La vérité, une clé pour la confiance

François Hollande
Intervention de François Hollande, premier secrétaire, lors du Conseil national du Parti socialiste du 17 septembre 2005.


 
Chers Camarades,

J’ai plaisir à vous retrouver aussi nombreux. C’est le signe que notre Parti engage un débat essentiel, non pas sur son seul avenir, non pas simplement sur la configuration de la gauche, mais d’abord sur le projet qu’attendent les Français.

Nous en faisons tous le constat : les Français sont en colère. Il y a de quoi : la montée de la précarité - dont d’ailleurs le succès du contrat nouvelle embauche est un signe aggravant, la perte du pouvoir d’achat, les carburants qui flambent, le logement qui devient inaccessible pour beaucoup... Bref, les Français cherchent la traduction politique de cette colère ; ils ne l’ont pas encore trouvée comme en témoigne d’ailleurs la forte abstention aux élections législatives partielles.

Nous faisons aussi le constat, les uns les autres, que la droite échoue, et pas besoin de multiplier les arguments : faible croissance, chômage en hausse, quoi qu’en disent les statistiques et perte de confiance. Mais, en même temps, cette droite joue la confusion : confusion dans les annonces à travers une réforme fiscale certes promise pour 2007, mais surtout supposée avantager les classes moyennes alors qu’en fait elle est tout entière destinée aux catégories les plus favorisées de notre société ; annonce toujours que de convoquer les présidents des compagnies pétrolières pour leur permettre non pas de baisser les prix mais, simplement, de faire leur communication ; on menace d’un impôt sur les super profits et on laisse faire en définitive le creusement des marges dont bénéficient essentiellement les grandes compagnies et le prélèvement pétrolier qui permet à l’Etat de prendre sa rente au passage.

Cette confusion est aussi dans les comportements car la droite est en train de vouloir introduire en son sein une double alternance : une alternance de génération, c’est pour le dauphin, et une alternance de style, c’est pour le rival. Mais, en fait, au-delà des postures, il s’agit de poursuivre la même politique, celle qui s’applique depuis 2002 et qui vise encore à s’amplifier dans ses dégâts et dans sa volonté de porter le libéralisme comme la seule référence pour notre pays.

Dans ce contexte, notre congrès prend toute sa dimension, toute sa place, tout son sens. Il s’agit là de notre propre responsabilité. Nous l’avons voulu utile aux Français, c’est-à-dire sur le projet, afin de bâtir une alternative au libéralisme et à la droite tout en répondant, le plus concrètement possible, aux problèmes que rencontrent les Français : emploi, pouvoir d’achat, logement, services publics, Education.

Nous aspirons tous ici à changer profondément la société. Et, si nous voulons le faire avec le souci d’être utiles, alors il ne s’agit pas de faire de notre congrès la répétition des débats d’hier, pas plus que la désignation du candidat ou de la candidate de demain. Nous ne devons pas être après l’heure, pas plus qu’avant l’heure. Notre seul objectif dans ce congrès est de porter le projet.

Nous en avons un autre, en tout cas c’est celui que je porte avec beaucoup de mes camarades. C’est de rassembler les socialistes - nous le dirons tous - pour unir la gauche. Et, si nous voulons rassembler les socialistes, alors que l’on ait voté « oui » ou que l’on ait voté « non » il faut dépasser ce moment du 29 mai. Si nous voulons rassembler les militants socialistes, les électeurs socialistes et la gauche tout entière, alors nous ne pouvons pas installer durablement ce clivage, au risque de faire perdre alors les socialistes et la gauche en 2007.

Nous avons tous en conscience fait notre choix dans le référendum interne comme dans le référendum dans le pays. Nous gardons nos convictions les uns et les autres, mais nous savons bien qu’aujourd’hui ou nous reproduisons la controverse d’hier ou nous portons ensemble, dépassant ce qui a pu nous séparer, le projet pour tous les socialistes et, j’espère demain, pour tous les Français.

Voilà pourquoi notre congrès doit être utile : dépasser le « oui », le « non », affirmer l’identité des socialistes à partir de laquelle - et seulement à partir de laquelle - nous pouvons rassembler la gauche, toute la gauche, en tout cas celle qui veut gouverner avec nous dans un contrat clair, où les engagements sont pris, à égalité de droits et de devoirs. Nos partenaires demandent à être respectés, c’est normal. Nous aussi, nous demandons à l’être ; respectés dans notre identité de socialistes, respectés quant au bilan qui est le nôtre - depuis des générations - d’avoir fait avancer le progrès social dans notre pays, respectés dans notre volonté de participer au gouvernement de la France, parce que ce n’est pas infamant de prendre les décisions pour le pays ; il n’y a pas de reniement, il n’y a pas d’abandon dès lors qu’on assume le pouvoir.

Et, si l’on veut assumer le pouvoir, il faut préparer l’alternance et l’alternative dès à présent.

Il faut rassembler les socialistes aussi autour de règles communes qui sont les nôtres et qui doivent être rappelées car, à chaque fois qu’il y a manquement, il y a toujours risque pour notre unité et donc pour notre capacité à rassembler, pour notre crédibilité.

Voilà l’ambition que nous portons à travers la motion dont je serai le premier signataire. Faire réussir la gauche car il ne s’agit pas simplement de la faire gagner, mais de l’emmener durablement aux responsabilités du pays. La gauche, c’est notre famille, notre destin, notre ligne de conduite ; je ne fais pas de distinction entre socialistes ; tous les socialistes sont à gauche. Mais, si nous voulons réussir, et réussir à gauche, il faut fixer des principes pour agir, porter un projet pour changer et fixer des conditions pour réussir.

La volonté est le premier principe pour agir. Il se fonde sur ce qu’est notre essence même. Nous sommes le parti du mouvement ; j’ai entendu qu’on voulait nous faire passer pour celui des conservateurs... Encore que, lorsqu’il s’agit de préserver les acquis sociaux essentiels de notre pays, de préserver la laïcité, de préserver les droits fondamentaux ! Il faut assurer, assumer ce qui est l’héritage de la République et l’héritage aussi des conquêtes sociales. Nous sommes aussi le parti du mouvement, pas simplement dans une attitude défensive. Nous devons de nouveau proposer de nouvelles conquêtes, ouvrir de nouveaux droits, porter le progrès.

Voilà ce que j’affirme être la volonté. Faire une société de plein emploi, c’est-à-dire non seulement de réduire de moitié le chômage, mais aussi de moitié la durée pendant laquelle on attend un emploi. Voilà le premier enjeu.

Faire une société de la connaissance, car nous savons bien que dans la mondialisation, il n’y a pas d’autre voie, d’autre issue que d’être les meilleurs dans le domaine de la technologie, de l’information, du savoir et donc de l’Education.

Faire une société écologique, car ce que nous vivons en ce moment avec le prix de l’énergie est non pas une inversion de cycle, non pas une difficulté conjoncturelle, mais un mouvement profond qui oblige déjà à des mutations.

La vérité est le deuxième principe pour agir. C’est une clé pour la confiance. Elle devrait d’ailleurs ici nous rassembler tous. Je ne fais pas de distinction entre les socialistes ; nous cherchons tous la vérité, mais la vérité, c’est d’avoir le même discours, la même pratique, la même ambition que l’on soit dans l’opposition ou que l’on soit au pouvoir. Et, c’est là que tous les socialistes doivent se rassembler.

Il faut porter un projet pour changer. Nous faisons 4 propositions, 4 grands contrats avec le pays :
     Un contrat social qui doit partir de la croissance, de la création de richesses - ichesse matérielle mais aussi toutes les initiatives de la société, gratuites, solidaires ; nous avons aussi l’obligation de produire un nouveau modèle de développement.
    Nous avons, dans le contrat social, à faire de l’emploi pas simplement la priorité au sens de la création d’emploi, mais aussi du suivi des mutations, des reclassements. Et, à cet égard, nous parlons tous de société qui devrait assurer la sécurité des parcours professionnels. Soyons concrets et faisons en sorte de proposer à toute personne licenciée un contrat qui ne le mettra pas au chômage, mais un contrat où il y aura une formation, une qualification et un retour à l’emploi, comme une forme de transition.
    Nous avons aussi, dans le contrat social, à définir les principes de la solidarité sur les retraites, sur la santé, sur la famille ; nous proposerons un service public de la petite enfance essentiel pour assurer l’égalité homme/femme, essentiel pour assurer aussi la conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale, essentiel pour lutter contre les inégalités.

     Nous proposons aussi un contrat républicain à travers deux grandes priorités qui devraient nous rassembler tous : sur l’Education, à travers la lutte contre l’échec scolaire. Les zones d’éducation prioritaire n’ont pas, et c’est vrai, répondu à l’attente qui était portée sur elles. Pourquoi ? Parce que l’on y a pas mis suffisamment de moyens, parce que l’on a été trop sélectif une nouvelle fois, parce que l’on a ségrégé des quartiers. Il va falloir diminuer dans de nombreux quartiers le nombre d’élèves par classe, oui il va falloir avoir un véritable accompagnement scolaire ; et quand on voit les sociétés multinationales qui viennent sur le domaine de l’accompagnement scolaire, le domaine de la préparation des diplômes, nous avons l’obligation de faire un service public de l’accompagnement scolaire. Education à travers la priorité qui doit être donnée aux universités. Quand nous constatons le palmarès encore récemment publié des universités, comment peut-on accepter qu’il puisse y avoir un écart aussi grand entre la dépense par lycéen et la dépense par étudiant ?

     Troisième proposition : le contrat citoyen pour lutter contre les discriminations et il y aura encore beaucoup à faire, pour assurer une sécurité républicaine, pour avoir une politique d’immigration fondée sur le respect des droits et la conception de notre société

     Enfin, le contrat écologique qui nous obligera, notamment sur les questions des transports publics et de l’énergie, à assurer la diversification de nos sources d’énergie et de vérifier aussi que chaque décision publique de l’Etat ou des collectivités locales s’inspire du développement durable.
Au-delà du projet, il y a des conditions pour réussir. Trois grandes réformes sont nécessaires si nous voulons atteindre nos objectifs :
     La réforme de la démocratie sous toutes ses formes : démocratie politique, démocratie sociale, démocratie locale avec la remise en cause complète de la loi Raffarin sur la décentralisation.

     La Réforme fiscale : les socialistes sont les champions de la réforme fiscale lorsqu’ils sont dans l’opposition ; veillons à être moins frileux lorsque nous sommes au pouvoir ; veillons à ce que les principes que nous poserons là sur la fiscalité d’Etat, sur la fiscalité locale, sur le changement d’assiette des cotisations sociales soient traduits en actes, demain, lorsque nous serons en responsabilité.

     Les services publics : je ne me plains pas du consensus entre nous sur les services publics, mais faisons en sorte - si l’on veut traiter la question du financement qui est une question essentielle et qui a conduit souvent, lorsque nous étions au pouvoir, à ouvrir le capital d’entreprises parce que l’Etat ne faisait pas son devoir d’actionnaire - de créer une société de financement des services publics, société publique, un pôle public de financement des services publics capables de lever de l’épargne et de l’investir ensuite dans les services publics.


 
Nous engageons aujourd’hui un grand débat qui doit faire la fierté des socialistes. Nous ne devons avoir peur de rien dès lors que nous savons maîtriser nos comportements, nos stratégies, nos ambitions. Nous ne devons avoir peur de rien parce que c’est l’honneur d’une formation politique comme la nôtre de confronter des points de vue, d’afficher des objectifs et essayer de rechercher la synthèse. Je demande simplement que, dans ce débat, nous concentrions nos observations, nos remarques sur les propositions faites et moins sur les positions supposées ou les intentions prêtées.

Je souhaite que dans notre parti nous soyons capables de débattre de façon utile pour les socialistes qui ont besoin de se reconnaître dans les orientations, mais de façon nécessaire pour les Français qui attendent de nous, qui exigent de nous - notamment dans cette période dure pour eux - que nous portions là l’espoir d’un changement.

La gauche aussi nous attend. Tous nos partenaires souhaitent savoir quelle ligne nous adopterons. Les Français aussi souhaitent savoir dans quelle orientation nous comptons travailler.

Il va y avoir un débat. Nous allons ensemble délibérer dans les sections, dans les fédérations. Il y aura deux règles simples qui s’imposeront : le respect du vote - car je n’en connais pas d’autre - et la clarté des engagements et des choix.

Les militants doivent donc savoir - et le plus tôt sera le mieux - la portée de leur vote, quelle orientation, quelle direction et c’est normal qu’il puisse y avoir alternative dans une organisation démocratique. Mais, ils doivent savoir aussi, au terme du vote et avant même que ne s’ouvre le congrès, quelle sera la ligne majoritaire choisie par les socialistes. Quelle que soit la ligne choisie par une majorité de socialistes au terme de notre congrès, ce sera la ligne de tout le parti.

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