Oui pour plus de démocratie

François Hollande

Discours de François Hollande
premier secrétaire

 Campagne du Parti socialiste pour le référendum
 sur la réduction du mandat présidentiel,
 le mardi 19 septembre 2000, au Cirque d'Hiver (Paris).

 
Nous sommes rassemblés ce soir, nombreux, pour signifier notre adhésion à la réforme du quinquennat à quelques jours du référendum ; mais nous sommes aussi rassemblés pour soutenir Lionel Jospin et la politique qu'il conduit, en notre nom, pour le pays.

Depuis plus de trois ans et demi, nous avons respecté nos engagements Qui peut en dire autant ? Nous avons respecté notamment l'engagement le plus difficile, celui sur la baisse du chômage. Qui aurait pu prétendre en 1997, même si nous l'affirmions, qu'il serait possible en l'An 2000, de faire baisser le chômage en dessous de 10 % de la population active ? Qui aurait pu prétendre que nous serions capables, nous la Gauche, de relancer la croissance, de rétablir la confiance ? Qui aurait pu prétendre que nous ferions cette grande réforme des 35 heures, celle que nous avions déjà affirmée dans les années 70, puis essayée dans les années 80.

Mais nous avons aussi respecté notre engagement de socialistes, de lutter contre les inégalités ; et ce furent des textes tels que la Couverture Maladie Universel ou la Loi contre les exclusions.

Mais nous ne sommes pas quittes. Nous n'avons pas fini d'acquitter justement le prix de nos engagements. Il nous faudra encore affirmer dans les mois qui viennent, en tout cas jusqu'à 2002 et très nettement la nécessité de continuer à réduire le chômage, notamment de longue durée, de former les salariés, de lutter contre la précarité. Nous ferons aussi des réformes importantes pour lutter contre les inégalités fiscales. Nous avons voulu aussi affirmer un troisième engagement : la rénovation du pacte républicain. Ce furent des réformes importantes :

 La parité : il nous a fallu convaincre au-delà de nos rangs, alors même que la première étape au sein du Parti socialiste ne fut pas aussi simple ;
 Le PACS

Le quinquennat est une étape importante dans ce processus. Nous portons cette proposition depuis 1995, c'est-à-dire depuis que Lionel Jospin en a fait un de ses thèmes de campagne présidentielle autour de la thématique du " Président citoyen ".

Le quinquennat n'est donc pour nous ni une découverte ni un aboutissement. Il s'inscrit dans le vaste mouvement de modernisation de la République que nous avons engagé depuis 1997 avec la limitation du cumul des mandats, la modernisation des modes de scrutin, la constitution des communautés d'agglomérations sans oublier la réforme de la Justice.

Le quinquennat permet d'en finir avec trois anomalies de la Vème République :

Une anomalie institutionnelle : le septennat a été fixé dans la IIIème République, au temps où le Président était élu par le Parlement et ne disposait que de pouvoirs limités. C'est aujourd'hui une durée inadaptée au temps démocratique. Dès lors que le Chef de l'Etat procède du suffrage universel, qu'il dispose de compétences essentielles, il doit donc rendre des comptes au peuple plus régulièrement.

Une anomalie démocratique : Le Chef de l'Etat, lorsqu'il dispose d'une majorité à l'Assemblée nationale n'est ni un arbitre ni un rassembleur mais un chef de parti qui concentre dans ses mains plus de pouvoirs qu'aucun autre Chef d'Etat dans le monde et sur une durée anormalement élevée, au point que la cohabitation apparaît comme la seule façon pour le peuple d'interrompre le règne (surtout lorsque lui est proposé, fort opportunément, une dissolution).

Une anomalie politique : Le septennat est le régime du tout ou rien, dans lequel le Président est soit le chef de l'Exécutif ­lorsqu'il dispose d'une majorité au Parlement, soit le chef de l'opposition, soit l'inspirateur majestueux de la République, soit le commentateur besogneux du 14 juillet. Et, il est vrai que si l'on regarde l'Histoire longue de la Vème République, certains sont davantage qualifiés pour le premier que pour le second rôle.

Voilà pourquoi le quinquennat n'est pas simplement un ajustement de calendrier, une commodité, une durée de complaisance ou une affaire personnelle. C'est l'amorce d'une profonde évolution de la fonction présidentielle dans le sens de la responsabilité devant les citoyens et d'un rééquilibrage des pouvoirs au sein de nos institutions.

Alors, me direz-vous, pourquoi ce peu de passion pour le référendum, si la réforme est à ce point décisive ?

Nul doute qu'en cette rentrée, le référendum ne constitue pas la première préoccupation des Français. Ils en ont d'autres et j'ai cru comprendre que le prix des carburants était un élément essentiel, non pas forcément pour leur réflexion mais au moins pour leur manifestation ;

Mais, au-delà de cet aspect conjoncturel, le référendum souffre paradoxalement de l'évidence du quinquennat. Beaucoup de nos concitoyens sont convaincus du bien fondé de cette évolution bien avant que de plus illustres en découvrent soudainement l'intérêt. Dès lors, ce consensus risque de priver la consultation de son enjeu essentiel. La bataille du quinquennat paraît presque gagnée d'avance et le référendum prend des allures de ratification. A nous d'en expliquer les enjeux et la portée ;

Il est vrai que l'attitude du Président de la République n'a rien arrangé :

 d'abord, il n'est venu au quinquennat que par une longue, interminable réflexion ; par un cheminement complexe, tortueux, où un ancien Président de la République l'attendait pour lui indiquer le bon choix. Son engagement est alors apparu tout sauf spontané. Et sa conviction davantage fondée sur une arithmétique personnelle que sur une philosophie profonde.

 Ensuite, avec le zèle du dernier converti, il a préféré le référendum à la procédure parlementaire ­il en avait parfaitement le droit. Comme si la décision de recourir au peuple permettait d'effacer l'abjuration chiraquienne du septennat gaulliste.

 Enfin, il s'est évertué, non sans talent, à banaliser cette consultation en considérant que, quelle que soit la réponse des Français, il serait très heureux. Cas unique sous la Vème République, où le référendum est ramené au rang de sondage.

Telle n'est pas notre conception.

Nous avons trop de respect pour le peuple pour ne pas lui indiquer clairement notre préférence.

Nous appelons à voter parce que c'est la responsabilité d'une grande formation politique - la première du pays - de donner toute la solennité nécessaire à l'acte civique et à la démocratie.

Nous appelons à voter " oui ", parce que nous avons proposé les premiers cette réforme du quinquennat et qu'il est donc de notre responsabilité de la faire adopter.

Nous appelons à voter " oui " pour aller plus loin le moment venu.

Et c'est vrai que, quitte à consulter le peuple, nous aurions pu lui proposer de se prononcer :

 Sur l'indépendance de la Justice, celle que la Droite - par crainte ou par calcul - a refusé d'organiser en se dérobant à la veille de la réunion du Congrès à Versailles ;

 Sur la limitation plus stricte encore du cumul des mandats que la majorité sénatoriale a renoncé à étendre par peur de perdre ses privilèges ;

 Sur l'harmonisation de la durée des mandats - et notamment celui du Sénat qui, il faut le reconnaître, est décidément très populaire chez les socialistes. La réforme du Sénat est pour nous quelque chose d'indispensable et le maintien du système actuel une incongruité ! ;

 Sur les droits du Parlement ou sur le nouvel acte de la décentralisation, parce que ce premier acte de la décentralisation c'était François Mitterrand et Pierre Mauroy qui l'avaient lancé au début des années 80 et, vingt ans après il y a matière à franchir une nouvelle étape dans le transfert des responsabilités.

 Sur d'autres réformes importantes, et je pense notamment au vote des résidents étrangers aux élections locales.

Soyons patients. Il nous reviendra le moment venu de mettre en œuvre toutes ces réformes.

Mais, dans l'attente, faisons passer le quinquennat comme un acte de plus de la modernisation de la vie politique.

Le 24 septembre, les socialistes répondront de façon simple à la question posée, même s'ils auraient préféré ne pas rester modestes.

Nous sommes les seuls dans cette campagne à être clairs :

Il y a ceux qui répondent " NON ", mais ne se souviennent plus de la question, tant ils sont habitués à répondre non à tout.

Il y a ceux qui disent " OUI ", mais qui pensent peut-être " non ".

Il y a ceux qui disent " NI OUI, NI NON ", faute de pouvoir se mettre d'accord entre eux.

Avouez que notre " OUI " est plus simple, plus allant, pour tout dire plus franc et qu'il doit l'emporter dimanche.

Mais, au-delà du 24 septembre, les socialistes - et j'en prends l'engagement- reprendront inlassablement leur marche vers plus de démocratie. Cette marche ne cessera vraiment que lorsque nous en aurons fini avec les inégalités.

C'est vous dire, Chers Camarades, l'importance de ce qu'il nous reste à faire ensemble et que nous ferons !



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