Je plaiderai pour la ratification du traité

François Hollande



Entretien avec François Hollande, premier secrétaire du Parti socialiste, paru dans le quotidien Libération daté du 15 juillet 2004
Propos recueillis par Paul Quinio
 

Quel sentiment global retirez-vous de l'intervention du chef de l'Etat ?
J'éprouve un sentiment d'étonnement et de malaise. Car l'intervention de Jacques Chirac a éclairé les Français sur l'ampleur de la crise qui traverse le sommet de l'Etat. Le Président a décidé d'exécuter en direct son ministre des Finances, lui reprochant de multiplier querelles, divisions et polémiques. Le chef de l'Etat en est arrivé à demander à son gouvernement de respecter le Premier ministre, faute de pouvoir dans le moment actuel le changer. Cette situation ne peut plus durer. Comment admettre qu'un président de la République consacre l'essentiel de son temps à remettre de l'ordre dans son camp plutôt qu'à répondre aux préoccupations des Français ? Cette crise n'est pas seulement celle de la droite et du pouvoir, elle devient une crise de confiance à l'égard de l'ensemble de l'exécutif, qui ne pourra tenir trois ans encore dans ce climat-là.

Quelle consigne de vote donnerez-vous au référendum sur le projet de Constitution européenne ?
Les socialistes auront d'abord à porter une appréciation sur le traité constitutionnel. Il ne s'agit pas d'un accord historique. Il aurait dû être mieux négocié par les autorités françaises. Notamment sur les clauses de révision. Il reste que par rapport à la situation actuelle, il y a de réelles avancées institutionnelles, un progrès évident avec l'intégration de la charte des droits fondamentaux. Et rien dans le traité n'empêchera la gauche de mener le moment venu la politique qu'elle aura choisie, ce qui est pour moi le critère essentiel. Enfin, le traité peut ouvrir l'étape de l'Europe d'avant-garde à la condition qu'il y ait une volonté politique, celle qui manque aujourd'hui. Voilà ce qui me conduit à plaider au sein de mon parti pour une ratification du traité.

Vous appellerez donc à voter oui ?
La réponse au référendum dépend du texte, mais aussi du contexte. Les socialistes auront à prendre position sur la question précise posée au peuple, sur l'implication personnelle de Jacques Chirac dans le scrutin, sur la situation sociale du pays et sur l'utilisation qui serait faite du résultat. Notre réponse ne peut être acquise à ce jour pour une consultation qui aura lieu à la fin de 2005.

L'annonce d'une pause d'un an de la baisse des impôts vous satisfait-elle ?
Cet abandon d'une promesse du candidat Chirac est un aveu d'échec. Pendant deux ans, le gouvernement aura allégé les impôts des plus favorisés, creusé tous les déficits et maltraité les dépenses d'avenir. Aujourd'hui, la France est sur le point d'être condamnée par Bruxelles et le gouvernement est contraint de serrer tous les freins, au risque de compromettre la reprise balbutiante de la croissance. Mais il s'obstine néanmoins à baisser les charges sans aucune contrepartie en matière d'emploi. Attendons le 14 Juillet prochain pour que Jacques Chirac renonce aussi à cette politique-là.

Il a réclamé de nouveaux assouplissements des 35 heures...
Jacques Chirac a émis comme souvent des principes contradictoires. Il prétend préserver la durée légale du travail et donner toute liberté au recours aux heures supplémentaires, donner du pouvoir d'achat sans augmenter les salaires. Il veut céder au Medef sans brusquer les salariés. C'est une équation insoluble. Nicolas Sarkozy l'a bien compris en l'obligeant à la surenchère.

Jacques Chirac ne regrette pas la précipitation avec laquelle il a réagi à la fausse agression du RER. Estimez-vous au contraire qu'il y a une défaillance de l'appareil d'Etat ?
Je ne peux pas blâmer l'émotion des réactions suite à une nouvelle horrible qui avait l'apparence de l'authenticité. En revanche, je m'étonne de l'absence de toute précaution venant du chef de l'Etat lui-même, et de vérification dans des délais rapides de la part du ministère de l'Intérieur. Que savait-il précisément dès le dimanche quand des doutes commençaient à poindre ? Comment comprendre l'intervention du Premier ministre le lundi alors que de multiples sources mettaient déjà en cause la fiabilité du témoignage ? Comment admettre le rôle de la secrétaire d'Etat aux Droits des victimes qui à plusieurs reprises a donné foi au récit de la pseudo-agressée ? L'Etat, s'il doit combattre le racisme et l'antisémitisme, ne peut pas se laisser abuser. Nous voulons tout savoir de la part de ceux qui savaient peut-être mais n'ont rien dit.

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