Pour un grand | |
Contribution générale présentée par François Hollande au congrès national de Dijon du Parti socialiste. 18 janvier 2003 |
Chères et Chers camarades, Je veux faire de notre Congrès de Dijon l’acte premier du renouveau de la Gauche. Le PS doit en sortir plus fort et plus uni. C’est possible si nous le décidons ensemble. L’échec de 2002 a jeté une lumière crue sur la gravité de la crise politique, la distance des catégories populaires à notre endroit, la perte des repères dans une société profondément bousculée par la mondialisation et la montée des peurs. La Droite, depuis qu’elle dispose de tous les pouvoirs, mène une politique qui aggrave tous les facteurs d’insécurité (sociale, économique, écologique et même personnelle). Elle utilise cyniquement cette thématique pour justifier une libéralisation accrue de notre société dans une complicité jubilatoire avec le MEDEF tout en affichant une compassion navrée à l’égard des victimes de ses choix. Dans ce contexte, notre Congrès doit être différent de tous ceux qui l’ont précédé, à la mesure du choc que nous avons subi. Innovant dans sa préparation, c’est la raison pour laquelle j’ai souhaité qu’il soit précédé d’un grand débat militant. Vous vous y êtes engagés pleinement. Cette prise de parole doit désormais être prolongée et traduite en actes politiques. Lisible dans ses enjeux, en identifiant précisément les points en discussion pour permettre aux adhérents d’arbitrer entre les différentes options et de déterminer ainsi la ligne de notre Parti. Elle nous engagera tous. Fondateur pour notre organisation : tout ce que nous déciderons, ensemble, sur notre fonctionnement au PS, nos règles de représentation et nos pratiques, sera immédiatement applicable et inscrit dans nos statuts. La contribution que je présente adopte elle-aussi une formule nouvelle : Je la signe seul pour mieux affirmer que les idées doivent prévaloir sur les questions de personnes ou les synthèses préfabriquées, Je la limite aux sujets qui me paraissent décisifs pour notre avenir, répondant ainsi aux vœux que vous avez exprimés de disposer de textes sur lesquels vous pouvez vous-mêmes intervenir dans la perspective de la future motion.
Le sens de notre Congrès est d’abord de redonner espoir dans nos idées, dans notre parti, et plus largement dans la politique. Il doit donc répondre, à mes yeux, à trois objectifs : clarifier notre rapport à la mondialisation, notre modèle européen, notre projet de société, notre stratégie de reconquête, renouveler nos idées, nos modes de fonctionnement, nos responsables, bref notre Parti, rassembler les socialistes, la gauche, les progressistes, à l’échelle de l’Europe et du monde comme, le moment venu, une majorité de Français.
Comme Premier secrétaire, ne détenant ma légitimité que de vous, je veux vous associer directement à cette démarche. Les socialistes doivent dire franchement ce qu’ils sont, ce qu’ils pensent, ce qu’ils veulent. C’est le sens de cette contribution : |
I/ Comprendre pour agir | |
1- En finir avec le 21 avrilRien n’est possible, sans retour sur notre défaite. Nous savons combien les divisions de la gauche ont pesé lourd dans un contexte où nul n’imaginait sérieusement un deuxième tour sans Lionel Jospin. Nous n’ignorons rien de l’accumulation des facteurs conjoncturels (erreurs de campagne, faits divers tragiques, harcèlement autour de l’insécurité…) Ces causes-là sont connues. Mais nous ne pouvons en rester là : après cinq ans d’action gouvernementale, saluée comme volontariste dans les objectifs et efficace dans les moyens utilisés, notamment sur les fronts du chômage et de la lutte contre les inégalités, disposant avec Lionel Jospin d’un candidat respecté pour ses qualités d’homme d’Etat et pour son intégrité, nous avons néanmoins connu l’échec. Ainsi, comme en 1986 et 1993, dans des circonstances certes différentes, la Gauche n’a pas été capable de s’installer durablement, c’est-à-dire au-delà d’une législature, aux commandes de notre pays. C’est cette fatalité-là qu’il faut vaincre. Plus gravement encore, alors que nous prétendions réhabiliter la politique en redonnant force à la parole donnée et en étant exemplaire dans les pratiques liées à l’exercice du pouvoir, nous n’avons pas pu endiguer la montée du populisme et de l’indifférence civique. C’est cette crise-là qu’il faut guérir. A la condition de faire le bon diagnostic. Ce n’est pas la supposée hégémonie du PS qui a fait problème le 21 avril mais d’abord sa faiblesse. Dépourvu d’une assise électorale large, privé pour des raisons historiques de liens structurels avec les grandes organisations syndicales, insuffisamment représentatif de la diversité de notre pays, notre Parti connaît une fragilité qui le met en péril chaque fois que l’enjeu se dilue et que la Gauche se divise. Tirons-en une première leçon : le temps est venu de construire un grand Parti socialiste, ce qui suppose de le doter d’une doctrine claire et d’en faire le reflet de toute la société. Ce n’est pas pour avoir été insuffisamment à gauche que nous avons perdu. C’est pour ne pas avoir assez été à l’écoute des Français. Mobilisés dans une lutte convaincante contre le chômage (35 heures, emplois jeunes, …), soucieux de soutenir la croissance et fiers d’y parvenir, absorbés par la gestion de l’urgence avec des succès incontestables (CMU, APA, PACS, parité, …), nous avons manqué de vigilance face à la précarité du travail, au niveau des salaires, à la dureté de la vie des plus modestes. Nous n’avons pas pris toute la mesure de l’insécurité, comme de l’exaspération populaire devant l’irrespect de la règle commune. Nous n’avons pas su réécrire, au milieu de la législature, un contrat politique avec les français fixant de nouvelles priorités. Sur le plan de la méthode, nous avons, au nom d’une démarche essentiellement législative, laissé trop peu de place au dialogue avec les acteurs sociaux (syndicats, associations, …), partenaires indispensables du changement. C’est le message que nous devons retenir : rien n’est durable pour la Gauche au pouvoir sans une redéfinition régulière de ses objectifs, sans des relais multiples, sans une délibération vivante au sein du Parti et sans une véritable démocratie sociale. La condition du succès, c’est la démocratie participative, l’implication concrète des citoyens dans la mise en œuvre des décisions qui les concernent. Ce n’est pas principalement notre bilan qui a été jugé, c’est l’absence de visibilité d’un véritable projet. Répondre aux problèmes immédiats, ne suffit plus dans une société où les repères s’effacent, l’individualisme s’installe, le travail se fragmente et le repli corporatiste, voire communautariste, s’accentue. Il nous faut combattre un double sentiment : le sentiment d’impuissance du politique face aux enjeux majeurs et le sentiment d’abandon devant les difficultés quotidiennes. L’abstention en est la conséquence directe. La dépolitisation n’affaiblit pas seulement la République. Elle frappe d’abord la Gauche. Elle est donc entretenue, comme à dessein, par la Droite ravie de l’aubaine lorsque plus du tiers du corps électoral, notamment les jeunes et les plus modestes, semble avoir renoncé à l’arme du vote. Voilà pourquoi les socialistes ne peuvent jamais réduire leurs arguments à la seule défense d’une politique, fut-elle aussi honorable et authentiquement à gauche que celle du gouvernement de Lionel Jospin ; ils ont l’obligation de présenter, face au libéralisme qui se définit comme une fatalité, une vision d’ensemble et de long terme. 2- Prendre un nouveau départEn ce moment si important pour notre avenir, nous devons conjuguer fidélité et invention. Cela vaut pour nos valeurs comme pour notre identité. Nous sommes d’abord des socialistes, tout simplement des socialistes. Nul besoin de changer le mot ou de l’affubler d’un autre. D’aller chercher ailleurs une voie nouvelle ou ici une radicalité ancienne. Car le socialisme garde, en ce siècle qui s’ouvre, toute sa modernité. Le capitalisme a changé de forme : il s’est étendu à la surface du globe, il s’est " libéré " des frontières nationales, il s’est financiarisé, accélérant la succession des crises, il s’est démultiplié, aspirant à marchandiser toutes les activités humaines. Il n’a pas changé de nature. Et le rapport que nous entretenons avec lui, non plus. Nous voulons le dominer par la démocratie. Le Pouvoir des citoyens doit être plus fort que celui des actionnaires. La régulation, la redistribution, les services publics en constituent les instruments privilégiés. Face à la prétention de l’argent à s’affranchir de toute contrainte et d’échapper aux règles nationales, notre ambition n’a pas perdu de sa légitimité, même si elle doit renouveler ses modes d’intervention. Nous devons inventer de nouvelles réponses Plus globales : c’est à l’échelle de l’Europe et du Monde qu’il faut désormais agir pour construire des alternatives au libéralisme. Plus concrètes : en appréhendant, avec nos valeurs, tous les sujets qui concernent l’existence des citoyens (la famille, les temps de la vie, la bioéthique, les discriminations, les handicaps, la violence …), en faisant en sorte que nos principes puissent être compris par les milieux populaires et non ressentis comme extérieurs à leurs conditions réelles de vie. Plus durables : en anticipant sur les risques à venir (la pénurie des ressources naturelles, les maladies, les manipulations génétiques, …), en inscrivant nos choix dans le long terme (formation, recherche, énergie, …), en donnant priorité au bien-être des générations futures, en intégrant l’écologie dans toutes les discussions publiques, bref en brisant la myopie des marchés. Nous voulons réformer pour transformer. C’est cette méthode qui, en France comme dans toutes les grandes social-démocraties, a fait avancer nos sociétés. Elle s’accompagne du respect de la parole donnée : promettre ce que l’on peut tenir, c’est l’un des messages que je retiens de Lionel Jospin. Elle a été régulièrement contestée par les mouvements qu’on n’appelait pas encore pôles de radicalité mais qui mettaient déjà en cause l’idée même du pouvoir conçue comme une compromission, un abandon, une trahison. Nous devons être sans complexe, sans mauvaise conscience par rapport à ceux qui préfèrent nous combattre plutôt que de battre la Droite à l’occasion des élections. Leur intention n’est pas de faire pression sur nous, c’est de faire sans nous et, le plus souvent, contre nous. Mais il est vrai que la voie que nous empruntons est difficile. La Gauche suscite chaque fois qu’elle est aux responsabilités plus d’attentes que la Droite dans la même situation et ne bénéficie de ce fait d’aucune indulgence. C’est sans doute notre honneur, mais c’est aussi notre risque principal. Raison de plus pour mieux saisir les attentes des Français et réinventer notre relation avec eux. Et s’il s’avère que l’audace réformatrice s’épuise, ce n’est ni le pouvoir ni la durée de son exercice qui en sont la cause mais l’oubli des objectifs eux-mêmes. C’est pourquoi je retiens cette formidable leçon de notre ami Göran Person, le Premier Ministre suédois qui, pour expliquer la présence pendant plus de soixante ans de son Parti au gouvernement de son pays, a fourni la recette : " se comporter au pouvoir comme si nous étions encore dans l’opposition et agir dans l’opposition pour revenir le plus rapidement possible au pouvoir ". |
III/ Fonder notre projet | |
Notre Congrès n'a pas à élaborer un programme. Nous n'en sommes pas là. Il doit tracer une perspective, une vision, un projet, tout en répondant aux sujets que l'actualité impose. C'est cette démarche qui nous permettra d'être identifiés par nos concitoyens, de susciter des engagements, de présenter une alternative à la Droite. Bref, d'organiser et d'assurer la reconquête. C'est au Congrès de fixer la ligne. Une fois adoptée par le vote des militants, elle vaudra pour l'ensemble de notre Parti. Il y va de notre cohérence et de notre crédibilité. Nul ne pourra s'en extraire au gré de ses choix personnels ou de ses ambitions. Chacun peut présenter librement, dans ce débat qui s'ouvre, ses propositions. Mais la démocratie, c'est d'abord le respect du vote. Il peut y avoir des minorités, il ne doit y avoir qu'une seule position des socialistes. C'est cette force d'expression qui nous permettra d'être entendus et de convaincre. J'en fais la condition première de notre réussite. Et je n'admettrai pas que, dans un Parti de libre discussion comme le nôtre, cette règle puisse être écornée ou transgressée. Du débat militant qui s'est ouvert depuis plusieurs mois, je retiens trois principes qui fondent notre identité : l'Egalité, la Citoyenneté et la Solidarité. C'est par rapport à ces valeurs, qu'il convient d'élaborer nos réponses dans la France d'aujourd'hui, ce qui suppose, au-delà des questions économiques et sociales qui restent fondamentales, d'élargir le champ des réformes à toutes les sphères de la vie et de lutter contre la production et la reproduction des inégalités. " Contre la société de marché ", nous devons dire celle que nous entendons promouvoir : la solidarité citoyenne. 1- La société de l'Éducation
L’Education, c’est la priorité première. Elle permet de relever les grands défis : la transmission du savoir, l’égalité, la citoyenneté, l’accès à l’emploi, la mobilité sociale mais aussi le civisme et l’intégration. Le Projet socialiste, c’est d’abord un projet éducatif qui vaut pour tous les âges de la vie et qui dépasse les lieux mêmes de l’école. Nous devons, à la différence de la Droite, y consacrer les moyens indispensables, mais aussi proposer un plan d’action pour mobiliser ces ressources au service de deux grands engagements : a) L'accès égal pour tous à la connaissance Il exige d’abord une lutte contre l’échec scolaire, par un encadrement renforcé, un suivi personnalisé des élèves et une adaptation des rythmes, en primaire comme au collège. Mais les inégalités dans les parcours trouvent aussi leur origine dans des facteurs extérieurs, à l’école, sur lesquels il faut agir : le logement, les transports, la précarité de nombreuses situations familiales. Une politique de la réussite commence par le développement des modes de garde collective pour les tout-petits, se poursuit par la pré-scolarisation dès deux ans et la généralisation des activités extra-scolaires, mais aussi l’élargissement des bourses et la gratuité des outils pédagogiques : les livres comme l’informatique. Le droit à une éducation égale durant tout le temps de la scolarité obligatoire appelle également une diversification des enseignements au sein du même collège et sans sélection précoce. Il accorde une place plus grande au civisme, à la technologie, aux arts, bref à tout ce qui fait le citoyen. Il réclame une véritable mixité sociale dans tous les établissements et une attribution des moyens mieux adaptés aux besoins réels. L’accès aux diplômes demeure la condition de la réussite professionnelle et donc de l’accès à l’emploi et à de meilleurs revenus. Le doublement du nombre d’étudiants entre 1985 et 1995 a été un indéniable progrès. Mais les disparités entre catégories sociales demeurent insupportables. Les enfants d’ouvriers ont trois fois moins de chances que ceux des cadres de devenir étudiants. Et ce sont les premiers à être victimes de la sélection par l’abandon ; quant à l’accès aux grandes écoles, il leur est même davantage fermé que par le passé. C’est pourquoi la proposition d’un contrat d’autonomie pour tout jeune en formation est une nécessité si l’on veut véritablement lever les verrous sociaux et le gâchis humain que l’enseignement supérieur peut ainsi générer. b) Le droit à l'éducation sur toute la vie Comment admettre pour un socialiste que tout soit joué dès les premières années de la vie ? Ce doit être l’utopie concrète des socialistes pour les années qui viennent : offrir à chacune et chacun la possibilité de reprendre ses études pour obtenir des diplômes de même valeur et d’évoluer professionnellement pour disposer d’une formation débouchant sur une meilleure qualification. C’est un nouveau droit social qu’il faut fonder : accessible à tous, quel que soit son statut professionnel, d’autant plus large que la formation initiale est brève, financée par l’ensemble des acteurs publics et sociaux et assuré par les établissements éducatifs eux-mêmes. Il va de pair avec la validation des acquis professionnels pour renforcer la promotion sociale. Ce grand souffle donné à la formation sur toute la vie est un enjeu économique, social, culturel. Il peut donner à notre pays un atout considérable dans la compétition entre pays développés. Il offre un nouvel espace à l’Education populaire pour que le temps libéré se transforme en temps d’échange, de partage et de citoyenneté. Et comment ne pas intégrer le service public audiovisuel dans cette redéfinition des missions ? Tout se tient. Je propose donc que, au lendemain de notre Congrès, nous menions, avec tous les partenaires de l’action éducative, un grand chantier de réflexion pour bâtir ce plan global pour la Société de l’Education. 2- La société de la solidaritéC’est le sens même du combat de la Gauche. Sa raison d’être et le cœur de sa démarche. Chaque progrès crée une nouvelle exigence. Nous avons accompli, ces dernières années, de grandes réformes. Ayons aussi la lucidité de reconnaître l’inertie des inégalités et les limites des mécanismes de redistribution. Elle justifie une nouvelle mobilisation de la Gauche pour rendre plus effective, plus concrète, plus personnelle la politique de solidarité. a) Valoriser le travail C’est la priorité donnée au plein emploi et surtout au bon emploi. Nous en sommes loin. C’est pourquoi les socialistes doivent prioritairement se préoccuper de la production de richesses, de la croissance, de la recherche, du développement des entreprises et de l’initiative. Mais, face aux progrès de la productivité, nous savons qu’il faut une politique volontariste de création d’emplois (telle que nous l’avons menée avec les 35 heures, les emplois jeunes, …) et ce n’est pas au moment où la droite la sacrifie qu’il faudrait y renoncer. Toutefois nous vivons un changement dans les modes de production et les rapports au travail qui conduisent à des flexibilités accrues, des mobilités contraintes, des temps partiels subis, des rythmes divers et des statuts multiples. Nous savons que la baisse du chômage ne correspond pas toujours à une amélioration de la qualité de l’emploi. C’est pourquoi je propose que les cotisations sociales soient modulables en fonction de la durée des contrats de travail afin d’encourager la stabilité et pénaliser la précarité imposée par le patronat. Le même dispositif doit être prévu pour atteindre l’égalité professionnelle entre hommes et femmes. Mais l’emploi est devenu, sous les effets de la mondialisation libérale, plus instable, plus vulnérable, plus inégalitaire. Nous devons, sans cultiver l’illusion de l’interdiction totale des licenciements, mettre un coup d’arrêt à cette dégradation de la condition salariale qui a été pour beaucoup dans l’éloignement des catégories populaires par rapport à la Gauche. Des engagements pour l’avenir doivent être formulés, en liaison avec les organisations syndicales et notamment celle d’une " sécurité sociale du travail " permettant aux salariés d’alterner les périodes de travail et de formation afin de disposer, quelles que soient les mobilités professionnelles, du même socle de droits, permettant ainsi de véritables carrières ouvrières. Enfin, reste la question majeure du pouvoir d’achat, notamment des bas salaires et du partage de la valeur ajoutée dans l’entreprise. Elle est aujourd’hui déformée en faveur du capital, en raison du mode de calcul des cotisations sociales. Or, il n’y a plus de raison de faire dépendre l’ensemble du financement social du seul salaire. Une part doit provenir d’un prélèvement sur l’ensemble de la richesse produite. Cette réforme, forcément étalée dans le temps, aura pour effet majeur de favoriser l’augmentation des salaires directs dans le cadre de la négociation salariale. b) Garantir l'avenir de la protection sociale Le bilan de la Gauche en ce domaine est impressionnant, récemment encore avec la CMU et l’APA. Et pourtant, le système est devenu opaque, compliqué, et parfois injuste. Les bénéficiaires ne sont pas toujours conscients de ses mérites et ceux qui en sont exclus en conçoivent une légitime frustration. L’écart entre les minima sociaux et les bas salaires aggrave les tensions et les effets de seuil pour l’attribution des prestations sont de plus en plus mal ressentis. La Droite en tire argument pour libéraliser, individualiser, décentraliser et renvoyer vers l’épargne ce qui relève de la prévoyance collective. Les évolutions démographiques et techniques obligent par ailleurs à des mutations profondes. Je propose que les socialistes prennent là aussi l’initiative du mouvement et de la réforme. |
IV/ Construire | |
1- Un grand Parti socialisteC’est le passage obligé pour ne plus jamais revoir un 21 avril, c’est l’étape indispensable pour le redressement de la gauche. Notre force n’est pas une prétention partisane, c’est la condition du succès collectif. Le Parti socialiste, s’il a su s’imposer comme premier parti de la gauche française, n’a pas été capable de se situer, en termes d’effectifs militants et de résultats électoraux, au niveau de ses homologues européens. Le nombre de nos adhérents, même s’il a grossi depuis le printemps dernier, plafonne autour de 125 000. Et nous n’avons jamais dépassé, sauf rares exceptions depuis 1981, 25 à 27 % du corps électoral. Aujourd’hui, c’est un parti capable de dépasser 30 % des suffrages avec le double d’effectifs militants qu’il faut bâtir. Mais fixer un tel objectif suppose des changements de nos pratiques et nos organisations et donc un effort collectif considérable. La nature du militantisme, l’évolution des aspirations des citoyens, le rôle des technologies de l’information exigent une transformation de notre parti. Sa réforme fait partie de la rénovation de la démocratie. Faire un parti de militants, assurer une représentation fidèle de la société, et en faire un mouvement populaire, être exemplaire en matière de démocratie participative, diversifier l’origine sociale et géographique de nos responsables, promouvoir une culture civique et solidaire, telles sont aujourd’hui nos obligations si l’on veut retrouver la confiance de nos électeurs et disposer d’une crédibilité auprès de celles et ceux qui ont vocation à nous rejoindre. C’est pourquoi, je propose que notre Congrès de Dijon soit un Congrès fondateur, ce que nous déciderons ensemble sera immédiatement applicable. a) Un Parti plus ouvert Nous connaissons notre force : un réseau d’élus présents sur tout le territoire, des militants disponibles, des sympathisants nombreux au moment des élections. Nous mesurons nos faiblesses : numériques d’abord mais aussi le vieillissement et une sur-représentation des classes moyennes, la présence bien insuffisante des jeunes comme des catégories populaires. Voilà pourquoi, il faut :
rendre possible l’adhésion directe, multiplier les structures associées à notre Parti, par thèmes ou par activités, développer le Parti avec la création d’un secrétariat national chargé particulièrement d’organiser régulièrement des campagnes d’adhésion, mettre en place un contrat de développement avec chaque fédération, dans le cadre d’une " décentralisation " de notre Parti, agir spécifiquement sur les quartiers populaires. L’enjeu de l’élargissement de notre base militante est essentiel : être plus nombreux permet une meilleure perception des réalités, une capacité d’échange et de dialogue avec la société et un renouvellement des responsables.
b) Un Parti plus représentatif de la société Il faut aller jusqu’au bout de l’objectif de parité dans tous les lieux de décision du parti, réduire le cumul des mandats et des fonctions, et assurer la rotation régulière des responsabilités en renouvelant à chaque Congrès au moins un tiers des membres de chacune des instances du parti (Conseils Fédéraux, Conseil National, Bureau National). C’est sur la constitution de nos listes pour les prochaines élections régionales et européennes qu’il faut être le plus volontaire. Je prends l’engagement d’y faire figurer toute la diversité de notre parti et de notre pays, avec la présence de toutes les catégories sociales, et de toutes les couleurs qui forment notre nation et de notre Parti. Il y faudra plus que de la proclamation de Congrès mais une détermination sans faille. C’est notre devoir et c’est aussi notre chance.
c) Un Parti plus démocratique encore Certes, depuis 1995, nous élisons au suffrage universel direct tous les responsables du Parti. Mais il faut aller plus loin dans l’implication des militants dans nos décisions collectives. Je propose :
Une conférence militante annuelle pour trancher, avec les adhérents, l’orientation du Parti, en dehors de tout enjeu de pouvoir. Ce sera la meilleure façon de poursuivre l’exercice de parole militante que nous avons engagé, La consultation directe des adhérents sur de grandes questions d’actualité à la suite d’un débat, préparée en Conseil Fédéral puis en Conseil national, Le renouvellement et la rénovation du Conseil national pour assurer une meilleure représentation des militants et en faire le véritable Parlement du Parti, avec un ordre du jour débattu au préalable par les Conseils Fédéraux et un vote sur des résolutions engageant l’ensemble du Parti, L’institutionnalisation du rassemblement annuel des secrétaires de section devant lequel la Direction nationale viendrait rendre compte de son activité. d) Un Parti du mouvement Le lien avec les acteurs sociaux s’est distendu, sans doute du fait d’une responsabilité collective. Affirmation jugée sentencieuse de la primauté du politique de notre côté, revendication farouche de l’autonomie des acteurs sociaux, de l’autre. Cette étanchéité est dangereuse pour la démocratie, le respect n’est pas l’indifférence, l’indépendance n’est pas l’isolement. Syndicats, partis politiques, associations interviennent dans des champs différents mais portent des valeurs communes. Sans doute, convient-il de rappeler et de faire appliquer une règle de nos statuts qui prévoit que tout adhérent du parti Socialiste doit être également membre d’un syndicat ou d’une association. Mais il faut multiplier les instances du dialogue, avec les acteurs sociaux. Confronter les points de vue. Rechercher les convergences de proposition. Mais le mouvement, c’est aussi celui que l’on peut créer en portant de grandes causes, en agissant là où la solidarité ne s’exerce plus, en occupant l’espace public partout où il a été abandonné, en rendant des services, en s’adressant au parti le plus puissant, celui des abstentionnistes. e) Un Parti de la citoyenneté et de la solidarité La citoyenneté par :
le rappel des droits et des devoirs qui s’attachent à la vie en République et qui permet d’échapper au clientélisme et au corporatisme, le développement de la démocratie participative partout où nous sommes en situation de responsabilité afin de démontrer concrètement le renouvellement de l’action politique, l’adoption d’une Charte éthique pour s’assurer du caractère exemplaire de nos responsables et de nos élus. La solidarité par :
la définition de projets d’action collective pour des causes humanitaires nationales et institutionnelles, la multiplication des actions de coopération de nos sections et de nos fédérations avec les pays du Sud. 2- Rassembler la gauche et ouvrir la voie à son unitéUn grand Parti socialiste, renouvelé dans ses pratiques, ses formes et ses responsables, ouvert au dialogue et avec les acteurs sociaux, soucieux de couvrir l’ensemble du champ politique, sans concéder quelque thème que ce soit à d’autres, représentatif de toute la société, est la condition première. C’est lui qui donnera la dynamique, le mouvement, le sens. Mais le Parti Socialiste ne peut réussir seul. Il doit s’inscrire dans une démarche d’alliances fondée sur un contrat de gouvernement. De ce point de vue, notre Congrès intéresse toute la gauche. J’ai cru comprendre que le Parti Radical de Gauche souhaitait engager avec nous une discussion sur un possible regroupement. Nous y sommes prêts. Avec les Verts et les Communistes, c’est la formule de l’accord sur un projet qu’il faut privilégier. C’est la seule qui respecte chacune des composantes, c’est la seule qui justifie à l’avenir des accords électoraux. La construction d’un rassemblement de la Gauche, souhaitée par l’électorat, est à ce prix. Elle ne doit pas être conçue comme une simple machinerie électorale mais comme un mouvement militant, vivant, utile, susceptible de peser, dans la majorité ou dans l’opposition, sur le destin collectif en France mais aussi dans le monde. Pour y parvenir, la méthode doit également changer. Je propose que le premier acte de notre Congrès soit de lancer des " forums décentralisés de la Gauche " où, dans les grandes villes, les départements, les régions, les responsables, les militants mais aussi les citoyens voulant préparer ensemble l’alternance, confrontent leurs idées et débattent des convergences nécessaires. Cette initiative permettra de préparer au mieux les élections régionales de 2004 et favorisera, surtout, l’élaboration du Projet commun que la Gauche devra présenter pour les échéances majeures de 2007. Elle justifiera des candidatures communes à l’occasion des différents scrutins. Elle engagera un processus irréversible. Car nous devons nourrir la perspective de l’unité de la gauche au-delà des formes qui sont les siennes aujourd’hui. |
Conclusion | |
Notre tâche est considérable. Notre responsabilité aussi. Nous avons à surmonter non pas une simple défaite électorale mais une crise de la représentation. Nous avons à combattre non pas un simple gouvernement de droite mais un système libéral à l’échelle du monde. Nous avons à proposer non pas un simple programme mais un véritable projet dont l’accomplissement dépendra, pour partie, du devenir de l’Europe. Pour y parvenir, nous devons à la fois rester nous-mêmes et changer profondément. Nous portons une tradition, le socialisme démocratique, dont le combat s’est identifié à la République pour la prolonger jusqu’au bout. Il a produit de grandes avancées pour le pays et gardé toute sa vigueur : il s’agit toujours d’accélérer la marche vers la pleine Citoyenneté. Mais la mondialisation modifie les formes et la nature de notre intervention. La démarche de transformation doit toucher à tous les domaines de la vie, agir aux racines mêmes des inégalités et se situer aux dimensions géographiques pertinentes. C’est ce que j’appelle le réformisme de gauche. Pour ouvrir ce nouveau cycle politique, il faut changer : nos structures, notre vie interne, nos relations avec les français. Mais changer aussi nos objectifs, faire un grand Parti Socialiste et ouvrir la voie vers l’unité de la Gauche. C’est maintenant notre devoir. C’est aussi l’espoir de toutes celles et de tous ceux qui, après la douleur de l’échec, sont prêts à aller de l’avant et à inventer l’avenir avec nous. Ils nous veulent unis, imaginatifs, combatifs. Ils attendent de nous un signe fort. Ce doit être le message de notre Congrès de Dijon. |
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