Les socialistes
sont de retour
Congrès de Dijon - 18 mai 2003

Discours de François Hollande, premier secrétaire du Parti socialiste
Clôture du Congrès de Dijon


 
Chers camarades, mes amis,

Mon message est simple. Il s’adresse à vous et, à travers vous, à tous ceux qui nous regardent, nous attendent. Ce message, c’est celui que nous avons écrit ensemble durant ces 3 jours. Il s’énonce comme une évidence : les socialistes sont de retour. Que tous en soient remerciés. Militants, responsables, porteurs de contributions et de motion. Nous avons réussi notre Congrès et franchi ainsi une première étape.

Que la ville de Dijon en soit honorée. Notre histoire retiendra que c’est ici, dans la capitale de la Bourgogne, que le Parti socialiste a engagé un nouveau départ. Merci à toi, François Rebsamen. Je souhaitais que notre Congrès se tienne dans une ville gagnée par la gauche en 2001 (Paris, Lyon, Tulle). Mais, Secrétaire national aux Fédérations, tu ajoutais des arguments que nul autre ne pouvait contester. Merci aux militants de la Fédération de Cote d’Or, avec Michel Neugnot, aux bénévoles, aux permanents et au service d’ordre.

Chers Camarades, nous avons relevé le défi.

Et d’abord surmonté l’épreuve. Une défaite lourde, cruelle, injuste. Aux conséquences aussi invraisemblables qu’implacables : le vote républicain le 5 mai, puis le rejet de la cohabitation aux élections législatives de juin. Et le retour brutal dans l’opposition sans avoir eu vraiment l’occasion de défendre nos chances et nos idéaux.

Ensuite, la douleur longue, tenace, irrépressible. Celle de l’échec, de l’humiliation, de la responsabilité personnelle et collective.

D’autres à notre place auraient pu succomber, sombrer ou en tout cas subir. Nous avons tenu bon. Nous avons fait notre devoir de républicains, résisté au choc au point de retrouver, aux législatives, notre étiage de 1997, accueilli des milliers de nouveaux adhérents et engagé, dès l’automne, un débat militant d’une rare qualité et qui a préparé dans les meilleures conditions notre Congrès, avec une participation exceptionnelle pour le vote des motions, 77 % de votants. Au-delà du résultat lui-même, c’est le score dont nous sommes le plus fiers car nous le partageons tous. Nous l’avons construit ensemble.

Et, un an plus tard, presque jour pour jour, après le terrible 21 avril, le Parti socialiste est là, en force, en mouvement et en marche vers la conquête de la confiance et de l’espérance.

Mais, la condition de notre redressement est de ne rien oublier de ce qui s’est produit. Le 21 avril n’est pas simplement une défaite de la gauche, comme nous en avons connu d’autres parfois plus prévisibles dans notre histoire récente, ce n’est pas simplement le prix des divisions ou la rançon d’erreurs gouvernementales ou politiques, c’est le syndrome d’une crise profonde de la politique, à l’œuvre depuis 20 ans, avec l’extrême droite, le populisme et l’abstention. C’est la confirmation d’une difficulté pour les socialistes, en France mais aussi en Europe, de représenter toute la société - et notamment les catégories populaires - et de donner du sens à l’action transformatrice face à la mondialisation libérale.

Tant que ces leçons n’auront pas été tirées, tant que ces handicaps n’auront pas été surmontés, nous pourrons connaître des gains électoraux faciles, des succès d’estime obtenus sur les déboires de nos concurrents, des popularités virtuelles, voire même le retour au pouvoir, nous ne pourrons rien construire de durable, de profond, de continu. Nous serons de nouveau – à un moment ou un autre - culbutés par le scepticisme, la frustration et la résignation.

Mais, cet effort de lucidité appelle de notre part les transformations indispensables des pratiques, des instruments comme des contenus. Il ne nous conduit pas à rejeter ce que nous sommes et ce que nous avons fait ensemble.

Nous sommes un parti de réformes, un parti de gouvernement. C’est notre histoire. Elle est glorieuse. Toutes les avancées sociales ont été produites par la gauche. Elle est honorable. Car c’est la confrontation à la responsabilité, à la réalité, à l’épreuve du pouvoir, quand d’autres choisissent - par posture ou par dogme - de se calfeutrer dans la facilité de l’exhortation ou de la mauvaise conscience. Elle est exigeante parce qu’il est toujours plus demandé à la gauche qu’à la droite, parce que ce que fait la gauche est normal et ce qu’elle ne fait pas insupportable, parce qu’elle est toujours suspectée de mollir ou de se renier au prétexte qu’elle exerce le pouvoir, y compris par gros temps.

Nous ne sommes donc jamais à l’abri de l’ingratitude, et pire encore de l’indifférence, quand nous demandons soutien et participation dans les rendez-vous électoraux.

Et c’est pourquoi je veux dire ici ma reconnaissance à l’égard de Lionel Jospin. C’est lui qui nous a redonné espoir en nous en 1995. C’est lui qui nous a fait gagner en 1997, c’est lui et son gouvernement qui nous ont donné la fierté de voir enfin la courbe du chômage s’inverser, c’est lui qui a tenu parole sur la CMU, le PACS, l’APA, les emplois jeunes, les 35 heures. C’est lui qui a eu la dignité rare de se retirer pour endosser lui-même les conséquences de l’échec. Alors oui, Lionel Jospin, de savoir que le Parti socialiste ait pu soutenir un homme d’Etat de ta qualité, qu’il compte encore aujourd’hui un militant comme toi, c’est une belle référence. C’est la mienne.

Mais, nous sommes aujourd’hui en charge de la responsabilité du Parti socialiste. C’est à notre tour d’ouvrir une nouvelle étape, d’écrire une nouvelle page, d’amorcer un nouveau cours.

À bien des égards, la période que nous traversons est historique et le moment crucial.

Le monde connaît une crise profonde. Une crise politique avec une hyper puissance américaine qui s’affranchit du droit et des Nations-Unies pour imposer sa force, sans être sûre de la maîtriser et sans pouvoir agir sur un terrorisme abject, dont on voit une nouvelle manifestation d’horreur au Maroc, sans régler le conflit au Proche Orient, qui n’en finit pas de faire couler le sang et d’entretenir la tension bien au-delà de la région. Une crise économique ensuite, avec une mondialisation libérale qui, faute de règles, ne crée pas autant de richesses qu’elle le prétend et, faute de les répartir harmonieusement, bouscule les économies les mieux établies et étrangle celles qui émergent. Une crise morale, enfin, avec la montée des peurs, des fanatismes et des intolérances, des corruptions. Des mouvements se lèvent pour contester ces dérèglements planétaires. L’Internationale socialiste n’est pas toujours au rendez-vous. Il nous revient sans doute de jouer davantage notre rôle, d’appuyer la contestation et de la traduire politiquement. Nous serons donc à Evian à l’occasion du G 8 et nous participerons pleinement au forum social européen de Paris.

Mais, nous avons aussi à construire une solidarité politique qui ne peut se limiter à nos présences, les uns et les autres, aux congrès des partis (c’est l’occasion de mon salut aux délégations étrangères).

L’Europe peine à prolonger son projet. Elle a construit des instruments, un grand marché, l’euro, les fonds structurels. Elle est attractive et les pays candidats se bousculent pour y adhérer. Mais, elle se divise sur l’essentiel : libre-échange ou espace solidaire, Europe des Etats ou Europe des citoyens. Europe alignée ou Europe puissance. Le débat nous oppose une nouvelle fois – et nous opposera - aux conservateurs. Et un choix essentiel sera fait dans les mois qui viennent. Nous devons peser sur lui.

La France est également confrontée à une offensive libérale de grande envergure. Elle ne s’en est pas rendu compte de prime abord. Les conditions extravagantes de l’élection présidentielle, les précautions de la droite de ne pas faire ressurgir le spectre Juppé, les formules plus ou moins heureuses de communication du Premier ministre ont jeté un voile, un écran de fumée, un brouillard sur les intentions réelles du gouvernement. Mais, peu à peu, le flou se lève et le dessein apparaît.

Ce qui est en question, ce n’est pas seulement – comme nous l’avions cru initialement - de défaire ce que nous avions fait pour des raisons dogmatiques parce que c’était nous, ou idéologiques parce qu’à leurs yeux c’était mal : emplois jeunes, 35 heures, modernisation sociale, APA… C’est en définitive de mettre en cause les fondements mêmes de notre modèle social : la protection sociale fondée sur la solidarité nationale, le service public financé par l’impôt, l’Education pour tous.

Au nom de la décentralisation, il s’agit d’abandonner des missions essentielles, notamment des moyens de l’école de la République.
u nom des déficits de la Sécurité Sociale, de transférer vers les assurances privées la couverture maladie.
Au nom de la démographie, de remettre en cause la retraite à 60 ans. Acquis social de la gauche de François Mitterrand et Pierre Mauroy.
Au nom de la réforme de l’Etat, de diminuer drastiquement le nombre des fonctionnaires et la présence des services publics.
Au nom de la sécurité, de reléguer les populations supposées difficiles dans des quartiers, des logiques d’exclusion et de relégation.
Au nom du bon sens, de prendre systématiquement la mauvaise direction.

Il y a là une conception de la société. Celle de l’individualisation des rapports sociaux, où l’Etat prévoit le minimum et où chacun doit financer, selon ses moyens, les droits, les services et les risques qui lui étaient jusqu’à présent garantis. C’est la privatisation des grandes fonctions collectives. « Vous voulez des protections, nous disent ces libéraux, et bien enrichissez-vous. Payez les vous. » Raffarin, c’est Guizot revisité ! Devinez qui est Louis Philippe !

La France semble revivre les affres de la période Juppé, comme si notre législature n’avait été qu’une parenthèse dont la droite s’efforcerait d’effacer les traces pour mieux rétablir la continuité de ses opérations interrompues pour cause de dissolution.
Mais c’est en fait les mêmes problèmes qu’elle retrouve comme à l’identique : la croissance en berne, le chômage en flèche, les déficits en hausse, les services publics en baisse.
Avec les mêmes conséquences : La France en Plans... plans sociaux, plan de rigueur budgétaire, plans d’austérité pour la Sécurité Sociale, plan de réduction des emplois publics.
Avec les mêmes cibles : les fonctionnaires d’abord (mauvaise graisse hier, mauvaise graine aujourd’hui), les salariés ensuite qui coûtent toujours trop cher et même les personnes âgées qui dépensent trop.
Avec les mêmes privilégiés : le patronat qui n’a pas besoin, lui, de descendre dans la rue car il tient le haut du pavé, les gros revenus, seuls bénéficiaires des largesses fiscales du gouvernement pour leur placement, leur retraite et même leur personnel de maison. Enfin, les grandes fortunes qui ont pu obtenir, en période de disette sociale, un allègement de l’ISF au nom de la création d’emplois, au moment où les chômeurs devaient davantage cotiser pour leurs droits. Terrible symbole où les pauvres sont obligés désormais de secourir les riches.

Rien de surprenant, dans ce contexte, de revoir la réplique des mouvements sociaux de l’hiver 1995. Retraites, Education, Santé, la grogne monte, la colère gagne. Nul ne peut s’en réjouir. La grève n’est jamais une facilité. C’est une épreuve pour tous les salariés qui l’engagent, les usagers qui la subissent, l’économie qui en souffre. Et le gouvernement devrait y réfléchir à deux fois avant de diviser le front syndical, d’opposer les Français entre eux et d’espérer un épuisement qui ne serait pour lui, chacun le sait, qu’un répit.

Ces images, ces résultats, ces souffrances démontrent, s’il en était besoin, mais fallait-il s’imposer cette pédagogie, qu’entre la gauche et la droite, nulle confusion ne peut s’établir, que les clivages sont là, patents, visibles et que ceux qui ont entretenu cette rumeur perverse et pernicieuse peuvent en faire aujourd’hui le constat. La droite, c’est l’inverse de la gauche. Elle en fait chaque jour la démonstration. À nous d’en apporter la preuve.

Dans ce moment où beaucoup se joue pour l’équilibre du monde, l’avenir de l’Europe, la cohésion sociale de la France, le Parti socialiste doit être à la hauteur des enjeux et conscient des attentes qui se portent sur nous.

Notre responsabilité est grande :
     Pour le mouvement socialiste européen, dont nous sommes partie intégrante d’abord. Il a connu un grave recul électoral. Des 11 gouvernements socialistes sur 15 de 1999, il n’en reste plus que 4. Ce qui traduit sans doute la montée des populismes et des conservatismes en Europe, mais surtout le défaut d’un projet commun qui nous unirait dans nos engagements collectifs pour le continent mais aussi dans nos approches nationales des questions de solidarité, d’écologie, de croissance et d’emplois.
    C’est à nous, les socialistes européens, de prendre des initiatives pour l’Europe. De la doter d’institutions fédérales, alors que la droite privilégie les solutions intergouvernementales et refuse une véritable citoyenneté européenne autour d’un Parlement et d’un gouvernement européen qui procèderait de lui. Initiative pour l’Europe sociale, afin de faire de notre continent un espace de solidarité, de domination de la globalisation libérale.
    Initiative pour faire de l’Europe un acteur majeur du monde : promoteur des Nations-Unies et des institutions internationales, régulateur des marchés, organisateur de la solidarité à l’égard du Sud, inventeur des règles et des normes de protection de l’environnement.
    Pour ce projet, il faut un Parti, c’est le PSE, à la condition d’en faire une véritable organisation politique, avec ses adhérents, ses dirigeants élus,, ses orientations délibérées par tous. Nous n’y serons peut-être pas majoritaires, mais c’est le risque à prendre. Sans ce Parti, le socialisme européen ne sera qu’une addition à somme nulle, qu’une collection d’intérêts que le libéralisme dissoudra peu à peu faute de résistance organisée.
    C’est pourquoi, au lendemain de notre Congrès, je demanderai une réunion exceptionnelle des partis socialistes européens pour décider d’un changement des statuts du PSE, de la préparation concomitante d’une réponse commune à la future Constitution européenne et de l’élaboration d’un programme commun pour les futures élections au Parlement de Strasbourg.
    Il y a urgence. Car 2004 sera une année clé pour l’avenir de l’Europe. Constitution, projet, élargissement, tout se décidera en même temps et pour longtemps. Pas simplement pour l’Europe mais pour l’idée du socialisme en Europe.

     Notre responsabilité est grande également comme socialistes Français. Il nous revient de répondre à la crise du politique, de fixer l’identité des socialistes et de constituer dès à présent une alternative crédible à la droite.
    La dépolitisation et la plus grande menace qui pèse sur la démocratie. L’illisibilité des enjeux, l’effacement des clivages, la banalisation des débats minent les fondements mêmes de l’engagement politique et de la participation civique. Cette mécanique insidieuse est à l’œuvre depuis une vingtaine d’années, à mesure que les alternances se succèdent les unes aux autres dans un rythme infernal. La droite n’a rien à redouter de cette tendance. Et quand c’est la jeunesse et la frange la plus populaire de l’électorat qui s’éloignent des urnes, elle peut même y trouver son compte. Elle l’entretient donc comme à plaisir. Elle parasite les messages, récupère les mots (décentralisation, laïcité, développement durable) pour les priver de contenu, flatte les catégories et les corporatismes et croit s’adresser au peuple en le voyant en bas.
    La dépolitisation frappe la gauche en plein cœur
    . Chaque fois que la politique recule, c’est le progrès lui-même qui prend du retard. L’abstention, l’indifférence civique, la résignation, tels sont nos premiers adversaires. Il ne s’agit pas simplement de convaincre ceux qui ne croient plus en nous et qu’il faut regagner, mais ceux qui n’y croient plus du tout et qu’il faut reconquérir pour la démocratie elle-même.
    Il en est de même à l’égard de l’influence de l’extrême droite. Elle s’est installée durablement au cœur de nos cités et de nos villages. Son terreau, c’est la peur. Peur du monde, peur de l’autre, peur de l’avenir, peur d’elle-même. Nous ne réduirons cette emprise populiste qu’en menant un vaste mouvement d’éducation populaire, c’est-à-dire d’explication, de formation, de compréhension et, en même temps, de confiance dans les règles de la République pour assurer sécurité et dignité. En sommes-nous capables aujourd’hui ? Pas encore. C’est l’effort qu’il faut mener. Là aussi il y va non pas simplement de notre propre avenir mais de celui de la démocratie.

    Enfin, nous devons nous interdire la facilité de penser qu’il suffirait d’attendre benoîtement les déconvenues de la droite pour revenir aux responsabilités de notre pays. Je ne dis pas que ce calcul serait faux. La droite et Jacques Chirac ont une capacité inouïe et parfois totalement insoupçonnée de nous faciliter la tâche. Mais ce calcul serait dangereux. Il ne peut y avoir de réussite durable que fondée sur un rapport de confiance solide, avec les citoyens et les acteurs sociaux, sur une analyse claire de la société et sur des réponses appropriées et concrètes.

    La grande question qui nous est posée n’est pas simplement de savoir quand nous reviendrons au pouvoir - l’alternance est inscrite et le plus tôt sera le mieux, mais pour quoi faire et pour combien de temps. Tel est le sens que nous devons donner à notre combat. Retisser les fils perdus. Engager une mobilisation civique au-delà des élections. Faire vivre la démocratie participative. Partager le pouvoir.


Cette exigence de politique est inséparable de l’affirmation de notre identité de socialistes. Ah, l’identité des socialistes ! C’est un débat récurrent. Il remonte sans doute aux origines mêmes de notre mouvement. Il est d’ailleurs légitime qu’à chaque période qui s’ouvre nous ayons à préciser l’actualité de nos valeurs, la pertinence de nos idées, de nos solutions et de nos instruments.

Il nous est souvent demandé des clarifications contradictoires.

Ainsi, sommes-nous sommés depuis 20 ans par de bons esprits, à intervalles réguliers, de faire notre aggiornamento, notre congrès de Bad Godesberg, pour affirmer notre modernité. Mais, franchement, nous n’avons pas eu besoin d’un Congrès extraordinaire pour y parvenir. Et il y a maintenant bien longtemps qu’en gouvernant (15 ans durant les 25 dernières années) nous avons démontré un sens certain des réalités et des aptitudes à la gestion au point même, à regarder les chiffres de croissance, d’inflation et des finances publiques, d’y parvenir de bien meilleure façon que la droite et d’y céder même quelque peu à certaines occasions, sans obtenir pour autant les faveurs de nos adversaires.

Mais aussitôt s’ouvre l’autre procès, celui de la mauvaise conscience, de la trahison, du reniement, de l’abandon. Comme si, venir au pouvoir serait une compromission qui se terminerait toujours par une capitulation. Parce que le capitalisme serait devenu trop fort et la social-démocratie trop faible. Comme si le système devait nous dévorer tout cru. Et comme s’il était possible, d’entrer de jeu, de se mettre précisément hors du système. La gauche serait alors condamnée à l’opposition ou à l’échec. Terrible dilemme ! Fausse alternative !

Je pense, au contraire, que nos idées demeurent d’une saisissante actualité et que nos méthodes d’action restent pertinentes, à condition d’en renouveler régulièrement les instruments.

Le socialisme, c’est une triple conviction : la capacité de nous émanciper collectivement et personnellement des puissances économiques que nous mettons en œuvre, la force de la démocratie pour dominer les intérêts privés et assurer la primauté de l’intérêt général et enfin, la recherche obstinée de l’égalité pour assurer un progrès partagé Qui peut croire que, face aux dérèglements des marchés, aux injustices qu’ils produisent, aux atteintes insupportables aux biens naturels qu’ils provoquent, aux fanatismes et à l’individualisme que le libéralisme engendre, les valeurs que nous défendons ne correspondent pas à l’avenir de l’humanité ? Les méthodes de la social-démocratie : la régulation, la redistribution, la démocratie, l’internationalisme demeurent bien préférables au laisser-faire ou au souverainisme.

Alors, il est vrai que nous devons renouveler nos instruments. C’est là tout l’enjeu de nos débats sur les normes, les institutions, la fiscalité, les services publics, la place de l’Etat, le rôle de l’Europe. Il s’agit, à chaque moment, de les adapter, de les élargir, de les repenser face aux nouveaux défis à relever.

L’identité de notre parti n’est pas non plus mystérieuse. Le Parti socialiste est un parti de transformation : il a vocation non pas à accompagner mais à changer. C’est un parti de réforme : il procède par étapes, par avancées, par accumulation de progrès. Il prend la réalité telle qu’elle est dans le présent pour la rendre différente dans le futur. C’est un parti de toute la société. Il porte un projet global, il affirme une ambition pour tous. Il recherche l’intérêt général en associant chacun, et notamment les plus vulnérables, à la réussite d’ensemble. C’est le sens qu’il donne à la République.

Voilà ce que nous sommes. Et qui vaut que nous soyons dans l’opposition ou au pouvoir. Rien ne serait d’ailleurs pire pour notre crédibilité, que de faire varier nos comportements, nos démarches et nos discours selon notre place institutionnelle. Lorsque nous sommes aux responsabilités, mieux vaut avoir pris la mesure des problèmes à relever et des réponses à apporter, au moment où nous en sommes pour un temps écartés. Je rappellerai la leçon de nos amis Suédois « Se comporter au pouvoir comme si nous étions dans l’opposition et agir dans l’opposition pour revenir, le plus rapidement possible, au pouvoir ».

C’est précisément aujourd’hui notre tâche.

Depuis un an, il nous a fallu respecter plusieurs temps : le temps de l’alternance, celui de la réserve qui sied à ceux qui ont perdu, le temps de l’alerte pour prévenir les Français, parfois dans l’indifférence, des conséquences des décisions prises, de l’empêchement - nous l’avons montré sur la bataille de la réforme des modes de scrutin, de la comparaison - la première année de Raffarin peut être mise en regard de notre propre action.

Chers Camarades, le temps de l’offensive est désormais venu. Nous devons marquer une détermination à défendre des acquis essentiels en appui des actions qu’engagent les citoyens et leurs représentants, mais aussi montrer dans chaque domaine qu’une autre voie est possible, que nous portons une alternative dont nous serions comptables dès la prochaine alternance.

Trois sujets doivent nous mobiliser dans les jours et les semaines qui viennent.
D’abord les retraites
C’est un droit fondamental. L’âge comme le niveau. C’est un élément essentiel du pacte social. C’est le contrat entre les générations. Nul ne conteste la nécessité d’une réforme. Le gouvernement de Lionel Jospin en avait posé les bases : le COR comme instrument de diagnostic partagé, la création du fonds de réserve alimenté déjà de plus de 16 milliards d’euros pour amortir le choc démographique. Il nous a souvent été reproché de ne pas avoir été plus loin. Mais dois-je rappeller que de 1997 à 2002, nous avons permis la création de près de 2 millions d’emplois et laissé d’un million le nombre de chômeurs.

Et que c’est la meilleure façon d’assurer le financement des régimes de répartition. La meilleure preuve est que nous avons généré des excédents lorsque nos prédécesseurs enregistraient des déficits, et nos successeurs les retrouvent.

Le projet du gouvernement appelle trois refus majeurs de notre part :
     Il est fondé sur une philosophie qui consiste à demander aux salariés de travailler plus longtemps pour gagner moins. L’allongement de la durée de cotisation - 40, 41, 42 ans et d’avantage encore si nécessaire - était la position du Medef, c’est la solution du gouvernement.
     Il est injuste car, au nom d’une harmonie virtuelle, il ignore la pénibilité des métiers, les différences dans les espérances de vie, les temps de formation, la situation très inégalitaire des femmes.
     Il est dangereux car il n’est pas financé. Il suppose une diminution de moitié du chômage d’ici 2007, alors que le nombre de demandeurs d’emploi progresse, que la croissance est bridée et que les entreprises se débarrassent des travailleurs âgés chaque fois qu’elles en ont l’occasion. Dès lors, faute de ressources, les régimes de répartition seront progressivement affaiblis et vidés, ce qui laissera libre cours aux formules d’épargne individuelle et aux fonds de pension, surtout si des avantages fiscaux sont accordés pour les encourager. Les uns travailleront plus longtemps pour avoir moins, les autres épargneront davantage pour avoir plus. Voilà la logique Raffarin.

Nous pouvons comprendre la mobilisation qui s’est engagée le 13 mai. Elle a été puissante. Elle ne faiblit point. Nous, socialistes, serons présents dans les manifestations dans le respect des organisations syndicales et nous demandons solennellement le retrait du projet. Notre rôle, c’est de donner une traduction politique, de ne pas refuser l’idée de réforme mais d’en proposer une autre. Celle que nous mettrions en œuvre. Elle porte l’objectif de garantir un niveau élevé de pensions. Elle s’appuie sur une autre logique :

     L’emploi : dans un système de répartition, c’est la clé de tout. Il ne peut y avoir d’avenir pour les retraites sans la recherche d’une pleine activité et d’une durée effective des carrières au-delà de 50 ans.
     La négociation sur les temps de cotisation en fonction de la pénibilité, des durées de formation, des revenus et des efforts contributifs qui doivent être harmonisés.
     L’affectation des nouvelles ressources : il n’est pas vrai que la répartition, avec les évolutions démographiques, puisse être préservée sans de nouvelles recettes. C’est ainsi que nous avons procédé depuis 40 ans. Ce qui suppose d’appeler l’effort de tous, des actifs comme des inactifs, des ménages comme des entreprises, des revenus du travail comme du capital : c’est-à-dire les cotisations sociales pour les régimes de répartition, une part de CSG et une ressource tirée de la richesse produite pour le fonds de réserve pour les retraites. Ce n’est pas la réforme la moins courageuse. Mais, c’est celle de la solidarité nationale. C’est la nôtre.
Je ne sais si le gouvernement parviendra à ses fins, au risque même de l’épreuve de force. Nous ne ménagerons pas notre peine pour le faire céder. Nous jouerons pleinement notre rôle au Parlement pour y faire obstacle et pour développer nos propositions alternatives. Mais, ce que je sais, c’est que tout gouvernement, au-delà de 2007, aura à revenir sur le dossier des retraites, faute de financements garantis et, ce que je sais aussi, c’est que si nous sommes en situation d’agir - je le dis nettement aujourd’hui et je prends date, le plan Raffarin sera retiré et nous en négocierons un nouveau.
La protection sociale
Mais, une autre menace pèse sur la protection sociale. Le gouvernement, par faiblesse ou par calcul, a fait le choix de laisser filer la dépense : le déficit de l’assurance maladie dépassera 15 milliards d’euros fin 2003, soit à un niveau jamais atteint même par Alain Juppé. L’intention de la droite est de tirer argument de cette mauvaise gestion pour changer les principes mêmes de la Sécurité Sociale et renvoyer sur les complémentaires privées et les mutuelles, les dépenses couvertes aujourd’hui par la garantie collective. Nul besoin de relever la CSG et les prélèvements obligatoires, puisque chacun devra s’assurer lui-même en souscrivant des assurances, sans être jamais sûrs, au regard de son risque et de son âge, d’y avoir toute sa vie accès.
L'Éducation nationale
Enfin, l’Education nationale est victime d’une agression en règle : réduction des moyens budgétaires, suppression des emplois jeunes, mise en cause des équipes pédagogiques à travers le transfert des personnels vers les collectivités locales, renoncement à l’objectif de démocratisation de l’école, changement des règles d’orientation des élèves… Bref, c’est une part du modèle républicain qui est directement atteint. On comprend la grogne et la colère des personnels, ils ne défendent pas leur emploi, leur statut, leur place, mais l’école de tous. Et, quand le Premier ministre les met en garde, les menace et leur demande de respecter les pratiques républicaines, c’est sa politique qui, aujourd’hui, s’en éloigne. C’est elle qui est en faute. C’est elle qui menace l’école. C’est elle qui oblige à des mouvements et à des manifestations. Et les enseignants ne le font pas par plaisir mais par conscience de défendre des principes essentiels.

L’attitude de Luc Ferry confine à la provocation. Il est vrai qu’il est le premier philosophe dans l’histoire de la pensée universelle à avoir transformé un livre en boomerang, dont l’auteur fait aujourd’hui les frais dans les manifestations.

Nous devons les appuyer et demander l’abandon immédiat du projet de décentralisation appliqué à l’Education nationale.

Mais, il faut faire davantage ; nous devons, nous les socialistes, engager un dialogue avec tous les partenaires de l’école pour porter, ensemble, un projet éducatif qui aille au-delà d’une addition de moyens - par ailleurs nécessaires - mais qui définisse les missions, les instruments, les formes que nous assignons à l’école pour les années qui viennent. Et, plus largement, à la formation sur toute la vie. En préparant l’avenir, nous revenons aux origines mêmes de l’idéal socialiste. L’Education est le levier de l’égalité, de la citoyenneté, de la laïcité, de l’émancipation. Ce choix politique nous appartient en propre. Ils n’est tributaire ni des contraintes de la mobilisation ni des directives européennes. Il dépend d’une décision collective. Il fonde une espérance globale, une ambition nationale, un lien social. Il nous permet de répondre à toutes les grandes questions de la période : la cohésion sociale, la réussite économique, le développement personnel, le civisme, l’intégration et la sécurité.

Le projet des socialistes doit être celui de l’avenir : Education, Recherche, Développement durable, territoires, nouvelles technologies, nouveaux emplois. C’est cette volonté-là qui redonnera du sens à la politique et de l’espoir dans la Démocratie.

Notre Congrès n’avait pas une vocation programmatique. Un an après notre échec, quatre ans avant les échéances nationales décisives, une telle prétention n’auront eu guère d’actualité. Il nous revenait de tirer les leçons de nos expériences gouvernementales, de comprendre les aspirations de nos concitoyens, de relever les grandes questions qui nous sont posées, de fixer notre identité, de marquer nos priorités et nos grandes orientations, de renforcer nos engagements européens. En ce sens, ce Congrès a été majeur : le cap est pris, la ligne est claire, les choix sont faits. Mais, nous ne sommes qu’au début de notre travail de reconquête.

Il nous faut bâtir patiemment un projet avec une démarche différente du passé, c’est-à-dire d’abord en voyant loin, en inscrivant notre action dans la durée, en précisant les objectifs de long terme pour mieux organiser nos réformes. Ensuite, en inscrivant notre projet dans une démarche internationale visant à faire de l’Europe un instrument de domination de la mondialisation libérale et non un de ses véhicules.

Enfin, notre projet doit être conçu, élaboré en étroite liaison avec les citoyens, les acteurs sociaux, les intellectuels pour être, ensuite, portés et partagés par eux. C’est la condition du succès. Elle exige un parti profondément immergé dans la société, au travail, à l’écoute, à l’initiative et dont le seul moteur ne peut être la préparation des élections et la désignation des candidats. Même s’il faut aussi toujours y penser.

Voilà pourquoi l’enjeu majeur de notre Congrès, c’est de bâtir un grand Parti socialiste.


Un grand Parti socialiste

Parmi les multiples leçons de notre échec de 2002, bon nombre interpellent directement notre propre parti, dans son influence, dans son organisation, son fonctionnement et sa représentation de la société. Et, si nous ne voulons plus retrouver un 21 avril, le temps est venu de construire un grand Parti socialiste. Car, ce n’est pas notre hégémonie qui a fait problème l’année dernière, c’est notre faiblesse.

Certes, depuis plus de 20 ans, le PS est le premier parti de la gauche. La stratégie d’Epinay, avec François Mitterrand, a été un indéniable succès. Et, pour autant, le PS n’a pas été capable de se situer en termes d’effectifs militants et de résultats électoraux au niveau de ses homologues européens. Le nombre de nos adhérents plafonne autour de 130 000. Et nous ne dépassons que très exceptionnellement 30 % des voix et parfois nous tombons autour de 15 %, affichant ainsi notre fragilité et la volatilité de notre électorat. Cette vulnérabilité n’est pas notre problème singulier, il est celui de toute la gauche française. Lorsque nous maigrissons, les autres peuvent mourir.

Et, c’est pourquoi je propose de bâtir un parti capable de fidéliser plus de 30 % de l’électorat et de doubler d’ici 5 ans nos effectifs militants. Il faut commencer dès aujourd’hui.

Un tel objectif exige une profonde rénovation :
     La mise en place d’un plan de développement de notre Parti :
    Nous connaissons nos forces, un réseau d’élus présents sur tout le territoire, des militants disponibles, des sympathisants nombreux. Nous mesurons nos faiblesses (vieillissement, sur-représentation des classes moyennes, présence insuffisante des salariés du privé).
    L’enjeu, c’est l’élargissement de notre assise militante. Il passe par des campagnes d’adhésion, un accueil simple, une vie interne épanouissante (au-delà de la lecture des motions qui peut occuper des longues soirées d’hiver), une présence sur les lieux de travail et de vie. À la direction nationale et dans chaque fédération, un responsable du développement et de l’animation du Parti sera chargé d’impulser cette politique à partir d’objectifs chiffrés. Les petites fédérations feront l’objet d’un soutien particulier (la moitié de nos fédérations a moins de 500 adhérents) et un secrétariat national à l’Outre-Mer sera créé. L’université permanente chargée de la formation des militants et des cadres sera renforcée.

     Le renouvellement des pratiques :
    Les militants ont vécu d’autant plus douloureusement l’échec qu’ils ont éprouvé le sentiment, ces dernières années, de ne pas avoir été suffisamment associés aux décisions collectives.
    Nous devons être un exemple de démocratie participative. Elle prendra la forme de la conférence militante annuelle pour engager les orientations du PS dans l’intervalle des congrès et pour veiller au respect de la ligne, du référendum militant pour appeler à la responsabilité de chacun sur les choix essentiels. Et la première consultation portera sur l’Europe, lorsque nous aurons à prendre position sur la future Constitution européenne. Enfin, le Conseil national doit devenir le véritable parlement du Parti. Son ordre du jour sera également débattu dans les Conseils fédéraux et les résolutions qui y seront votées engageront tout le Parti.

     La représentation de la société française :
    C’est pour le Parti socialiste une question majeure. Parti de toute la société, il doit en être le reflet.
    Notre Congrès de Dijon marque, de ce point de vue, une étape considérable dans la composition de nos instances.
    La parité y est enfin respectée. Le renouvellement des générations a été assuré. Et ce n’est jamais facile, parce qu’il y a des camarades qui ont servi le Parti depuis des années et qui considèrent qu’ils ont encore la capacité de le faire et que le militantisme n’est pas une affaire d’âge. Ils ont raison. Je veillerai à les associer différemment.
Enfin, nous avons voulu représenter toutes les couleurs de notre Parti. Et, convenons qu’il y avait du retard. C’est ainsi que je suis fier d’accueillir Safia, Ali, Malek, Noria au sein du Conseil national, à voir les visages, à accueillir des camarades d’une exceptionnelle qualité, j’éprouvais une légitime fierté. Enfin, notre Parti est au rendez-vous de l’avenir. Il est davantage lui-même quand il est en osmose avec celles et ceux qui vivent ici et qu’il a la vocation à défendre et promouvoir, et dont il doit assurer la visibilité et la responsabilité. C’est fait. Mais nous ne sommes pas quitte pour autant.
Il faut aussi être un parti d’initiatives.
Un Parti du mouvement
Un Parti de débat avec les citoyens. De grandes réflexions se posent à nous. Nous ne les traiterons pas seuls :
     La sécurité sociale professionnelle, qui recouvre des aspects aussi différents que la prévention des licenciements, les droits fondamentaux des salariés, le rôle des comités d’entreprises, les reclassements, la formation tout au long de la vie, doit être définie avec les acteurs sociaux. Convenons que, récemment, ce lien s’est distendu. Affirmation hautaine de la primauté du politique de notre côté, revendication farouche de l’autonomie des syndicats. Cette étanchéité est dangereuse pour la réforme. Car, la gauche ne peut changer la société que si elle s’appuie durablement sur une dynamique sociale et citoyenne. Le dialogue est indispensable, la recherche d’approches communes nécessaires, la confrontation même avec les mouvements sociaux utile. La visite de nos amis syndicalistes s’inscrit dans ce cadre : un travail convergeant sans confusion des rôles.
     L’écologie avec toutes les associations concernées (Energies, transports collectifs, eau…) et les élus.
     La laïcité a été évoquée à juste raison plusieurs fois dans notre Congrès. La laïcité est un droit acquis par la société française. Elle fut le fruit d’un combat historique et correspond à un élément essentiel du pacte républicain. Jean Jaurès, déjà, en 1910, dans un débat sur l’éducation, relevait que la question scolaire rejoignait la question sociale. « Laïcité de l’enseignement et progrès social sont deux formules indissociables. Nous n’oublierons ni l’une ni l’autre et, en républicains socialistes, nous lutterons pour tous les deux ». La laïcité est aujourd’hui menacée. Au sein même de l’Europe, à l’occasion de la préparation de la future Constitution ; en France, par des glissements successifs, des accommodements complaisants comme des facilités répétées. Il nous revient, dès à présent, de parler fort, de rappeler les principes essentiels : la France n’est pas une addition de communautés. Ou plutôt, elle n’en connaît qu’une : la communauté nationale. Toutes les religions ont droit à une reconnaissance. Mais, ses formes institutionnelles ne se substituent pas aux représentations des populations concernées. La liberté religieuse est garantie, notamment pour l’exercice de son culte. Mais, elle trouve ses limites. Et l’école laïque ne doit pas accepter des signes distinctifs et encore moins de prosélytisme. Aucun citoyen ne peut être menacé en raison de sa religion et de sa foi. Et nous ne devons tolérer aucun acte de racisme et d’antisémitisme, encore moins dans les manifestations auxquelles nous participons. La laïcité, c’est aussi l’égalité entre les femmes et les hommes. C’est la lutte contre toutes les discriminations.
    Sur toutes ces questions, nous devons être vigilants, fermes mais aussi en réflexion permanente. Je propose donc que soit créée une université permanente du Parti socialiste sur la laïcité. C’est dans ce cadre qu’il faudra mener les consultations utiles pour décider de la nécessité ou non de légiférer sur le foulard et de préciser nos positions sur l’enseignement des religions, sur l’exercice des cultes, dans le respect de la loi de 1905.
    La droite a fait le choix, au-delà des mots qu’elle manipule, du communautarisme, de la complaisance, de la flatterie. Faisons vivre pleinement la laïcité. Non pas parce que nous en serions propriétaires, mais parce qu’elle constitue le fondement même de la République.

Le rassemblement de la gauche

Je l’ai dit, le Congrès de Dijon, pour la première fois de notre histoire, n’est pas un Congrès qui va décider de l’avenir des seuls socialistes. Il va déterminer le sort de toute la gauche.

Notre renouveau est la condition de son redressement et de son rassemblement. C’est la force du Parti socialiste qui, loin d’affaiblir nos partenaires, crée une dynamique qui les entraîne dans l’union.

C’est la ligne du Parti socialiste qui, sans s’imposer à nos alliés, donne la cohérence qui rend l’alternance possible et la volonté de gouverner incontournable.

Prenons conscience, là encore, de nos responsabilités. Réussir notre Congrès, c’est servir notre parti, c’est aussi ouvrir une perspective à l’Unité de la gauche.

La méthode néanmoins doit être différente du passé. Evitons les spéculations à n’en plus finir sur les structures : parti unique, fédération, confédération, la vie finira par fournir le cadre approprié. Il n’y a pas besoin de se marier pour vivre heureux. Et concentrons-nous sur la démarche :
 Union sur un projet
 Projet élaboré collectivement par les citoyens comme par les partis
 Candidatures communes

Je lance un appel au rassemblement de la gauche. Je fais la proposition d’organiser, dès l’automne, des forums de la gauche. Et je souhaite que les partis de la gauche se retrouvent rapidement pour en débattre et évoquer la gravité de la situation sociale.

Préparation des élections de 2004
 Stratégie d’union dès le premier tour. Je respecterai la décision de nos partenaires, mais je sais, depuis le 21 avril, la volonté unitaire de l’électorat de la gauche.
 Pour ce qui nous concerne, désignation par les militants de nos candidats en fonction des compétences et non au résultat des motions.

CONCLUSION

Nous arrivons au terme de notre débat ouvert, il y a maintenant près de dix mois.

Nous avons franchi de nombreuses étapes ; aucune n’était facile :

- Débat militant, toutes les dérives étaient possibles
- Contribution, la multiplicité pouvait conduire à la dispersion, motion : la confrontation a eu lieu, des points de clivage sont apparus. Ce fut notre honneur collectif de les souligner plutôt que de les réduire artificiellement. Et notre Commission des résolutions a pris acte de notre diversité, mais aussi de notre unité. Je remercie la motion B d’avoir montré que l’utopie était compatible avec le réformisme de gauche.

Une majorité claire s’est dégagée. Et heureusement. Qu’aurait été notre Congrès sans cette force et cette stabilité ! Elle impose des devoirs : animation du Parti (cohérence, respect, ouverture, rassemblement). Une ligne a été votée. Elle nous engage tous.

Nous sommes désormais à nos places respectives, au service de notre Parti. Majoritaires, minoritaires, nous avons notre utilité. Nous devons tous être des militants. Nous avons besoin de tous. Dans l’union, la mobilisation, le dialogue, la réflexion. Nous ne sommes pas pressés par les échéances de la présidentielle, nous le sommes davantage par le mouvement social. Nous disposons en notre sein de talents, de personnalités. Je ne m’en plains pas. C’est le contraire qui serait inquiétant. Ce que je sais, c’est que le choix du candidat relèvera, je le rappelle, de la seule décision militante. Il ne sera qu’un élément du succès collectif. En 2002, nous avions le meilleur candidat possible et un bilan honorable. Cela n’a pas suffi. C’est le Parti, son projet, sa force propulsive, son rapport à l’opinion, son enracinement, sa capacité à rassembler la gauche. Et bien, telle est ma mission. C’est mon seul objectif. Ce doit être le vôtre. Je mesure ma propre responsabilité. Et je m’honore d’être candidat à la fonction de Premier secrétaire.

Du Congrès de Dijon, nous sortons plus forts, plus unis, plus déterminés. C’est une mauvaise nouvelle pour la droite, pour le gouvernement Raffarin, pour Jacques Chirac. Ils savent qu’une opposition déterminée, ferme et responsable leur fera obstacle, que le temps des promesses fallacieuses s’achève, que les épreuves s’amoncellent et qu’une alternative se prépare. Le balancier se remet à bouger. Et c’est la démocratie qui revit.

C’est une bonne nouvelle pour les socialistes qui ont fait l’effort du redressement. Pour la gauche, dont nous sommes la force propulsive et pour tous les Français qui, le 21 avril, ont eu de la peine, du chagrin et de la révolte. Qu’ils sachent bien ici, à Dijon, que l’espoir est de nouveau possible. Que nous sommes là, rassemblés, lucides sur le passé, conscients de nos responsabilités présentes, mais confiants dans l’avenir.

Les socialistes, je le vois, je le sais, sont de retour. Différents sans doute. Revenus d’une épreuve terrible, mais porteurs du même idéal au service de leur pays et de l’humanité tout entière, et d’une terrible volonté d’agir. C’est notre message de Dijon.



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