Discours de
François Hollande,
Premier secrétaire,
devant l'université d'été,
le 2 septembre 2001

 


 

Cette université d’été de La Rochelle ressemble apparemment à toutes celles qui l’ont précédée (même cadre, même ambiance, même enthousiasme, même qualité de réflexion) et j’en remercie tous les organisateurs (PS, FNESR, MJS). Elle est pourtant - à bien des égards - particulière, même si nous sommes toujours conscients de ce qui reste à faire et de ce que nous avons accompli. Parce que c’est la dernière de la législature et qu’il nous revient de mesurer et de valoriser l’ampleur du travail accompli ; parce qu’elle se tient presque 8 mois avant l’échéance décisive de 2002 et qu’il convient d’élaborer notre projet. Et enfin inhabituelle, parce qu’elle correspond à une rentrée elle-même particulière avec ses incertitudes économiques, les attentes sociales et l’agitation politique qui accompagne toujours le lancement, parfois trop précoce, trop précipité, des campagnes électorales.

Dans cette période, certains peuvent - de bonne foi - s’interroger. N’est-ce pas un handicap d’exercer la responsabilité, au moment où la réalité et la conjoncture font fi des calendriers politiques et ne serait-il pas plus confortable de se cantonner au seul pouvoir de la parole, même réduit à deux jours ouvrables : le 14 juillet et le 31 décembre ? N’est-ce pas injuste qu’au sein même du pouvoir d’Etat, ce soit toujours vers le Gouvernement que les regards se tournent, les mains se tendent et les doléances s’expriment dès qu’un problème surgit, un événement se produit ou une difficulté se présente, quand celui qui exerce la fonction la plus prestigieuse de l’Etat ne se pose comme seule question, terrible, de savoir où il va passer ses vacances ?

Et bien, je vous le dis chers camarades, cette situation est un honneur et une chance. D’abord parce que c’est le sens même de la politique que d’exercer la responsabilité quand elle nous est confiée; c’est la dignité même d’un Gouvernement que d’assumer la charge du pays et c’est notre conception démocratique que d’être jugé sur nos actes, nos choix, nos décisions et non seulement sur nos discours.

À nous de montrer, comme nous l’avons fait depuis 4 ans, notre capacité à affronter des circonstances imprévues, et il y en a eu beaucoup depuis 97, à maîtriser des problèmes nouveaux, à poursuivre nos priorités. A nous non pas de faire nos preuves - c’est acquis - mais de donner confiance au pays, et de convaincre que la Gauche - par ses réponses - est la mieux à même d’affronter toutes les conjonctures et tous les défis.

Nous devons achever la mission qui nous a été confiée par le peuple, avec la même envie, le même enthousiasme, la même flamme que celle qui nous animait en 1997. Il nous faut donc gouverner jusqu’au dernier souffle de légitimité et en servant la France, nous servons nos idées et notre crédibilité.

Cette situation, je vous l’avoue, est bien préférable à celle du Président de la République. Je ne parle pas des prérogatives de la fonction - elles ont sans doute leurs avantages, mais de son rôle effectif depuis bientôt cinq ans. Responsable de rien, même pas de lui-même, il a revêtu - depuis longtemps déjà - sa tenue de candidat. Candidat ! C’est sa nature, son tempérament, sa vocation, sa raison de vivre ! son métier… sauf pour le statut : Chef de l’Etat, c’est tout de même mieux. Alors, candidat à tout, candidat tout le temps, candidat toujours ; contre son camp parfois, dans ce long parcours contre la Gauche toujours. Candidat pour lui, sans exception. Pour la France, ce serait bien la première fois !

Alors, ne succombons ni à l’envie ni à la commisération. Ces sentiments - d’ailleurs plutôt vils - nous sont étrangers. N’anticipons pas un résultat qui n’est pas joué –dans un sens comme dans l’autre. Refusons l’indécence des partages de poste avant l’heure. Faisons d’abord ce que nous avons à faire, au gouvernement comme dans la vie politique. Et la tâche n’est pas mince.

I – Répondre toujours
aux préoccupations concrètes
des Français


En cette fin d’été 2001, les priorités de nos concitoyens n’ont pas véritablement changé : il s’agit toujours de l’emploi, de la sécurité et de la solidarité. Mais, le contexte économique, social, politique leur donne une acuité particulière ; ce qui exige de notre part une vigilance et une mobilité accrues.

1°/ - L’emploi

La détérioration de la conjoncture internationale sans nous affecter autant que d’autres pays, fait ressurgir la menace du chômage et la réalité des plans sociaux.
Il faut donc agir sur les causes même du ralentissement. C’est ce qu’a fait le Gouvernement en soutenant la demande. C’est le sens des baisses d’impôt et de la prime à l’emploi en 2001 comme en 2002 qui contribueront, par une distribution supplémentaire de pouvoir d’achat, à stimuler la consommation des ménages. Cette politique est adaptée au contexte économique qu’il ne convient ni de dramatiser ni d’édulcorer, mais d’anticiper et de corriger le cas échéant. Si le mouvement s’amplifiait, trouvons avec nos partenaires européens - et notamment les Allemands - les réponses appropriées. Il faut, ensuite, conjurer les effets de cette évolution conjoncturelle. En donnant à la dynamique des 35 heures toute sa force en termes de création d’emplois. Il faut lutter contre les licenciements spéculatifs et en accélérant les programmes de formation, de requalification et de reclassement par rapport aux emplois de demain.

Il faut dire la vérité aux Français sur la situation, mais surtout agissons au plus près et au plus vite de la réalité. C’est plus difficile ; et bien, raison de plus de faire preuve du volontarisme qui a fait notre succès depuis 1997. Cette méthode vaut également dans la lutte contre l’insécurité.

2°/ - La sécurité

Nous connaissons les causes des phénomènes de délinquance : l’urbanisme des années 60 (à propos, qui était au pouvoir à cette époque ?), les oubliés de l’intégration, la misère, le culte de l’argent, la perte de références. Et nos concitoyens, notamment les plus modestes, en mesurent les conséquences dans leur vie quotidienne avec une exaspération qui attise les peurs, les amalgames racistes et les dérives sécuritaires dont la droite s’est faite une spécialité qui n’appelle pas -de notre part- la moindre imitation ou, pire encore, la moindre course démagogique. À ce jeu-là, nous sommes sûrs de perdre. À cet égard, je veux rendre hommage ici à tous les maires de Gauche qui luttent contre la délinquance des mineurs sans faire leur promotion personnelle à travers la publication d’arrêtés aussi scandaleux qu’inutiles et qui utilisent tout simplement les lois existantes pour régler effectivement les problèmes posés.

Dans cette situation, il faut plus que jamais faire preuve de clarté. La clarté, c’est affirmer d’abord le rôle de l’Etat ; c’est une de ses fonctions régaliennes essentielle dans la politique de sûreté en République. Et qu’il ne peut être question de transférer cette responsabilité aux maires et aux élus locaux, au risque d’une inégalité accrue au sein même du pays, voire d’une privatisation de la protection des personnes et des biens. La clarté, c’est mobiliser l’ensemble des forces de sécurité en créant les postes nécessaires, mais aussi en modifiant les modes de travail, de rémunération des personnels et en assurant une couverture effective des territoires, de tous les territoires.

La clarté, c’est d’affirmer que s’il est impérieux d’agir vigoureusement sur la violence sociale, il est indispensable de ne jamais excuser la violence individuelle. Et, c’est le rôle de la sanction, à condition qu’elle soit proportionnée, rapide, effective. Un fait délictueux sans réponse, c’est une habitude déjà prise ; un acte violent toléré, c’est la fatalité de la récidive.

En cette matière, c’est le refus de l’impunité qu’il faut proclamer, mais en ajoutant que cela vaut pour tout le monde, à quelque niveau que l’on se situe et a fortiori au niveau le plus élevé.

La clarté, c’est enfin d’en appeler au nom d’une culture de solidarité et de civisme, à la mobilisation de tous en rappelant le rôle de la famille, de l’éducation, des services publics. Bref, des vecteurs irremplaçables de l’intégration républicaine.

C’est en ce sens que le clivage Gauche / Droite retrouve sa pertinence. Au-delà de la lutte vigoureuse contre l’insécurité, c’est la société violente qu’il faut atteindre, celle produite par un système économique dont la seule valeur est l’argent.

D’où la nécessité de continuer à réduire les inégalités.

3°/ - La Justice sociale

Cette législature aura été exceptionnelle pour la Gauche. Bien sûr, en raison des circonstances de notre arrivée aux responsabilités et d’une cohabitation d’une durée inhabituelle. Mais surtout en raison du rythme de notre action réformatrice. Nous avons toujours su poursuivre sans pause ni tournant notre politique de réformes sociales sur toute la législature : emplois jeunes, 35 heures puis lutte contre les exclusions et CMU, et maintenant congé de paternité, APA (Allocation personnalisée pour l’Autonomie) et bientôt droits des malades.

Ces textes seront votés d’ici 2002 et conduiront à assurer, au-delà de l’amélioration de la vie quotidienne des intéressés, un véritable droit à la dignité pour les familles concernées, au nom de l’autonomie qui doit être l’une des priorités de notre futur projet.

II – Préparer
nos propositions
pour l'avenir

À la veille d’échéances importantes, il importe de préciser l’enjeu de la confrontation qui s’annonce.
     Il ne s’agit pas pour nous d’une lutte sordide pour le pouvoir, les postes ou les honneurs entre des personnes ou entre des familles politiques. C’est sur les idées et les propositions que les différences doivent se faire. Tous les coups n’y sont donc pas permis, même si nous ne pouvons quand même pas être comptables des affaires des autres et responsables des enquêtes ou des juges qui les révèlent. Nous refusons tout amalgame, toute équivalence.

     Il ne s’agit pas d’avantage d’une surenchère de promesses ou de propos sans lendemain : hier la fracture sociale, aujourd’hui la foulure écologique, demain l’entorse démocratique, mais d’une comparaison des bilans et une évaluation des engagements tenus. J’avoue que cet exercice démocratique se révèlera plus cruel pour les uns que pour les autres.

     Il ne s’agit pas non plus de ne s’adresser qu’à certaines catégories de la population, au nom d’intérêts partisans, en oubliant que c’est par une dynamique majoritaire qu’il faut créer et que nul ne doit être exclu du débat démocratique. Et sûrement pas les plus humbles.

     Il ne s’agit pas, enfin, de s’en tenir aux seules considérations nationales, mais d’appréhender à cette occasion les étapes nouvelles à franchir pour la construction européenne et les régulations à organiser au niveau planétaire. Les élections n’intéressent pas que la France.
Bref, il faut faire de l’échéance de 2002 non un scrutin d’artifice comme en 1995, mais une élection de progrès pour le pays comme en 1997, sans la cohabitation en prime.

C’est pourquoi, nos propositions pour l’avenir avec M. Aubry doivent répondre à 4 enjeux :

1. L’enjeu démocratique

Notre République n’a pas rompu avec toutes les traces de l’esprit monarchique et de la raison d’Etat. Elle continue de traiter la France, comme le disait déjà Montalembert au XIXe Siècle, comme une écolière. Elle est encore lointaine et centralisée.

Voilà pourquoi, nous n’en avons pas terminé avec la démocratisation de nos institutions : évolution du statut du Chef de l’Etat, renforcement du Parlement, réforme de la Justice, mais aussi modernisation du Sénat, introduction d’une part de proportionnelle dans le mode de scrutin des législatives, limitation du cumul des mandats et introduction du droit de vote des étrangers non communautaires aux élections locales.

Mais que l’on ne s’y trompe, même victorieux en 2002, les pesanteurs de la majorité du Sénat (malgré le renouvellement de septembre prochain) et les règles de révision constitutionnelle (majorité des 3/5ème) justifieront, j’en suis sûr, un référendum institutionnel le moment venu. Je ne doute pas qu’il sera plus réussi que celui du quinquennat.Parallèlement, il faudra poursuivre le grand mouvement de décentralisation. C’est une idée de Gauche, une volonté de Gauche et une loi de Gauche (même si ce fut une pratique majoritairement de droite). Et, si le mot même est revendiqué par tous, chacun s’en fait une idée différente, pour la droite, la décentralisation est un marché. Et, elle demande pour les collectivités locales ce qu’elle exige pour les entreprises : le retrait de l’Etat ; et que la meilleure gagne !

Pour nous, la décentralisation, c’est d’abord plus de droits pour les citoyens et plus de solidarité entre les territoires : clarté entre les niveaux de responsabilité, transferts de compétence, péréquation, réforme de la fiscalité locale.

Enfin, la démocratie, c’est aussi celle des acteurs sociaux et du citoyen et dans l’entreprise :
     rénovation de la représentativité syndicale
     affirmation du principe majoritaire pour les accords collectifs
     renforcement des droits des salariés et notamment leur présence de leurs représentants dans les conseils d’administration et de surveillance des entreprises.
Pour qu’on ne puisse plus tolérer que les salariés apprennent bien après les actionnaires le sort qui leur est réservé.

2. L’enjeu social

La lutte contre les inégalités demeure notre combat constant. Et ce n’est pas parce que nous avons réalisé tous nos engagements de 1997 que nous en aurions terminé avec cette exigence. Il est parfois cocasse d’entendre certains nous demander si d’avoir réalisé des projets aussi forts que les 35 heures, les emplois jeunes ou la CMU ne nous paraît pas un problème en nous privant de thèmes porteurs pour 2002. Curieuse conception de la démocratie qui voudrait qu’on ne tienne pas nos engagements pour pouvoir les reprendre à l’occasion d’autres échéances !

Et bien, je voudrais ici les rassurer, ce n’est pas parce que nous avons tenu nos engagements que nous avons épuisé notre capital d’imagination face aux aspirations des Français. Et, tant qu’il restera une injustice à corriger, un espoir à donner, un droit à porter, nous n’en aurons pas terminé par rapport cette noble mission.

Aujourd’hui, 3 ambitions nous animent :
     L’éducation sur toute la vie, droit élémentaire à pouvoir se former, se qualifier et accéder au savoir à tout âge de la vie ;
     L’autonomie pour la jeunesse : droit à pouvoir librement son projet de vie ;
     La solidarité intergénérationnelle avec la consolidation des régimes de retraite.

3. L’enjeu de civilisation

C’est le thème de la qualité de la vie. Ce n’est pas un sujet de circonstance lié à la dégradation de notre environnement. C’est un choix philosophique, loin des modes qui peuvent convertir le productiviste le plus impénitent en écologiste le plus zélé aujourd’hui.

Car les problèmes sont multiples : non seulement les dégâts du progrès : l’énergie, le transport - avec leurs conséquences sur le climat, l’air, le bruit et les nuisances de toute nature - mais aussi les dérives dangereuses de la science - si elle n’est pas maîtrisée : alimentation, OGM, clonage et les sciences du vivant.

Voilà pourquoi, les socialistes doivent proposer un modèle de développement conforme à ces nouveaux défis et qui fait appel à des valeurs qui sont au cœur même de notre tradition :
     L’exigence du long terme : c’est-à-dire l’affirmation de la durée par rapport à l’immédiateté et la cécité du marché ;
     La primauté de l’intérêt général qui justifie les choix collectifs face au égoïsmes des intérêts particuliers (Bertrand Delanoé en sait quelque chose à Paris) ;
     L’organisation du temps qui permet aux citoyens d’être d’avantage acteurs de la gestion de son propre environnement ;
     Le renouveau des pratiques démocratiques : transparence, concertation, débat scientifique et éthique.
    Un nouvel art de gouverner se dessine autour de la culture de la responsabilité qui fait tant défaut aujourd’hui et qui doit figurer dans un contrat écologique que nous présenterons aux Français.
Et, c’est cette même logique, ce même modèle de développement -aux antipodes du libéralisme- qu’il faut porter à l’échelle mondiale

4. L’enjeu politique

Il est désormais mondial. La mondialisation du marché induit la nécessité d’une régulation planétaire dans au moins trois domaines :
     L’économie : compte tenu de l’interdépendance des décisions prises dans chaque Etat et du poids des multinationales ;
     L’environnement : au regard de l’inanité des frontières par rapport à la pollution ou aux catastrophes écologiques ;
     Le développement : face à la précarité de la situation de l’Afrique ou aux difficultés des pays émergents.
Dans ce cadre, nous porterons trois projets :
     La lutte contre la spéculation financière : la réforme du SMI, la lutte contre le blanchiment, la mise en cause des centres off-shore en constituent les volets essentiels. Et la taxe Tobin en est un des instruments les plus appropriés, à condition de ne pas en faire qu’un slogan, mais une technique efficace qui - on l’aura compris - ne peut se réduire à un seul pays, mais doit être d’abord porté par les socialistes Français 
     La bataille contre le réchauffement de la planète : il s’agit d’appliquer le protocole de Kyoto et même d’aller au-delà. Ce qui suppose d’affronter directement l’administration américaine de Bush car c’est là que réside le blocage (Mais qui est donc l’ami de Bush en France ?) ;
     L’annulation de la dette des pays pauvres. C’est une décision morale et même économiquement juste si l’on veut redonner des chances aux pays les plus endettés de s’inscrire dans une logique de développement
Ces objectifs supposent :
     Une réforme de l’ONU pour en finir avec les directoires sans légitimité, les G7 et G8 et les clubs de riches qui se réunissent pour rien, sinon pour compter leur argent.
     Une mobilisation de l’Europe. Au-delà de l’euro, c’est son rôle politique qu’il faut affirmer en réformant les institutions et en constituant une avant-garde capable d’aller plus loin dans la prise de décisions communes.
Les sujets de politique étrangère sont des questions de politique intérieure Proche-Orient, Algérie, Afrique… Depuis 1997, nous n’avons pu - compte tenu de la cohabitation - développer toutes nos actions sur ces terrains en toute liberté. Raison de plus pour nous différencier dans ces domaines dans la confrontation politique qui vient.

III – Structurer
le débat politique

Nous avons le rôle majeur de structurer le débat politique. Nous sommes le premier parti de France, la formation centrale de la majorité plurielle, la force motrice du Gouvernement. C’est une situation enviable mais précaire. Nous avons la mémoire longue. Nous connaissons la réversibilité des situations. D’où la nécessité de jouer pleinement notre partition dans la confrontation.

1°/ - Animer notre parti

     Défendre fièrement notre bilan : Il est considérable depuis 1997. Il ne nous appartient pas en propre. Il n’est pas le monopole d’un Premier ministre ou d’un parti. C’est celui de toute la Gauche plurielle. Mais, à nous d’en être les premiers porte-parole. Il constitue un atout pour les échéances futures. Non un miroir renvoyant un contentement déplacé, mais comme un éclairage sur notre ambition intacte de réformes pour l’avenir. C’est un socle de crédibilité pour de nouveaux changements. Nous diffuserons, en novembre, un magazine à plusieurs millions d’exemplaires, sur tout ce qui a été depuis 97 sur la vie quotidienne des Français autour des aspects les plus concrets de nos réalisations durant cette législature.

     Débattre largement de notre projet : et ce dans les sections et les fédérations, à l’occasion des prochains conseils nationaux et du vote final qui interviendra.

     Désigner nos candidates et nos candidats : Je parle ici des élections législatives. Pour la présidentielle, je laisse à chacun et à chacune jusqu’à la fin février - calendrier fixé par le parti - le temps d’y réfléchir et surtout de travailler là où il est. Mais, je ne suis pas particulièrement inquiet pour le moment de n’avoir reçu aucune candidature. En revanche, nous serons vigilants sur deux questions essentielles pour le scrutin législatif :

       L’objectif de parité, avec une première étape à au moins 40 % qu’il faut absolument atteindre et en bonne intelligence avec les fédérations, nous en faisons un seuil minimal ;

       Les accords électoraux avec les partenaires qui nous en feront la demande (Verts et PRG). C’est l’intérêt commun, pas seulement de nos alliés pour être mieux représentés –même si cela compte, mais du Parti socialiste pour mobiliser au-delà de lui, au deuxième tour des prochains scrutins. Il ne s’agit pas d’un renoncement ou d’un abandon : aucun thème, aucune catégorie ne sont livrés en concession à d’autres, y compris à des amis. Mais d’un choix stratégique pour assurer la victoire collective, dont la nôtre.

    Les conditions pour y parvenir sont connues :
     L’accord électoral doit être précédé d’un accord politique sur les objectifs et les propositions que nous porterons ensemble ;
     Chacun doit être raisonnable dans ses prétentions. Il ne sert à rien d’annoncer, même par voie de presse, des chiffres impressionnants et des lieux étranges dont il est déjà certain qu’ils ne correspondent pas à aucune réalité électorale et politique ;
     La négociation doit s’achever à la fin de l’année, c’est-à-dire au moment où nous désignerons nous-mêmes nos candidats et nos candidates. Il n’y aura pas de deuxième chance au lendemain de la présidentielle. Ce n’est pas en six semaines à peine que l’on fait ce que l’on n’a pas été capables de régler en six mois.

2°/ - Faire vivre la Gauche plurielle

C’est une construction politique originale qui a compté - pour beaucoup - dans notre victoire électorale de 1997 et celles qui ont suivi depuis.

La Gauche plurielle affronte néanmoins, avec la préparation des échéances de 2002, un nouveau défi. Parviendrons-nous à assumer la diversité des candidatures, reflet de nos différences, sans mettre en péril la cohérence globale ? Les expressions des uns et des autres à l’occasion de cette rentrée pourraient inquiéter les esprits les plus sensibles. Mais corrigées de leurs variations saisonnières et mises en perspective par rapport à la vigueur des débats internes, elles appellent simplement l’acceptation de règles du jeu garantes de l’identité de chacun et de la victoire de tous.
     La diversité, la différenciation, la distanciation - même positive - ne doivent pas se traduire par la dévalorisation de notre bilan commun, au risque sinon de rendre injustifiable la solidarité gouvernementale et parlementaire dont nous avons tous fait preuve depuis 1997. Pas plus qu’elles ne doivent aboutir à une déconstruction de la Gauche plurielle, alors qu’il n’existe pour chacune de ses composantes, et notamment pour les socialistes mais pas seulement les socialistes, aucune alternative. À quoi sert-il à Robert Hue de nous trouver, au retour de vacances " pâlichons ", ce qui est injuste, si c’est pour mettre en garde ses électeurs contre les plus rouges que lui ? À quoi sert-il aux Verts –qui veulent mûrir sans se flétrir- de flétrir précisément la poitrine de leurs partenaires à la première difficulté ? À quoi sert-il à Jean-Pierre Chevènement de nous faire la leçon à gauche, si c’est d’abord pour s’adresser à l’électorat de droite ?

      Les partis qui la constituent la Gauche plurielle ne représentent pas des fractions du corps électoral, soit en termes de catégories sociales ou de thèmes, qui leur reviendraient de cultiver, sans prise en compte d’une logique majoritaire. Et, dès lors que chacune des formations de la Gauche prétend être une force généraliste et de gouvernement. Ce qui compte n’est pas d’avoir raison tout seul, et encore moins contre tous les autres, mais de convaincre une majorité de Français de nous accorder globalement leur confiance.

     Enfin, la Gauche plurielle n’est pas une configuration figée, une image pieuse devant laquelle il conviendrait de s’incliner, mais une stratégie durable, fondée sur un accord et une méthode dont il convient de renouveler les termes. Nous y sommes prêts et c’est pourquoi je reprends l’idée - pour la législature prochaine - d’un comité permanent de la Gauche plurielle.

Dois-je ajouter que dans la période qui vient, et alors que la droite va faire l’étalage de ses querelles, nous devons veiller à nous respecter mutuellement. C’est l’intérêt de tous et surtout de l’image même de la Gauche et surtout de la politique.

3°/ - Dialoguer avec la société

D’abord avec l’ensemble du mouvement associatif et nous devrons prolonger les rencontres que nous avons multipliées à l’occasion du centenaire de la loi de 1901.

Ensuite avec les ONG et les grands réseaux de mobilisation contre la mondialisation actuelle : la réunion sur l’annulation de la dette des pays pauvre en octobre ; un dialogue avec ATTAC en septembre sur la taxe Tobin. Ces mouvements ont leur logique propre, fondée sur la dynamique citoyenne et sur l’indépendance à l’égard des partis. Ils travaillent depuis longtemps au-delà du slogan. Ils contribuent à leur façon au renouvellement de la politique.

Je n’en dirai pas autant, non pas seulement des groupes violents qui - hélas - parasitent depuis longtemps les grandes manifestations, mais de partis qui - au nom de la pureté révolutionnaire et de l’impureté démagogique - mettent en équivalence la Gauche et la Droite. Au nom de quelle logique faudrait-il, dans la bataille contre mondialisation, abattre un à un les gouvernements - tenants d’une régulation - pour ne plus laisser que les libéraux décider en bonne intelligence du sort du monde avec les multinationales ? Une grande mobilisation, une grande manifestation ne remplacera jamais la plus courte des victoires électorales. Alors, dans l’extrême gauche, je vois l’extrême aujourd’hui, je ne trouve plus la gauche.

4°/ - Combattre la Droite

Nous finirions par l’oublier, tellement elle se cache.
     Elle cache d’abord son bilan : celui de Messieurs Balladur, Juppé et Chirac. Mais comment se vanter d’avoir porté le chômage à plus de 12,5 % de la population active ? Comment se féliciter d’avoir relevé de 2 points la TVA, créé le RDS, voulu vendre Thomson pour un franc symbolique et fait descendre plus de 2 millions de personnes dans la rue à l’occasion d’un plan remettant en cause le principe des retraites ? Oui, mieux vaudrait pour la droite faire oublier tout cela.

    Heureusement qu’Alain Juppé, n’y tenant plus après quatre ans de longue pénitence, a cru possible de réapparaître à la télévision pour répondre à Lionel Jospin. Et qu’a-t-il dit ? Que deux ans sans lui, c’était trop court pour faire ses preuves. Mais il ne tenait qu’à Jacques Chirac qu’il en fasse une de plus ! Et que quatre ans, c’était trop long pour Lionel Jospin. Et nous, que dire alors des sept ans de Jacques Chirac, voire de 12 s’il atteignait son but ! Mais l’essentiel n’est pas là. Il a prodigué ses conseils et, à propos des 35 heures qu’il conteste, il a déclaré qu’il fallait essayer de revaloriser la " valeur travail ", inciter les Français à réfléchir à la " valeur travail ". Et bien, il aurait été mieux inspiré lorsqu’il était lui-même au Gouvernement de revaloriser la " valeur emploi ", car ceux qui respectent le mieux la " valeur travail " sont ceux précisément qui en ont réduit la durée pour que plus d’hommes et de femmes accèdent à la dignité d’exercer un travail.

     Elle cache ensuite ses propositions : que dit-elle de la lutte contre les licenciements boursiers –si ce n’est la création des fonds de pension à la française, de l’avenir de l’hôpital, des transports collectifs et plus largement des services publics ?

    Et, quand elle se laisse aller (sécurité, fiscalité…), c’est la version la plus conservatrice qui l’emporte. La Droite cache sa nature, car elle sait que, sur son programme, elle n’est pas majoritaire dans le pays.

    Et, quand elle ne peut plus rien cacher –ça peut arriver à tout le monde- elle révèle la vacuité de son discours. Ainsi sur la Corse, hier elle lançait une pétition (mais où donc est-elle passée ?) et aujourd’hui elle veut dissoudre l’Assemblée Territoriale Corse, alors même qu’elle en contrôle la majorité. Décidément, la droite n’est pas encore guérie du prurit de la dissolution. Et, de la Corse, elle n’a hérité finalement que du bonapartisme.

     Elle cache enfin ses amitiés : Je ne parle pas de recyclage discret et continu des anciens élus d’extrême droite ou de ceux qui ont fait alliance avec eux, mais de ses amitiés internationales. Bush aux Etats-Unis et Berlusconi en Italie. Alors, Jacques Chirac a beau exprimer à Gênes sa compassion envers les manifestants, il n’en reste pas moins solidaire de Berlusconi qui les matraque.

Il nous revient donc de dévoiler, de débusquer la droite qui avance masquée comme aux municipales, qui dépolitise les enjeux, qui consensualise les thèmes, mais qui en changeant de mots n’a nullement changé de peau, ni de héros.

Et, même fatigués, ils reviennent. Ils étaient, nous dit-on, réunis à Quimper. Tous, c’est-à-dire le trio Juppé, Sarkozy, Seguin. Les trois perdants des dernières consultations (législatives, européennes, municipales). Comme si leurs échecs passés étaient le gage de leur détermination présente. Ils ont chacun une revanche à prendre, non pas pour eux-mêmes - ce serait pourtant nécessaire, mais sur les Français. C’est plus dangereux.

Conclusion

Par rapport à cette manière de faire de la politique, faite de dissimulation, de rouerie et de reniements successifs, c’est aussi un combat moral qu’il faut engager.

Il nous appartient de promouvoir des valeurs, de donner du sens à l’action collective, de défendre l’intérêt général face à la domination de l’argent. Bref, l’enjeu ce n’est pas le pouvoir, c’est l’avenir de la politique et de la démocratie. Nous en sommes ici les garants.

Comme tu le vois, Cher Lionel, nous sommes prêts.
Prêts à soutenir l’action du Gouvernement pour continuer, pendant 8 mois, à réformer le pays ;
Prêts à défendre fièrement notre bilan ;
Prêts à présenter nos idées pour l’avenir en faveur d’une France citoyenne et vivante ;
Prêts, le moment venu cher Lionel, à porter de toutes nos forces notre candidat à la victoire.