Le PS est prêt à fédérer toute la gauche

François Hollande



Entretien avec François Hollande, premier secrétaire du Parti socialiste, paru dans le quotidien Le Figaro daté du 5 octobre 2005
Propos recueillis par Myriam Lévy et Nicolas Barotte


 

Quel jugement portez-vous sur cette journée de mobilisation sociale, à laquelle vous avez participé ?
A Tulle, où j'ai défilé hier matin, la mobilisation a été forte, comme ailleurs en province. Elle a été large, puisqu'elle a touché aussi le secteur privé, et unitaire, puisqu'elle se faisait à l'appel de tous les syndicats. Le gouvernement aurait tort de minimiser ou de contourner l'expression du mécontentement, qui s'est traduit par des cortèges imposants. Il ne faut pas non plus oublier que la grève a un coût, qu'elle ampute le pouvoir d'achat des salariés, qui y regardent donc à deux fois. Il faudra donner au mécontentement une traduction qui aille au-delà de la grève. Aujourd'hui, les Français sont dans une logique de mobilisation sociale pour faire reculer le gouvernement. En 2007, la logique du suffrage universel l'emportera car le choix sera clair entre un vrai changement, celui que la gauche peut représenter, et le simulacre d'alternance que la droite veut aujourd'hui instaurer en son sein.

Ce retour de la gauche est-il si certain, lorsqu'on constate que le Parti socialiste est en décalage avec son électorat et que les syndicats ne veulent pas du PS dans la manifestation ?
Je n'ai pas eu le sentiment qu'en 2004, aux régionales et aux européennes, notre électorat nous ait fait défaut. Nous avons même remporté des succès « historiques ». Quant à notre présence dans les manifestations, les mouvements sociaux, je n'entends pas confondre les genres. Ce sont les syndicats qui organisent les mouvements sociaux, pas les partis politiques. Maintenant, il est normal d'y participer dès lors que nous partageons les mots d'ordre (lutte contre la précarité, défense des services publics, amélioration du pouvoir d'achat...). Mais notre rôle, c'est de traduire ces attentes en alternative politique. Toute victoire se mérite, il en sera de même pour 2007. L'impopularité du pouvoir actuel ne nous prémunit pas contre les risques de la dispersion, comme en 2002, de la confusion, que nous avons connue en 1995 avec la querelle Balladur-Chirac, dont celle qui oppose Nicolas Sarkozy et Dominique de Villepin n'est que la réplique. Et s'il y a, aujourd'hui, une exigence, c'est bien celle de l'unité des socialistes autour d'un projet audacieux et crédible.

La proposition de Nicolas Sarkozy de constituer au sein du capital de la SNCM un « seuil de minorité » est-elle meilleure que celle du premier ministre ?
L'attitude de Nicolas Sarkozy est révélatrice de l'incohérence qui s'est installée au sein même du pouvoir : on ne sait plus qui décide et qui est responsable de quoi. Que le ministre de l'Intérieur, après plusieurs jours d'absence, alors que la Corse est de nouveau en ébullition, qu'un bateau s'est fait arraisonner, qu'une préfecture a été victime d'un attentat, que le port de Marseille est bloqué, vienne nous dire qu'il a une autre proposition pour l'avenir de la SNCM que celle de son propre gouvernement, dépasse tout simplement l'entendement. Mais dans quel pays sommes-nous ? Sous quel régime ? Où est l'autorité ? Ce n'est plus de la rivalité politique, c'est de la pagaille d'Etat.

Que pensez-vous de l'attitude de Dominique de Villepin sur ce dossier ?
Le premier ministre a multiplié les bévues, en improvisant, à la hâte, une solution financière et industrielle, à partir de son seul carnet d'adresses. On voit le résultat : trouble social persistant, désordre politique en Corse, affaiblissement de l'Etat, sinistre industriel. En matière de service de l'intérêt général, j'ai connu meilleur rendement. Mais le plus grave avec l'équipe actuelle, c'est l'absence de sincérité sur tous les sujets : la présentation fallacieuse des hypothèses budgétaires, l'ampleur ahurissante des déficits sociaux et la manipulation des chiffres du chômage. Dans les premières semaines du gouvernement Villepin, il y a eu l'illusion qu'il pouvait y avoir une autre façon d'agir. Mais c'est la même, parce que l'inspirateur est le même. Jacques Chirac a formé ses successeurs à l'art de la promesse sans lendemain et de la fausse rupture.

Le PS, qui signe un appel à manifester avec la Ligue communiste révolutionnaire, se déporte-t-il sur sa gauche ?
Nous sommes dans un temps fort de contestations. Face à la politique du gouvernement, je souhaite un rassemblement le plus large possible pour le faire reculer, au moment où il s'apprête à faire voter une réforme fiscale injuste, à privatiser inopportunément EDF, à remettre en cause l'accès aux soins avec la nouvelle formule de 18 euros sur les actes lourds et à accentuer encore la précarité du travail avec le contrat nouvelles embauches. Le Parti socialiste n'est pas là seulement pour résister ou pour empêcher, mais pour offrir un autre chemin. Bref, pour gouverner.

Vous êtes donc prêt à gouverner avec la LCR ?
Nous sommes prêts à fédérer toute la gauche autour d'un contrat de gouvernement qui nous engage devant les Français. J'en ferai la proposition à nos partenaires traditionnels, au lendemain de notre Congrès. Nous, nous voulons changer dès 2007 la réalité de notre pays. Toutefois, le temps presse. Que chacun prenne ses responsabilités. Que ceux qui en veulent toujours plus, prennent conscience du risque d'avoir beaucoup moins. Que ceux qui attendent la révolution permettent déjà aux Français, qui veulent des réformes progressistes, de battre la droite.

Avez-vous renoncé à faire évoluer le PS vers la social-démocratie ?
L'objet du congrès n'est pas de changer le PS, mais d'affirmer son identité, son utilité et son unité. Je dis à mes amis socialistes : nous devons marquer davantage nos priorités, l'éducation, l'emploi, le logement, l'écologie, plutôt que d'additionner toutes les revendications. Nous devons inscrire notre action volontariste dans la durée plutôt que de prétendre rompre avec le capitalisme en cent jours. Cette rhétorique n'a plus cours. Je souhaite une gauche moins bavarde et plus concrète, moins incantatoire mais plus protectrice, qui sache aussi inventer de nouveaux instruments.

Vous vous êtes opposé à Dominique Strauss-Kahn sur l'idée d'une augmentation de TVA. Première dissension dans votre majorité ?
Il est normal qu'il y ait des discussions sur telle ou telle disposition. Mais aujourd'hui, ce qui nous engage tous, c'est ce qui figure dans la motion que nous avons signée ensemble. Ensuite, nous aurons d'autres débats.

Au lendemain du congrès, si vous l'emportez, la compétition s'ouvrira-t-elle entre les présidentiables ?
J'ai proposé un calendrier : c'est en novembre 2006 que les militants socialistes feront leur choix pour la présidentielle. Jusque-là, travaillons à affiner nos propositions, discutons avec nos partenaires pour élaborer le contrat de gouvernement, désignons nos candidats aux législatives. Ensuite, nous regarderons, par-delà les motions et les sensibilités diverses, lequel ou laquelle d'entre nous peut permettre à la gauche de diriger le pays sur la base de notre projet collectif. Je demanderai au Congrès de me donner mandat pour mener à bien cette tâche, dans ce calendrier, si les militants me renouvellent leur confiance.

Peut-on être premier secrétaire et candidat ?
L'histoire l'a montré à plusieurs reprises. Mais je ne suis pas dans cet état d'esprit. Je suis candidat au poste de premier secrétaire. C'est la seule échéance que je connaisse aujourd'hui.

© Copyright Le Figaro


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