Discours
de François Hollande,
le lundi 25 septembre 2000


Je remercie les présidents de groupes Jean-Marc Ayrault, Claude Estier et nos amis Lyonnais, et au premier rang d'entre eux Gérard Collomb.

Soyons francs, nos journées parlementaires se déroulent dans un contexte - à bien des égards  - exceptionnel : un référendum marqué par un taux historique d'abstention et une résurgence inopinée des affaires dans le débat public.

Impossible d'aborder sereinement nos priorités pour la prochaine session sans crever ces abcès.

D'abord le référendum a suscité presque autant de commentaires que de suffrages.

Le résultat était attendu aussi bien pour le " oui " que pour le niveau de participation :

 L'adhésion des Français au quinquennat ne faisait en effet guère de doute : depuis des années, ils se déclarent favorables à la réduction du mandat présidentiel ;

 Il n'y avait que Jacques Chirac pour résister à cette évolution et il n'y est venu plus par calcul que par conviction ; Et sous la pression de l'un de ses prédécesseurs, sans savoir si elle était amicale ;

 Tout devait donc conduire à l'adoption de cette réforme par le Congrès : le consensus sur l'idée, la longue réflexion du Chef de l'Etat pour s'y rallier et le vote massif du Parlement en faveur de la révision constitutionnelle.

Mais, plutôt que de conclure la procédure par cette voie, Jacques Chirac lui a préféré le référendum, sans lui donner la portée indispensable à son succès.

Il a d'abord refusé tout amendement et a limité l'ampleur de la réforme pour en rester à un quinquennat désespérément sec.

Souvenons-nous ensuite de la façon étrange avec laquelle il a lancé cette consultation. Et relevons enfin le soin qu'il a mis à banaliser la procédure même du référendum.

Dans ce contexte, nous nous sommes efforcés d'être clairs. Nous avons appelé à voter parce que c'est notre devoir, et à voter " oui " parce que le quinquennat faisait partie de nos propositions.

Nous regrettons l'abstention, mais elle trouve son explication principale dans le sentiment qu'ont éprouvé les Français d'être consultés pour la forme sur une question dont la réponse était connue d'avance et son objet loin de leurs préoccupations du moment.

Jacques Chirac en a tiré une leçon paradoxale : puisque son référendum n'a pas marché, il faut en faire plus souvent. Comme si l'abstention révélait une envie de voter.

Notre conclusion est sensiblement différente : une consultation des Français n'a de sens que si elle porte sur un thème jugé décisif et sur lequel un vrai débat traverse le pays et pour lequel le jugement des Français est indispensable. C'était vrai pour Maastricht. Ce serait vrai demain sur la décentralisation.

Il ne s'agit pas de transformer le référendum une votation ou un sondage. Sinon à quoi sert le Parlement ! Mais d'en faire un usage conforme à nos institutions : ni plébiscite, ni ratification.

Le référendum est aussi un message envoyé par les Français

Il est toujours difficile d'interpréter l'abstention puisque, par définition, celles et ceux qui se sont réfugiés dans cette attitude ont précisément choisi de ne pas s'exprimer. Leur faire dire quelque chose de précis devient un exercice périlleux, à moins de considérer - comme d'aucuns - qu'ils ont obéi à leurs propres consignes. Ce qui n'est pas prouvé.

En même temps, nous observons depuis une dizaine d'années une progression régulière de l'abstention à chaque scrutin.

Et, si l'on ajoute le nombre significatif de blancs et nuls (1 électeur sur 6 s'est déplacé dimanche pour dire autre chose que " oui " ou " non "), le phénomène traduit un éloignement par rapport aux enjeux politiques et un doute sur la capacité du politique à comprendre et surtout à agir.

Ce mouvement traduit plusieurs réalités :
     Une montée du consumérisme politique : l'électeur venant faire son marché à chaque scrutin et renonçant à participer, dès lors qu'il ne se sent pas personnellement concerné ;

     Une affirmation identitaire ou catégorielle : le global s'efface devant le particulier : chasse, retraites, régionalisme...

     Une exclusion électorale : notre démocratie laisse de plus en plus à l'écart les plus pauvres et les jeunes. C'est là que les taux d'inscription sur les listes électorales sont les plus faibles et les taux d'abstention les plus forts ;

     Une exaspération à l'égard des affaires qui empoisonne la vie politique depuis 15 ans. C'est pourquoi, le Parti socialiste - qui a lourdement payé l'absence de règle définissant la vie politique - s'en tient à deux règles simples : c'est à la Justice d'établir, en toute indépendance, la lumière sur toutes les procédures en cours et d'aller jusqu'au bout dans la recherche de la vérité, la vérité sur tout et la vérité sur tous. Ce principe est aujourd'hui nécessaire, indispensable à l'image et à la crédibilité même de notre République.
Pour autant, les socialistes se sont toujours refusés à utiliser les affaires comme instrument du combat politique. Nous n'avons pas besoin de fouiller dans les poubelles de telle ou telle municipalité pour alimenter le débat public. Et je ne veux pas croire que l'un d'entre nous ait pu manquer à cette morale élémentaire. Mais je ne laisserai pas mettre en cause une seule seconde l'honneur des socialistes. Nous avons fait suffisamment nos preuves depuis juin 1997 pour être jugés sur notre bilan, nos actes et notre politique et pour nous dispenser d'en rajouter sur les affres politico-judiciaires de la Droite à Paris. Laissons la seule avec ses tourments et ses poisons. Nous avons suffisamment marqué notre différence par rapport au fonctionnement de la Justice, à son indépendance pour demander sereinement qu'elle passe tout simplement. Notre méthode c'est la confrontation des idées ; ce ne sera jamais la convocation des procès.

Voilà pourquoi, en ces journées parlementaires, il faut en revenir au seul sujet qui vaille : l'amélioration de la vie quotidienne des Français.

Depuis plusieurs mois, la question du prix des carburants a pris une place prédominante chez nos concitoyens. Rien d'étonnant à cela : le cours du pétrole a triplé en un an et la voiture reste - pour beaucoup - un instrument de travail. Le Gouvernement y a répondu, peut-être avec retard, mais nettement plus vite que d'autres en Europe. Les mesures qui viennent d'être avancées par Laurent Fabius montrent que le message des Français a été entendu. Mais, en même temps, il faut dire la vérité. La stabilité du prix des carburants ne peut être obtenue par la simple diminution des taxes, au risque de déséquilibrer gravement les finances publiques. Elle appelle une négociation entre pays consommateurs et producteurs, comme l'a proposé le Premier ministre, pour garantir aux uns des cours rémunérateurs et aux autres un niveau de prix autorisant la croissance. Elle appelle de l'Europe une politique plus volontariste à la fois pour peser sur les compagnies pétrolières, harmoniser la fiscalité sur l'essence et pour soutenir l'Euro. Et il revient à la Présidence Française d'accélérer la prise de décisions, au risque sinon de renvoyer chaque gouvernement à la gestion chaotique de sa propre opinion publique, elle-même de plus en plus irritée par l'impact sur le pouvoir d'achat de ce qu'il faudra bien appeler - si nous n'intervenons pas - un troisième choc pétrolier.

Raison de plus pour affirmer nos priorités pour cette session parlementaire.

I - L'EMPLOI

Ce n'est pas parce que nous avons créé plus d'un million d'emplois et fait tomber le chômage en dessous du seuil de 10 % de la population active que nous en avons terminé avec notre engagement de juin 1997. Certes, la croissance est là et les 35 h se mettent en place.

Mais, nous devons rester là encore volontaristes :
     La précarité : pénalisation des abus

     La Formation professionnelle : validation des acquis, rationalisation des financements, mobilisation des partenaires sociaux

     La lutte contre le chômage de longue durée : en favorisant le retour vers l'activité par des parcours personnalisés (méthode différente de celle du PARE)... contrat de retour vers l'activité


II - LE POUVOIR D'ACHAT

Il est normal que les Français veuillent, après tant d'années de rigueur et de sacrifices pour le plus grand nombre, partager les dividendes de la croissance. Il nous appartient d'organiser cette redistribution :
     La baisse des impôts (après TVA, TH, IR, CSG)

     L'épargne salariale pour généraliser les mécanismes de participation et d'intéressement à tous les salariés dans toutes les entreprises

     L'amélioration des retraites (PLFSS)
Reste la question salariale : elle doit être clairement posée en fonction des gains de productivité et la commisération bien tardive de Jacques Chirac à l'égard du pouvoir d'achat doit être directement adressée au MEDEF.

III - LA SOLIDARITE

Elle doit s'exercer notamment en trois directions :

La jeunesse :

A travers la priorité donnée à l'Education, 14 000 nouveaux emplois budgétaires (enseignants et non enseignants) et 10 milliards de francs supplémentaires : lutte contre l'échec scolaire, nouvelles technologies, plan social étudiant, formation continue...

Les problèmes posés par le grand vieillissement :

Création d'une nouvelle prestation autonomie.

La ville :

Les événements de Grigny doivent nous convaincre à la fois de multiplier les actions d'intégration et d'être ferme sur les questions de sécurité. Sinon, nous ferons face à des déchaînements de grande violence.

IV - LA DÉCENTRALISATION

La Commission présidée par Pierre Mauroy va prochainement remettre son rapport.

Ce sera l'occasion pour nous de reprendre l'initiative sur le thème majeur de l'avenir de nos territoires et par rapport à une œuvre majeure, née de notre victoire en 1981.

Trois objectifs :
     Nouveaux transferts de responsabilités et clarification des compétences entre les différents niveaux ;

     Affectation à chaque échelon local d'un impôt spécifique et autonome, permettant une véritable réforme de la fiscalité locale ;

     Amélioration de la démocratie de proximité.

Pour mener cette politique nous avons besoin d'une majorité plurielle diverse mais cohérente et d'un Parti socialiste vivant mais uni.

Il est incontestable que, parmi les difficultés que nous avons traversées ces dernières semaines, une part revient aux expressions contradictoires de la Gauche plurielle, que ce soit sur la Corse ou sur les carburants.

Or, la majorité plurielle est le socle même de notre réussite. L'ébrécher, c'est entamer notre crédibilité.

Certes, il faut respecter nos identités, nos singularités, nos différences, mais elles n'ont de sens que si elles trouvent leur synthèse dans la cohérence de notre action commune.

Aussi, nous est-il apparu nécessaire de réunir, en octobre, un sommet de la Gauche plurielle. Mais, il ne doit s'agir ni d'un exercice obligé ni d'un libre forum. Il doit au contraire servir à fixer les orientations qui doivent nous guider jusqu'en 2002. Il faudra le préparer avec soin.

Mais, la cohésion de la Gauche plurielle suppose un Parti socialiste vivant et uni.

Nous avons l'occasion d'en faire la démonstration lors de la préparation de notre Congrès de Grenoble.

Je souhaite vivement que nous débattions avec le plus de liberté possible entre nous, pour atteindre le seul objectif de ce Congrès : l'élaboration d'un projet capable de forger le contrat que nous présenterons au pays en 2002.

Le Conseil national du 30 septembre fixera le nombre de motions qui seront soumises aux votes des militants.

Je souhaite que nous en fassions un moment utile. Et je suis ouvert à la synthèse à tout moment. Et si elle n'était pas possible, je fais confiance aux protagonistes pour maîtriser ce processus.

CONCLUSION

Je sais ce que vous éprouvez en ces instants.

Le sentiment d'être confrontés à des événements qui vous sont totalement étrangers, la crainte de voir toute notre action menée depuis trois ans et demi polluée par le vent mauvais des embrouilles et des chausses trappes, la révolte de voir la politique ramenée à des faits divers qui ne nous concernent pas.

Mais, en même temps, il y a en nous la volonté de respecter nos engagements, de garder le cap sur nos choix politiques (et notamment la lutte contre le chômage) et, de ne jamais céder à l'injustice.

Et c'est pourquoi, Chers Camarades, j'ai confiance dans l'avenir parce que j'ai confiance en vous.


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