Donnons du sens à la politique

  Intervention de François Hollande, premier secrétaire, lors du conseil national du 30 juin 2001

 

Ce conseil national constitue la première étape du processus d’élaboration de notre projet. Je voudrais féliciter tous les camarades et au premier rang d’entre eux, Martine Aubry, qui ont, par leurs propositions, contribué à la qualité de notre projet.

Nous aurons, ces prochains mois, plusieurs rendez-vous programmatiques : notre université d’été consacrée à la qualité de la vie, le conseil national d’octobre sur les questions européennes et internationales, le conseil national de novembre sur les questions économiques et sociales et puis bien sûr la convention du mois de janvier.

Sur deux grands sujets, la démocratie politique et la démocratie sociale, nous avons intégré des amendements et pour autant, il reste des sujets majeurs qui devront être tranchés par les militants eux-mêmes à l’occasion de la convention du mois de janvier.

Dès à présent, concernant la démocratie politique, des amendements ont été intégrés sur la clarification de la décentralisation, sur le bicamérisme et la place du Sénat, sur les droits du Parlement, sur les autorités indépendantes, sur les langues régionales, mais le débat reste ouvert sur deux : D’abord la nature du régime que nous voulons. Nous avons dit dans le texte, “ changer la Constitution, pas de constitution ”, Nous souhaitons garder la nature mixte du régime tout en améliorant son fonctionnement, tout en approfondissant la démocratie.

Il y a deux autres options, le régime présidentiel. Il a sa vertu, c’est-à-dire d’avoir la clarté dans l’exécutif, sans récuser pour autant la cohabitation. Je ne suis pas sûr que cela corresponde à nos traditions et à nos façons de faire de la politique. Et puis, il y a une deuxième thèse, qui a été avancée par la gauche socialiste, c'est le retour à un régime parlementaire. Plutôt que de chercher une improbable synthèse sur la nature du régime, nous avons préféré garder ce point en débat. Les militants se prononceront et sans doute aussi notre candidat. Je ne suis pas sûr qu’il soit nécessairement pour la disparition de l’élection au suffrage universel du président de la République.

Le deuxième point qui fait encore débat, c’est la place de l’Assemblée nationale, et le nombre des députés. S’ouvre alors la question du mode de scrutin. Là aussi, le vote des militants tranchera.

En revanche, ce qui est sûr, c’est que nous ne changerons nos institutions que par un référendum au lendemain de l’élection présidentielle, si nous voulons lever les obstacles que nous avons rencontrés dans cette législature, sur le cumul des mandats, sur la place du Sénat, sur les modes de scrutin, sur le droit de vote des étrangers aux élections locales.

Un impressionnant travail de concertation avec les organisations syndicales

Le deuxième débat, sur la démocratie sociale, a donné lieu, lui aussi, à de nombreux amendements qui ont d’ores et déjà été intégrés, comme l’extension des droits des délégués du personnel, avec une augmentation de leur nombre et l’élargissement de leurs attributions ou le financement public des organisations syndicales.

Il a été mené un impressionnant travail de concertation avec les organisations syndicales. Nous avons pu avoir sur la question de la démocratie sociale, sujet ô combien controversé, une clarification. Nous avons pu trouver un consensus sur cette démarche de démocratie sociale, ce qui donnera au gouvernement pour la phase qui va s’ouvrir avec les organisations syndicales, pour notre candidat à la présidentielle et pour les élections législatives, de la force à nos propositions. La droite, sur cette question, voudrait que plus aucune loi ne puisse être votée au plan social sans que des organisations syndicales - on ne sait lesquelles - avec le patronat - on sait lequel - n’aient au préalable dit ce qu’il convenait de faire. S’ils ne disent rien, il ne se fera rien. Ce n’est pas du tout le sens de ce que nous proposons.

Il s’agit pour nous d’ouvrir, par une conférence en début de législature, les champs des interventions des uns et des autres ; il s’agit de déterminer une méthode, l’accord majoritaire ; de donner aux organisations syndicales toute leur place, le financement public ; et de faire en sorte que nous puissions avoir une hiérarchie, des normes, et une représentativité des organisations syndicales. C’est pour notre parti et pour le mouvement social, je pense, un acquis considérable.

Il reste que sur ce champ de la démocratie sociale, nous avons là encore deux débats qui ne sont pas tranchés, le premier sur la santé.

Parce que la forme est liée au fond, il nous a semblé préférable de renvoyer au conseil national de la fin de l’année la question de l’organisation de la santé à travers le paritarisme ou au contraire à travers une gestion tripartite ou encore une gestion directe par l’État.

Le deuxième débat qui reste en suspens c’est la présence des salariés élus dans les conseils d’administration, autour du thème de la codécision ou cosurveillance. Chacun est d’accord pour cette présence, encore faut-il encore qu’on détermine quelles délibérations seront soumises aux voix de ces salariés élus.

La conjoncture est plus difficile que prévue

Mais notre exercice programmatique se tient dans une conjoncture économique et politique que je veux ici commenter. Il est vrai que le contexte économique est devenu plus incertain même si, n’oublions pas que ces 4 dernières années ont donné lieu à une suite de crises : asiatique, latino-américaine, et à des trous d’air, selon l’expression de Dominique Strauss-Kahn, qui néanmoins avaient pu affaiblir la croissance sans jamais provoquer un ralentissement sérieux ou durable. Restons donc prudents et ne surestimons pas ce qui se produit.

La conjoncture est sans doute plus difficile que prévue à court terme. Il y a un ralentissement modeste de la croissance moins fort qu’ailleurs, moins fort qu’aux Etats-Unis, qu’en Allemagne, qu’en Grande-Bretagne, mais dont nous devons prendre la dimension.

Il y a, pour un mois, une stagnation du chômage et là aussi évitons les réactions imprudentes. Nous avons déjà eu, pendant ces 4 années, des remontées légères du chômage. La tendance est restée à la baisse et il serait bien imprudent pour la droite de faire des comparaisons en termes de croissance, en termes de créations d’emplois, en termes de diminution du chômage.

La conjoncture va rester aléatoire, à moyen terme. C’est en ce sens qu’il faut avoir des préconisations de politique économique. D’abord, il faut que les réactions budgétaires au plan européen n’amplifient pas les variations conjoncturelles. Il faut, ensuite, que les entreprises se gardent d’utiliser la variable de l’emploi comme ajustement. C’est en ce sens que nous revendiquons l’adoption de la loi de modernisation sociale. Il faut enfin que nous veillons à ce que les innovations technologiques demeurent vivaces dans notre pays.

Les réponses gouvernementales doivent encourager un soutien de la demande parce que c’est la meilleure façon de lutter contre ces variations conjoncturelles. Cela vaut pour les salaires directs comme pour les baisses d’impôts.

Ensuite, c’est d’avoir une gestion fine des finances publiques pour contrecarrer ces mouvements de conjoncture. C’est d’avoir l’espoir de baisse des taux d’intérêt. Enfin, il faut une coordination des politiques économiques. C’est ce dont nous devrons nous emparer au plan européen.

Les réponses programmatiques sont encore plus nécessaires de notre part. D’abord, il faut rappeler que la lutte contre le chômage reste notre première priorité. Si on se souvient bien, même de nos débats, il y a quelques mois, certains avaient pu douter de la nécessité de maintenir le cap en matière de lutte contre le chômage. Il faudra, pour cela, une action volontariste pour la jeunesse et mettre en place des mécanismes de formation professionnelle, de deuxième chance.

La dépolitisation dont Chirac est l’auteur et le produit

Le RPR a adopté aujourd’hui une prudence programmatique.

Jacques Chirac est le champion incontesté sur ce point. Reconnaissons ses mérites : des vœux pieux depuis plusieurs mois et il est d’accord avec qui lui parle ! Il promet des réformes souvent payées à crédit mais en termes de facturations, je ne serai pas exigeant…

Le RPR prône la société de confiance. Cette prudence programmatique cache mal le conservatisme des positions.

Quand on regarde le texte adopté aujourd’hui après relecture à l’Elysée, c’est la privatisation d’EDF et GDF, C’est la diminution du nombre de fonctionnaires, c’est la remise en cause des 35 heures et c’est la diminution des emplois-jeunes.

À un moment où il peut y avoir doute sur la croissance, la conjoncture et l’emploi, revendiquons, nous, les 35 heures, les emplois- jeunes et le niveau des effectifs dans la fonction publique ! Les Français entendent davantage cette expression des urgences, plutôt que le libéralisme forcené.

Au-delà, je voudrais insister, pour terminer, sur la menace qui me paraît la plus grande aujourd’hui : la dépolitisation dont Jacques Chirac est l’auteur et le produit. Elle s’organise autour de quelques principes 
     La perte de visibilité des enjeux
    Le danger c’est que l’indifférenciation des programmes produise l’indifférence des électeurs.

     La pseudo impuissance du politique face à la complexité des choses
    Il n’est pas vrai que, parce qu’il y a une mondialisation, il est plus difficile d’intervenir. Méfions-nous d’un certain discours, qui n’est pas seulement un discours de droite ou un discours technocratique, mais aussi un discours d’extrême gauche sur le fait qu’il y aurait plus d’autres enjeux que la mondialisation.

     La participation
    Que les jeunes, les catégories populaires, les plus exclus de la société ne votent pas, n’est pas un problème pour la droite. C’est peut-être même là qu’elle peut faire son miel ! Les réponses sont programmatiques, elles se retrouvent dans le projet :
    C’est d’avoir des clivages pertinents entre la gauche et la droite sur le social comme sur le sociétal.
    La troisième réponse, c’est de faire participer le citoyen.
    Enfin, c’est de fixer des valeurs de long terme.

Gouvernons jusqu’au dernier souffle de légitimité

Alors chers camarades, notre première responsabilité, c’est de continuer à réformer, et nous le faisons. Gouvernons jusqu’au dernier souffle de légitimité.

Deuxième responsabilité : préparons notre projet avec ce souci d’ouverture à tous et de participation des militants.

Troisième responsabilité : défendons notre bilan.

Il faudra enfin désigner nos candidats pour les législatives. Nous poursuivrons vers l’objectif de parité et cet objectif n’est pas contradictoire avec l’objectif de rajeunissement et de renouvellement des générations dans notre parti.

Enfin, il faudra organiser nos alliances, Alain Claeys l’a dit ce matin. Nous avons un calendrier, il doit être tenu. Les alliances, ce n’est pas pour leur faire plaisir, c’est pour l’intérêt collectif de la gauche et donc du pays.

Oui, tout est ouvert. Nous ne risquons rien dans la comparaison du bilan contre bilan avec la droite. Travaillons à faire le meilleur projet possible et, là aussi, je pense que nous n’aurons rien à redouter d’un débat, projet contre projet. Quant au candidat, à bien des égards, je pense que nous n’avons rien à craindre !


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