« Je sens naître
une reconnaissance »

François Hollande se sent conforté à la tête du PS par le succès de sa liste dans les sondages.


Interview accordé au quotidien Libération, parue le lundi 7 juin 1999.
Propos recueillis par Judith Perrignon et Jean-Michel Thénard

 
François Hollande achèvera jeudi à Lille la série des meetings de campagne du PS. Pour le numéro un socialiste, l'enjeu du 13 juin est de défendre la politique de Lionel Jospin, mais aussi de s'imposer parmi les siens.

La paix au Kosovo influence la fin de la campagne ?

Cette campagne a commencé avec la guerre au Kosovo, elle va s'achever avec la paix. L'Europe est sortie renforcée de cette épreuve. Elle a pris ses responsabilités en recourant à la force. Elle a contribué à l'issue diplomatique. C'est elle qui va permettre le retour des réfugiés et aider à la reconstruction des Balkans. Elle doit néanmoins tirer une leçon: celle de mettre enfin en place une capacité autonome de défense. C'est un enjeu de la campagne. L'autre, c'est de mettre l'emploi et le social au cœur de la construction européenne.

Faire campagne à l'ombre du bilan de Lionel Jospin, cela vous a rendu la tâche facile ?

Se réclamer de l'action du gouvernement de Lionel Jospin ne me paraît pas être un handicap pour la tête de liste que je suis ! Je ne vois pas pourquoi j'essaierais de prendre mes distances à l'égard d'une politique qui emporte la confiance des Français, même s'il reste beaucoup à faire et s'il faut prolonger nos efforts à l'échelle européenne.

Croyez-vous avoir fait passer dans cette campagne une touche personnelle ?

Quoi qu'il advienne, je ne sortirai pas de cette campagne comme j'y suis entré. Une chose est d'être porté à la direction d'un parti, au lendemain d'une victoire électorale, une autre est d'affronter le suffrage universel dans un scrutin réputé comme le plus difficile de tous. Je sens dans les meetings naître une reconnaissance, mais beaucoup dépendra du résultat lui-même. Si j'arrive en tête le 13 juin, ce sera la première fois que la liste socialiste y parviendra depuis 1979. On dira que mon mérite est relatif puisque la droite est divisée, mais il fallait marquer ce point décisif dans le débat gauche-droite, et peut-être aussi dans la cohabitation.

En clair, cela renforcera Lionel Jospin par rapport à Jacques Chirac ?

Mon objectif est d'abord de faire une campagne utile pour l'Europe, qui ne peut rester un grand marché et une monnaie. Maintenant, si nous finissons les premiers au soir du 13 juin, ce sera l'un des éléments du débat post-électoral et une manière de peser dans le rapport de force en faveur du gouvernement, même si nous ne sommes pas les seuls dépositaires de la marque.

Lionel Jospin en profitera-t-il pour s'attaquer aux dossiers qu'il garde sous le coude, comme celui des retraites ?

Le scrutin européen est toujours redoutable. L'an dernier, nous pouvions craindre que la droite n'en fasse sa revanche des législatives, que la gauche n'éclate à cause du scrutin proportionnel et que Jacques Chirac ne se saisisse - d'une manière ou d'une autre - de cette occasion. Et c'était aussi un anniversaire, deux ans, qui semble être une fatalité de notre vie politique, puisque depuis 1991 aucun gouvernement n'a dépassé ce cap. Je suis convaincu que nous allons surmonter ces épreuves et faire des élections européennes une manière de renforcer l'action réformatrice de Lionel Jospin. Il y a encore beaucoup à faire dans la lutte contre le chômage, les inégalités, dans le renforcement du pacte républicain, dans la réforme de la fiscalité (assiette des cotisations sociales, baisse de la TVA...). Et il conviendra aussi de faire des choix en matière de retraite qui n'ont pas besoin d'être présentés dans un contexte catastrophique.

Les Verts et le PC n'ont pas apprécié d'être écartés du bilan Jospin.

Il ne tient qu'à eux de le défendre. Ils le font d'ailleurs chacun à leur façon. Si nous avions fait campagne ensemble, c'eût été une belle façon de marquer nos convergences. C'était difficile pour les communistes qui n'y sont pas encore prêts, c'était davantage possible pour les Verts qui ne l'ont pas voulu. En tout cas, si je me bats pour ma liste, je souhaite également - et c'est ce qui nous distingue de la droite - que les Verts aient des élus et que le PC fasse mieux qu'en 1994. Je suis dans une dynamique de gauche plurielle. Je ne me suis livré, dans cette campagne, à aucune attaque, aucune petite phrase contre nos partenaires.

Avec la campagne qui s'achève, c'est Cohn-Bendit qui s'en va. Content ?

Ce n'est pas moi qui ai dit qu'il fallait le mettre, après le 13 juin, dans un train pour Bruxelles...

Vous ne le regretterez pas ?

Je pense que tous les talents dans la gauche plurielle sont les bienvenus.

Cela n'a pas été trop difficile de faire campagne avec les amis de Jean-Pierre Chevènement, malgré vos désaccords sur l'Europe ?

Le sujet essentiel ne porte pas sur les institutions européennes qu'il faudra néanmoins renforcer, mais sur l'Europe sociale et sur l'emploi. Et nos alliés ont accepté l'ensemble du programme des socialistes européens. Que demander de plus ? Nous avons voulu répondre à la seule exigence : comment faire pour que le marché ne prenne pas toute la place ? Comment faire pour que les 16 millions de chômeurs aient au plus vite un avenir professionnel ? Comment donner une dimension sociale à l'union des Quinze ?

Après les élections, vous allez pousser les chevènementistes et le PRG à fusionner avec le PS ?

Non. Nous devons à la fois être ouverts et refuser l'hégémonie dont on nous accuse parfois. Nous ne pratiquons pas la «fusion-acquisition». La majorité plurielle permet la cohérence et la diversité, elle ne doit pas se transformer en une machine à uniformiser.

Reproduit avec l'aimable autorisation du quotidien
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