Pourquoi il faut dire oui à la Constitution européenne

François Hollande



Point de vue signé par François Hollande, premier secrétaire du Parti socialiste, paru dans le quotidien Libération daté du 22 novembre 2004


Préambule
S'inspirant des héritages culturels, religieux et humanistes de l'Europe à partir desquels se sont développées les valeurs universelles que constituent les droits inviolables et inaliénables de la personne humaine, ainsi que la liberté, la démocratie, l'égalité et l'Etat de droit (...) Persuadés que les peuples d'Europe, tout en restant fiers de leur identité et de leur histoire nationale, sont résolus à dépasser leurs anciennes divisions et, unis d'une manière sans cesse plus étroite, à forger leur destin commun (...).

 
Ce préambule dit en quelques mots ce qu'est l'Europe : des peuples qui, après avoir fait l'expérience tragique de la guerre, de la dictature et de la division, ont su se rassembler autour d'un projet démocratique. Des nations qui ont su s'unir dans le respect de leur diversité pour construire le progrès. Des citoyens qui disposent, partout en Europe, des mêmes droits et qui pourront, par la justice, en assurer le respect. Un ensemble politique qui porte ses valeurs universelles dans le monde et qui peut faire contrepoids à l'hyperpuissance américaine. C'est pourquoi, en Amérique latine ou en Asie, ce modèle d'union est considéré comme un exemple. C'est cette construction qu'il faut renforcer maintenant en la dotant de nouvelles institutions qui vont lui permettre de gouverner l'Europe des 25.

Article I-3 : les objectifs de l'Union
L'Union offre à ses citoyens un espace de liberté, de sécurité et de justice sans frontières intérieures, et un marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée.
L'Union œuvre pour le développement durable de l'Europe fondé sur une croissance économique équilibrée et sur la stabilité des prix, une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès social, et un niveau élevé de protection et d'amélioration de la qualité de l'environnement. (...)
Elle combat l'exclusion sociale et les discriminations, et promeut la justice et la protection sociale, l'égalité entre les femmes et les hommes, la solidarité entre les générations et la protection des droits de l'enfant. (...)

 
L'Europe, depuis le traité de Rome, s'est construite sur des bases essentiellement économiques. Les socialistes veulent rééquilibrer le marché par des objectifs sociaux et écologiques. Ce sera le cas si le traité est ratifié. Tous les éléments introduits dans ce texte et qui ne figuraient pas dans les traités antérieurs ont été inspirés par la gauche européenne : économie sociale de marché, lutte contre l'exclusion et les discriminations, justice sociale, égalité homme/femme, cohésion territoriale, diversité culturelle, développement durable, commerce équitable, lutte contre la pauvreté. Ces principes devront désormais inspirer l'ensemble des politiques européennes. La concurrence libre et non faussée qui, jusque-là, figurait dans le traité de Rome et surtout dans l'Acte unique (signé en 1986 par un gouvernement socialiste) est enfin mise au second plan par rapport à d'autres objectifs. Il y aurait un certain paradoxe à rejeter ce traité qui pour la première fois dépasse le cadre d'un grand marché ou d'une monnaie unique, au prétexte qu'il n'irait pas assez loin. Ce serait alors le traité de Nice qui s'appliquerait, c'est-à-dire le grand marché sans les institutions et le cadre politique.

Article I-20 : le Parlement européen
Le Parlement européen exerce, conjointement avec le Conseil, les fonctions législative et budgétaire. Il exerce des fonctions de contrôle politique et consultatives conformément aux conditions prévues par la Constitution. Il élit le président de la Commission (...).

 
C'est la consécration du Parlement européen. Il devient un véritable législateur au même titre que le Conseil européen, c'est-à-dire les chefs d'Etat et de gouvernement. Dans le domaine budgétaire, il exercera le pouvoir conjointement avec la Commission. L'Assemblée nationale, en France, est loin de disposer des mêmes compétences dans la Constitution de 1958. Le Parlement européen acquiert déjà une nouvelle légitimité politique. Le président de la Commission Barroso a été contraint de revoir la composition de son équipe. M. Buttiglione, désigné par Berlusconi, qui confondait le droit européen avec le droit canon, pourra méditer désormais sur la nature laïque de l'Union et sur le contrôle du Parlement européen. Le traité constitutionnel parachève cette évolution. Le président de la Commission procédera désormais de la majorité du Parlement européen. Il ne sera plus le fruit d'obscures négociations entre Etats. Il correspondra à la volonté des citoyens européens, exprimée lors des élections européennes. C'est une des façons de rendre le fonctionnement de l'Europe plus clair et plus démocratique. L'enjeu des élections européennes sera désormais essentiel puisque les citoyens ­ par leur vote ­ détermineront la majorité de gauche ou de droite du Parlement européen mais aussi la couleur politique du président de la Commission, comme dans une véritable démocratie parlementaire.

Article I-25 : la majorité qualifiée
La majorité qualifiée se définit comme étant égale à au moins 55 % des membres du Conseil, comprenant au moins quinze d'entre eux et représentant des Etats membres réunissant au moins 65 % de la population de l'Union. Une minorité de blocage doit inclure au moins quatre membres du Conseil (...) Lorsque le Conseil ne statue pas sur proposition de la Commission ou du ministre des Affaires étrangères de l'Union, la majorité qualifiée se définit comme étant égale à au moins 72 % des membres du Conseil, représentant des Etats membres réunissant au moins 65 % de la population de l'Union. (...)

 
Il s'agit des règles de majorité qui prévaudront au sein du Conseil pour prendre des décisions. La règle actuelle, celle du traité de Nice auquel nous resterions si nous n'adoptions pas le traité, est totalement paralysante à 25 : il faut actuellement 72,3 % des voix pour obtenir une majorité. Il en faudra seulement 55 % des membres pour y parvenir avec le traité constitutionnel. Mieux encore, si moins de quatre Etats s'y opposent, la majorité est réputée acquise, quelle que soit la population de ces Etats. Les règles de majorité qualifiée ont été élargies à 25 nouveaux domaines (énergie, agriculture, politique économique dans la zone euro...). Au total, ces dispositions nous permettront de rendre l'Europe plus gouvernable à 25. Je note au passage qu'il a fallu l'élection du socialiste Zapatero en Espagne pour aboutir sur ce point. Son prédécesseur, José Maria Aznar, voulait conserver le système de Nice parce qu'il lui conférait un poids et une capacité de blocage qui disparaît avec ce traité. Quant aux règles d'unanimité qui demeurent ­ notamment sur la fiscalité mais aussi sur la culture ­ elles ont été défendues aussi bien par des gouvernements de gauche que par ceux de droite pour préserver des éléments essentiels à leurs yeux. Refuser le traité constitutionnel ne changerait d'ailleurs rien à cette réalité, puisque le traité de Nice prévoit la même unanimité dans tous ces domaines !

Article I-28 : le ministre des Affaires étrangères de l'Union
Le Conseil européen, statuant à la majorité qualifiée, avec l'accord du président de la Commission, nomme le ministre des Affaires étrangères de l'Union. (...) Le ministre des Affaires étrangères de l'Union conduit la politique étrangère et de sécurité commune de l'Union. (...) Il agit de même pour la politique de sécurité et de défense commune. Le ministre des Affaires étrangères de l'Union préside le conseil des affaires étrangères. Il est l'un des vice-présidents de la Commission. (...)

 
Il s'agit là encore d'une innovation significative et attendue. Pour permettre à l'Europe de parler d'une seule voix, un ministre des Affaires étrangères est créé. C'est lui qui coordonnera les diplomaties des pays membres et il pourra proposer des décisions aux autorités européennes sur les grands sujets internationaux (Proche-Orient, Afrique...). Le nouveau ministre concentrera tous les moyens de l'Union. Il sera à la fois l'animateur de la politique étrangère et de sécurité commune, chargé des relations extérieures et le gestionnaire de l'aide au développement. Ces nouveaux pouvoirs ne seront pas sans contrôle. Le ministre des Affaires étrangères sera, comme tous les membres de la Commission, responsable devant le Parlement européen. Il devra donc se démettre de ses fonctions si les députés européens votent la censure. Enfin, le ministre des Affaires étrangères contribuera à harmoniser la position des Européens au sein de l'ONU et même du Conseil de sécurité. Il bâtira donc une politique étrangère de l'Europe qui devra conduire à une politique commune de la défense qui se fera avec l'Otan (aucun pays membre ne veut s'en exclure, pas même la France !), mais autour d'une identité européenne. Prétendre que l'Europe serait soumise à l'Otan, au prétexte que le traité ne prévoit pas d'en sortir, est un argument invraisemblable pour qui a gouverné.

Article I-30 : la Banque centrale européenne
La Banque centrale européenne et les banques centrales nationales (...) conduisent la politique monétaire de l'Union. (...) L'objectif principal du système européen des banques centrales est de maintenir la stabilité des prix. (...) La Banque centrale européenne (...) est indépendante dans l'exercice de ses pouvoirs et dans la gestion de ses finances. Les institutions, organes et organismes de l'Union ainsi que les gouvernements des Etats membres respectent cette indépendance.

 
Cet article est la reprise pure et simple du traité de Maastricht que les socialistes ont contribué à faire adopter en 1992. Ce qui change avec le traité constitutionnel, c'est l'émergence d'un gouvernement économique en face de la BCE puisque désormais l'Eurogroupe dispose d'une part d'autonomie et de la reconnaissance officielle de l'Union. Ainsi les pays membres de la zone euro :
     Pourront adopter à la majorité qualifiée des mesures visant à élaborer des orientations de politique économique (art III 194).
     Décideront désormais seuls des orientations de l'Eurogroupe. Les autres pays membres de l'Union n'ont plus voix au chapitre comme c'était le cas jusqu'alors (art III 197).
     Pourront adopter des positions communes à la veille de réunions financières internationales (art III 196).
     Pourront décider d'une représentation unique de l'Eurogroupe au sein des institutions et conférences financières internationales (art III 196).
     Pourront disposer d'un président stable de l'Eurogroupe élu pour un mandat de deux ans et demi. Cette disposition est déjà appliquée par anticipation. Et le Premier ministre luxembourgeois a été porté à la tête de l'Eurogroupe. Une voix forte s'est exprimée pour le regretter : celle de J.C. Trichet, le président de la BCE. C'est le signe d'un progrès.
En revanche, si le traité constitutionnel était rejeté, la BCE demeurerait indépendante. Son influence ne serait équilibrée par aucun pouvoir politique au niveau de la zone euro.

Article I-41 : dispositions particulières relatives à la politique de sécurité et de défense commune
La politique de l'Union (...) respecte les obligations découlant du traité de l'Atlantique Nord pour certains Etats membres qui considèrent que leur défense commune est réalisée dans le cadre de l'Otan et elle est compatible avec la politique commune de sécurité et de défense arrêtée dans ce cadre. (...) Les engagements et la coopération dans ce domaine [pour répondre à une agression armée] demeurent conformes aux engagements souscrits au sein de l'Otan, qui reste, pour les Etats qui en sont membres, le fondement de leur défense collective et l'instance de sa mise en œuvre.

 
Sur les relations avec l'Otan, le texte du traité constitutionnel (article I-41) est identique à celui du traité en vigueur actuellement (article 17 du traité sur l'Union européenne). De ce point de vue, rien ne change. Pour les plus inquiets, il n'est pas inutile de rappeler que cette disposition n'a jamais empêché la France d'être autonome à l'égard de la politique américaine, comme nous l'avons montré avec d'autres (Espagne, Allemagne, notamment). Elle a contesté devant l'ONU le bien-fondé de la politique américaine en Irak et s'est opposée à l'intervention armée en Irak décidée par G. Bush. L'Europe est intervenue, avec ou sans l'Otan, en Bosnie-Herzégovine ou en Macédoine.

Par ailleurs, les pays européens ­ non membres ­ de l'Otan gardent leur statut. La France, rappelons-le, est membre de l'organisation politique, mais non du dispositif militaire intégré. Le traité constitutionnel élargit le champ d'application de cette politique de défense, en assurant à l'Union «une capacité opérationnelle s'appuyant sur des moyens civils et militaires». Il prévoit la possibilité pour les Etats membres qui le souhaitent de former une coopération renforcée propre à la défense (articles I-41 et III-312). Il inclut une clause de défense mutuelle en cas d'agression armée (article I-41) et une clause de solidarité antiterroriste (article III-329). Il organise la place du nouveau ministre des Affaires étrangères de l'Union dans la politique européenne de défense. Il renforce le rôle du Parlement européen dans cette politique, en organisant sa consultation « régulière » (article I-41).

C'est donc agiter une peur inutile quand il est prétendu que la défense de l'Europe serait soumise désormais à l'Otan. En revanche, c'est une illusion de croire que l'Europe de la défense peut se faire sans lien avec l'Otan. Aucun pays membre de l'Alliance ne l'acceptera.

Article I-44 : les coopérations renforcées
Les Etats membres qui souhaitent instaurer entre eux une coopération renforcée dans le cadre des compétences non exclusives de l'Union peuvent recourir aux institutions de celle-ci et exercer ces compétences en appliquant les dispositions appropriées de la Constitution (...) La décision européenne autorisant une coopération renforcée est adoptée par le Conseil en dernier ressort, lorsqu'il établit que les objectifs recherchés par cette coopération ne peuvent être atteints dans un délai raisonnable par l'Union dans son ensemble et à condition qu'au moins un tiers des Etats membres y participent (...).

 
L'élargissement de l'Europe aux pays de l'Est était une nécessité historique. Nous l'avons tous voulu et accepté. Au sein de cette grande Europe, il faut rendre possible une union des Etats qui souhaitent aller plus vite et plus loin : c'est ce que l'on appelle les «coopérations renforcées». Dans l'histoire européenne, nous avons eu recours ­ à plusieurs reprises ­ à des avant-gardes. Schengen en 1985 et, plus proche de nous, en 1992 : l'euro.

Je souhaite, qu'à l'avenir, la France et l'Allemagne ­ avec les pays de la zone euro ­ puissent devenir les pivots de coopérations renforcées qui permettent d'harmoniser nos politiques fiscales et sociales. Cette avant-garde, noyau dur ou premier cercle qu'importe les termes, est essentielle pour accélérer les programmes de recherche, les projets industriels, la politique de défense commune et l'Europe sociale.

Le traité constitutionnel a fort opportunément assoupli le mécanisme de « coopérations renforcées » entre les Etats membres :
     La possibilité de veto d'un Etat membre est supprimée.
     Le dispositif est étendu à l'ensemble des actions de l'Union.
     Les décisions à l'intérieur d'une coopération renforcée pourront désormais se prendre à la majorité qualifiée contre l'unanimité auparavant.
     Les coopérations renforcées peuvent être lancées par 9 Etats sur 25 contre la moitié des Etats avec le traité de Nice (aucun seuil en matière de défense).
     L'autorisation de lancer la coopération renforcée est accordée par le Conseil statuant à la majorité qualifiée ­ sauf politique étrangère et de sécurité commune (Pesc) où l'unanimité demeure.
Donc, refuser le traité institutionnel au prétexte de construire au premier cercle, c'est en fait empêcher purement et simplement celui-ci tout en brisant le second.

Article I-47 : la démocratie participative
(...) Des citoyens de l'Union, au nombre d'un million au moins, ressortissants d'un nombre significatif d'Etats membres, peuvent prendre l'initiative d'inviter la Commission, dans le cadre de ses attributions, à soumettre une proposition appropriée sur des questions pour lesquelles ces citoyens considèrent qu'un acte juridique de l'Union est nécessaire aux fins de l'application de la Constitution. (...)

 
Cet article ouvre un droit européen qui n'est même pas dans notre propre droit interne ! Il donne à un million de citoyens le droit de présenter une proposition de loi européenne. Ce mécanisme de démocratie participative offre une formidable opportunité pour les citoyens de contribuer à la vie démocratique. Ce sera aussi le moyen d'obtenir des débats sur certaines propositions jusque-là refusées (taxe Tobin, les OGM, les droits des salariés...).

Articles I-53, I-54 et I-55 : les finances de l'Union
Le budget doit être équilibré en recettes et en dépenses. Le budget de l'Union est intégralement financé par des ressources propres, sans préjudice des autres recettes. Une loi européenne du Conseil fixe les dispositions applicables au système des ressources propres de l'Union.
(...) Le Conseil statue à l'unanimité, après consultation du Parlement européen. Une loi européenne du Conseil fixe le cadre financier pluriannuel. Il statue à l'unanimité, après approbation du Parlement européen, qui se prononce à la majorité des membres qui le composent.

 
Il s'agit pour l'essentiel de reprises des traités antérieurs ou de la codification des pratiques européennes. L'article I-54 du traité constitutionnel commence par cette phrase : « L'Union se dote des moyens nécessaires pour atteindre ses objectifs et pour mener à bien ses politiques. » Ce qui signifie qu'aucune limite n'est fixée par le traité. C'est la majorité politique qui décide de ses orientations financières. On ne peut donc justifier la position éventuelle de la France, de l'Allemagne et d'autres pays sur les limites du budget pour refuser le traité constitutionnel. Les élections de 2007 en France seront plus décisives.

L'article I-53 prévoit que le budget européen doit être équilibré. Les collectivités locales françaises ont la même obligation et, dans leurs recettes, elles incluent naturellement des emprunts pour financer leurs investissements. Il n'y a jamais eu en Europe de majorité politique pour décider d'un emprunt européen. Mais, les socialistes soutiennent la proposition déjà émise par Jacques Delors d'un grand emprunt pour les infrastructures, l'environnement et la recherche.

Le traité constitutionnel prévoit, comme le traité de Nice, que le budget est adopté à la majorité qualifiée du Conseil. Ce qui est décidé à l'unanimité ce sont les « perspectives financières pluriannuelles » mais c'est déjà le cas aujourd'hui.

Le traité apporte cependant une grande nouveauté : le Conseil européen pourra décider, de passer sur ce sujet de l'unanimité à la majorité qualifiée. Or, il y a un accord politique pour passer de l'unanimité à la majorité. Le budget européen n'est donc pas lié au traité constitutionnel, mais à une volonté politique d'une majorité des Etats membres. La gauche, une fois revenue au pouvoir, devra mener ce combat, sauf si elle-même vient à considérer que la priorité est de réduire les déficits publics pour ne pas être « dépensolâtre » !

Article III-122 et III-166: les services publics
(...) Eu égard à la place qu'occupent les services d'intérêt économique général (...), l'Union et les Etats membres (...) veillent à ce que ces services fonctionnent sur la base de principes et dans des conditions, notamment économiques et financières, qui leur permettent d'accomplir leurs missions. (...)
Les entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général ou présentant le caractère d'un monopole fiscal, sont soumises aux dispositions de la concurrence dans la mesure où l'application de ces dispositions ne fait pas échec à l'accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie. Le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l'intérêt de l'Union.

 
Les socialistes européens se battent depuis de nombreuses années pour obtenir cette reconnaissance claire des services publics. Ils doivent pouvoir comme en dispose le traité, échapper aux règles de la concurrence pour l'accomplissement de la mission particulière qui leur est confiée. Ce texte est le premier traité européen à consacrer une existence juridique autonome aux services publics, qui ne sont plus définis par exception aux règles de la concurrence, mais reconnus comme étant l'instrument incontournable de la « cohésion sociale » dans l'Union européenne.
L'article III-I22 donne une base juridique claire et reconnaît aux Etats membres la « compétence de fournir et de financer ces services ».
L'article II-96 « reconnaît » les services publics tels que « prévus par les constitutions et pratiques nationales afin de promouvoir la cohésion sociale et territoriale ». Le traité constitutionnel affirme que les règles de la concurrence qui servent à lutter contre les monopoles ne préjugent en rien le régime de propriété des entreprises, ce qui permet de garder des services publics sans ouverture de capital. Les privatisations ne sont pas décidées par l'Europe mais par les Etats. Les gouvernants qui ont appelé ou réalisé des privatisations d'entreprises publiques devraient, mieux que d'autres, s'en souvenir.

Si le traité constitutionnel était rejeté, on en resterait à la situation actuelle où la loi de la concurrence est opposée en permanence aux services publics pour altérer leur fonctionnement et même leur présence. Les exigences européennes actuelles, sans ce traité, limitent le développement des services publics en interdisant les aides d'Etat, source de financement pour les services publics en France.

Articles IV-443, IV-444 et IV-445 :
les procédures de révision
Le gouvernement de tout Etat membre, le Parlement européen ou la Commission peut soumettre au Conseil des projets tendant à la révision du présent traité. (...) Si le Conseil européen (...) adopte à la majorité simple une décision favorable à l'examen des modifications proposées, le président du Conseil européen convoque une convention composée de représentants des parlements nationaux, des chefs d'Etat ou de gouvernement des Etats membres, du Parlement européen et de la Commission. (...) La convention adopte par consensus une recommandation à une conférence des représentants des gouvernements des Etats membres (...). Une conférence des représentants des gouvernements des Etats membres est convoquée par le président du Conseil en vue d'arrêter d'un commun accord les modifications à apporter au présent traité. Les modifications entrent en vigueur après avoir été ratifiées par tous les Etats membres conformément à leurs règles constitutionnelles respectives. (...)

 
La révision du traité n'est possible qu'à l'unanimité, mais ce n'est pas nouveau. C'est le cas de tous les traités, celui de Nice compris qui serait notre règle commune si le non l'emportait. Contrairement à ce que l'on entend parfois, rien n'est «gravé dans le marbre». Fort heureusement, les révisions seront possibles. Depuis vingt ans, en moyenne nous avons connu un nouveau traité tous les quatre ans en dépit de la règle de l'unanimité (Acte unique, Maastricht, Amsterdam, Nice, Bruxelles).

Au contraire, le traité constitutionnel introduit des dispositions nouvelles qui rendront la révision plus facile :
     Dès l'entrée en vigueur du traité (en 2006), le Parlement pourra faire des propositions de révision.
     La création d'une « clause passerelle » générale permet dans les domaines de compétence qui demeurent encore à l'unanimité de passer à la majorité sans révision de l'ensemble du traité constitutionnel. Pour cela, il suffira qu'une décision soit prise par le Conseil européen.
     L'utilisation des coopérations renforcées est facilitée.
     Enfin, le droit de pétitions permet aux citoyens de prendre l'initiative.
Si voter oui rendait impossible la révision du traité constitutionnel, alors voter non rendrait impossible la révision du traité de Nice (que chacun reconnaît comme paralysant) et à tout prendre, les partisans du non feraient alors bien de réfléchir ! Mieux vaut partir d'un meilleur traité que d'un moins bon !


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