Traité constitutionnel européen
Heureux et libre

François Hollande



Entretien avec François Hollande, premier secrétaire du Parti socialiste, paru dans le quotidien Sud Ouest daté du 29 novembre 2004
Propos recueillis par Bruno Dive
 

A trois jours du vote des militants socialistes, quel jugement portez-vous sur la campagne qui s'achève ?
Cette campagne a été utile. Utile d'abord aux socialistes. Car elle a été l'occasion d'un échange sur des arguments portant sur le texte, mais aussi sur le contexte, voire sur les prétextes. Echange qui a élevé le niveau de compréhension et d'information de nos adhérents et de nos dirigeants sur la construction européenne et le traité constitutionnel. Cette campagne a aussi été utile pour la démocratie. Notre parti en a donné un bel exemple en se livrant à cet exercice de vérité et de décision. Puisque les militants, et eux seuls, choisiront la position du Parti socialiste. Enfin, ce débat a été utile aux Français et à l'Europe. Car il a conduit les médias à s'intéresser au sujet qui sera celui du référendum national.

N'y a-t-il pas des risques de fracture durable au sein du parti, quelle que soit d'ailleurs la réponse ?
Les risques ne sont pas les mêmes. Si le oui l'emporte, nous poursuivrons la stratégie arrêtée à Dijon et qui nous a permis de remporter les grands succès électoraux du printemps. En revanche, si le non devait gagner, nul n'est capable d'en évaluer les conséquences, de dire ce qui se produirait au sein même du Parti socialiste. La plupart des dirigeants, notamment le premier secrétaire, se retrouveraient en porte-à-faux. Je vois d'ailleurs fleurir dans la presse des hypothèses de combinaisons au lendemain du vote, voire les noms d'éventuels successeurs ! Cela ne me rappelle rien de bon.

Si vous n'aviez qu'un seul argument pour voter oui, vous choisiriez lequel ?
L'avenir de l'Europe est l'avenir des socialistes. L'Europe sera en état, dans deux ans, non seulement de mieux marcher, mais de mieux peser sur le destin du monde face à la présidence impériale de George W. Bush. Le non, comme souvent, c'est l'arrêt. Sur le plan européen, il provoquerait une crise, dont on imagine l'ampleur, mais pas le dénouement. La construction politique de l'Europe serait durablement embourbée.

Vous avez souvent expliqué, dans cette campagne, que vos alliés, ce sont les socialistes européens. Ce ne sont donc plus les communistes, les Verts, les radicaux de gauche ?
Heureusement que pour l'Europe, notre alliée fut la gauche européenne ! Car les communistes n'ont jamais voté un traité européen. Chevènement nous a quittés au moment du traité de Maastricht. Ce serait un comble de lui donner raison aujourd'hui alors qu'il a eu tort ! Quand je l'entends espérer une recomposition de la gauche, je lui dit : non merci ! Nous avons déjà donné, le 21 avril. Avec François Mitterrand puis Lionel Jospin, nous avons toujours su rassembler la gauche sur notre ligne, pas sur la leur.

Justement, on a beaucoup fait parler Mitterrand durant cette campagne...
Je ne l'ai pas fait, pour ce qui me concerne. Il suffit de s'en tenir aux actes. S'il y a une constante dans sa vie politique, c'est l'Europe ! Je n'ai pas besoin de le faire parler, il me suffit de faire parler l'Histoire.

Et Jospin ? Il s'est engagé pour le oui, mais vous a reproché ce référendum.
Lionel Jospin est un homme qui a le sens du parti et de l'intérêt collectif. J'écoute donc toujours avec attention ce qu'il dit. Et je n'oublie pas ce que je lui dois.

En cas de victoire du non, que ferez-vous ?
Poser cette question, c'est déjà convenir qu'il y aurait un problème. Si le non l'emporte, c'est l'inconnu ! La dynamique que nous avons créée au sein du PS depuis deux ans et demi s'arrêterait. Mais je ne veux pas utiliser ma personne, ma fonction, ma responsabilité, pour peser sur le vote des militants. Parce que je considère que les seuls enjeux, ce sont le traité constitutionnel et l'avenir du Parti socialiste. Pas le mien. Je ne veux pas réduire cette consultation à une affaire de personne.

Et si le oui l'emporte, que se passe-t-il ?
Je poursuivrai, avec la même majorité et sur la même ligne, notre stratégie de reconquête. J'associerai tous les socialistes à la préparation du projet, quel que soit leur vote du 1er décembre, qu'ils soient dans la majorité ou dans la minorité. Nous avons besoin de tout le monde. Je suis garant de l'unité du PS ; je l'ai suffisamment montré depuis 2002.

Pensez-vous qu'on connaîtra jeudi le nom du candidat socialiste à l'élection présidentielle ?
Le vote du 1er décembre ne doit pas constituer une victoire personnelle. Il doit être une victoire pour tout le Parti socialiste.

Il se dit beaucoup que vous vous êtes révélé lors de cette campagne. Que le personnage indécis ou consensuel a cédé la place à un battant. C'est votre sentiment ?
J'ai toujours veillé à faire prévaloir la synthèse et le rassemblement. Pour moi, ce n'est pas un défaut. C'est une nécessité dans ma fonction. Mais, lorsqu'il s'est agi de défendre mes convictions et l'identité même de mon parti, j'ai été heureux de mener ce débat. Heureux et libre ! Et si certains ne me connaissaient pas sous ce jour, je ne regrette pas d'avoir ouvert cette consultation interne. Elle aura au moins servi de révélateur.

On a l'impression que l'arrivée de Nicolas Sarkozy à la tête de l'UMP vous fait plaisir. En tout cas, vous stimule.
Ce n'est pas moi qui l'ai choisi ! Mais cette nomination-élection a au moins le mérite de la clarté. Nous avons, avec Nicolas Sarkozy à la tête de l'UMP, un parti franchement de droite, avec un libéralisme assumé et une prise de distance assumée par rapport à la laïcité. A la gauche de présenter une alternative !

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