel scrutin est à la mesure de l’ampleur de son résultat. Pour y répondre, le Chef de l’État a choisi une nouvelle fois les apparences : il fait mine de reculer pour ne rien céder.

Certes, il a jeudi soir, donné l’impression de battre en retraite. Il a suspendu la réforme de l’Allocation Spécifique de Solidarité (ASS), abandonné les ordonnances pour traiter la Sécurité sociale, réouvert enfin le dialogue avec les chercheurs et les intermittents du spectacle. Prenons-en acte et considérons néanmoins qu’heureusement que les Français ont voté comme ils l’ont fait dimanche dernier, parce que sinon le peu qui a bougé n’aurait jamais été consenti. C’est le vote qui a été déterminant, et non l’éclair soudain et furtif de lucidité qui a traversé la tête du Chef de l'État qui avait avalisé, jusque-là, toutes les décisions de Jean-Pierre Raffarin, quand il ne les avait pas lui-même inspirées ou imposées.

Pour lui, l’essentiel maintenant est de gagner du temps, de laisser passer l’orage, de s’abriter sans rien toucher à son dispositif, et encore moins à sa ligne politique. Alors, selon sa méthode habituelle, et qui nous lasse, il louvoie, il esquive, il manipule. Il désavoue donc Jean-Pierre Raffarin II, mais nomme aussitôt Jean-Pierre Raffarin III. Il brandit l’étendard de la cohésion sociale, mais agitent aussitôt le drapeau des baisses d’impôts pour les plus favorisés. Il dit tenir compte du message de mécontentement des Français, mais confirme dans le même mouvement qu’il gardera le même cap. Allez comprendre !

Nul n’est dupe de ses manquements répétés à la vérité, à la sincérité, au courage. Président de la République depuis neuf ans, Jacques Chirac s’est construit un système complet d’impunité : ni responsable, ni coupable. Il se replie sur ses équipes, sur son clan, sur son parti, comme si deux ans après le début même du quinquennat, s’engageait déjà une interminable fin de règne.

Mais Jacques Chirac fait courir un grave risque au pays avec un Premier ministre aujourd’hui désavoué, un gouvernement dévalué et composé pour beaucoup de naufragés du suffrage universel. Une majorité déboussolée et une droite divisée. Et surtout, des citoyens mécontents du présent, inquiets de l’avenir et hostiles au pouvoir, lequel est désormais menacé par l’immobilisme ou la crise, ou peut-être les deux. Si la droite a tout à craindre, la gauche ne peut se réjouir d’une situation faite d’abord d’abattement et de colère.

Certes, il y a les élections européennes qui viennent et qui seront de nouveau l’occasion pour les Français de faire entendre leur voix. Mais, face à une forme de fuite devant ses responsabilités de la part du Chef de l'État, les Socialistes doivent assumer pleinement les leurs, et d’abord la responsabilité territoriale. Vingt régions sur vingt-deux, la majorité des conseils généraux, le résultat est immense, l’image impressionne et l’idée même peut s’installer dans certains esprits qu’à défaut d’investir le pouvoir d’État, nous aurions conquis le pouvoir territorial. Une clarification s’impose donc si l’on veut éviter de semer des illusions trompeuses.

La première clarification, c’est que nous ne sommes pas dans une cohabitation d’une nouvelle forme, d’un nouveau type, où deux pouvoirs aux moyens quasiment équivalents coexisteraient pour mener la politique de la Nation. Non, c’est le gouvernement qui a la responsabilité exclusive de cette charge. Et c’est toujours le Parlement qui vote la loi. Et même dans un état fédéral, cette confusion ne peut s’installer, encore moins dans une République modérément décentralisée comme la nôtre.

La deuxième illusion à lever, c’est que nous ne sommes pas non plus dans un contre-pouvoir organisé. Les Régions, comme les Départements, ne peuvent contrecarrer à eux seuls les effets négatifs de la politique gouvernementale. Leurs compétences comme leurs moyens financiers sont limités, sans commune mesure avec ceux de l’État. Pour les Régions, 13 milliards d’euros par an pour leurs budgets cumulés, contre 265 pour le budget de l'État. Les ordres de grandeur parlent d’eux-mêmes.

Il est donc d’autant plus nécessaire de faire cette clarification que la droite veut renvoyer sur les collectivités locales les politiques sociales que l'État ne veut plus assumer, pour faire porter -d’ailleurs- la responsabilité politique aux Régions et aux Départements, de ses gâchis, de ses dégâts, et le coût financier correspondant sur les contribuables locaux.

Il nous faut donc, par rapport à un État qui se défausse et se cache, coordonner la riposte et marquer ce que doit être la responsabilité des Régions et des Départements.

D’abord, nous devons exiger, et Jean-Marc Ayrault l’a prononcé dès le lendemain du scrutin, le report du vote du projet de loi de décentralisation. C’est fait, mais ça ne suffit pas. Il nous faut demander l’examen préalable du projet de loi organique qui organise le transfert des ressources et la péréquation financière. Des garanties doivent être données pour les années qui viennent et il ne peut être question de laisser le pouvoir instaurer la confusion et l’irresponsabilité.

Nous devons ensuite imposer un rapport de force permanent à l'État pour maîtriser les conséquences territoriales des textes qui sont votés par le Parlement. Je pense notamment au Revenu Minimum d’Activité (RMA). Des positions communes doivent être adoptées par les Conseils généraux à majorité de gauche pour éviter que ce dispositif dangereux puisse déstabiliser l’ensemble des relations du travail dans les entreprises privées. De même, les Régions auront à fixer les conditions sociales et environnementales à toutes les aides publiques qu’elles accordent au nom de l’emploi.

Enfin, par rapport à l'État, nous devons demander le respect des engagements, et là il y aura fort à faire dès lors que les Contrats de Plan État-Région ont déjà été foulés aux pieds.

Il reste que nous disposons, avec les Régions, avec les Départements, d’une capacité d’intervention. Nous devons tenir nos engagements, appliquer nos programmes, nous devons être exemplaires en matière de démocratie participative, inspirer de nouvelles politiques, innover, être aussi capables de développer des politiques sociales qui seront autant d’avant-garde par rapport à nos projets lorsque nous reviendrons aux responsabilités nationales.

Bref, nous devons être utiles, utiles à nos concitoyens pour l’égalité des chances, pour l’insertion, pour l’emploi, utiles à la démocratie pour inventer des pratiques nouvelles, utiles à la gauche pour montrer qu’elle est capable de porter un projet, certes limité dans l’espace et dans les compétences, mais qui déjà inscrit ce que doit être notre projet pour le pays.

La deuxième responsabilité que nous avons à prendre est d’être une opposition plus forte encore. C’est cette même exigence d’utilité qui doit nous animer. Certes, la majorité à l'Assemblée nationale n’a pas changé depuis dimanche. Je le dis parce que, là encore, je constate chez beaucoup de nos concitoyens une espèce d’illusion, peut-être un rêve, qui consisterait, après le vote du 28, de considérer que nous sommes, d’une certaine façon, installés au pouvoir.

Eh bien non, nous ne sommes pas devenus majoritaires à l'Assemblée nationale ; nous avons le même nombre de députés, c’est vrai aussi pour les sénateurs, au moins jusqu’à l’automne 2004.

En revanche, le rapport de force, lui, a changé. Le pouvoir connaît désormais l’ampleur de son impopularité. L’opposition, en revanche, est investie d’une confiance d’une majorité de Français pour préserver au moins le pacte social et républicain et pour refuser toute remise en cause des principes de la Sécurité sociale, du droit du travail et des services publics.

Les premiers reculs de Jacques Chirac montrent que, pendant un certain temps, pas forcément pour toujours, notre voix va se faire entendre, à condition néanmoins que l’on maintienne la pression, que l’on garde le soutien de ceux qui nous ont fait confiance, qu’on entretienne la mobilisation civique ; c’est la mobilisation civique qui est indispensable si l’on veut que l’opposition soit forte. Mais nous avons aussi à indiquer les alternatives et donc à faire des propositions. C’est particulièrement nécessaire sur le sujet de l’assurance maladie ; je souhaite que le Bureau national, voir le Conseil national du Parti, en soit saisi rapidement. Le diagnostic est connu, il est accablant pour le gouvernement. Le déficit cumulé dépasse 40 milliards d’euros, c’est historique. Et, pour la seule année 2004, le déficit de la branche maladie dépassera 15 milliards.

Il est le fruit d’une incompétence et d’un calcul : l’incompétence d’un gouvernement incapable de maîtriser les défenses et, pire encore, qui organise la perte des recettes, mais aussi d’un calcul qui consiste à mettre en faillite la Sécurité sociale pour mieux justifier ensuite l’abandon des principes.

Hier, il voulait passer par ordonnances son traitement de choc à l’égard de l’assurance maladie ; aujourd’hui, il fait mine de rechercher le consensus pour rendre incontournables les mesures impopulaires de redressement qu’il est obligé de prendre s’il veut apurer les comptes.

La démocratie, c’est la clarté. Nous sommes donc prêts au débat chaque fois qu’il est ouvert. Nous fournirons, à chaque étape, des orientations et des propositions pour garantir les fondements de l’assurance maladie. Mais, le lieu de la décision, c’est le Parlement ; et c’est là que chacun, gouvernement, opposition, prendra sa responsabilité devant le pays et devant les Français, à travers le vote de la loi. Il n’y a pas d’autre manière de faire, il n’y a pas d’autre règle en démocratie.

Nous ferons des propositions, nous donnerons des orientations, nous choisirons nous-mêmes de rénover les organisations. Nous n’accepterons jamais aucune privatisation de la Sécurité sociale.

Les Français ont besoin d’une opposition forte pour être protégés. Ils ont besoin d’un rééquilibrage des pouvoirs, c’est fait. Mais ils ont aussi besoin d’espérer une alternative, et c’est maintenant notre devoir.

L’ampleur de la victoire nous interpelle directement. Elle nous oblige à accélérer le rythme de la préparation de notre projet, et à changer profondément nos méthodes d’élaboration. Il n’y a donc pas de temps à perdre. J’installerai, à la fin du mois d’avril, un Conseil du projet qui rassemblera toute la diversité de notre Parti (les sensibilités, les élus, les personnalités, les fédérations) ; ce sera le lieu d’élaboration de notre projet, le projet socialiste. Et il n’y en aura pas d’autre à l’extérieur du Parti. C’est dans le Parti, uniquement dans le Parti, que doit s’élaborer aujourd’hui le projet des socialistes.

Il s’agit, non pas de confectionner une plate-forme avec quelques propositions phares, mais de porter une véritable alternative de long terme, en partant d’abord de ce que nous n’acceptons pas dans la France et l'Europe d’aujourd’hui, pour fixer ensuite la perspective socialiste à dix ans, au-delà même du prochain quinquennat, et de préciser les moyens et les réformes pour parvenir à ce projet de société.

Nous devons avoir une vision longue, une vision transformatrice, qui ne peut pas se réduire à un programme avec quelques propositions. Si nous voulons entraîner, mobiliser, il faut fixer le sens et dire la société que nous voulons construire ensemble. La méthode doit donc nécessairement changer, notre démarche est socialiste.

Mais nous savons que si nous restons entre nous, nous ferons, peu ou prou, ce que nous avons déjà fait ou déjà dit. Il faut appuyer donc nos propositions sur une large consultation des forces vives, des syndicats, des acteurs économiques, des mouvements culturels, des associations, des intellectuels.

Bref, de tous ceux qui, sans être membres de notre parti, même sans en être proches nécessairement, ont envie d’y participer.

Il faut que ces forces soient là à côté de nous mais, le moment venu, c’est-à-dire à la fin de l’année 2005, nous prendrons, les militants du Parti socialiste, la responsabilité d’adopter notre projet.

Parallèlement, nous avons à travailler inlassablement au rassemblement de la gauche. Si nous ne voulons pas en rester à des alliances circonstancielles, à des partages de dépouilles en cas de victoire, ou d’accommodation des restes en cas de défaite. La réussite suppose l’union.

Il faut prolonger l’union qui s’est forgée dans la victoire pour en faire une union dans le projet. Je fais donc deux propositions à nos partenaires :
     L’une immédiate à travers la constitution d’un Comité de liaison de la gauche, dont le simple objet serait d’organiser ensemble la riposte politique et parlementaire au gouvernement, et de maintenir l’esprit de vigilance et de mobilisation civique indispensable. Ce comité pourrait voir le jour, si nos partenaires l’acceptaient, d’ici le printemps.

     L’autre, plus durable, qui fait suite au forum de la gauche, pour confronter -thème par thème- les convergences et les divergences, afin d’établir le moment venu une volonté commune de transformation. Nous pourrions d’ailleurs, sur ce débat qu’il faut ouvrir, commencer par l'Europe puisque c’est l’échéance électorale qui est désormais devant nous.
Je souhaite que la gauche veille, au-delà de sa diversité, à afficher sur l'Europe, qui est notre destin commun, des objectifs collectifs. Nous pouvons avoir des approches différentes, mais il faut là aussi montrer qu’il y a un chemin possible pour toute la gauche vers l'Europe.

Le scrutin européen, dont on connaît la difficulté alors qu’il engage l’avenir de notre continent, aujourd’hui unifié, revêt lui aussi un double enjeu : il s’agit de tracer l'Europe que nous voulons, ce qui suppose des engagements communs avec toutes les forces progressives européennes, et notamment le Parti socialiste européen. Et c’est toute la bataille de l'Europe sociale qu’il faudra engager dans les élections au Parlement européen. Mais il y a aussi un enjeu politique intérieur car les élections de juin sont la dernière consultation électorale avant 2007. C’est donc l’occasion pour les Français d’envoyer un nouveau message à la droite. Souhaitons qu’il soit aussi massif et aussi clair.

Il s’agit de poursuivre le travail de mars qui n’est pas achevé, d’infliger une nouvelle sanction et d’élever le niveau de protection face au libéralisme. Bref, de renforcer la gauche tout en lui permettant d’agir à l’échelle européenne car elle doit aussi agir à cette échelle-là.

Le Conseil national du 17 avril aura à adopter nos engagements pour cette élection et arrêter la liste de nos candidats. Je connais la difficulté de l’exercice, je l’ai pratiqué, avec des listes nationales, c’est encore pire avec des listes à grandes circonscriptions. J’espère que chacun le comprendra, et notamment les candidats.

Je souhaite le rassemblement du Parti socialiste sur le texte dans une démarche clairement européenne, car la ligne du Parti socialiste, c’est une ligne européenne. Je souhaite donc que sur ce texte, comme sur les candidatures, nous puissions nous rassembler.

Unis sur une volonté d’Europe politique et sociale. C’est la condition du succès. Mais aussi unis par la représentation de tout le Parti sur nos listes. C’est possible à la condition que nous fassions tous un effort.

CONCLUSION

Voilà, ce sentiment qui nous empare. D’un côté, nous sommes joyeux, conscients du succès, de l’autre nous voyons l’immensité de nos responsabilités, et déjà s’annoncent d’autres rendez-vous : européennes, et plus tard, les élections décisives de 2007.

La victoire électorale de dimanche nous a conféré davantage de devoirs que de droits : devoir d’action dans les régions et dans les départements, devoir de protection au Parlement, devoir de proposition au sein du Parti socialiste. Paradoxalement, nous avons gagné l’élection, mais pas encore regagné l’espérance. Tout dépend, une nouvelle fois, de nous, de notre capacité à porter une démarche cohérente, à travailler ensemble - en respectant le rythme et les échéances -, à rassembler la gauche, à travailler à l’entretien d’un dialogue constant avec les forces sociales. Tout dépend encore de nous, si nous voulons donner confiance dans la politique.

Un mouvement s’est amorcé en ce printemps 2004. Il efface les tourments du 21 avril 2002. Il ne fait pas disparaître toutes ses causes. C’est ce mouvement qu’il faut entretenir, qu’il faut faire vivre, qu’il faut lever pour préparer les grands changements. La victoire électorale nous a donné la force nécessaire. À nous de nous en montrer désormais dignes.


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