Bilan des municipales |
Chers amis, chers camarades, Je suis heureux de vous retrouver nombreux dans ce Conseil national. Est-ce le choix du jour, un mardi, plutôt qu'un samedi matin, ou est-ce que c'est le thème de notre Conseil, le bilan des Municipales ? En tout cas, votre présence massive, nombreuse est un acte politique important. Il s'agit ici de faire une analyse lucide sur le bilan des municipales, des cantonales, un an avant une échéance majeure, celle de 2002. Nos résultats les dimanches 11 et 18 mars sont, à bien des égards, paradoxaux. Nous gagnons Paris et Lyon, là où la droite semblait inexpugnable. Ce sont des victoires historiques. Mais la Gauche plurielle perd en même temps une vingtaine de villes de plus de 30 000 habitants, là où nous espérions encore progresser par rapport à 1995, avec un bilan économique et social particulièrement flatteur D'où notre déception. Déception par rapport à l'espérance donnée un moment par les sondages, déception aussi par rapport au travail fait par les nombreuses équipes municipales sortantes qui n'ont pas retrouvé la confiance des électeurs. Cette situation inattendue s'explique, à la fois par des raisons locales mais aussi par des facteurs globaux qu'il convient d'appréhender en perspective de 2002. Les élections municipales sont des élections locales ; nous n'avons cessé de le dire. Les explications sont donc d'abord locales. Le scrutin de mars 2001 a été pour les Français l'occasion de faire un choix fondé sur l'enjeu du scrutin, c'est-à-dire l'élection d'une équipe et sur une offre qui lui était présentée. Les victoires, comme les défaites, trouvent donc pour une part leur origine dans le contexte particulier de chaque élection. 1/ - LES EXPLICATIONS LOCALESQuatre phénomènes ont pu jouer et parfois cumulativement. Premier phénomène : nos divisions. Elles ont eu une double origine au sein du Parti socialiste : Strasbourg, St Denis de la Réunion, Roanne, Plaisir, Longjumeau, Lisieux, rien que cela. À chaque fois, nous pouvons identifier la cause première de notre échec par des dissidences ou par des complications au moment de la désignation et ensuite dans la campagne. Divisions également au sein de la gauche plurielle : Epinay, Villepinte, Rouen essentiellement à cause des Verts, Hérouville St Clair, St Brieux, le MDC n'y est pas pour rien, Châteauroux avec la difficulté de faire une union au premier tour avec le PRG, et Orléans avec la mouvance communiste. Nous avons nous-mêmes quelquefois la responsabilité de ces divisions lorsqu'elles nous concernent directement ou quand nous n'avons pas été capables de comprendre qu'il fallait faire l'Union de la gauche plurielle dès le premier tour. Deuxième phénomène : les successions qui sont toujours difficiles à réaliser. On l'a encore mesuré à Chartres, à Quimper, à Saintes, à Vienne, à Macon. Troisième phénomène : l'usure après plusieurs mandats (et là, je ne citerai personne). Le quatrième phénomène est majeur sur le plan politique dont nous ne devons pas nous plaindre mais qui néanmoins permet de comprendre pourquoi nous avons gagné en 1989, en 1995 et que nous avons perdu cette fois-ci, il s'agit de la fin des triangulaires, quelquefois même il y avait eu des quadrangulaires dans certaines villes. Dès lors que le Front national a éclaté ne nous en plaignons pas les leaders de droite locaux ont su faire leur rassemblement jusqu'aux extrêmes, au moins au deuxième tour, sur le thème de la sécurité. Alors nous avons, dans le sud de la France et dans la région Rhône-Alpes, perdu un certain nombre de villes que nous avions gagnées, il y a maintenant 12 ans, voire 6 ans. Au-delà des explications locales, au-delà de ces phénomènes qui ont produit leurs effets et l'analyse de chaque ville permet de comprendre pourquoi nous avons gagné ici et perdu là il y a néanmoins une explication politique globale à donner. 2/ - LES FACTEURS GLOBAUXLe Gouvernement, par son action ou son image, n'a pas été au cur du débat électoral des 11 et 18 mars. Dès lors il n'y a pas eu sanction. Si cette hypothèse s'était vérifiée (la sanction), il y aurait eu comme en 1977, en défaveur de la droite, ou en 1983 au détriment de la gauche, un recul général. Nous aurions perdu partout, sans rien gagner nulle part. Nous aurions essuyé un double revers aux élections municipales comme aux élections cantonales. Tel ne fut pas le cas. Nous l'emportons dans des villes plus que symboliques et je n'en citerai aucune et fort peuplées, là je citerai Paris, Lyon et Dijon. Nous faisons basculer la gauche : 6 Conseils généraux. Il n'empêche, le résultat global met en lumière trois faits incontestables. D'abord la gauche est minoritaire dans notre pays, de peu sans doute, elle l'est néanmoins, mais elle l'a d'ailleurs toujours été depuis 1989. Elle n'était que très faiblement majoritaire en 1997. N'oublions pas que nous avons gagné avec quelques poignées de voix, même si les triangulaires ne sont pas responsables de notre victoire. Il n'empêche, la gauche aujourd'hui, c'est 47 % des voix. C'est un score considérable, un score élevé par rapport à d'autres élections municipales ou cantonales. La droite - sans doute avec le renfort d'un électorat d'extrême droite - fait autour de 49 % dans les villes de plus de 3 500 habitants. C'est une réalité que nous avons mesurée le 18 mars, en dépit de la déstructuration de la droite - au plan national - et de la vacuité de ses programmes locaux. Deuxième fait incontestable : sur les 340 villes de plus de 30 000 habitants, 38 ont été ravies à la gauche par la droite et la gauche elle-même n'en a gagné que 17, soit une perte nette de 21 villes. Sur les 37 villes de plus de 100.000 habitants, la gauche en gérait 20 et la droite 17. Aujourd'hui la situation est inversée, la gauche en a 17 et la droite 20. Il est vrai que Paris et Lyon, sont aujourd'hui de notre côté, et que cela change sans doute le fléau de la balance. Pour comprendre politiquement ce résultat-là aussi, il y a des causes politiques et des causes sociales si tant est qu'on puisse faire la distinction. Quatre mutations fondamentales sont intervenues au plan politique à l'occasion de ces élections municipales. D'abord le haut niveau de l'abstention pour une élection municipale supposée - avec les élections présidentielles - passionner le plus les Français. Là, il nous faut regarder la séquence, la chronologie de l'abstention depuis 15 ans. À chaque scrutin, l'abstention progresse ou plus exactement l'abstention progresse par rapport à des scrutins comparables. Il y a plus d'abstentions aux élections européennes de 1999 qu'il n'y en avait eu 5 ans plus tôt. Il y a plus d'abstentions aux élections législatives de 1997 par rapport aux élections législatives de 1993. Il y a plus d'abstentions aujourd'hui aux élections municipales, alors même qu'il n'y avait pas d'autres scrutins dans l'année, qu'il n'y avait eu d'abstentions en 1995 à ces mêmes élections municipales qui suivaient une élection présidentielle. Le phénomène de montée de l'abstention est un évènement majeur - peut-être la surprise principale du scrutin - qui explique un certain nombre de déconvenues que nous avons pu rencontrer, d'autant que l'abstention est plus forte à gauche qu'à droite. Selon les sondages 37 % des sympathisants de la gauche plurielle n'ont pas participé au scrutin municipal contre 28 % pour ceux de l'opposition. C'est le premier phénomène majeur sur le plan politique. La deuxième évolution est historique sans doute, c'est l'affaiblissement du Parti communiste ou plus exactement la révélation de cet affaiblissement. Nous avons pu le mesurer aux élections cantonales notamment, qui n'est que la suite d'un certain nombre de glissements depuis plusieurs années. Nous avons aussi vu la difficulté qui était maintenant pour le Parti communiste de représenter au niveau de la gauche plurielle la conduite d'un certain nombre d'équipes municipales ou bilans, même s'il a résisté dans bon nombre de villes (1/3 de la Gauche plurielle). La troisième évolution qui est apparue dans cette élection, c'est la fusion des électorats de droite et d'extrême droite sur le thème de l'insécurité. Là, il y a eu la rencontre, sur cette thématique de l'insécurité, lancée par le Président de la République dès la fin du mois de décembre de l'année dernière et prolongée par les questions d'actualité qui, avec le respect des rituels à l'Assemblée nationale, ont été organisées au plan local. Ce sont les mêmes campagnes qui ont été faites dans de nombreuses villes de France avec les mêmes arguments. Il y a là confusion de l'électorat de droite et de l'extrême droite sur ce thème-là qui, bien entendu, nous fait problème dans un grand nombre de villes. Bien sûr que le déclin de l'extrême droite à ces élections est une bonne nouvelle et bien sûr que l'éclatement du Front national est un fait politique qu'il faut enregistrer comme une victoire du combat mené depuis plusieurs années contre ces idées-là. Mais, il faut reconnaître notre propre responsabilité par rapport à trois villes de France qui restent gouvernées par l'extrême droite, deux par le MNR et une par le Front national. Là aussi, la gauche n'est pas exempte de tout reproche, quand il faut convaincre des camarades socialistes qu'il faut faire liste commune dans ces trois villes-là et qu'ils nous disent qu'ils sont les meilleurs pour l'emporter et qu'au bout du compte, c'est l'extrême droite qui gagne. Que penser là aussi de la capacité, de la lucidité d'un certain nombre de camarades ? Il n'empêche, même si l'éclatement du Front national est une bonne nouvelle pour la démocratie, la fusion de la droite et de l'extrême droite a donné à la droite la capacité de gagner nombre de villes que j'ai citées. Quatrième évolution politique : c'est le mauvais report de l'extrême gauche. Il y a toujours eu un vote d'extrême gauche depuis une vingtaine d'années dans notre pays. Le fait nouveau, ce n'est pas que l'électorat existe, souvenons-nous de l'élection présidentielle de 1995 avec Arlette Laguiller de l'élection européenne ? Cet électorat de gauche est aujourd'hui immobilisé, soit qu'il est sectarisé, sans qu'il se porte sur Lutte Ouvrière, soit qu'il ne se met pas systématiquement au deuxième tour pour faire la victoire de la gauche, ou le refus de la droite. Ce point-là mérite d'être traité en tant que tel. Si l'extrême gauche se mobilise sur un électorat qui empêche notre victoire, l'extrême gauche n'est plus l'extrême gauche et c'est un vote extrémiste qui fait le jeu de la droite, il faut le dire. 3/ - LES CAUSES SOCIALESIl y a sans doute l'exaspération
des couches populaires d'abord à l'égard de l'insécurité, thème dominant de la campagne de la droite dans un certain nombre de villes, notamment des villes qui jusqu'à présent n'étaient
pas touchées par les phénomènes de violences. Je pense à toutes les villes préfectures autour de Paris. Je pense aussi à ce qui s'est passé dans le Sud-Ouest, le Sud-Est ayant connu depuis longtemps cette manipulation et cette utilisation de l'extrême droite. Toutes les enquêtes révèlent que pour les élections municipales, l'insécurité a été la première préoccupation des électeurs. La deuxième cause sociale c'est l'apathie des jeunes. 53 % d'abstention chez les moins de 25 ans à l'occasion de cette élection municipale qui a priori pouvait paraître la plus proche de leurs préoccupations. Alors même qu'on avait soi-disant facilité leur inscription, il faudra sans doute évaluer cette Loi sur l'inscription des jeunes sur les listes électorales. Il y a eu beaucoup de déconvenues. Ces jeunes sont sans doute ceux pour lesquels nous avons fait beaucoup déjà, et je ne parle pas simplement des emplois-jeunes. Le fait qu'ils ne se soient pas sentis concerné par les élections locales est un problème qui doit être traité là aussi en tant que tel. Troisième cause sociale, la frustration des exclus de la croissance : ouvriers, employés, travailleurs, pauvres qui ne trouvent pas leur dû dans la prospérité retrouvée. C'est aussi le sentiment d'abandon de certaines villes ou de certains départements qui affrontent des déclins structurels. Ce sentiment a coûté cher notamment au Parti communiste, quand il était en situation de responsabilité. Il ressort de cette analyse, sans doute encore succincte, une triple exigence : D'abord la nécessité de repositiver les élections locales. La politique de la droite a pu trouver du crédit quand la gauche elle-même s'est confondue avec une gestion purement locale. Il ne faudrait pas que la décentralisation soit uniquement un sujet d'élus, un débat entre spécialistes où les programmes sont devenus indifférenciés. Il nous faudra, notamment aux prochaines élections cantonales et régionales, remobiliser l'enjeu même du scrutin. Deuxième exigence : l'efficacité de l'action collective par rapport aux priorités : qualité de la vie, sécurité, etc. La troisième exigence c'est la justice sociale parce que c'est le cur même de notre identité. Évitons néanmoins les faux débats entre nous. J'en vois deux :
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